Le groupe
Biographie :

Devin Townsend est un musicien multi-instrumentiste (entre autres chanteur / guitariste / claviériste) canadien né le 5 Mai 1972 à Vancouver. Il est découvert par Steve Vai à l'âge de 19 ans et enregistre l'album "Sex & Religion" avec ce dernier. Le célèbre groupe de heavy metal Anglais Judas Priest lui propose d'occuper la place vacante de chanteur en son sein après le départ de Rob Halford (une des idoles de Devin), mais celui-ci décline l'offre, préférant une indépendance artistique totale plutôt qu'une reconnaissance de masse. Ce personnage à la créativité débordante mène également une carrière en solo sous son propre nom d'abord, puis un temps sous le nom de The Devin Townsend Project. Devin Townsend apparaît sur de nombreux albums en tant qu'invité (Front Line Assembly, Paradise Lost, Ayreon, Gojira...) et / ou producteur (Soilwork, Lamb Of God, Bleeding Through, Gwar, Zimmer's Hole...). Il a aussi enregistré quelques demos en compagnie de Jason Newsted (alors dans Metallica) à travers IR8 (en trio comprenant aussi Tom Hunting (Exodus)) et Tree Of The Sun (quatuor avec Scott Reeder (Kyuss) et Dale Crover (Melvins)).

Discographie :

1997 : "Ocean Machine: Biomech"
1998 : "Infinity"
2000 : "Physicist"
2001 : "Terria"
2004 : "Devlab"
2006 : "The Hummer"
2007 : "Ziltoid The Omniscient"
2019 : "Empath"
2021 : "Snuggles (Beautiful Dream)"
2021 : "The Puzzle"
  2022 : "Lightwork"


Les chroniques


"Lightwork"
Note : 17/20

L'année 2021 aura été chargée pour Devin Townsend avec la sortie du live "Acoustically Inclined", le "Galactic Quarantine" et les deux albums "Snuggles (Beautiful Dreams)" et "The Puzzle". Le bougre en a d'ailleurs frôlé le burn-out mais revient quand même cette année avec "Lightwork", un nouvel album plus posé, plus mélodique et plus aérien. Plusieurs mois avant la sortie de l'album, le maestro a dit que ses fans vont le tolérer et que les autres vont le détester, ça promet !

Bon, pour rassurer tout le monde, on peut déjà remarquer que l'on retrouve un morceau que l'on connaît déjà, à savoir l'excellent "Celestial Signals" qui apparaissait sur "Holding Patterns", le CD bonus de "Transcendence" et qui se retrouve donc réenregistré ici dans une version quelque peu différente de l'originale qui a malheureusement perdu son très bon refrain. Pour le reste, c'est de l'inédit évidemment et vous avez déjà probablement écouté le premier morceau de l'album, "Moonpeople", qui a fait l'objet d'un clip avant la sortie de l'album. Un morceau qui résume plutôt bien ce que vous allez retrouver sur "Lightwork", à savoir un Devin Townsend plus lumineux, éthéré et mélodique. On retrouve en tout cas de très belles mélodies et lignes vocales et comme d'habitude le Canadien fou peut faire ce qu'il veut, sa patte est reconnaissable entre mille. "Lightworker" enchaîne et nous met une fois de plus un crochet en plein cœur avec son refrain de toute beauté et on y retrouve dans l'esprit un peu de "Infinity" dans ses moments les plus contrôlés, un feeling que l'on retrouve aussi dans une certaine mesure sur "Heartbreaker" dont la folie des arrangements peut même discrètement renvoyer à "Deconstruction". "Equinox" fait la part belle à un beat et des arrangements plus electro, pas loin du trip-hop par moments. Vous aurez donc compris que les grosses guitares n'ont pas lieu d'être sur ce nouvel album, donc si vous vouliez étancher votre soif de gros riffs épiques vous allez effectivement être déçus. Ce nouvel album marque aussi la première participation d'un producteur à un album de Devin Townsend, à savoir Garth Richardson et d'après Devin Townsend, ça a été une expérience intéressante qui l'a tout de même amené à s'arracher les cheveux qu'il n'a plus.

Le but était de le faire sortir de sa zone de confort et cela a marché puisqu'on l'entend tenter une nouvelle approche ici, pas plus commerciale comme il l'avait envisagé avant de faire "Empath" mais plus aérienne et plus introspective. "Dimensions" est la seule incursion plus dure avec de grosses guitares et des arrangements electro plus puissants pas très loin de l'industriel par moments, une surprise qui tranche avec le reste de l'album et qui pose une ambiance plus froide et plus sombre. Comme d'habitude, l'honnêteté du bonhomme saute aux oreilles et "Lightwork", qu'il vous plaise ou non, nous fait entendre un Devin qui se met à nu une fois de plus. Il y a une mélancolie qui imprègne chaque morceau malgré le côté plus lumineux de ce nouvel album, un album qu'il a voulu comme un phare dans la nuit. Celui qui vous amène un peu de lumière dans les périodes les plus sombres et qui vous donne la note d'espoir dont vous avez besoin pour rebondir. Comme d'habitude, un deuxième album complet du nom de "Nightwork" se trouve en bonus de l'édition limitée et ces inédits se font plus variés et parfois plus orientés guitares que "Lightwork". En tout cas les morceaux sont tout aussi bons et comme toujours avec Devin Townsend, la qualité des morceaux bonus inédits est du même niveau que les albums principaux, voire même meilleurs pour certains morceaux. "Stampys Blaster", comme son nom l'indique, blaste joyeusement pendant une trentaine de secondes avant de laisser place au brutal "Factions" qui aurait presque pu atterrir à l'époque sur "Physicist". "Hope Is In The World", quant à lui, renverrait plutôt à "Synchestra", et "Carry Me Home" nous rappelle les velléités country de "Casualties Of Cool". Bref, vous aurez compris que ce deuxième CD est très varié et que Devin Townsend nous y fait entendre plus d'une personnalité différente.

Au final, "Lightwork" n'est pas aussi déroutant que le Canadien fou l'avait laissé penser à une époque, il fait certes la part belle aux mélodies et aux ambiances en délaissant les grosses guitares mais la patte Devin Townsend est aisément reconnaissable. De toute façon, si sa musique vous plaît, vous savez qu'il faut y aller sans a priori et prendre les albums pour ce qu'ils sont, celui-ci ne fait pas exception à la règle donc allez y les oreilles grandes ouvertes et profitez du voyage. D'ailleurs, tant que vous y êtes, l'achat de la version double avec son compagnon de route "Nightwork" est vivement conseillé !


Murderworks
Janvier 2023




"Empath"
Note : 18/20

Le Devin Townsend Project, qui devait durer le temps de quatre albums et qui s'est finalement étalé sur sept, est cette fois bel et bien terminé. Le maître d'œuvre revient seul (enfin avec pas mal d'invités mais seul compositeur) sous son nom et sort "Empath" dont il nous parlait depuis un bon moment.

Si Devin Townsend nous a habitués à ne pas se tenir à ses déclarations cette fois, il n'a pas menti en disant qu'"Empath" allait être un album totalement fou ! Près d'une heure et quart de musique et un spectre qui couvre quasiment tout ce qu'à pu faire ce grand malade jusqu'à maintenant avec quelques nouveautés en plus. Après une intro planante et une chorale qui nous renvoie à l'intro de "Epicloud", c'est "Genesis" qui prend le relais et débute vraiment l'album. Sachant que le morceau a été diffusé avant la sortie de l'album, tout le monde doit déjà le connaître et savoir qu'à lui tout seul c'est déjà un sacré bordel. La petite anecdote amusante, c'est que Devin a dit avoir pensé à sortir un album ouvertement commercial pour payer ses factures et que c'est une discussion avec Chad Kroeger de Nickelback qui l'en a dissuadé, l'ironie du sort étant que Nickelback est considéré par beaucoup comme un groupe commercial. Du coup, ce même Chad Kroeger fait partie des guests présents sur l'album dont le nombre reflète bien le caractère complètement foutraque de ce nouvel album. Ce qui est paradoxal, c'est que les morceaux d'"Empath" sont malgré tout très accrocheurs, "Genesis" le montre d'ailleurs bien, les mélodies trouvent toujours un moyen d'accrocher l'oreille ou de frapper en plein cœur malgré la multiplicité des sonorités. D'ailleurs, "Spirit Will Collide", "Sprite" et "Why ?" risquent de filer la chair de poule à pas mal de monde tant le Canadien fou nous frappe en plein cœur avec sa candeur habituelle sur ces trois morceaux. Pour l'album en général, en gros on y retrouve du "Epicloud", du "Deconstruction" dans les passages les plus brutaux et tordus, du "Ghost", voire même un peu de "Synchestra", bref c'est quasiment un condensé de ce que Devin peut faire. Ceux qui aiment certaines périodes du Canadien et en détestent d'autres risquent d'avoir du mal avec "Empath", je pense notamment aux délires très comédie musicale de "Why ?" qui vont en faire vomir pas mal. Et je ne parle même pas de tous les samples dont l'album est truffé, entre les bruits non identifiés et les multiples animaux, il y a de quoi provoquer pas mal d'allergies. "Borderlands" est d'ailleurs un sacré merdier de onze minutes qui contient tout ce dont je viens de parler. Si vous trouviez que "Deconstruction" allait trop loin et partait trop dans tous les sens, je ne suis pas certain que vous ressortiez de l'écoute de "Empath" avec une santé mentale correcte.

En tout cas, sur ces soixante-quinze minutes, Devin Townsend arrive encore à nous pondre des mélodies magnifiques au milieu de tout ce bordel. Pas de doute, il s'est fait plaisir et s'est lâché en abandonnant totalement cette idée d'album compromis et commercial. Point de compromis ici, ce qui fait d'ailleurs d'"Empath" un très bon album mais clairement pas la meilleure porte d'entrée pour les néophytes. Il avait dit qu'il allait se lâcher pour ce nouvel album et il ne l'a pas fait à moitié, les morceaux partent dans tous les sens, les parties complètement what the fuck sont légion et les mélodies magnifiques côtoient sans complexes les accélérations les plus brutales. Parce que j'ai oublié de le préciser mais comme c'était le cas sur "Deconstruction", on trouve ici plusieurs passages assez brutaux même si moins frontaux qu'à l'époque de Strapping Young Lad évidemment. Il n'empêche que quand les blasts débarquent, ils ne font pas semblant ! En bref, si vous voulez découvrir la musique de ce grand malade, ne commencez pas par ici parce que je pense que vous allez fuir à toutes jambes ! On peut affirmer que ce nouvel album renoue avec une folie que l'on n'entendait plus beaucoup chez Devin Townsend ces derniers temps, ce qui rend par conséquent sa musique plus touffue, complexe et imprévisible. Une bonne nouvelle quand on adore et qu'on connaît ce que fait le bonhomme d'habitude mais de quoi rendre fous tous les autres. Quant à ceux qui se demandaient ce que devenait sa fameuse symphonie, elle est là, et c'est le dernier morceau, "Singularity", découpé en six parties mais qui ne constitue en fait qu'un seul et unique pavé de vingt trois minutes. Les maniaques comme moi seront ravis d'apprendre qu'il y a une fois de plus une édition limitée de l'album qui nous donne un deuxième CD d'inédits et donc une cinquantaine de minutes de musique supplémentaire ! Comme pour "Epicloud", "Transcendence" et "Casualties Of Cool", ce sont de vrais morceaux inédits et vous n'y trouverez ni reprises, ni démos, ni lives, autant dire qu'on ne se moque pas de vous !

Un nouvel album dont l'honnêteté ne fait aucun doute et qui voit Devin Townsend plonger plus profondément dans sa folie pour en ressortir son album le plus bordélique depuis bien longtemps. Très bon cependant puisque le tout reste accrocheur et que les mélodies sont toujours touchantes mais attention à ceux qui ne seraient pas encore familiarisés avec sa musique, "Empath" n'est vraiment pas la meilleure porte d'entrée.


Murderworks
Mai 2019


Conclusion
Le site officiel : www.devintownsend.com