Le groupe
Biographie :

Decline Of The I est un groupe de post-black metal parisien actuellement composé de : A.K. (chant, guitare, clavier, programmation / Eros Necropsique, Malhkebre, Merrimack, Vorkreist, ex-Epic, ex-Love Lies Bleeding, ex-Corpus Christii), AD (basse / chant), SK (batterie / Arkhon Infaustus, Helel, Temple Of Baal, ex-Livarkahil, ex-Arvakh, ex-Decline Of Sanity, ex-oOo, Holocaust TrashWar, Kaos Konclav, ex-ChokingOnBile, ex-NightShade, ex-Nihilkult, ex-The Order Of Apollyon, ex-Cocaïne Crux) et SI (chant). Le premier album, "Inhibition", est sorti en Septembre 2012 chez Agonia Records. En Février 2015, le deuxième album, "Rebellion", voit le jour. "Escape" sort en Juillet 2018. Le quatrième album, "Johannes", sort en Mars 2021.

Discographie :

2012 : "Inhibition"
2015 : "Rebellion"
2018 : "Escape"
2021 : "Johannes"


Les chroniques


"Johannes"
Note : 17/20

Après avoir fini sa trilogie conceptuelle sur les travaux d'Henri Laborit, Decline Of The I revient avec un album basé cette fois sur ceux de Kierkegaard et qui se nomme "Johannes". Musicalement, attendez-vous à quelque chose d'aussi joyeux que d'habitude, le groupe n'a pas changé son fusil d'épaule et ce nouvel album va s'inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs.

On retrouve d'entrée de jeu la patte Decline Of The I avec "A Selfish Star" qui débute l'album par des arpèges et accords malsains sur fond de sample et de choeurs décharnés. Un pavé de onze minutes écrasant et torturé comme il se doit, toujours cette veine que l'on qualifie de post-black. C'est à dire un metal extrême certes basé sur le black mais qui n'hésite pas à prendre des libertés avec le genre, à fricoter avec d'autres sonorités, à briser les codes et à poser une ambiance plus introspective que réellement haineuse ou froide. La furie frénétique habituelle du black n'a pas sa place ici, même si les blasts se font évidemment entendre de temps en temps. Tout est bien plus rampant ici, plus insidieux, plus sournois. Decline Of The I tisse sa toile tranquillement et vous enserre le cœur sans que vous l'ayez vu approcher. On entend d'ailleurs plus souvent ces fameux choeurs qui donnent un petit air sacré sur ce nouvel album, de quoi lui donner une beauté fantomatique. "Johannes" n'exprime pas la haine comme ses confrères de la scène black metal plus traditionnel, pas de démons ou de satan ici, pas d'enfer mythologique. Non, l'enfer qui est décrit ici est humain, les horreurs et tortures que vous allez y trouver sont issus de notre esprit. Decline Of The I décrit l'enfer que nous avons nous-même créé et dans lequel nous nous sommes jetés sans discernement. "The Veil Of Splendid Lies" prend d'ailleurs des airs d'apocalypse avant de finir sur une espèce de parodie de cirque déviant, une façon d'illustrer l'absurdité de ce fameux mensonge dont parle le titre qui est en plus appuyé par un sample qui l'explicite encore un peu (" ...le monde est vide et tout à coup il y a dieu, et le monde est beau et resplendissant"). Encore une fois, pas besoin de ruer dans les brancards pour faire mal, Decline Of The I touche les points sensibles sans jamais céder à la facilité, sans avoir besoin de se montrer outrageusement bourrin.

La frénésie est tellement loin que le tempo général est quasiment doom, toujours lourd, oppressant voire même étouffant. Le tracklisting le fait d'ailleurs vite comprendre avec seulement cinq morceaux pour près de quarante-neuf minutes, vous imaginez bien du coup que les morceaux font sept minutes pour les plus courts. Si les blasts se font très rares, ils n'en deviennent que plus destructeurs et cette accélération brutale au milieu de "Act Of Faith" fait très mal ! L'entame de "Tethering The Transient" est tout aussi brutale et les riffs dissonants et malsains qui appuie cette salve rendent ce début de morceau d'autant plus menaçant. Mais ce sont là les seuls écarts, ou presque, que le groupe concède à la brutalité frontale, donc si vous recherchez quelque chose de bourrin, comme d'habitude ce sera la mauvaise adresse. L'intensité que montre Decline Of The I" s'exprime à un autre niveau, de manière plus émotionnelle dirons-nous. Et j'ai bien dit émotionnel et non pas émotif, le groupe ne fait pas dans la pleurniche et si son caractère est clairement torturé l'humeur n'est pas à la complainte. "Johannes", comme ses prédécesseurs, est une exploration de l'esprit humain, ou de l'âme c'est selon. L'authenticité de la chose ne fait aucun doute et une fois de plus on sent que tout a été travaillé, le travail fait sur la composition est flagrant et malgré les différentes ambiances tout s'enchaîne de manière cohérente. C'est ça qui rend la musique du groupe intense d'ailleurs, cette façon qu'il a de poser une ambiance uniformément noire et torturée. Même en jouant sur les nuances et sur les explosions de violence, le tout est homogène et constitue une sorte de bloc de suie sonore. En parlant de bloc, l'album se termine sur un morceau de près d'un quart d'heure, ce qu'il a fait de plus long jusqu'à maintenant même si certains s'en approchaient par le passé.

Une fois de plus, Decline Of The I nous délivre un excellent album qui comme d'habitude fait mal et développe une ambiance noire et torturée. Black, post-black, au final cela importe peu tant le tout est maîtrisé, puissant émotionnellement et intense. Rangez les étiquettes, plongez à corps perdu dans ce "Johannes" et profitez du voyage. Je ne suis pas certain qu'il vous sera agréable mais vous en retirerez certainement quelque chose, après tout c'est au fond de vous que ce nouvel album va vous emmener.


Murderworks
Juillet 2021




"Escape"
Note : 17/20

Troisième album pour Decline Of The I et donc dernier volet de la trilogie basée sur les travaux d'Henri Laborit avec ce "Escape" qui fait évidemment référence à "Éloge de la fuite". Connaissant le groupe et avec une thématique pareille, vous vous doutez bien que ça ne va pas sentir la fête débridée par ici.

Si vous ne connaissez pas, il suffit de toute façon de voir que le morceau le plus court dure sept minutes pour comprendre que Decline Of The I n'est pas du genre à ruer dans les brancards. Ici, on pose ses ambiances et on prend le temps de dérouler la toile sur laquelle vont se peindre pas mal d'horreur pendant la cinquantaine de minutes que dure l'album. On retrouve très vite la patte Decline Of The I avec cette musique rampante, glauque, désespérée et fréquemment rehaussée de samples qui renforcent une atmosphère déjà bien plombée. Si la violence brute se fait parfois entendre, elle n'est évidemment pas le propos du groupe. Decline Of The I évolue certes dans un style très proche du black metal mais sa musique est bien plus insidieuse que brutale, sa violence est plus sourde. Quelques accélérations arrivent à se faire une place mais elles ne sont jamais poussées à fond et n'interviennent que pour appuyer encore la folie ambiante. Folie dans le sens littéral du terme, une perte de contact avec la réalité, un renfermement sur soi, un rejet du reste. Des choeurs présents sur "Enslaved By Existence" donnent au morceau un air de procession ou de marche funèbre, un détail qui n'a l'air de rien mais qui ajoute encore une épaisseur à cette ambiance poisseuse et malsaine. La guitare dissonante façon old Septicflesh en rajoute encore une couche au passage et ce morceau se révèle très dérangeant tout au long de ses huit minutes. C'est finalement ça le qualificatif le plus adapté à la musique de Decline Of The I : dérangeant.

"Escape" ne vous ménagera pas, ne vous laissera aucun espace pour vous laisser respirer. Les cinquante-trois minutes sont étouffantes de bout en bout, chacun à leur façon ces six morceaux vont vous prendre entre leurs mains, vous examiner, vous disséquer, vous extraire de toute substance et vous laisser à terre comme une vulgaire coquille vide. On ressort de l'écoute de ce genre d'album sur les rotules en se demandant ce qui s'est passé pendant ce temps. Oui, cet album est éprouvant, extrême dans tous les sens du terme et une preuve pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris que les blasts ou les cris ne font pas la violence. Une musique rampante, insidieuse, malsaine peut vous faire bien plus de mal qu'un album bourrin et bruyant. "Escape" vous attrape le cœur et les tripes et les tord, les déchire, les broie. On ne peut même pas parler d'album inhumain, son humanité est encore là mais distordue, informe, malade. Une fois de plus les mots ne pourront remplacer la musique, l'album est si personnel que vous oreilles vous en diront bien plus sur lui que mes quelques lignes. L'album se ferme sur "Je Pense Donc Je Fuis", un morceau final aux airs tribaux, une sorte de mantra forcément hypnotique mais malsain, un dernier pavé de douze minutes en guise de coup de massue final.

Nouvel opus dans le même esprit que les précédents, à cheval entre la violence et le malaise, passant de la frénésie à la catatonie en un rien de temps et vous baladant constamment de l'un à l'autre. Un excellent album une fois de plus pour Decline Of The I et une nouvelle épreuve à infliger à vos tympans et à votre âme.


Murderworks
Novembre 2018




"Rebellion"
Note : 17/20

En 2012, "Inhibition" était annoncé comme le premier volet d'une trilogie basée sur les travaux d'Henri Laborit (dont je n'ai lu que "L'éloge de la fuite") et vu la qualité de l'engin, on attendait impatiemment la suite, suite qui débarque justement maintenant avec "Rebellion". Certes A.K. était déjà loin d'être un débutant mais il avait trouvé le moyen de nous prendre par surprise avec ce premier album de Decline Of The I, sa carrière musicale n'étant pourtant jusqu'à maintenant pas linéaire pour un sou.

Et comme le nom de l'album peut le laisser deviner, la musique de Decline Of The I se fait effectivement plus brutale sur ce nouvel album, tout en gardant toutes les composantes dont elle était constituée sur "Inhibition". On retrouve les sonorités électroniques, les samples glauques et malsains, les racines clairement black metal et des dissonances à foison. La formule s'est simplement adaptée au concept, ou plutôt à cette étape du concept. On retrouve donc une folie bien plus prononcée et expressive, un côté plus sale et dépravé aussi qui rendent le tout encore plus malsain et désespéré. Et malgré la violence plus présente sur ce deuxième volet, j'aurais tendance à dire que plus le temps passe, plus Decline Of The I s'éloigne du reste de la scène black, enfermée qu'elle est dans ses dogmes. Même si le black metal est le style le plus reconnaissable chez ce groupe, il est utilisé ici d'une façon très personnelle qui le situe d'entrée de jeu hors concours, bien au-dessus de la mêlée. Le genre d'album qu'il n'est pas facile de décrire, de ceux qu'on écoute d'une traite en se plongeant entièrement dans leur monde. Parce que c'est bien ce que fait Decline Of The I, il se bâtit son propre monde, pas forcément plus propre ou meilleur que le nôtre mais c'est le sien. L'authenticité de la chose est incontestable, par conséquent et comme précédemment ça risque de ne pas plaire à tout le monde mais je ne pense pas que ce soit le but de la manœuvre.

A.K. ne s'impose aucune limite, tous les moyens sont bons pour exprimer ce qu'il a en tête, et si les éléments utilisés dans sa musique sont nombreux et viennent d'horizons différents sa musique n'en reste pas moins cohérente de A à Z. A noter sur le dernier morceau de l'album, "On Est Bien Peu De Choses", qui est en fait une reprise de Françoise Hardy (j'ai vu l'info dans une interview, j'avoue mon inculture totale à ce sujet), la participation de deux revenants que l'on n'avait plus entendus depuis longtemps, à savoir Olivier et Jeanne d'Eros Necropsique. Et non seulement ça aurait pu être du Eros Necropsique mais le morceau s'intègre en plus extrêmement bien au reste de l'album ! Une sorte de folie totale mais retenue qui enfonce le clou en fin d'album, de quoi attendre la suite avec impatience. La pochette complète le tableau, avec ce rat qui peut faire à la fois référence aux rats des expériences de Laborit, à la crasse dont est recouverte la musique de Decline Of The I et aux sociétés humaines contemporaines qui donnent l'impression d'être des rassemblements de rats de laboratoire totalement perdus s'agitant dans tous les sens en vain. C'est ce que Decline Of The I exprime encore une fois très bien, cette impression de société en pleine dégénérescence, se vautrant avec délectation dans l'immondice et considérant comme anormaux les quelques spécimens qui refusent de se jeter dans cet énorme tas de merde.

Au final, ce deuxième volet de la trilogie initiée avec "Inhibition" prouve que les espoirs placés en Decline Of The I n'étaient pas vains, le groupe réussissant à nous surprendre tout en gardant la même ligne directrice. Il n'y a plus qu'à savourer cette nouvelle livraison en attendant l'album qui viendra clore ce concept, histoire de s'enquiller les trois d'un coup comme il se doit.


Murderworks
Mars 2015




"Inhibition"
Note : 16/20

Si Decline Of The I ne sort que son premier album, n'allez pas prendre l'instigateur du groupe pour un nouveau venu, ce groupe est en effet l'oeuvre de A.K. qui est déjà passé entre autres par Malkhebre, Merrimack, Diapsiquir, Eros Necropsique ou encore Vorkreist. Sauf que cette fois, il nous apporte son groupe, celui dans lequel il va pouvoir s'exprimer pleinement. Ce premier album a visiblement été fait dans la douleur, ce qui tombe bien puisque son sujet est justement le comportement des Hommes face à la souffrance et aux agressions du monde qui nous entoure.

"Inhibition" est le premier volet de ce qui va devenir une trilogie, chaque album illustrant une réaction et par conséquent adaptant la musique qui le compose au propos délivré. Sur celui-ci, comme son nom l'indique, vous allez souffrir, tout l'album étant plongé dans une ambiance délétère et pesante. Si la base de la musique de Decline Of The I sur cet album est le black metal, on ne la limitera pas à ça, le groupe dit d'ailleurs faire du post-black metal. Il est vrai qu'il donne l'impression de tout voir en gris, une sorte de climat urbain pollué par toutes sortes de substances toxiques ou non identifiées. Une photographie d'une société en pleine décadence, un arrêt sur image montrant des milliards de sujets humains courant joyeusement à leur perte sans rien remarquer. Concrètement et musicalement parlant, le groupe se situe lui même entre Neurosis, Burzum et Code. On va dire que le côté Burzum annonce les racines black et les ambiances froides, le côté Neurosis pour la batterie ou les percussions parfois tribales et le côté neurasthénique propre au groupe, et Code pour toutes les incursions de sonorités électroniques assez fréquentes.

Tout ça paraît à première vue un peu trop hétéroclite pour donner quelque chose de cohérent, mais A.K. sait ce qu'il fait et le projet a eu des années pour mûrir. Il en résulte une personnalité déjà bien affirmée et des compositions très bien ficelées qui, malgré l'heure que dure l'album, n'amène jamais aucun ennui ni passage à vide. La musique de Decline Of The I est certes froide et très sombre, mais elle vit et bouge constamment. On est pris dans cette espèce de mélasse poisseuse et collante, on a beau fermer la bouche et se boucher les narines rien n'y fait, il y a un arrière-goût de pisse planétaire comme dirait l'autre qui finit par s'infiltrer quand même. Et pourtant la musique du groupe est assez riche pour qu'on puisse s'y perdre, mais même malgré ça on ne perd jamais le fil. La cohérence entre le propos et les compositions sûrement, en tout cas malgré le fait qu'il n'y ait pas de passages vraiment accrocheurs ni de structures vraiment récurrentes, on ne se demande jamais où on est. Tout coule de source, les différentes parties s'imbriquent très bien malgré certains grands écarts stylistiques par moments, preuve incontestable d'une maturité musicale. Le seul problème c'est que pour les non initiés ça risque d'être assez dur d'entrer dans un album si froid et riche, mais il mérite leur persévérance. Ce groupe ne s'impose pas de limites et utilise tout ce qu'il a sous la main pour servir son propos, et vu ce qui est annoncé pour les deux autres volets je pense qu'il va encore repousser quelques barrières.

Decline Of The I vient de frapper un grand coup avec ce premier album, par conséquent je suis bien curieux d'entendre ce que donneront les deux prochains volets de cette trilogie. Le propos est intéressant, musicalement il y a beaucoup de bonnes idées et le travail a été peaufiné dans les moindres recoins. Même au sein d'une scène post-black qui commence à prendre de l'ampleur depuis un certain temps et dans laquelle il est facile de finir caché dans la masse, ce groupe arrive à sortir son épingle du jeu. Rien que pour ça, ça mérite d'y jeter une oreille attentive, l'expression n'est peu-être pas très appropriée vu les ambiances prodiguées ici, mais cet album est une bouffée d'air frais au sein d'une scène généralement trop frileuse.


Murderworks
Février 2013


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/declineofthei