Le groupe
Biographie :

Alcest est un projet musical français fondé à Bagnols-sur-Cèze en 2000 et maintenant relocalisé à Paris. Bien qu'Alcest fut au départ un groupe de black metal (la démo "Tristesse Hivernale" (2001) sur laquelle La Sale Famine de Valfunde / Aegnor de Peste Noire fut le guitariste lead et Argoth, ex-Peste Noire, fit la basse), le groupe devint le projet solo du musicien multi-instrumentiste Neige connu aussi pour ses autres groupes Amesoeurs, Mortifera, Phest ou encore Lantlôs et également pour son rôle de batteur session, guitariste intérimaire live dans Peste Noire et Celestia. Le genre musical du projet changea alors au fil des albums, devenant un mélange de shoegaze et de post-rock, avec quelques éléments de black metal. Le premier album longue durée d'Alcest, "Souvenirs D'un Autre Monde" vit le jour en 2007 chez Prophecy Productions. En 2012, Alcest sort son troisième album "Les Voyages De L'Âme" et son premier clip vidéo sur le single "Autre Temps", réalisé par Julien Marie. L'album "Shelter" sort le 17 Janvier 2014. L'album suivant sort le 30 Septembre 2016, il s'appelle "Kodama". L'album "Spiritual Instinct" sort le 25 Octobre 2019 chez Nuclear Blast.

Discographie :

2001 : "Tristesse Hivernale" (Démo)
2005 : "Le Secret" (EP)
2007 : "Souvenirs D'un Autre Monde"
2010 : "Écailles De Lune"
2011 : "Le Secret" (EP)
2012 : "Les Voyages De L'Âme"
2014 : "Shelter"
2016 : "Kodama"
2019 : "Spiritual Instinct"


Les chroniques


"Spiritual Instinct"
Note : 17/20

Si "Shelter" avait fait couler pas mal d'encre, on pouvait se rendre compte assez vite que malgré ses apparences plus pop et accrocheuses, Alcest n'avait absolument pas trahi son identité et que l'on reconnaissait sa patte très vite. "Kodama", qui a suivi, avait confirmé cette évolution dans la continuité en y remettant des ambiances un peu plus sombres et en faisant revenir quelques hurlements dans le tout. Trois ans plus tard, Alcest est de retour et "Spiritual Instinct" risque d'en faire voyager plus d'un une fois de plus.

"Les Jardins De Minuit" ouvre le bal et surprend une fois de plus par ce tempo enlevé à coup de blasts et ses riffs aux réminiscences black metal qui rappellent le passé du groupe avec tout de même le chant clair de Neige parsemé de quelques discrets hurlements. On retrouve directement les mélodies typiques du groupe et cette habilité à mêler la beauté et la tristesse pour donner un ensemble poignant et à la puissance d'évocation non négligeable. On retrouve en tout cas pas mal de sonorités proches du black metal qui sont de retour sur ce nouvel album. Pas de retour en arrière en vue pourtant puisque le groupe réussit à mélanger ses multiples facettes pour amener sa musique à un autre niveau. "Sapphire" se permet une rythmique à coup d'arrangements electro et montre encore une fois qu'Alcest ne se refuse rien et franchit toutes les barrières tout en gardant une cohérence à toute épreuve, un tour de force à saluer ! Les métalleux purs et durs hurleront comme d'habitude devant cette fragilité et cette sensibilité clairement affichées et exprimées sans détour dans un milieu qui fait d'habitude la part belle à l'agression et à la violence musicale. Tant pis pour eux, ils louperont un condensé d'émotions dont profiteront les esprits les plus ouverts. "Spiritual Instinct" réussit à être plus metal d'un côté en ressortant quelques hurlements et des riffs et rythmiques héritées du black par moments et d'un autre côté moins metal via des incursions légèrement électroniques ou pop. Et tout cas, ça tient debout sans problème grâce au fait que le duo sait exactement où il veut aller et que Neige se laisse guider par l'envie de retrouver ou au moins d'évoquer ce fameux monde perdu.

Comme je le disais, le groupe fait fort puisque ce nouvel album réussit à nous surprendre plus d'une fois tout en restant dans ce qu'on peut appeler une évolution naturelle. Tous les éléments habituels d'Alcest sont bien là mais le groupe a réussi à les fusionner, à transcender ses influences et à fondre tout ça en un ensemble touchant et cohérent de bout en bout. La sobriété de la pochette résume bien la démarche du groupe sur cet album. Rien n'a été laissé au hasard et le groupe va à l'essentiel malgré la longueur de certains morceaux sans jamais vouloir épater la galerie ou se donner une image. "L'Île Des Morts", malgré ses neuf minutes, est tout en retenue et même quand le rythme s'accélère, la musique garde ce côté pur et cette sincérité que l'on connaît déjà depuis longtemps chez Alcest. La démarche de Neige peut être mal perçue par certaines personnes et c'est normal, il nous amène une part de rêve et fait preuve d'une honnêteté incontestable à une époque gouvernée par les cyniques et les hypocrites. On peut penser ce que l'on veut de ce qu'il dit à propos du monde qu'il est persuadé d'avoir entrevu mais la sincérité du bonhomme est impossible à mettre en doute quand on prend la peine d'écouter sérieusement ce qu'il fait. On notera aussi le travail sur la production qui montre que là encore le groupe a franchi une étape : le son se fait puissant, clair, ample et en plus de coller parfaitement au style pratiqué, on y entend une chaleur agréable loin des productions en plastique qui pullulent depuis une bonne paire d'années.

Une étape supplémentaire franchie par Alcest qui réunit en quelque sorte ses différents visages sur "Spiritual Instinct" tout en transcendant ses parties pour en créer un tout plus fin et maîtrisé. La personnalité du groupe est toujours aussi reconnaissable et ce nouvel album montre clairement que ce duo en a encore sous le pied. Cela sonnera très cliché puisque l'expression a été utilisée à tort et à travers, mais si un album d'Alcest devait être qualifié d'album de la maturité ce serait celui-ci.


Murderworks
Novembre 2019




"Kodama"
Note : 19/20

Accrochez-vous. Je vais peut-être y aller fort, âmes sensibles s'abstenir. Alcest n'a plus besoin d'être présenté tellement le groupe connaît un succès bien mérité dans nos contrées mais aussi bien à l'étranger. Il est d'ailleurs assez rare de voir un groupe qui, avec ce succès, semble si humble et en phase avec ce qu'il fait. Je parle bien de "groupe" car même si derrière le nom d'Alcest se cache le fameux génie Neige, compositeur et tête pensante, Winterhalter derrière les fûts semble aussi en phase avec les compositions que peut pondre Neige. "Kodama" fait suite au précédent album "Shelter" qui avait divisé les fans. Certains l'ont adoré, d'autres critiqué, et souvent par les fans de "l'âge d'or" du groupe avec l'album "Ecailles De Lune" qui est considéré comme leur chef-d'oeuvre. Etant un grand fan de la première époque, j'avais aussi apprécié l'album "Shelter" dénué du côté metal et qui a permis d'entrevoir un peu plus le côté lumineux d'Alcest.

Néanmoins, même si je n'ai pas encore assez de recul et que je suis excité par la sortie de ce "Kodama" (j'adule autant le groupe que la philosophie de Neige), je le crie haut et fort : "Ecailles De Lune" ne sera plus considéré comme un chef-d'oeuvre à mes yeux, la "faute" au petit dernier. Pour en revenir au nom, "Kodama" fait référence au terme "écho" ainsi que "l'esprit de l'arbre" en japonais, et la pochette est d'ailleurs fortement inspirée du film d'animation japonais Princesse Mononoke de Myazaki. Loin d'être un concept-album sur le film, les références sont néanmoins assez présentes.

On retrouve des titres "longs" et brumeux. "Kodama" ouvre le bal, suivi de "Eclosion", et ce qui saute aux oreilles, ce sont aussi les références musicales avec un gros retour aux sources du groupe, mais avec une production aérée et très pure, proche des groupes indés des années 90. Etant un grand fan des Smashing Pumpkins, on retrouve une touche de ce côté "grunge". Par ailleurs, les screams de Neige sont aussi de retour. Une envie de reconquérir les fans ? Pas vraiment d'après une récente interview. L'ambiance de l'album, l'univers de Myazaki, les récents événements tragiques en France, ainsi qu'une réflexion personnelle, ont probablement donné envie à Neige d'extérioriser tout ça à travers son chant. Certaines gammes aiatiques donnent aussi à l'album un côté traditionnel et surtout elle sont utilisées à bon escient, à tel point qu'un côté post-rock s'en dégage. Vous m'avez perdu dans mes propos ? Probablement, et c'est normal ! Le contraste de cet album est tel qu'on se sent heureux sur certains passages et à d'autres moments moins serein. Et à mon avis, ce nouvel album va m'accompagner très très longtemps, et je m'imagine déjà dehors en train de l'écouter, qu'il pleuve, qu'il vente, dans la brume, par un grand soleil...

Les autres titres, "Je Suis D'ailleurs" et "Oiseaux De Proie", rentrent dans le même "moule" que les deux précédents, tandis que "Untouched", lui, fait partie a priori des chutes de "Shelter" avec une touche plus lumineuse, tandis que l'outro "Onyx" est tout simplement une partie du morceau "Oiseau De Proie" en mode reverse et ralenti, mais aussi instrumental. Et j'irais même jusqu'à dire que c'est le morceau le plus sombre de l'album, il se termine sur une touche ultra glauque qui me laisse sans voix car finalement, on se demande ce qu'Alcest nous réserve pour son futur album.

Alcest, avec "Kodama", a clairement mis la barre haut, et il sera sans aucun doute mon album préféré de l'année. Les riffs complexes, la dualité des voix, l'ambiance lumineuse et sombre, tout y est. Si on me demande de définir ce qu'est un album de contrastes, "Kodama" en est la réponse.

Je tiens à préciser également que le fait d'être parti quelques semaines au Japon le mois dernier contribue peut-être à mieux apprécier l'album et l'ambiance qui s'en dégage. En écoutant "Kodama", j'ai des réminiscences de ce formidable voyage sur cet archipel qui est vraiment un monde à part et pour ça, je ne peux que remercier Neige de me faire rappeler ces moments si agréables avec un album unique, sincère, frais et fabuleux.


Motörbunny
Octobre 2016




"Shelter"
Note : 17,4/20

Alcest est un groupe français créé en l’an de grâce 2000. Evoluant tout d’abord dans une fusion entre le black metal et le shoegaze. Le quatrième et dernier album de nos compatriotes est désormais qualifié de dream-pop. Terme qui lui correspond plutôt bien, nous allons voir pourquoi.

Enregistré en Islande au Sundlaugin Studio (tranquilles les mecs) avec le producteur Birgir Jón Birgisson, l’album "Shelter" rompt avec les racines musicales des membres du groupe. Ici plus de trace du black metal, ni même vraiment du metal en général. J’ai quand même l’impression d’entendre des metalleux faire de la pop, et ça donne une couleur originale. Surtout pour ce qui est de la batterie, car même si la rythmique est moins soutenue et un peu mise en arrière dans le mix, j’entends toujours un batteur de "metal". Où est-ce que je veux en venir ? Nulle part, je donne juste mes impressions, et c’est pour ça que tu me lis alors tâche de ne pas l’oublier et calme le jeu mon grand !

Donc, j’allais parler des morceaux, je peux ? Merci !

L’introduction expose le thème principal du morceau "Opale", qui est lui-même le morceau principal de cet album. Le chant apparaît petit à petit, et des chœurs viennent le soutenir, c’est mignon comme tout. On a l’impression de se réveiller dans un monde onirique et populaire, à vrai dire d’y accoster sur une barque… Et d’ailleurs Neige (le frontman) dédie "Shelter" aux mers, c’est classe hein ? Un clip a été réalisé sur ce single ("Opale", essaie de suivre sérieux) et on y voit deux jeunes tourtereaux se balancer allégrement de la poudre colorée en pleine gueule. L’amour rend fou. Et comme par hasard, nos deux compères débarquent en barque sur une plage. Tout est lié !

Je fais une petite parenthèse psychologique, vous allez voir c’est super intéressant : "Shelter" est le mot anglophone pour "abris". Le monde du rêve nous abrite de la dure réalité et on s’y développe librement, sans pression. Un environnement aqueux dans un rêve peut être relié au souvenir enfoui de notre passage dans le ventre maternel, âge bienheureux où le bébé vit dans la plénitude. Et Neige dit s’inspirer et dédier cet album à la mer… la mer, la mère, la mer ? Sacré Neige, tout cela n’est-il pas délectable ? Réponse : ouais quand même.

Je me ressource donc dans un monde de liberté et de pop. Neige pousse le chant un peu plus loin, il a une belle voix hein ? On se laisser aller à la troisième piste, qui s’appelle "La Nuit Marche Avec Moi". Les guitares dominent le mix et sont travaillées avec beaucoup d’effets (on y retrouve même une pointe de distorsion). Le texte nous parle du poids des années, des choses qui s’effacent, néanmoins "si ton rire reste le même…"… Mais on ne sait pas trop la suite, les paroles sont parfois un peu trop éthérées pour être compréhensibles… Neige nous rassure cependant : "Je n’ai plus peur de ce qui nous arrivera, direction l’océan la nuit", merci maman.

"Voix Sereines" qui suit fait très "musique de film", ou en tout cas des tas d’images me viennent… Des paysages embrumés, des herbes folles et du sable, moi, courant tout nu et en riant… Bref. Et j’ai l’impression qu’il y a là des invitées, comme par exemple les musiciennes du groupe Islandais Amiina. Enfin je dis ça d’oreille, mais ça s’entend non ? Des mélodies pleines d’émotion sont projetées vers le haut ("Vers le haut de quoi ? Ta gueule"), grâce au soutien des guitares distordues. Des sonorités ambiantes s’y mêlent et forment donc cet univers musical dans lequel Alcest évolue grâce à leurs mamans.

La suite des morceaux se fait dans une bonne continuité même si les sonorités ont tendance à se ressembler… Le chant reste le même tout au long de l’album, plus de chant crié qui donnait une couleur "black" à l’ensemble. Je respecte le choix des musiciens, et j’ai essayé d’écrire cette chronique sans jouer la carte du "c’était mieux avant". Même si c’est parfois dur de voir un groupe qui nous est cher changer, il faut l’accepter. Donc ma reproche serait plutôt sur le manque de "risque", car Alcest applique un enchaînement qui marche : arpèges, échos, mélodie de guitares avec chorus, chœurs naissant et hop la batterie apparaît au loin. Le seul risque pris se trouve dans l’utilisation d’un "tambourin" sur la piste "L’Eveil Des Muses" il me semble, mais il s’agit là d’un sacré risque… ! Je fais mon chaud, mais attention, je ne veux pas gazer (lol) car les mélodies restent très belles et tout et tout : le morceau éponyme "Shelter" est une perle de grâce.

Puis Neil Halstead vient poser son flot anglophone sur le morceau "Away", ce qui m’a fait très bizarre au début mais rajoute une note de couleur supplémentaire et vient faire une légère fissure à ma critique du ton unique (sans pour autant la briser complétement, car il s’agit d’un morceau assez isolé et je regrette qu’un véritable duo ne se soit fait).

Le dernier morceau porte le nom de "Délivrance" et même si le chorus est d’une pureté époustouflante, il ne m’a pas plus marqué que ça. Mais plutôt que de dire en cette fin de chronique que c’est parce que les morceaux se ressemblent tellement qu’il est dur de rester attentif, je dirai que l’album mérite une écoute plus profonde et plus allongée dans le temps. Surtout pour un auditeur comme moi, j’ai mis 6 mois avant de pouvoir "entendre" le dernier album de Gojira. Et je rajouterai que j’ai l’impression d’avoir entre les mains un album de "transition" musicale pour le groupe.

Les points forts : sincérité, créativité, beauté, immersion, ouverture (pour le public aussi), psychologie, humour.
Les points moins forts : manque de changement de ton entre les morceaux (si quelqu’un sait comment exprimer cette idée en moins de mots, qu’il m’écrive un mail), perte du black metal, poudre colorée dans la gueule, légèrement "évasif" mais bon mais quand même.


Léo
Janvier 2014


Conclusion
Le site officiel : www.alcest-music.com