"Distortions"
Note : 18/20
Godthrymm renaît. Créé en 2017 en Angleterre par Hamish Glencross (guitare / chant,
ex-Vallenfyre, ex-My Dying Bride, ex-Solstice) et Shaun "Winter" Taylor-Steels (batterie,
ex-Anathema, ex-My Dying Bride, ex-Solstice), le groupe est complété par “Sasquatch”
Bob Crolla (basse) et Catherine Glencross (claviers / chant) pour la sortie de "Distortions"
chez Profound Lore Records, label qui a également édité le premier album.
La mélancolie nous envahit immédiatement lorsqu’"As Titans", le premier titre, débute avec
des mélodies aériennes. Les parties vocales masculines intenses donnent une touche brute
supplémentaire à cette rythmique sombre, qui s’apaisera pour laisser une douce voix claire
féminine apparaître et nous envoûter avant le retour de la saturation, accompagnée par des
claviers lumineux suivis de leads lancinants. Le son finira par s’éteindre pour laisser "Devils" et
son groove accrocheur s’emparer de nous avant de rejoindre le chant et son étrange pouvoir
hypnotique, parfois aidé par les choeurs de Maggy et Polly-Jean Glenncross, qui
apportent un relief intéressant. La douceur renaîtra avec l’arrivée d’"Echoes", mais la noirceur
finira par teinter cette lenteur aérienne aux leads transcendants qui nous transportent hors
du temps, laissant les parties vocales apporter une touche humaine réconfortante, puis
"Obsess And Regress" alourdira à nouveau le mélange inquiétant.
Les deux voix se répondent
dans ce tourbillon de dissonance qui progresse dans les tonalités pesantes pendant que les
guitares folles se mettent à accélérer vers la fin, accompagnées par Al Kotwal, guitariste
live du groupe, ainsi que par une double pédale solide, qui nous abandonne sur "Unseen
Unheard" où le groupe accueillera Scoot Gladok (Doom, Extinction of Mankind,
ex-Vallenfyre) pour créer une diversité vocale plus importante qui s’allie parfaitement au
passage le plus explosif de cette rythmique contrastée et changeante. Le son adoptera des
accents gothiques sombres lorsque les mots d’Aaron Stainthorpe (My Dying Bride)
rejoignent les deux vocalistes sur "Follow Me" et ses accents saturniens qui se transforment
peu à peu en une douce lueur d’espoir vers la fin de ce long morceau, mais la morosité
reprend le dessus avant de nous abandonner à "Pictures Remain", le dernier titre, qui nous
inonde lentement de sa douceur grâce à quelques notes aériennes et à la voix de la
claviériste, qui seront rejointes par une rythmique saturée entêtante avant de s’éteindre
définitivement.
La mélancolie vit plus intensément grâce à Godthrymm qui réussit à capturer son essence
même dans "Distortions", un long mais très riche album où le doom se répand lentement
comme une fumée sombre au loin.
"Reflections"
Note : 15/20
Si Godthrymm est un nouveau groupe, ses membres n'en sont pas des débutants pour autant puisqu'on y retrouve Shaun Taylor-Steels et Hamish Hamilton Glencross qui ont tous les deux joués chez My Dying Bride, entre autres. Après deux EPs sortis respectivement en 2018 et 2019, le groupe sort donc son premier album "Reflections" en ce début d'année.
Vous vous en doutez, le groupe donne dans le doom et la plupart des morceaux vont tourner autour des six ou sept minutes. "Monsters Lurk Herein" ouvre l'album en douceur avec quelques arpèges en son clair qui égrènent déjà des mélodies mélancoliques voire bien déprimantes avant de laisser place à des guitares bien grasses pour un doom assez traditionnel dans son approche. Les mélodies vont évidemment renvoyer plus d'une fois à My Dying Bride" mais Godthrymm puise dans les origines du genre et son doom est aussi lourd et déprimant qu'épique. Le chant navigue aussi entre plusieurs eaux, tantôt rageur et presque crié, tantôt chanté et plus mélodique, voire même féminin puisque Catherine Glencross donne un peu de voix sur deux morceaux. On sent aussi un peu du Paradise Lost du début sur "Among The Exalted", avec ces mélodies jouées par des guitares grasses, on se croirait presque sur "Gothic" par moments ! Vous ne trouverez évidemment rien de révolutionnaire chez Godthrymm puisque ce n'est pas la propos du groupe, par contre vous trouverez des morceaux inspirés aux ambiances prenantes joués par un groupe qui connaît ses classiques. C'est pesant, écrasant même, déprimant, mélodique et épique, bref tout est là pour que "Reflections" fasse vibrer les tympans des dingues de doom. "The Sea As My Grave" présente même quelques arpèges assez inquiétants qui contrastent avec la détresse ambiante en installant une ambiance plus noire et oppressante.
Le groupe jongle parfaitement bien avec tous ces éléments et son doom ne tombe jamais dans la facilité du riff répété à l'envie. Godthrymm reprend certes des éléments utilisés depuis des lustres par les anciens de la scène mais arrive à créer son monde. Tout ça fait que malgré près d'une heure au compteur, "Reflections" passe tout seul et arrive à garder notre attention par la variété de ses ambiances. Le groupe aime d'ailleurs nous prendre à contre-pied et après près de six minutes très lourdes et presque funèbres, "The Grand Reclamation" part en up-tempo avec un côté bien heavy, créant un contraste assez brutal et donc très efficace. C'est un peu ce que fait le groupe en permanence, varier les ambiances, les sonorités, rendre les morceaux dynamiques en changeant de rythme. On reste dans du doom anglais proche de la tradition mais Godthrymm fait en sorte que sa musique vive et évite les écueils de certains qui s'amusent à mettre trois riffs par morceaux de douze minutes. Ici, on sent qu'il y a l'amour du genre et une brique sur l'estomac à évacuer, l'inspiration n'a pas dû être bien difficile à prouver tant les membres du groupe ont ça dans le sang. On sent du My Dying Bride, du Paradise Lost, du heavy / doom dans les moments les plus épiques, bref ça sent le classique et ça fait plaisir. La production quelque peu abrasive rajoute encore une couche de charme à tout ça et colle parfaitement bien à cette orientation doom traditionnel anglais.
Un très bon premier album qui ne se contente pas de réciter les classiques du doom anglais, Godthrymm impose sa patte et fait sa musique avec les tripes. On reconnaît l'influence des groupes dans lesquels sont passés certains de ses membres mais le tout est tellement bien fait et inspiré que ces détails passent en second plan. "Reflections" tape dans le mille et les amateurs du genre ne s'y tromperont pas.
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