"Damnum"
Note : 19/20
Rien ne peut arrêter Allegaeon. Après cinq albums d’un mélange entre death mélodique et
technique, le groupe créé en 2006 sous le nom d’Allegiance par Greg Burgess (guitare,
Nuclear Power Trio) et complété aujourd’hui par Michael Stancel (guitare, Harboured),
Riley McShane (chant, Continuum, Virulent Depravity, ex-Pathology), Brandon Michael
(basse, Harboured) et Jeff Saltzman (batterie, Aversed, Unflesh, ex-Solium Fatalis) nous
dévoile "Damnum".
"Bastards Of The Earth" ouvre cet album avec une introduction mélancolique qui accélère
rapidement pour nous projeter sur une rythmique explosive. Les riffs efficaces se mêlent aux
hurlements dévastateurs, qui laissent parfois place à des leads enragés, mais également à
une partie extrêmement surprenante en chant clair. Les cris reviennent avant que la
majestueuse "Of Beasts And Worms" ne vienne nous frapper avec toute sa puissance, que ce
soit sur la douce introduction, les couplets bruts ou les refrains au double chant intense. La
déferlante laisse place à "Into Embers" et ses leads entêtants qui nous mènent sur un
véritable mur de puissance brute mais mélodieuse. Le chant clair apporte cette touche de
quiétude avant que le son ne s’enflamme à nouveau, puis "To Carry My Grief Through Torpor And Silence" vient dévoiler des tonalités pesantes. La rythmique a beau être violente, on sent
qu’elle est plus sombre, et les expérimentations vocales viscérales vont également dans ce
sens, alors que "Vermin" se montre très entraînante. Les parties techniques participent à ce
groove motivant qui semble ne jamais s’apaiser, même lors des leads, puis la longue "Called
Home" vient dévoiler un moment de quiétude avant de nous faire progresser jusqu’à la
rythmique furieuse. La lourdeur des influences prog dévoile des parties vocales inattendues,
mais la complexité de l’instrumentale n’hésite jamais à retourner dans la violence, tout
comme "Blight" qui semble revenir à un son plus brut et dissonant.
Rapidité et puissance se
mêlent tout en conservant les influences mélodieuses, que ce soit dans les leads ou dans la
base accrocheuse, puis le groupe nous autorise une pause avec "The Dopamine Void, Pt. I",
une courte composition qui laisse le groupe construire un son entraînant et aérien avant que
"The Dopamine Void, Pt. II" ne renoue avec la violence. Le titre laisse chaque musicien nous
dévoiler ses capacités, que ce soit sur la charge commune ou dans des parties qui les met
tour à tour en avant, puis le final nous écrase et laisse la place à "Saturnine", une composition
majestueuse et entêtante. La rythmique groovy se charge de nous matraquer avant de
laisser ces parties lead d’anthologie régner sur le titre, puis le chant refait surface, nous
accompagnant jusqu’à "In Mourning", un court et très calme titre instrumental. L’album prend
fin avec "Only Loss", une composition majestueuse et lancinante. Si l’introduction place les
bases de la lourdeur, la rythmique nous projettera au sol pour nous rouer de coups pendant
que le vocaliste nous offre l’une de ses meilleures performances, que ce soit en chant clair
ou saturé.
Allegaeon s’est très clairement surpassé. Avec "Damnum", le groupe nous montre que leur
furieux mélange de technicité et de mélodicité a encore de beaux jours devant lui, tout en
osant des parties dévastatrices, majestueuses ou une diversité vocale incroyable. Tout
simplement un coup de maître.
"Proponent For Sentience"
Note : 18/20
Allegaeon revient sur le devant de la scène avec "Apoptosis", son cinquième album. Fondé
en 2008 aux Etats-Unis par Greg Burgess (guitare, Cryogen, Organosyde,
WretchedPain), le line-up du groupe a connu d’importants changements, ce qui fait que le
guitariste n’est plus que le seul fondateur. On retrouve donc à la batterie Brandon Park
(ex- Suffer The Wrath), à la deuxième guitare Michael Stancel (Artemesis), au chant Riley
McShane (Continuum, Son Of Aurelius, ex-Smaragos, ex-Inanimate Existence,
ex-Pathology, ex-Darkness Enthralled) et à la basse Brandon Michael. Attendu depuis
trois ans, ce nouvel album a pour but de repousser les limites du son du groupe, et c’est ce
que nous allons découvrir maintenant.
On commence avec "Parthenogenesis", un titre instrumental qui pose les bases : ça joue vite,
le son est lourd, très technique, mais met également en avant une mélodicité poussée à
l’extrême. Le titre s’enchaîne automatiquement avec "Interphase // Meiosis", qui utilise pour la
première fois de l’album les capacités vocales de Riley McShane. Et cet homme est un
véritable monstre, capable de pousser un growl caverneux comme un scream puissant,
avec cependant une diction assez claire. Quant à la partie instrumentale, elle reste dans la
lignée du premier morceau, avec une certaine virtuosité dans la composition. Tous les
instruments sont mis à contribution pour créer cette rythmique dantesque, et ce n’est pas
prêt de s’arrêter avec "Extremophiles (B)". Un peu plus groovy, ce morceau exploite
pleinement les capacités du bassiste, alors que le chant est également beaucoup plus lourd
que d’habitude. Si la vitesse reste impressionnante, la composition ne s’axe pas
spécialement dessus. Et à la surprise générale, c’est une superbe voix claire qui s’ajoute au
mélange, déjà très riche !
Le groupe continue de nous matraquer avec "The Secular Age", une nouvelle composition
imposante et qui va en faire headbanguer plus d’un. Sans s’accorder une seule seconde de
répit, le groupe enchaîne les riffs, dont certains assez planants, et se permet même de
doubler la voix du chanteur sur certains passages, afin de rendre la composition plus
violente encore. On repart dans une rythmique bourrée d’harmoniques avec "Exothermic
Chemical Combustion", un titre très efficace et au son parfois dissonant mais qui reste dans
cet univers mélodique lourd, tout comme "Extremophiles (A)", qui débute par un sample au
son très moderne. Plus lent, mais tout autant chiadé, le morceau est également parcouru
d’un sample planant qui s’insère parfaitement dans le son du groupe. La recette est la même
sur "Metaphobia", bien que le cran soit plutôt mis sur la violence pure et dure, parfois
sublimée par un sample saccadé, et ce sont les harmoniques tranchantes et les influences
brutal death qui flirtent avec le grindcore qui priment.
Après la quiétude finale, on débarque immédiatement sur "Tsunami And Submergence".
Plutôt long, ce morceau est introduit par un sample qui amène un riff technique et prenant
ainsi que des passages très dissonants. Le chant n’intervient que bien plus tard, et est
encore une fois très diversifié, alors que "Colors Of The Currents" est une courte
instrumentale planante. La guitare s’en donne à coeur joie pour nous offrir un petit moment
de répit avant de nous envoyer la déjà culte "Stellar Tidal Disruption". Connue des fans depuis
un moment, le groupe semble s’être réellement dépassé pour cette composition. Mêlant
rapidité, riffs inspirés et hurlements bestiaux, ce morceau a tout pour plaire et représente
parfaitement ce que le groupe est devenu : une machine de guerre. Et c’est d’ailleurs le
dernier morceau qui va le prouver aux réfractaires en dix minutes. Si l’introduction est toute
douce, ne vous y fiez pas, car la puissance d’Allegaeon va vite revenir à grands coups de
rythmique martiale qui mise sur le potentiel des musiciens à chaque instant.
Lorsque j’ai découvert Allegaeon il y a quelques années, j’ai tout de suite été surpris par
leur puissance, et "Apoptosis" n’échappe pas à la règle. Le groupe a évolué, les changements
de line-up, volontaires ou non, ont forgé l’âme de la formation. Et c’est grâce à cette
expérience de plus de dix années que le groupe compose des morceaux aussi intéressants.
Rendez-vous au Hellfest !
"Proponent For Sentience"
Note : 18/20
Le death metal technique peut parfois sembler être un pari risqué. En effet, qui dit technique ne veut pas nécessairement dire originalité ou diversité. Bien souvent, malheureusement, plusieurs groupes du genre tombent dans le même piège et proposent des albums beaucoup trop longs qui semblent n’être que la même chanson en mode répétition durant 60 minutes.
Allegaeon, groupe de death technique de Fort Collins, Colorado, évite le piège avec brio. En effet, dès les premières notes faisant suite à l’introduction orchestrale de "Proponent For Sentience I – The Conception", l’auditeur est rapidement attaqué par des riffs acérés de guitare ainsi qu’une batterie qui, décidément, ne fera aucun quartier et le coup de grâce est donné par la puissante voix de Riley McShane, qui signe d’ailleurs ici sa première performance avec le groupe.
Allegaeon, en plus de faire dans le metal technique, ajoute un défi de plus dans la balance en proposant un album concept, sur un futur pas si vraiment distant, sur les effets néfastes ou négatifs de la robotique, de la technologie et du sort de l’humanité au travers de ce "melting pot". Je ne suis jamais vraiment très bon pour saisir toutes les subtilités des albums concept, alors je laisse le soin aux auditeurs d’en tirer leur propre conclusion.
La diversité est au rendez-vous dans ce "Proponent For Sentience". Des riffs à la Nevermore, aux solos furieux tributaires du fin travail d’orfèvre de Michael Amott d’Arch Enemy, les membres d’Allegaeon se sont clairement afférés à peaufiner et fignoler avec la patience d’un horloger chacune des minutes qui composent ce "Proponent For Sentience" N’ayant que quelque secondes pour reprendre notre souffle avec l’introduction glorieuse à la guitare classique résolument hispanique de "Grey Matter Mechanics – Appasonata Ex Machinea", McShane relance les hostilités, s’accompagnant lui-même dans un duo de cri démoniaque préparant au pire. La basse est d’ailleurs sublime dans ce morceau, Corey Archuleta faisant de lui-même un parfait petit DiGiorgio. Ce n’est qu’au retour de la guitare classique en conclusion de la pièce que l’on parvient à peine à réaliser ce qui c’est réellement passé.
Le groupe se paye en fin d’album deux petits plaisirs. Le premier, et remercions Dave Otero (Cattle Decapitation, Cephalic Carnage) qui, mentionnons-le au passage, a fait un travail colossal au niveau de la production, a convaincu le groupe de recruter Bjorn "Speed" Strid (Soilwork) pour pousser la chansonnette sur le dernier morceau de l’album. Et en clôture, le groupe s’est payé une petite reprise toute en finesse, rendant hommage à Rush avec "Subdivision". Le tout est fait avec un respect clair pour le groupe, McShane y allant même d’un chant clair fort appréciable.
Gardez en tête le nom d’Allegaeon et de "Proponent For Sentience", car ce quatrième album du groupe, sans souhaiter tout de suite qu’il soit l'apothéose des Américains, pourrait bien marquer leur carrière à tout jamais.
"Elements Of The Infinite"
Note : 19/20
Loin des grands groupes œuvrant dans le même style, comme Arch Enemy entre autres, il existe plein de formations qui, elles aussi, ont de l'énergie à revendre. Encore méconnu en France, Allegaeon fait partie de ceux-là, et OH PUT*** QUE C'EST BON ! Désolé pour cet écart de langage, mais c'est vraiment l'expression de ce que j'ai ressenti en écoutant leur nouvel album "Elements Of The Infinite"… J'avais découvert le groupe avec leur deuxième album "Formshifter", et ma bonne impression de l'époque se confirme aujourd'hui. Encore plus évolué, mieux construit, cet album sera celui-qui offrira à Allegaeon le statut qu'il mérite !
Pour une fois, je ne dirais pas que l'intro est inutile. Acoustique, elle reprend le travail qui a commencé à la vue de la pochette et termine de placer l'auditeur dans une atmosphère apocalyptique. Elle permet aussi de prouver les talents techniques des différents musiciens. Puis le groupe lâche les rennes ! Le chant d'Ezra Haynes vient nous tirer de notre torpeur naissante, soutenu par une partie musicale forte en maîtrise, en technique et en mélodie. Là où de nombreux groupes se plantent en voulant en faire trop, Allegaeon a réussi à mêler ces ingrédients en conservant un équilibre parfait. Le duo de guitares jongle à merveille avec les riffs, d'un côté lourds et écrasants, de l'autre plus légers et épiques. Il excelle également dans les solos qui viennent de-ci, de-là amener une touche heavy / speed aux compos du groupe.
La partie rythmique n'est pas en reste. Le batteur amène les différents tempos de chaque titre, passant des parties lentes aux parties rapides (voire plus que rapides) sans aucun temps mort. Avec les lignes de basse, l'ensemble est homogène, ce qui ne gâche en rien le plaisir des oreilles. Souvent décrié pour son manque d'originalité, le chant d'Ezra est loin d'être mauvais ! Au contraire, il arrive lui aussi à passer par différentes phases sans faillir. Je retrouve même dans son guttural death quelques pointes de black metal, mais aussi de heavy sur les parties plus "calmes". Alors je dis "non" aux détracteurs ! Le chant n'est pas un point faible chez Allegaeon ! Il fait partie intégrante de l'originalité des morceaux du groupe.
Alors oui, j'ai été plus que séduit par cet album. Parmi les nombreux que j'ai écoutés cette année, il fait indéniablement partie des meilleurs. Si vous ne connaissez pas encore Allegaeon, il est grand temps de découvrir ce groupe !