La Klonosphere a toujours eu le nez creux lorsqu'il s'agissait de trouver des groupes intéressants et de qualité. Elle a encore frappé fort cette fois en sortant le premier album des Français de Hypnagone nommé "Qu'il Passe" et qui propose ce que l'on pourrait appeler du metal moderne pour faire simple. On peut y trouver des sonorités djent, du progressif, du post et ce fameux groove briseur de nuques. Quand on apprend en plus qu'il y a là-dedans des personnes sorties du M.A.I de Nancy, on sait que techniquement ça va être carré de chez carré !

"Arrival" ouvre le bal en douceur de manière instrumentale et très typé "ambiant" dans l'esprit, une petite introduction qui fait déjà comprendre que même si ça va jouer dur et fort, les ambiances seront là et risquent de prendre aux tripes. "Shibboleth" confirme avec d'entrée quelques parties techniques et intriquées qui tranchent avec cette introduction posée mais qui gardent justement cette ambiance mélancolique et urbaine en fond. La suite fait entendre un mélange intéressant avec un groove doté d'une sorte de patte mécanique et froide, un oxymore musical qui fonctionne bien et donne une aura particulière à ce premier véritable morceau. On comprend donc vite que Hypnagone développe déjà sa patte et ces neuf minutes nous font déjà passer par plusieurs émotions et ambiances différentes, du chant clair éthéré aux parties plus dures et groovy portées par des riffs de bûcheron. Un excellent solo technique mais mélodique et lumineux aux accents parfois proches de Fallujah se fait entendre en milieu de morceau et ajoute encore un peu de richesse à un morceau qui n'en manque déjà pas à la base. "Spannungsbogen" prend le contre-pied et devient plus frénétique à la fois dans son agressivité et sa technicité avec des parties touffues et complexes qui lui donnent des airs de labyrinthes. Le chant hurlé se fait une place plus grande et une certaine folie s'empare de ce morceau même si la mélodie et les ambiances plus aériennes se font aussi entendre. "The Step Inward" nous fait aussi entendre quelques parties jazzy du plus bel effet au milieu d'un morceau là encore assez insaisissable.

"Moss" nous fait une belle coupure avec un visage beaucoup plus posé et aérien qui peut presque faire penser au Deftones de "Koi No Yokan" par moments, dans l'esprit en tout cas avec cette ambiance qui nous fait flotter très haut et très loin. Si la précision est nécessaire, c'est parce que même si certaines influences peuvent se faire entendre (on peut discerner du Gojira dans le groove, du Cynic dans certaines mélodies ou certains soli par exemple), la forme est toujours différente des groupes en question et Hypnagone arrive sans problème à développer son propre univers. On sent que le travail fourni est énorme (l'album a été enregistré deux fois et certains morceaux comme "Moss" justement ont connu plusieurs versions avant d'arriver à ce qu'on entend sur "Qu'il Passe"). Malgré la richesse et la complexité dont font preuve la plupart des morceaux, "Qu'il Passe" n'est jamais hermétique et laisse toujours suffisamment de place aux mélodies et aux émotions pour vous saisir d'une façon ou d'une autre. Et quand ce n'est pas ça, c'est le groove destructeur comme celui de "White Fields" qui vous cueille en vous envoyant une belle petite volée de mandales dans la mâchoire. "The Mind Derailed" fait mal aussi dans le genre et entre les cassures rythmiques et les riffs bien bourrins, il y a de quoi s'en prendre plein la tronche ! Sans compter que là aussi on retrouve une certaine folie dans la construction du morceau et ses parties les plus touffues et complexes. Une folie qui contribue non seulement à rendre les morceaux encore plus intenses mais aussi à affirmer encore un peu plus la personnalité d'un groupe qui fait déjà entendre de belles choses.

Hypnagone frappe donc fort avec son premier album et nous fait dire qu'il falloir surveiller tout cela de très près ! "Qu'il Passe" mélange harmonieusement mélodies, groove, puissance et technicité pour une musique personnelle et sincère qui devrait très vite permettre au groupe de se faire remarquer.