Le groupe
Biographie :

Dream Theater est un groupe de metal progressif américain. Le groupe est actuellement composé de John Petrucci (guitare), John Myung (basse), Jordan Rudess (claviers), Mike Mangini (batterie) et James LaBrie (chant). Formé en 1985 par le guitariste John Petrucci, le batteur Mike Portnoy et le bassiste John Myung, le groupe est complété par le claviériste Kevin Moore et dans un premier temps par le chanteur Chris Collins avant que celui-ci ne soit remplacé par Charlie Dominici. Dream Theater sort son premier album "When Dream And Day Unite" en 1989 mais c'est en 1992 avec l'album "Images And Words" qu'il connaît le succès. Le groupe allie à la fois la complexité des compositions propre au rock progressif, une grande maîtrise technique et un son proche du heavy metal. Après une longue tournée mondiale, ils sortent en 1994 l'album "Awake" dans la continuité du précédent puis une longue suite progressive de 23 minutes intitulée "A Change Of Seasons" (1995). Leur maison de disque souhaite alors capitaliser sur leur succès et les incite à composer un album plus commercial avec des morceaux pouvant être facilement diffusés à la radio. L'échec relatif de l'album "Falling Into Infinity" (1998) leur permet de retrouver leur liberté artistique. En 1999, ils sortent avec leur nouveau claviériste Jordan Rudess l'album "Metropolis Part 2 : Scenes From A Memory", un concept-album dans la tradition du rock progressif. Au cours des années 2000, le groupe enchaîne les albums et les tournées sans qu'il n'y ait de tournant majeur ni dans la vie du groupe ni dans la musique proposée mais en 2010, le batteur Mike Portnoy, un des piliers du groupe depuis le début, annonce qu'il quitte Dream Theater. Il est remplacé par Mike Mangini. En plus de leurs nombreux albums, les membres de Dream Theater participent tous à de nombreux projets parallèles. James LaBrie a enregistré plusieurs albums solo.

Discographie :

1989 : "When Dream And Day Unite"
1992 : "Images And Words"
1994 : "Awake"
1997 : "Falling Into Infinity"
1999 : "Scenes From A Memory"
2002 : "Six Degrees Of Inner Turbulence"
2003 : "Train Of Thought"
2005 : "Octavarium"
2007 : "Systematic Chaos"
2009 : "Black Clouds & Silver Linings"
2011 : "A Dramatic Turn Of Events"
2013 : "Dream Theater"
2016 : "The Astonishing"
2019 : "Distance Over Time"
2021 : "A View From The Top Of The World"


Les chroniques


"A View From The Top Of The World"
Note : 16/20

Réglés comme des horloges, les techniciens fous de Dream Theater sont de retour deux ans après le très sympa "Distance Over Time" avec un nouvel album nommé "A View From The Top Of The World". Le groupe avait distillé quelques petites expérimentations et surprises sur son précédent album et nous rend donc curieux d'entendre ce qu'il a à proposer sur ce nouveau pavé de soixante-dix minutes.

C'est le single "The Alien" dévoilé un moment avant la sortie de ce nouvel album qui ouvre le bal donc on on démarre en terrain connu, surtout que ce morceau est ce que l'on pourrait qualifier de Dream Theater classique. On démarre de façon très technique avec déjà un déluge de notes, des polyrythmies et des contretemps dans tous les sens qui vont donner du grain à moudre aux détracteurs qui qualifient la musique du groupe de démonstration stérile. Mais quand on aime Dream Theater, on aime ce genre de passages très touffus d'autant qu'ils sont très vite suivis par un petit solo très mélodique. Le morceau en lui-même est très classique et va rappeller plusieurs autres titres du groupe, que ce soit dans ses mélodies, ses soli ou ses lignes de chant. Un petit défaut que l'on entend chez la plupart des groupes qui ont une carrière aussi longue, il devient inévitable de se répéter un minimum au bout d'un moment. En dehors de ça, ces neuf premières minutes font le boulot, accrochent l'oreille et se montre très efficaces donc on ne va pas se plaindre d'autant que la maîtrise technique est toujours aussi bluffante et qu'on peut entendre Mike Mangini se faire plaisir vite fait avec quelques petites percussions. De toute façon, répétition ou pas, Dream Theater a ses détracteurs qui lui tireront dans les pattes quoi qu'il arrive donc le groupe a opté pour la seule solution saine, se faire plaisir sans écouter qui que ce soit. Et en parlant de se faire plaisir, il suffit de regarder le tracklisting pour comprendre que les membres se sont lâchés cette fois, on ne trouve que sept morceaux pour une durée d'une heure dix. On retourne donc au format d'un album comme "Black Clouds And Silver Linings" avec des morceaux assez longs et touffus dont un de ces fameux "epic" qu'affectionne le groupe avec cette fois le morceau-titre qui termine l'album avec vingt bonnes minutes au compteur. Un petit plaisir que Dream Theater ne s'était pas fait sur "Distance Over Time" qui optait pour un format plus compact et direct.

"Awakening The Call" se montre lui aussi assez classique pour du Dream Theater mais reste là encore très accrocheur et efficace. Certes la musique du groupe a tendance à parfois devenir assez prévisible mais comme dit plus haut, c'est le cas de la plupart des groupes ayant une aussi longue carrière. Et le précédent album amenait justement quelques petites surprises qui permettaient de varier les plaisirs, ce que "A View From The Top Of The World" se permet aussi de faire sur certains titres. On peut aussi compter "The Astonishing" qui est très différent du reste de la discographie du groupe et qui allait lui aussi piocher dans un registre assez varié et parfois directement venu des comédies musicales de Broadway. Les mauvaises langues qui prétendent que le groupe n'a pas bougé d'un iota depuis vingt ans devraient donc se décrasser un peu les esgourdes, même si je leur accorde qu'il n'y a pas eu de grosse révolution. Sans compter que ceux qui pleurent sur un manque de renouvellement sont souvent les mêmes qui chient sur les groupes qui décident d'évoluer (Metallica période "Load", Paradise Lost pour "One Second" et "Host", Morgoth pour "Feel Sorry For The Fanatic", Kreator époque "Outcast" ou "Endorama", voire même Dream Theater justement avec "Falling Into Infinity", les exemples sont légion... ). Que l'on n'aime pas se conçoit tout à fait, que l'on dise que le groupe n'a pas drastiquement changé sa formule et que certaines parties sont très proches d'autres morceaux est tout à fait vrai, mais ne pas percevoir la moindre différence sur aucun album, là c'est un peu plus proche de la mauvaise foi. Les petits plaisirs de ce nouvel album se trouvent principalement sur "Awaken The Master" qui est le premier morceau que John Petrucci compose sur une guitare huit cordes et qui balance donc du riff plus teigneux et évidemment le morceau titre de vingt minutes. S'il fallait en pointer un à mettre en dessous du reste, ce serait probablement "Transcending Time" dont les mélodies se font un peu trop gentillettes à mon goût.

Le contraste avec "Awaken The Master" qui le suit n'en est d'ailleurs que plus saisissant tant les riffs de celui-ci paraissent méchant à côté. La guitare huit cordes a poussé John Petrucci à ressortir ses racines metal et à balancer des riffs de bûcheron et se lâcher en termes de technique, on entend même très brièvement Mike Mangini nous sortir un petit blast ! Une batterie qui sonne d'ailleurs de façon assez organique cette fois, ce qui fait plaisir à entendre après plusieurs albums qui présentaient parfois un son faiblard. Là, ça sonne bien et ça a suffisamment de puissance pour que l'on puisse profiter du jeu de Mike Mangini qui se fait bien plaisir lui aussi sur un morceau globalement plus dur et plus sombre. James LaBrie, quant à lui, continue à chanter dans un regsitre plus bas qui lui convient très bien et qui évitera certaines déconvenues en live (encore que je trouve qu'il a bien récupéré ces dernières années), d'autant qu'en dehors de certaines lignes de chant prévisibles c'est plutôt inspiré cette fois encore. Le fameux "epic" qui termine l'album nous fait lui aussi entendre des blasts pendant le premier solo, comme quoi même si c'est discret, Dream Theater place quelques petites surprises de temps en temps ! Ce morceau est évidemment plus imposant dans tous les sens du terme et fait appel à des orchestrations, des arrangements plus nombreux, des mélodies plus dramatiques ou plus sombres et des passages techniques encore plus tordus. Les vingt minutes passent toutes seules, l'inspiration est là malgré des soli pas forcément surprenants et ce gros pavé ferme l'album en beauté avec des airs de montagne russe.

"A View From The Top Of The World" ne sera pas l'album le plus aventureux de Dream Theater, on y entend quelques légères surprises mais il reste globalement plus prévisible et classique que son prédécesseur. Cela ne l'empêche pas d'être un bon album de Dream Theater (le quinzième tout de même) qui nous donne ce que l'on est venu chercher et qui nous balance ce qu'il faut en moments épiques et accrocheurs. Pas forcément le meilleur ni le plus mémorable mais clairement un bon cru et après une telle carrière, c'est déjà pas mal !


Murderworks
Janvier 2022




"Distance Over Time"
Note : 17/20

Après le gigantisme du double concept album "The Astonishing", Dream Theater revient avec "Distance Over Time", nouvel album aux proportions plus conventionnelles. Retour à un simple CD pour une durée d'une heure avec d'ailleurs un format un peu plus compact que d'habitude.

C'est le single dévoilé avant la sortie de l'album, "Untethered Angel", qui ouvre l'album de façon directe et accrocheuse. On retrouve le type de mélodies auxquelles le groupe nous a habitué depuis "A Dramatic Turn Of Events" et des riffs metal puissants qui ajoute la dose d'énergie nécessaire. Six minutes efficaces qui mettent d'entrée de jeu "Distance Over Time" sur de bons rails et qui permettent de remarquer que le groupe a opté pour une production un peu plus organique, notamment au niveau de la batterie qui sonne de façon un peu plus puissante cette fois. Après avoir poussé le bouchon de la richesse et de la densité assez loin avec "The Astonishing", Dream Theater décide de revenir avec un album plus direct encore une fois, plus puissant et très accrocheur. La technique est évidemment toujours de la partie mais en dehors de quelques soli bien tordus, elle se marie bien aux riffs et ne fait jamais perdre le côté accrocheur de la plupart des morceaux. La durée de ces derniers est d'ailleurs elle aussi tenue dans des limites raisonnables par rapport à ce que le groupe a pu faire par le passé, le plus long d'entre eux dépassant à peine les neuf minutes. "Distance Over Time" est donc un album plus metal dans l'esprit, les morceaux sont mélodiques, puissants, accrocheurs et suffisamment riches pour tenir sur la longueur. Comme je le disais, on retrouve en quelque sorte l'orientation pour laquelle le groupe a opté à partir de "A Dramatic Turn Of Events", un Dream Theater un peu moins démonstratif, plus mélodique et accrocheur. On retrouve même sur "Barstool Warrior" des sons de claviers qui renvoient aux trois premiers albums du groupe et "Room 137" balance un riff qui rappelle presque le "Beautiful People" de Manson ! Ce morceau est d'ailleurs plus sombre que le reste de l'album avec son tempo plus lourd et ses lignes de chant presque malsaines et assez froides pour du Dream Theater.

Quelques petites surprises émaillent donc ce nouvel album mais on retrouve évidemment la patte du groupe. Pas de dépaysement à l'horizon mais de quoi rendre "Distance Over Time" suffisamment vivant, et la preuve que le groupe se permet encore certaines choses nouvelles pour lui. "S2N" continue d'ailleurs à nous surprendre avec là encore un côté assez moderne, assez froid et presque mécanique au début du morceau avec cette partie parlée. "At Wit's End", plus long morceau de l'album, nous amène sûrement les riffs les plus techniques de ce quatorzième album et permet à John Petrucci de se lâcher un peu plus. cela dit ce morceau balance aussi pas mal de mélodies et d'émotions en proposant en plus plusieurs passages bien rock, bref un bon mélange de ce que sait faire le groupe pour un morceau aussi dense et touchant que percutant. L'album se termine sur un autre morceau long, plus de huit minutes, inspiré de Carl Sagan et évidemment nommé "Pale Blue Dot". Là encore, quelques mélodies plus sombres et pesantes que d'habitude pour une réflexion sur notre place dans l'univers, sur l'immensité de celui-ci et le caractère précieux de ce petit point bleu perdu dans l'espace qui nous porte. Au niveau du son, j'ai aussi l'impression que John Myung se fait un peu plus de place avec sa basse que précédemment. Les fans du groupe en ont fait un gimmick et une blague du style "Mais où est la basse ?" sauf que cette fois on l'entend vraiment. Peut-être une conséquence du fait qu'ils ont tous bossé ensemble cette fois comme je le disais plus haut, permettant du coup de mieux intégrer les parties de tout le monde à l'ensemble sans qu'aucun ne prenne le pas sur l'autre. Notons que la version digipack (déjà préco pour ma part, ben oui on ne se refait pas...) contient un morceau bonus, "Viper King", aux accents très boogy Nouvelle Orléans style "Bad Devil" de Townsend ou plus globalement typé big band jazz. Là encore, une bonne surprise et un morceau accrocheur sur lequel vous aurez bien du mal à rester impassible. Les fous furieux pourront, quant à eux, se ruer sur la version box limitée qui en plus de contenir un double CD et un double vinyle propose aussi blu-ray et DVD !

Un nouvel album qui ne révolutionne pas la patte Dream Theater évidemment mais qui apporte son lot de surprises et de nouveautés en plus de proposer une heure de musique solide, accrocheuse, puissante et efficace. Comme je le disais dans de précédentes chroniques, certains auront beau dire qu'ils ne retrouvent pas l'inspiration des premiers albums, je ne connais pas beaucoup de groupes qui peuvent se vanter de sortir des albums de cette qualité après plus de trente ans de carrière et quatorze albums !


Murderworks
Février 2019




"The Astonishing"
Note : 17/20

Dream Theater est de retour et cette fois le groupe a décidé de frapper fort puisqu'il revient avec "The Astonishing", premier double album du groupe depuis "Six Degrees Of Inner Turbulence" et album conceptuel qui plus est ! Tout ça pour rien moins que 2h10 de musique, de quoi satisfaire les plus boulimiques des progeux.

L'album démarre sur une petit intro blindée de bruitages de machines électroniques, ce qui est logique puisque comme chez pas mal de monde ces derniers temps le concept met en scène une dystopie dans un futur relativement proche. Le morceau suivant est d'ailleurs "Dystopian Overture" dont le titre ne pourrait pas mieux résumer la chose. Un morceau plus sombre et plus orchestral forcément, de quoi introduire l'histoire et mettre dans l'ambiance directement. Précisons tout de suite pour ceux qui y sont allergiques que ce nouvel album s'inspire très fortement des grandes comédies musicales américaines, ça va donc très fortement se ressentir dans les mélodies qui sont typiques de ce genre de productions. Et si "Dystopian Overture" connaît quelques débordements techniques, il faut savoir qu'ils seront quasiment les seuls, certains feront encore leur apparition tout au long de ces deux CDs mais ça reste extrêmement rare surtout si on le compare aux précédents albums. L'accent est mis sur la mélodie et les ambiances pour "The Astonishing", avec un côté bien plus orchestral encore une fois et donc forcément moins metal. Je vais aussi en profiter pour dire tout de suite que non, ce nouvel album ne détrônera jamais "Scenes From A Memory", mais bon ce n'est pas vraiment une surprise. D'ailleurs si le troisième morceau de l'album "The Gift Of Music", que le groupe avait dévoilé avant la sortie de l'album, vous hérisse les poils par son côté très mélodique et un peu enjoué, vous pouvez laisser tomber tout de suite l'écoute de "The Astonishing" parce que ça va être une constante sur tout l'album. Le reste est même encore plus doux, les guitares acoustiques, les orchestrations et le piano se taillent la part du lion cette fois. Un parti pris qui colle avec l'envie de faire un album dans la lignée des grandes comédies musicales comme je le disais, mais aussi avec le concept développé pendant ces deux heures.

Pari risqué puisque les plus métalleux des progeux qui ont grossi les rangs du public de Dream Theater ces dernières années vont probablement vomir par les oreilles. Alors bien entendu, comme je le disais, les morceaux sont moins techniques, beaucoup moins longs puisqu'ils sont bien plus nombreux (20 sur le premier CD et 14 sur le deuxième ). A la première écoute, j'avoue avoir été un peu déçu, j'ai trouvé l'album un peu mou car même si je n'ai absolument rien contre les mélodies je trouvais que l'album s'enlisait trop souvent dans des espèces de ballades un peu trop sirupeuses à mon goût (sûrement aussi parce que ce n'est pas ce que j'avais envie d'écouter à ce moment-là). Mais après plusieurs écoutes on finit par rentrer dans le trip et par comprendre où le groupe a voulu en venir, le côté niais cède la place à la beauté des mélodies et des lignes vocales. On peut ne pas aimer le climat que l'album dégage mais il faut avouer que le groupe a bien bossé sur ces aspects, bien mieux que sur ses précédents albums. Et soyons francs, certains morceaux présentent un visage bien plus sombre, plus sobre aussi que ce à quoi Dream Theater nous avait habitué. La preuve que contrairement à ce qu'en dise les mauvaises langues les membres du groupe savent remiser leur technique au placard quand il s'agit de mettre un concept en musique, même Petrucci n'abuse pas du shred dans ses soli et privilégie les mélodies (ce n'est certes pas la première fois, réécoutez "Scenes From A Memory" justement ou le magnifique solo final sur "Octavarium"). Certains passages introduisent même de nouvelles sonorités, je pense particulièrement à "Lord Nafaryus" et ses rythmiques proches de certaines valses russes ! Chapeau bas à James LaBrie aussi pour avoir placé des lignes de chant à la fois très inspirées et dotées de superbes mélodies, le tout parfaitement adapté à son registre.

En tout cas, si les morceaux sont plus sobres et plus simples, techniquement ils n'en sont pas moins denses, et avec 2h10 de musique il va vous falloir une paire d'écoutes pour assimiler la bête. La première écoute peut laisser l'impression d'un album un peu mou, mais une fois de plus quand on s'y replonge sérieusement on découvre pas mal de sonorités, d'ambiances différentes même si évidemment le rythme n'est jamais effréné. "Our New World" balance même limite du hard FM de la grande époque sur le refrain, sans jamais paraître passéiste ou ringard. Le travail que le groupe a effectué avec le FILMharmornic Orchestra de Prague est excellent lui aussi, ce dernier ne prenant jamais le dessus sur le groupe. La plupart des groupes de metal faisant appel à un orchestre se font littéralement bouffer par ce dernier, les cordes envahissent l'espace sonore et les guitares s'y noient quand ce ne sont pas carrément l'inspiration qui passe à la trappe, certains se disant sûrement que de bons riffs ne sont pas nécessaires quand un orchestre apporte les mélodies. Dream Theater a évité cet écueil, l'orchestre a sa place et n'empiète jamais sur celle des autres, d'autant que le groupe n'en abuse pas et le laisse s'exprimer quand les morceaux et le concept l'exigent.

Au final, malgré une première impression mitigée, voilà un nouvel album inspiré, varié, massif, dense et surprenant quand on prend en compte les dernières réalisation de Dream Theater. Un retour d'inspiration qui fait plaisir à entendre et qui laisse espérer le meilleur pour la suite.


Murderworks
Avril 2016




"Dream Theater"
Note : 16/20

Dream Theater n'aura pas chômé depuis la sortie de "A Dramatic Turn Of Events", puisqu'après une tournée sur laquelle a forcément été filmé un nouveau DVD, les voilà déjà de retour avec un nouvel album qui porte tout simplement le nom du groupe. En même temps ils avaient sûrement envie de montrer que le départ de Portnoy n'avait rien changé au fonctionnement de la machine, en tout cas on va voir ce que la bête a dans le ventre.

Le groupe a décidé de prendre ses fans à contre-pied une fois de plus, puisque là où le précédent était très prog, riche et complexe ce nouvel opus se montre lui bien plus direct malgré une ouverture orchestrale qui laisse imaginer qu'ils ont décidé de se lâcher. Mais il n'en est rien, c'était une feinte et Dream Theater va nous l'annoncer clairement juste après en enchaînant sur "The Enemy Inside" qui débarque avec son gros riff de bûcheron et son refrain tubesque. Du coup on se met à penser qu'on va avoir droit à un album plus metal, qui sans aller jusqu'à la débauche de "Train Of Thoughts" renouerait avec le gros son et les riffs de tueurs ! Hé bien ce n'est pas ça non plus, "The Looking Glass" continue de nous feinter en revenant à des mélodies et des structures très proches de ce que faisait le groupe sur "Images And Words". Bref, Dream Theater a cette fois décidé de faire une sorte de melting pot, ou de synthèse de ce que le groupe a pu faire à ses débuts. On note quand même une approche bien plus directe et plus facilement assimilable que sur le précédent album, et sur la première écoute ça peut laisser un arrière-goût de déception, qui, pour ma part, était aussi présent sur les premières écoutes de "A Dramatic Turn Of Events". Et au final, au fil des écoutes, on saisit où ils ont voulu en venir cette fois et on apprécie l'album pour ce qu'il est.

Parce que oui, les morceaux sont bons en général, même si le groupe n'atteint jamais les sommets de son glorieux passé, sommets qu'il n'atteindra plus à mon avis. C'est dommage certes, mais après 25 ans de carrière et 12 albums on peut déjà s'estimer heureux que les nouveaux soient encore de qualité. Il est vrai que ça n'évite pas les faux pas pour autant, l'instrumental "Enigma Machine" par exemple, qui, sans être mauvais, débarque un peu comme un cheveu sur la soupe et coupe le rythme de l'album. On retrouve naturellement le fameux "epic", figure de style obligatoire chez Dream Theater, avec le final de 22 minutes "Illumination Theory". Pas le meilleur "epic" de leur carrière, mais un bon titre qui aurait facilement pu être raccourci un peu, mais qui offre quand même de belles mélodies sur la fin avec l'orchestre en appui. Le problème de ce morceau en fait c'est que le final orchestral a méchamment tendance à me rappeler le titre "Octavarium" qui, lui, est magnifique par contre, et "Illumination Theory", aussi bon qu'il est, ne fait pas le poids en face d'un tel mastodonte. Ce ne sont que quelques petites faiblesses qui seraient passées inaperçues chez quelqu'un d'autre, mais qu'on ne peut s'empêcher de pointer chez un monstre comme Dream Theater. Et puis à côté de ça, on a quand même des morceaux comme "Bigger Picture" qui montre le talent du groupe pour les power ballades.

Autre détail qui pourrait plaire à ceux que les claviers révulsent d'ailleurs, Jordan Rudess se fait bien plus discret que d'habitude sur cet album et ne se lâche finalement que sur le final de "Illumination Theory" et sur "Along For The Ride" en nous balançant ces fameux sons qui font pouet. Pour le reste il se contente surtout d'accompagner les morceaux et d'y apporter de la mélodie, et ça passe très bien comme ça. Par contre, on sent clairement que Mangini ne pèse pas aussi lourd que Portnoy en termes d'écriture, il fait le boulot de façon magistrale mais reste à son poste. Les patrons sont Petrucci et Rudess maintenant, et comme Portnoy à l'époque ils ne doivent pas laisser beaucoup de place aux autres niveau créativité, ce qui est dommage car le groupe a perdu son inventivité d'antan et qu'il aurait été judicieux de profiter de la présence de sang neuf pour expérimenter un peu.

Mais bon, ce cru 2013 est globalement très bon, alors ne boudons pas notre plaisir d'en reprendre une rasade. Son plus gros défaut est finalement d'être comparé à son prédécesseur qui présentait une plus grande complexité et une plus grande richesse, mais le malheur des uns fera le bonheur des autres, à savoir ceux qui préfèrent le groupe quand il va droit au but (enfin c'est relatif, ça reste Dream Theater hein). Et c'est le genre de réactions que le groupe a toujours suscité, trop metal pour les uns, trop prog pour les autres d'un album à l'autre. Si vous aimez comme moi les deux facettes du groupe vous pouvez y aller, pas de grosses surprises en vue mais pas de grosse déception non plus.


Murderworks
Décembre 2013




"A Dramatic Turn Of Events"
Note : 17/20

Ces derniers mois ont été mouvementés pour Dream Theater, les mastodontes du metal prog ont dû faire face au départ de leur ancien leader et batteur Mike Portnoy. Ce n’est pas le premier changement de line-up que le groupe doit essuyer, mais c’est sûrement le plus important. Car ceux qui connaissent un tant soit peu l’histoire du groupe savent que c’est en grande partie lui qui menait la barque, et ce à tous les niveaux : composition, production, choix des setlists en live, fan club, interviews, réalisations des DVDs bonus etc… Portnoy se sentant lessivé après plus de 20 ans à tout gérer a proposé au groupe de faire une pause de durée indéterminée, ce que le reste du groupe a refusé d’emblée. Le batteur lama en ayant vraiment besoin, il a pris une pause sans eux. Le problème c’est qu’une fois reposé il a proposé son retour au sein du groupe, qui a lui aussi été refusé. Bref le groupe allait devoir trouver un autre batteur, et surtout apprendre à gérer tout ce qui entoure leur musique tout seuls.

Après un pseudo suspense qui a duré plusieurs mois, on apprenait que le nouveau batteur n’était autre que Mike Mangini qui était déjà pressenti par presque tous le monde depuis un moment. Pourquoi ? Très simple, il connaît déjà très bien les membres du groupe, il était prof au Berkley College dans lequel les gars ont fait leurs armes et il n’a plus rien à prouver à qui que ce soit au niveau de sa technique. Choix relativement logique donc, même si un Marco Minnemann aurait peut être pu amener un peu de folie sur le long terme. Mais bon le long terme justement on n’y est pas encore, et on ne sait pas ce que Mangini peut nous réserver à l’avenir. L’album était déjà composé quand il est arrivé au sein du groupe, on devra attendre encore un peu pour savoir si il peut apporter du sang neuf à la musique du groupe.

Mais revenons à nos moutons et au présent, l’album est sorti et répond au nom de "A Dramatic Turn Of Events" (elle s’est passée si mal que ça la séparation avec Portnoy ?) et on peut dire qu’il était attendu au tournant. Même en étant un dingue du groupe il faut savoir reconnaître que la qualité et la créativité ne sont plus au même niveau que les premiers albums depuis un moment. Les derniers opus étaient clairement bons, mais le précédent méfait malgré ses qualités montrait quand même une relative baisse de régime par moments. Nombreux sont ceux qui pensent que le reste du groupe aurait dû accepter la proposition de Portnoy et faire un petit break le temps de se ressourcer niveau inspiration. Mais bon avec des "si" on refait le monde, le groupe n’a pas pris de pause et a enchaîné avec la sortie d’une nouvelle galette.

Et dès les premières écoutes on est surpris d’entendre un quasi retour aux sources, qui sans singer les premiers opus du groupe reviennent à plus de sobriété après plusieurs albums qui partaient facilement dans la démonstration et les plans extraterrestres pour le plus grand bonheur des shredders et autres techniciens fous. Cette fois Dream Theater a décidé de laisser ressortir les émotions et de se contrôler pour la première fois depuis… ben depuis "Scenes From A Memory" en fait, bien qu’"Octavarium" avait lui aussi montré un visage plus apaisé et moins technique. Terminées les branlettes de manches à répétitions, finies les parties de batteries et de synthé qui donnent le vertige dès que vous essayez de comprendre ce qui se passe, bref retour à des morceaux plus "simples". Certains diront moins prétentieux, je n’irai pas jusqu’à qualifier les précédents albums de prétentieux, je les trouve très bons mais c’est vrai que pour le néophyte ça peut carrément déstabiliser au début.

Exit aussi les influences Muse ou Metallica un peu trop marquées depuis un petit moment, Dream Theater est redevenu Dream Theater et si l’influence de certaines scènes extérieures au prog sont encore là elles ne s’affichent plus aussi ostensiblement que par le passé. On note tout au plus une discrète incursion électronique au début de "Build Me Up, Break Me Down" suivie de riffs plus couillus que d’habitude. Ce qui risque par contre de toujours emmerder certains détracteurs du groupe, c’est la présence de quelques ballades aux mélodies assez sucrées mais magnifiques quand on veut bien se donner la peine d’écouter sérieusement. Mais bon je sais que certains vont trouver ça "gay as fuck" et ça peut se comprendre, je ne leur en voudrait pas d’être rebutés par cet aspect. Mais je persiste en disant que "This Is The Life" ou "Beneath The Surface" sont de très bons morceaux, et que malgré le côté un peu gentillet les émotions sont là et passent bien.

A côté de ça on retrouve les habituels morceaux longs auxquels Dream Theater nous a toujours habitués, et là aussi on note que c’est moins démesuré que par le passé. Là où le groupe aimait régulièrement nous pondre des pavés de près de 20 minutes ou plus sur ses derniers albums ("Octavarium", "In The Presence Of Ennemies", "The Count Of Tuscany") ici le maximum est de 12 minutes 25 ce qui est déjà pas mal. Dans le genre, "Lost Not Forgotten" est carrément un tube malgré ses 1à minutes 11, d’ailleurs je trouve dommage que le groupe ne l’ait pas incorporé à sa setlist sur cette tournée puisque je pense qu’il aurait pu faire un carton. Pas grave on peut se consoler avec "Bridges In The Sky" qui lui sert d’entrée cette tournée, morceau qui montre d’ailleurs un visage plus sombre et solennel que le reste de l’album. Rien que son intro balance la couleur, didjeridoo suivi de chœurs religieux entonnant un "Agnus Dei" à vous faire dresser les poils !

Pour le côté plus général on notera que les deux cinglés du groupe, à savoir John Petrucci et Jordan Rudess, se sont eux aussi calmés sur les soli et autres duels guitare-claviers. Alors bien sûr Petrucci place encore pas mal de shred mais c’est moins systématique et moins frénétique qu’avant, disons qu’au lieu d’en foutre partout il les place là où c’est nécessaire et c’est tout. Pareil pour Rudess qui se limite plus à de l’accompagnement, ne s’autorisant à partir en vrille que quand c’est possible, là où lui aussi avait tendance à se montrer un peu envahissant avant. Les sons bizarres / Walt Disney qu’il pouvait sortir et qui repoussaient pas mal de monde ont quasiment disparus eux aussi, on en reste à des sons de claviers relativement conventionnels pour du prog.

Pour ce qui est de la prod' le son est très bon mais ça on s’y attendait, même si Portnoy n’est plus aux manettes on se doute bien qu’ils n’engagent pas des manches pour produire leurs albums. Par contre là où l’absence de Portnoy se fait sentir c’est bien entendu au niveau de la batterie, elle est forcément plus en retrait maintenant et la première fois on a presque l’impression qu’on ne l’entend quasiment pas. Fausse perception bien entendue induite par le fait qu’elle était carrément mise en avant par Portnoy sur les anciens albums, cette fois tout est plus équilibré et chaque instrument est à peu près à sa place. Il n’y a que Jonh Myung qui ne se fait pas plus remarquer que d’habitude, et c’est bien dommage quand on connaît le talent du bonhomme. James Labrie quant à lui part moins dans les aigus et place des lignes de chant plus naturelles pour sa voix, et ça va fortement se ressentir en live puisqu’il a depuis plusieurs années du mal à tenir les notes haut perchées.

Bref cet album est une réussite, il ne détrônera pas les chefs d’œuvres que le groupe a pu sortir il y a plusieurs années, mais je pense que sur le long terme il finira par rejoindre le peloton de tête pour la plupart des fans. Et vu le contexte de sa réalisation c’est déjà beaucoup, nombreux sont ceux qui pensaient que le groupe était mort et enterré avec le départ de Portnoy. Il nous montre avec ce  "A Dramatic Turn Of Events" qu’il a su se relever avec brio (avec qui ?) et que son avenir peut encore nous réserver de très belles surprises. Pour ma part j’attends de les retrouver en live en 2012, histoire de vérifier que ce line-up tient la route sur scène même si je n’en doute pas une seule seconde.


Murderworks
Novembre 2011


Conclusion
Le site officiel : www.dreamtheater.net