Etxegiña est un groupe de RABM franco-basque. En effet, certains de ses membres sont de Paris et d’autres d’Eibar en Espagne, oups, au Pays basque, et la formation a participé à la "Red And Black Flag Convocation", une compilation made in Red Nebula, label activiste américain regroupant des groupes d’obédience RABM. Vous devez peut-être vous poser la question, mais pour ceux qui ne le savent pas, RABM signifie Red And Anarchist Black Metal, c’est, en quelque sorte, une réponse communiste au NSBM, le black metal national socialiste. C’est fou parce qu’il n’ y a que dans le black metal qu’on retrouve ce genre de délire, on n’a jamais eu de "anti capitalist death metal", ACDM ou de "republican thrash metal" (si, peut-être le groupe Iron Reagan… mais non, je déconne), à croire que ce style est réellement un univers à part entière… Bon, je m’apprête à m’attirer les foudres des fans de black, mais pour moi le black metal, c’est comme le mouvement LGBT, tu peux jouer du black mais ne pas forcément avoir d’accointance avec d’autres sous-genres de ce style, tout comme dans le milieu LGBT qui serait apparemment bien divisé selon les "tendances". Bref, c’est très compliqué tout ça et nous au milieu, les fans qui aiment le black parce que c’est le style qui nous plaît plus qu’une quelconque l’idéologie, on est obligé de s’adapter, de comprendre, et de se créer des repères. D’ailleurs, bravo au Youtubeurck Sakrifiss qui, sur sa chaîne, traite du black dans son entièreté et nous aide ainsi à mieux assimiler les tendances et les sous-genres, avec humour et professionnalisme.

De ce fait, pour cette chronique, nous n’allons pas aller plus loin dans le concept et parler de ce qui nous intéresse vraiment au-delà du message, c’est la musique, mais on va quand même s’attarder un peu sur le concept de l’EP. Celui-ci est dédié au journaliste anarchiste Edouardo de Guzman envoyé dans des camps de concentration, torturé et condamné à mort puis libéré sous caution sans possibilité de retravailler dans le journalisme. "Herederos Del Silencio" est donc un EP sorti le 27 Septembre 2021, celui-ci contient 4 titres très mélodiques de black metal assez cru dans l’ensemble. Par cru, j’entends là un son de guitare assez léger une batterie très acoustique et une basse bien ronde, il y a un côté autoprod’ là-derrière, et Etxegiña ne semble pas avoir pour vocation de porter son black vers l’agressivité. Tout au long du disque, on retrouve des influences pagan qui, avec l’accent basque et les paroles du chanteur, possède un petit côté "groupe régional" assez sympatoche. Attention, ce n’est point péjoratif comme remarque, bien au contraire, on ressent au travers des mélodies de guitares qui s’entremêlent des sonorités folkloriques traitées avec des instruments électriques. "Nosotros Los Etxegiña" possède un petit côté dansant, son tempo médium et ses mélodies chantantes sur lesquelles viennent se poser des vocals black écorchés aux timbres grinçants invitent immédiatement l’auditeur au sein d’un black metal étrangement chaleureux.

Malgré cette sensation plutôt positive, on perçoit malgré tout, de manière sous jacente, une forme de mélancolie et de désespoir, comme si le groupe s’inspire de ces émotions négatives pour en faire une force. La deuxième partie de la composition amorce un engagement musical plus radical avec son beat acéré, puis revient sur son thème de prédilection évoqué dès l’introduction, la boucle est bouclée. Les mélodies sur ce titre sont très accrocheuses. "El Roble Que Brota Indemne" touche à des sonorités plus dramatiques, Etxegiña exerce son art dans une forme de simplicité, autant en termes de structures que d’interprétation. Les riffs sont faciles à retenir et l’exécution instrumentale, un tantinet imprécise à certains moments, offre ainsi un côté live plaisant, et, comme je l’avais souligné en début de chronique, offre une dimension musicale plutôt cru. Sans doute le track le plus élaboré de l’EP. "La Montaña" débute sur un arpège magnifique et offre un moment de répits tout en finesse. Le chant s’y pose avec beaucoup de mélancolie, parlé, avant de revenir plus écorché que jamais sur une rythmique ternaire morose et pessimiste. Tout en progression, ce morceau poignant laisse entendre une autre facette d’Etxegiña, grâce à un storytelling prenant. "Los Cadáveres Insepultos De Albatera" conclut ce court voyage d’une excellente manière. Tout comme le titre précédent, celui-ci draine une musique plus occulte et trouble que les deux premières compositions. On ressent une rage black metal assumée et sincère. Dans cet exercice-là, le combo excelle et on entend au sein de sa musique une forme de violence plus libérée.

En s’insérant dans une démarche plutôt simpliste, les Franco-Basques communo-blackeux offrent avec "Herederos Del Silencio" un EP à la fois intimiste et engagé, décharné dans le son mais consistant dans le propos. Je reste personnellement plus sensible aux deux derniers tracks qui sont réellement prenants, et dégagent une forme de dramaturgie que l’on a vraiment envie de prendre au sérieux, là où les deux autres compositions exposent des relents folkloriques qui retirent un peu de substance à la musique. Cela reste évidemment mon avis, et je suis certain que d’autres auditeurs préféreront la tendance plus folk de nos chers amis de chez Etxegiña. Quoi qu’il en soit, si de prime abord cet EP semble banal, proche d’une multitude d’autoprods du genre, on est vite captivé par l’orientation que prend chaque composition et il est difficile de ne pas être tenté de refaire tourner une fois de plus l’EP, et encore une fois de plus, et encore et encore…