Le groupe
Biographie :

Depuis l’an de grâce 2007, Barabbas prodigue réconfort moral, paix de l’esprit et acouphènes irréversibles aux brebis métalliques égarées qui poussent les portes de son Eglise Sonique du Saint Riff Rédempteur. Apôtre d’un doom d’obédience traditionaliste (Black Sabbath, Saint-Vitus et Cathedral pour Sainte Trinité), la congrégation francilienne a pris le temps de personnaliser son catéchisme avant de prêcher en concert (et parfois, dans le désert…) et de concocter sa première hostie plombée : 33,33 minutes de cantiques monolithiques pour racheter les péchés de la nouvelle chanson française et retrouver l’innocence originelle d’Adam et Eve headbanguant dans le jardin d’Eden. Barabbas pardonne à ceux qui sont offensés par la lourdeur pataude de sa musique, sa répétitivité bornée, son refus frontal de la subtilité. Comme l’a sagement déclaré Saint Rodolphe, le chanteur : "La musique de Barabbas est peut-être ennuyeuse à écouter, mais elle est encore plus pénible à jouer".

Discographie :

2011 : "Libérez Barabbas !" (EP)
2014 : "Messe Pour Un Chien"
2022 : "La Mort Appelle Tous Les Vivants"


Les chroniques


"La Mort Appelle Tous Les Vivants"
Note : 18/20

Ne soyez pas triste, Barabbas est de retour. Créé en 2007 en France, le groupe composé de Saint Rodolphe (chant), Saint Stéphane (guitare), Saint Jean-Christophe (batterie), Saint Thomas (guitare, Northwinds) et Saint Alexandre (basse), dont le nom est inspiré par un personnage des Évangiles, annonce huit ans après son prédécesseur la sortie de "La Mort Appelle Tous Les Vivants", son deuxième album, chez Sleeping Church Records.

L’album débute avec "La Mort Appelle Tous Les Vivants", une courte mais très inquiétante introduction qui nous lâche brutalement sur "Je Suis Mort Depuis Bien Longtemps", une composition infusée aux racines old school du stoner / doom qui laisse le chant éraillé en français nous envoûter en compagnie des leads mystérieux. On ressent à la fois la noirceur et la quiétude du morceau sur ce titre pesant et maussade dont la rythmique entêtante nous mène à la plus énergique "Le Saint Riff Rédempteur" et ses tonalités épiques. Quelques choeurs accompagnent cette voix lancinante et parfois menaçante qui crée un contraste hypnotique avec les sonorités grasses qui savent également se montrer majestueuses sur ce final qui nous mène à "De La Viande", un titre nettement plus brut et agressif. L’atmosphère de ce morceau est très clairement oppressante, tout comme lorsque le groupe le joue en live, multipliant les références religieuses avant la mélancolique "Le Cimetière Des Rêves Brisés".

Les tonalités plus douces rendent le morceau assez accessible, créant une sorte d’alchimie entre la lenteur lancinante, les mélodies dissonantes et le chant envoûtant qui appelle naturellement les sonorités déchirantes avant que "Sous Le Signe Du Néant" ne propose des éléments plus lourds et bruts pour alimenter sa marche martiale sombre et saccadée. On retrouvera également un sample étrange, quelques parties vocales saturées et une certaine fureur, qui laisseront place à "Mon Crâne Est Une Crypte (Et J'y Suis Emmuré)", un titre qui pioche dans le funeral doom pour laisser ses harmoniques planer sous cette complainte. Le vocaliste nous offrira une performance assez diversifiée qui nous enveloppe aisément sous sa noirceur, avant de laisser "La Valse Funèbre" nous envoûter dans sa danse macabre complétée par des choeurs inquiétants. Le son lent devient véritablement malsain avec ces paroles enchanteresses et les effets ajoutés qui offrent aux harmoniques dissonantes une liberté totale avant que "La Mort Appelle Tous Les Vivants" ne vienne refermer l’album avec des sonorités occultes et mystiques qui ralentissent peu à peu pour nous laisser sortir de cet univers macabre.

J’avais déjà vu Barabbas sur scène, et je connaissais également leur son. Mais avec "La Mort Appelle Tous Les Vivants", le groupe s’est définitivement amélioré, proposant un stoner / doom aux influences diversifiées et mystiques qui lui sied à merveille, donnant au son une touche macabre mais épique.


Matthieu
Décembre 2022




"Messe Pour Un Chien"
Note : 17,5/20

L’Humanité est condamnée, notre fin est imminente. Le Jugement Dernier approche et aucune âme ne sera épargnée. Les grandes religions ont échoué à apporter la Lumière aux peuples de cette Terre. Mais une nouvelle secte a fait son apparition, et avec elle, l’Humanité survivra… Ou pas… Entrez donc dans l’Eglise de Saint Barabbas. N’ayez crainte, pauvres hères. Les saints patrons de l’église de la malédiction musicale sauront protéger leur paroisse avec dévotion, à vous de reconnaitre votre Saint: Saint Rodolphe: la Voix des Anges - Saint Stéphane: les Accords du Diable - Saint Jérôme: les Bas Instincts - Saint Jean-Christophe: les Tambours du Sabbat. C’est en l’an de grâce 2007 que la révélation se manifeste aux esprits des quatre moines franciliens, et si leur première communion ("Barabbas" en 2011) n’avait pas trouvé le chemin de mon âme esseulée, c’est désormais chose faite avec "Messe Pour Un Chien". Musicalement, la congrégation Barabbas se réclame de ce qu’elle nomme elle-même la Sainte-Trinité : Black Sabbath, Saint Vitus, Cathedral. Amen ! Nos quatre saints vont prêcher la bonne parole du Rock des Ténèbres à l’aide de riffs antédiluviens et macabres à souhait. Du heavy / doom ultra-puissant qui fricotte par moments avec un stoner misérable et suintant. Si effectivement, les membres de la religieuse formation ont su trouver la foi dans les Saintes Ecritures rédigées par Saint Iommi ou Saint Jennings, "Messe Pour Un Chien" est bel bien l’Evangile selon Barabbas. Si les fondamentaux sont présents (ça riffe et vénère BS comme un taliban vénère Allah), le style de Barabbas est bien présent. Les influences rodent derrière telles des âmes n’ayant pu trouver le salut, mais il y a une marque personnelle, un petit côté rock’n’roll, un autre stoner, avec un rien de Celtic Frost… bref, un riffing incisif et des mélodies pernicieuses se faufilant sous la boite crânienne, mais avec classe.

Le cantique introductif "La Malédiction De Sainte Sélène" joue parfaitement son rôle et installe une ambiance plombée, saturée (Cathedral est un nom s’imposant directement à notre esprit, où, pour rester sur le sol français, Father Merrin, avec qui ils ont déjà partagés la scène) et annonce le contenu théologique, remanié et réapproprié, de cette seconde eucharistie. Et la cérémonie peut commencer. "Le Couteau Ou L’Abîme" est aussi lourd que la croix du supplice. Les litanies macabres criées par la guitare et la basse sont d’une puissance et d’une lourdeur infernales. Que les rythmiques soient désolées et roboratives ou bien tabassent la gueule comme les coups de fouets de la Passion déchirent la chair du Christ, elles sont monstrueuses. Et ces guitares leads rampantes et menaçantes à réveiller Belzébuth…

Mais ce qui place l’album au rang d’excellence auditive, c’est Saint Rodolphe, qui fait reposer tout le disque sur ses épaules. Sa voix, aux tons graves et à la déclamation solennelle, véhicule une variété impressionnante d’émotions, et sait mettre le ton approprié à chaque passage. Autre atout, le chant est exclusivement en français, ce que, malheureusement, certains percevront comme le défaut majeur (je ne parviendrai jamais à comprendre pourquoi tant de metalheads français sont horripilés par leur langue maternelle chantée dans un contexte métallique…). Mais ces hérétiques devraient malgré tout laisser sa chance à ce chant car les paroles sont très bien écrites ; le mode d’expression de Rodolphe est très intéressant et prouve qu’avec des textes réfléchis et indigents, ont peu obtenir de très belles choses. Les textes sont plus profonds qu’ils n’y paraissent et content, sous l’apparat religieux, des histoires humaines personnelles. La fibre démoniaque propre au metal n’est pas absente pour autant, la langue de Molière rajoute même, dans ce cas, une saveur supplémentaire à la musique. De cette écriture très personnelle, une certaine poésie fantasque en émane, rappelant ainsi l’œuvre de Christian Décamps au sein d’Ange (pour rester dans le sacré, tiens…), notamment sur le titre "Judas Est Une Femme", impression renforcée par la prestation de Rodolphe, très théâtrale et empreinte de sensualité ("Le Couteau Ou L’Abîme").

Mais Barabbas peut montrer un visage plus dur sur des agressions métalliques purement Heavy comme "Priez", au riff emprunté au "Sabbath Bloody Sabbath" de qui-vous-savez et au très bon solo, et "Moi, Le Mâle Omega", où Rodolphe se fait frondeur et blasphémateur, chantant entre Reuno (Lofofora), LG Petrov (Entombed) et Lee Dorrian de Cathedral (non, non, je n’ai pas fumé de l’Hostie…). Le groupe y développe un côté très Motörheadien, urgent et sale.  "La Beauté Du Diable", énorme morceau brutal (cassage de nuque en règle !) et "Le Sabbat Dans La Cathédral" (à se demander s'ils l’ont fait exprès sur ce coup !) montrent la tendance plus stoner du groupe. Enfin, le cantique final, éponyme, dévoile la facette la plus calme des prêtres du doom, au cours d’un titre long et dépouillé, présentant une dernière fois un témoignage de la misère humaine.

Avec Conviction, qui vient tout juste de sortir sa première et impressionnante démo, certes dans un registre quelque peu différent (doom old-school mélancolique et tourmenté, là où Barabbas déchaîne les enfers), nous tenons avec cette "Messe Pour Un Chien" la sortie doom française immanquable de l’année 2014. Un chef d’œuvre à la personnalité affirmée qui sera surement cité à l’avenir, dans les référendums et autres conversations de bars, comme une pierre angulaire du doom metal hexagonal.

"Depuis l’an de grâce 2007, Barabbas prodigue réconfort moral, paix de l’esprit et acouphènes irréversibles aux brebis métalliques égarées qui poussent les portes de son Eglise Sonique du Saint Riff Rédempteur" disait la bio accompagnant ce promo. Eh bien, le Saint Riff Rédempteur a converti une nouvelle âme, et que ça fait du bien ! Nom d’un chien !


Man Of Shadows
Janvier 2015


Conclusion
L'interview : Saint Rodolphe

Le site officiel : www.facebook.com/barabassaintriff