Depuis quelques années, les groupes de progressif français se font de plus en plus nombreux et cela fait plaisir à voir dans un pays dans lequel ce style n'est pas forcément le plus populaire, Delta Tea en fait partie et nous livre un premier EP nommé "The Chessboard". Comme son nom ne l'indique pas forcément, le groupe y développe un concept S-F ce qui indique déjà que ce Delta tea n'a pas froid aux yeux !

Un EP à écouter évidemment comme un ensemble puisque l'histoire s'y développe de morceau en morceau et qui se trouve stylistiquement entre le metal et le rock progressif avec tout ce qui peut se retrouver entre les deux évidemment. C'est le morceau éponyme qui nous accueille avec près de sept minutes au compteur et un début technique mais feutré et empreint d'une ambiance déjà bien forte en plus d'un esprit très 70's dans certains riffs. Très rock prog dans l'esprit donc, une impression confirmée par des sons de clavier que n'auraient pas renié un certain Transatlantic par exemple, ce qui n'est pas pour me déplaire. Un progressif tout en subtilité doté de mélodie aussi belles qu'évocatrices enrichies de riffs et de parties certes techniques mais jamais démonstratives, Delta Tea n'en fait jamais trop et son prog se retrouve assez accrocheur et prenant. On sent que le groupe sait ce qu'il fait et qu'il sait où il veut aller, l'exercice du concept s'est avéré être casse-gueule chez certains groupes établis mais Delta Tea s'en sort pour l'instant très bien. Pourtant, il y avait de quoi se vautrer, les morceaux sont extrêmement vivants et bougent constamment, changeant de structures, de rythme, de motifs, sans jamais se perdre ou nous perdre en route ! Même quelqu'un qui ne serait pas familiarisé avec le progressif en général pourrait vite s'y retrouver sur  "The Chessboard" car il y a toujours une mélodie ou une ambiance suffisamment forte pour vous acrocher l'oreille. Et comme l'exercice de style n'était pas encore assez difficile et casse-gueule, le groupe a évidemment décidé de se compliquer la vie en donnant dans l'instrumental, pas de chant ou de voix pour porter la mélodie.

Mais force est de constater que Delta Tea a les ressources nécessaires puisque pour un premier essai, "The Chessboard" est plutôt efficace et devrait constituer une très bonne carte de visite. Seules quelques voix proches de choeurs religieux se font entendre de temps en temps et contribuent là encore à renforcer l'ambiance en plus de proposer des passages presque cinématographiques et très beaux pour la plupart (sur "Until Dust" notamment). "Delocalized" présente quelques ambiances plus sombres par moments, même si on retrouve les passages assez enjoués typiques du prog. C'est évidemment dans ces moments plus sombres et pesants que l'ambiance science-fiction se sent le plus mais globalement ces cinq morceaux (dont une intro) forment un tout cohérent et relativement homogène malgré la variété des influences et sonorités utilisées ici. Si vous préférez votre metal prog avec de grosses guitares puissantes et des riffs de bûcheron, vous ne trouverez probablement pas ce qu'il vous faut chez Delta Tea, l'esprit est plus rock que metal même si certains riffs envoient du bois. On trouve donc de gros riffs par moments mais ce sera quand même majoritairement trop subtil et trop feutré pour les bourrins du prog, tant pis pour eux. Comme le veut la tradition, les morceaux sont évidemment longs et durent entre sept et neuf minutes, ce qui est d'autant plus logique quand vous pratiquez une musique instrumentale et que vous voulez développer des ambiances fortes. Niveau production, cela sonne aussi très bien pour premier EP, c'est propre avec juste ce qu'il faut de patate et malgré les couches qui peuvent se superposer, tout le monde arrive à se faire une place.

"The Chessboard" est donc la première livraison d'un groupe qu'il va falloir surveiller. Delta Tea montre déjà un certain talent pour créer des ambiances prenantes et pour poser une musique aussi technique et riche qu'accrocheuse et mélodique. Attendons donc un premier album pour goûter la suite de ce concept S-F car nul doute qu'une plus longue durée permettra au groupe de développer son univers.