Le groupe
Biographie :

Clouds est un groupe de death / doom metal atmosphérique international formé en 2013 et actuellement composé de : Alex Gheorghe (guitare / Daius, Machiavellian God, ex-An Theos, ex-Dark Fusion, ex-Kamen), Mihai Dinuta (guitare / See also: Daius, Machiavellian God, Mourners, ex-Gothic), Daniel Neagoe (chant, instruments / Bereft Of Light, Colosus, Cursed Cemetery, Daius, Eye Of Solitude, God Eat God, Mourners, Obseqvies, Ustkara Ghost, ex-Deos, ex-Fogland, ex-My Shadow, ex-Vaer, ex-Aeonian Sorrow, ex-Aphonic Threnody, ex-Ennui, ex-Genune, ex-Gothic, ex-Mistralth, ex-Pantheist, ex-Pathogenic Virulence, ex-Shape Of Despair, ex-Sidious, ex-Tableau Mort, ex-Unfathomable Ruination, ex-Tiarra), Andrei Oltean (flûte / Daius, Lochrian Poem, Prohod, Shades Ov Sha'arimrath, Solomonar, E-an-na, My Backyard Telescope, Prometheic, ex-WarChant), Casian (batterie) et Corina Gheorghe (violon / ex-Tiarra). Clouds sort premier album, "Doliu", en Mai 2014 chez Domestic Genocide Records, suivi de "Departe" en autoproduction en Novembre 2016, de "Dor" en Novembre 2018, de "Dor II" en Avril 2019, de "Durere" en Avril 2020, et de "Despărțire" en Décembre 2021 chez Personal Records.

Discographie :

2014 : "Doliu"
2016 : "Departe"
2017 : "Destin" (EP)
2018 : "Dor"
2019 : "Dor II"
2020 : "Durere"
2021 : "Despărțire"


Les chroniques


"Despărțire"
Note : 18/20

La peine et le deuil sont des thèmes récurrents dans la musique metal et notamment dans le doom et le black metal. Ici, c’est du premier genre dont il est question, et si cette musique est propice à aborder ce genre de sujet avec ses ambiances pesantes, il n’est pas forcément aisé d’aborder le sujet de la mélancolie et ajouter quelques notes de piano en début de morceau n’est pas suffisant. Fort heureusement, Clouds va chercher plus loin que ça pour la musique, et si le piano est bien présent il est accompagné de beaucoup d’autres instruments mais également de chants divers et variés.

Et c’est donc en 2021 que la formation internationale partagée entre la Roumanie et le Royaume-Uni du nom de Clouds nous délivre son dernier album en date "Despărțire" (à ne pas confondre avec leur album "Departe" sorti quelques années plus tôt, qui est également très bon) qui vient faire suite à l’excellent "Durere". Sans vraiment changer la recette, la formation parvient à nous délivrer un doom metal atmosphérique qui tend parfois vers le funeral doom notamment à travers un chant growlé extrêmement caverneux et qui vient résonner au plus profond de notre âme. Cependant loin de la lourdeur extrême et écrasante du funeral doom, Clouds nous sert ici une musique avec un contraste déconcertant, mettant en résonnance la puissance écrasante d’instruments joués lentement avec un violon très aérien et mélancolique. Et c’est ce qui fait toute la puissance de ce groupe depuis ses débuts, cette capacité à évoquer la solitude et la mélancolie avec ce violon, tout en nous broyant littéralement avec une batterie et une guitare d’une lourdeur typique du doom metal.

L’album voit d’ailleurs apparaître un assez grand nombre d’invités, notamment au chant, avec Mick Moss, connu pour son projet solo Antimatter qui vient poser sa voix sur "This Heart, A Coffin", venant apporter une diversité dans les fréquences de voix, la sienne étant un peu plus tremblante, elle participe à un magnifique chœur qui vient prendre au tripes, mélangeant ainsi le chant clair habituel du groupe avec cette fois pleine de peine, qui semble presque difficile à sortir. On retrouvera ensuite le vocaliste de la formation de doom gothique My Dying Bride qui vient chanter dans "In Both Our Worlds The Pain Is Real", une fois de plus en chant clair, venant apporter une diversité dans les fréquences de voix, la sienne étant un peu plus aigüe et participant lui aussi à un chœur qui vient mettre les deux voix en fusion. Finalement, on a également le chanteur du groupe Abigail qui officie sur le morceau "This Door We Never Opened" qui vient chanter sur une instrumentation très minimaliste composée par un piano et une guitare sèche uniquement au début du morceau, puis qui viendra s’étoffer par la suite pour voir arriver le chant guttural au moment de l’explosion instrumentale qui voit arriver les instruments plus habituels avec le fameux combo guitare, basse, batterie, mais vient également accueillir le violon pour créer cette dissonance qui caractérise si bien la musique de Clouds. C’est donc une grande variété de chants qui est proposée dans cet album, donnant un aspect très protéiforme à cette mélancolie qui est insufflée dans les morceaux.

La force de cet album en particulier, même si c’est le cas dans toutes les productions de Clouds, c’est cette faculté à mettre en avant une grande variété de chants et des techniques vocales différentes pour les incorporer dans l’album pour créer une réelle diversité dans les façons de déclarer la douleur et permettre de créer quelque chose de nouveau dans le morceau et qui fait qu’on ne s’habitue jamais vraiment à un seul chant tant celui-ci est varié. On retrouve ainsi, comme mentionné plus haut, un chant guttural très caverneux, mais également un chant clair mélancolique, qui va parfois même être doublé pour former un chœur comme dans "In Both Our Worlds The Pain Is Real", morceau dans lequel on retrouvera le plus de diversité en termes de voix, ce dernier présentant aussi un court passage avec une voix chuchotée et juste après un brève interlude de spoken words qui précède un solo de guitare, qui, s’il est assez inhabituel pour le genre, n’en est pas moins maîtrisé et est appuyé par une sublime batterie gardant un rythme assez lent et venant ainsi créer une dissonance vraiment appréciable.

Il est amusant de constater que si le rythme global de l’album, doom metal oblige, est assez lent, on retrouvera des passages, notamment des solos de guitare comme celui mentionné plus haut, qui sont plus rapides et qui viennent entrer en résonnance avec le rythme global, prenant des airs plus grandioses et lumineux, comme on peut le ressentir dans la fin de "This Door We Never Opened". C’est d’ailleurs plus particulièrement le cas vers la fin de l’album, en effet, dans les derniers morceaux, le chant clair apparaît, comme s’il était sorti de cette phase de mélancolie et passé à une sorte d’acceptation et de deuil. Cette partie est cependant toujours conservée par le chant guttural et par quelques brèves parties très minimaliste en spoken words qui viennent les précéder, notamment dans "A Place For All Your Tears" . Et sur ce point, c’est vraiment sur "See The Sky With Blind Eyes", dernier morceau, que ceci vient prendre tout son sens, avec une instrumentale très minimaliste, se contentant sur la première moitié d’un piano et de quelques coup discrets sur les cymbales de la batterie, le chant est déclamé comme une complainte libératrice, un abandon final qui va permettre de se défaire de toute cette peine pour enfin avancer et qui sera représenté par une évolution dans la musique avec l’apparition de la guitare et de la basse, mais une absence complète de chant guttural, absence hautement symbolique montrant que le pire est derrière, et qui vient entrer en résonnance avec le début de l’album, sur le morceau "Deepen This Wound" qui démarre directement par un long passage de chant guttural.

La formation internationale Clouds nous délivre donc une fois de plus un album puissant qui, s’il ne renouvelle pas du tout la formule du groupe, la perfectionne largement à coup d’invités qui permettent d’amener une réelle diversité dans les techniques vocales et la portée des chants clairs car souvent mis en chœur et permettant des fusions prenantes. On constate aussi une évolution du ton global au sein de l’album qui, s’il se veut résolument douloureux et défaitiste au début, avance vers quelque chose de plus solennel et lumineux au fur et à mesure, prenant des airs plus libérés et lumineux, et faisant de cet album un véritable voyage vers l’acceptation de la peine et du deuil.


Praseodymium
Décembre 2022




"Durere"
Note : 15/20

Pour ce qui est de faire passer des émotions fortes à travers des mélodies et des paroles, le doom metal est probablement un des meilleurs genres de par les possibilité qu’il offre, et à travers l’intensité que l’on peut transmettre dans chaque note, chaque mot, qui est sublimé par un rythme qui prend son temps et qui impose avec force toute le sens de ce qui veut être exprimé. Le genre donnant aussi la possibilité d’allier les instruments classiques que l’on rencontre dans le metal avec d’autres instruments que l’on retrouve de façon plus sporadique, que ce soit dans des parties acoustiques calmes ou lors de riffs plus lourds avec une guitare électrique a son plein potentiel, le tout étant noyé ou pas par le mixage des instruments. C’est en faisant très attention à toutes ces choses que Clouds a sorti plus tôt cette année l’album "Durere", alliant douceur et violence, clarté et désespoir, cet album d’un peu moins d’une heure arrive à transmettre une flopée d’émotions qui semblent contradictoires mais s’allient ici dans un ensemble parfaitement harmonieux dans une magnifique ode à la tristesse.

C’est tout d’abord grâce à un mixage des instruments très soigné que cet album arrive à autant retenir l’attention, en effet on remarque tout au long de l’album la présence d’un violon et d’un piano qui viennent sublimer les instruments classiques que l’on retrouve, le piano étant uniquement présent dans les parties acoustiques comme dans "The End Of Hope" ou "The Sailor Waves Goodbye", ce qui n’est pas le cas du violon qui, lui, vient s’insérer autant dans les parties acoustiques en introduction que dans les ponts de certains morceaux, mais on le retrouve également dans certaines parties comportant de la guitare électrique et de la basse comme par exemple dans "Cold Guiding Light" et "Above The Sea". Le violon s’inscrit ainsi comme un instrument principal de l’album à part entière malgré le fait qu’il ne soit pas omniprésent. Les autres instruments plus classiques ne sont cependant pas en reste pour autant car on retrouve également des riffs de guitares percutants et puissants, alliés à une batteries dont le rythme apporte un réel plus à la puissance des accords de guitare et des lignes de basse, le tout mixé de façon à ce que tous les instruments soient parfaitement audibles et à ce qu’aucun ne soit en retrait, il en découle donc des riffs puissants et percutants de par leur lenteur, sublimés par un violon qui vient apporter une harmonie triste à cet ensemble.

La voix n’est pas non plus en reste dans cet album, le groupe comporte en effet deux chanteurs, l’un nous proposant un chant clair aérien, mesuré et propice aux passages calmes, l’autre en revanche nous délivre un chant guttural profond mais d’un calme surprenant : rarement on aura vu un chant si caverneux et sombre servir des mélodies aussi claires et belles, on le remarque dès le début de l’album dans "Cold Guiding Light", il en découle ainsi un profond sentiment d’apaisement face à ce chant qui permet réellement de sublimer la transmission de toutes les émotions déjà opérée par les instruments. On remarquera d’ailleurs qu’une seule fois dans l’album, dans le morceau "Images And Memories", les deux chants sont superposés, l’un n’étant jamais au-dessus de l’autre, formant un duo qui procure une harmonie absolument inattendue, c’est un peu comme si l’ombre et la lumière n’était qu’une seule et même entité, on retrouve juste après la même superposition mais cette fois-ci de manière instrumentale à travers un solo de guitare qui représente le chant guttural de par sa puissance, appuyé par le violon qui se rattache au chant clair par sa douceur et sa légèreté. La répartition des deux chants est, quant à elle, très bien mesurée et on n’a pas le temps de se lasser de l’un ou l’autre grâce à l’alternance des deux au sein des morceaux.

Pour ce qui est de la structure, tous les morceaux sont un peu construits pareillement mais comportent toujours des nuances qui leur permettent de se démarquer, c’est particulièrement remarquable dans la seconde moitié de l’album qui comporte réellement des structures plus mémorables, même si la première reste excellente, celle-ci se démarque moins et les morceaux peuvent sembler interchangeables entre eux, tandis que la seconde semble plus comporter un fil conducteur entre les morceaux, ne serait-ce que dans le thème entre "Above The Sea" et "The Sailor Waves Goodbye". On remarquera aussi un semblant d’histoire qui est raconté par une voix parlée que l’on retrouve dans le morceau mentionné précédemment et également dans "A Father’s Death", ces passages sont souvent d’une grande puissance de par la coupure qu’ils induisent dans le morceau, rappelant le désespoir transmis par le chant guttural profond et sombre.

Si "Durere" fonctionne aussi bien dans ce qu’il propose, c’est essentiellement car il a su capter tout ce que le doom peut proposer et le sublimer en apportant plusieurs éléments un peu moins communs que l’on ne retrouve pas partout, l’album arrive donc à parfaitement transmettre cette tristesse et cette mélancolie qui émanent autant des instruments que de la voix, le tout s’inscrivant dans un ensemble cohérent et harmonieux, ainsi Clouds réussit avec brio la continuité de sa discographie sans se répéter et en perfectionnant ce qu’il fait déjà très bien depuis des années.


Praseodymium
Août 2020


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/cloudsbandofficial