Le groupe
Biographie :

Créé en 2003 à Montpellier, Hypno5e propose un metal dit "cinématographique" qui alterne, dans un style très moderne, entre sonorités extrêmes et longues accalmies planantes, le tout enrichi par des extraits audio de films, d’entretiens ou d’œuvres radiophoniques souvent très littéraires. Après un EP en 2005, le groupe sort en 2007 son premier album intitulé "Des Deux L’une Est L’autre" qui lui permet de s'exporter à l'international. Viendront ensuite "Acid Mist Tomorrow" en 2012 puis "Shores Of The Abstract Line" en 2016. Actuellement, Hypno5e est constitué d'Emmanuel Jessua (chant et guitare), de Cédric (Gredin) Pagès (basse et seconde voix), de Jonathan Maurois (guitare) et de Théo Begue (batterie). En 2018, Hypno5e fait un détour par "Alba - Les Ombres Errantes", bande originale du film du même nom réalisé par Emmanuel Jessua, avec son double acoustique, A Backward Glance On A Travel Road. L'année suivante, le 22 Novembre 2019, paraît "A Distant (Dark) Source", en collaboration avec le label Pelagic Records. Le sixième album, "Sheol", sort en Février 2023.

Discographie :

2004 : "H492053" (Démo)
2005 : "Manuscrit Côté ms408" (EP)
2007 : "Des Deux L’une Est L’autre"
2012 : "Acid Mist Tomorrow"
2016 : "Shores Of The Abstract Line"
2018 : "Alba - Les Ombres Errantes"
2019 : "A Distant (Dark) Source"
2023 : "Sheol"


Les chroniques


"Sheol"
Note : 16/20

Hypno5e continue son aventure avec Pelagic Records. Créé en 2006 en France, le groupe composé à ce jour d’Emmanuel Jessua (guitare / piano / charango / guitare portugaise / chant), Jonathan Maurois (guitare), Pierre Rettien (batterie) et Charles Villanueva (basse) annonce la sortie de "Sheol", son sixième album.

L’album débute par "Sheol - Part I - Late Sorrow", une introduction progressive qui place une ambiance plutôt sombre et inquiétante accompagnées par un sample vocal en espagnol avant de laisser "Sheol - Part II - Lands Of Haze" nous écraser avec une rythmique pesante et saccadée au mix moderne. Le titre couple des éléments agressifs et surprenants, comme du blast, des cris et des patterns saccadés à des parties beaucoup plus apaisantes composées de mélodies et de chant clair, créant une dissonance aussi fascinante que complémentaire à laquelle le groupe intègre des samples vocaux et une construction rythmique complexe avant de laisser "Bone Dust" placer des orchestrations tristes. Le morceau avance lentement en explorant des sonorités lancinantes, mais la saturation frappera de nouveau à tous points de vue en se plaçant sur les éléments les plus énergiques. Même si la quiétude domaine le titre, on sait que le son est amené à exploser, alors que "Tauca - Part I - Another" dévoile des éléments plus ambiants qui illustrent parfaitement le côté “cinématographique” du groupe.

"Lava From The Sky" nous proposera également des sonorités mystérieuses qui seront cette fois amenées à s’embraser tout en laissant les éléments ambiants apaisants et intrigants créer un contraste avec la violence et la lourdeur qui règne sur la dernière partie, celle qui nous mène à "The Dreamer And His Dream", une longue composition qui reste dans cette progression entêtante et inattendue, que ce soit dans la douceur ou dans la violence. Lourdeur et patterns énergiques viennent parfois fracasser la quiétude, laissant des sonorités aériennes clore le titre, puis c’est "Slow Steams Of Darkness - Part I - Sacred Woods" qui vient reconstruire ce climat angoissant et mélancolique, à l’aide d’un nouveau sample. Les voix de film laissent place au chant qui nous accompagne à "Slow Steams Of Darkness - Part II - Solar Mist" avec des frappes régulières, suivies d’influences mathcore aussi folles et chaotiques que précises. Ce titre est le dernier de l’album, et il va une fois de plus laisser toute l’intensité créatrice du groupe s’étendre sur plus de dix minutes, dévoilant toutes les facettes de son univers torturé aussi complémentaire que différent.

L’univers d’Hypno5e est d’une richesse incroyable. En une minute, le groupe est capable de passer d’une déferlante de rage brute à une quiétude intérieure mystérieuse, créant avec "Sheol" l’un des plus gros clivages complémentaires que je connaisse.


Matthieu
Mars 2023




"A Distant (Dark) Source"
Note : 19/20

C'est le lac préhistorique Tauca, disparu il y a 15 000 ans pour laisser place à la plus grande étendue de sel au monde le Salar d'Uyuni dans les Andes, qui a servi de point de départ à l'écriture du nouvel album d'Hypno5e, "A Distant (Dark) Source". Le groupe, qui se définit lui-même comme metal cinématique, a élaboré un nouveau scénario musical en imaginant le voyage spirituel d'un homme sur ces terres arides. Les rivages désormais croûte de sel sont hantés par les âmes errantes des anciens humains ayant vécu autour du Tauca avant sa disparition totale. L'homme revient le temps d'une nuit, depuis le coucher du soleil jusqu'à l'aube, pour retrouver le spectre d'une femme aimée. "A Distant (Dark) Source", cinquième album du groupe, est la seconde partie d'un projet diptyque. L'originalitéde ce dernier provient du fait que la première partie sortira après la seconde.

Le premier titre "On The Dry Lake" plante le décor de l'histoire. Des terres asséchées, le silence de la nuit traversé par le souffle des âmes mortes, un homme seul et livré aux douloureux souvenirs de la femme qu'il a perdue. Comme à son habitude, Hypno5e réussit à créer des compositions ultra visuelles. Les images affluent dans l'esprit de l'auditeur qui part lui aussi en voyage. Un voyage auditif et sensoriel où la musique alterne des passages aussi éthérés que violents. Outre cette alternance musicale, il y a toujours les nombreuses citations (Cocteau, Musset, Louis Aragon etc) qui nourrissent l'imagerie cinématique du groupe. A noter d’ailleurs, le très bel extrait tiré de la "Valse des Adieux" (Aragon) en ouverture de "Tauca - Pt.2 Nowhere". Voilà une recette qui n'est certes pas nouvelle chez Hypno5e. Mais, au fil des albums Hynop5e n'a eu de cesse d'enrichir sa musique en ajustant et en affinant tous les ingrédients qui la composent, pour atteindre une quasi perfection dans la qualité de composition et l'émotion transmise. Pas besoin d'entretenir un hypothétique suspense : "A Distant (Dark) Source" est tout simplement une gifle !

Il tape directement en plein coeur en nous faisant passer par de nombreux états émotionnels. Le soin apporté à la composition et l'orchestration nous cueille dans les passages calmes d'où se dégagent une tristesse et une mélancolie intenses. Grâce aux violons, pianos, flûtes et instruments divers... aux résonances aériennes et souvent hispaniques. Ce sont des souvenirs qui vagabondent sur une valse (1-2-3-1-2-3 !) de "In The Blue Glow Of Dawn - Pt.1", ce sont les poils qui se dressent sur "Tauca Pt.2 Nowhere"... La qualité des mélodies a irrémédiablement encore monté d'un cran avec cet album ! Quant aux passages lourds, Hypno5e n'a sûrement jamais été aussi violent que sur "A Distant (Dark) Source", on frôle par moments le black metal. Le tout reposant sur une tension quasi permanente et une voix diablement agressive. C'est épidermique ! Et la seule réaction intelligible que l'on a sur le riff assassin de "A Distant Dark Source - Pt.3", ou l'implacable rythmique sur la fin de "On Our Bed Of Soil - Pt.2", c'est un gros "pouaaaaaahhh..." dans un secouement de tête, incrédule.

Il faut saluer aussi la performance vocale d'Emmanuel Jessua. Sa voix (chantée et criée) s'est non seulement perfectionnée, mais sur "Tauca - Pt.2 Nowhere", elle est même tout à fait inédite ! C'est la première fois que l'on entend ce chant terriblement torturé, plaintif et sur le fil, à la limite des larmes. Le retournement de la "ballade" en une rage bouillonnante est tel un uppercut dans le ventre. Le piano en clôture nous laisse hagards et profondément mélancoliques. Avec cette sensation d'épuisement psychique et physique, cette drôle impression d'être passé sous un rouleau compresseur. Enfin l'atmosphère (auditive et visuelle) générale de l'album est le résultat d'un très beau travail sur l'orchestration et les multiples arrangements.

Quelle intelligence et quelle sensibilité musicales nous démontre encore Hypno5e ! 2019 se termine avec l'un des albums qui va compter parmi les meilleurs de l'année.


Miss Bungle
Janvier 2020




"Alba - Les Ombres Errantes"
Note : 17/20

Deux ans après la sortie de leur troisième album, "Shores Of The Abstract Line", les quatre Français de Hypno5e renouent avec leur projet acoustique, A Backward Glance On A Travel Road, pour accoucher d'une nouvelle œuvre musicale : "Alba - Les Ombres Errantes". Cette œuvre reprend le nom du film réalisé trois ans plus tôt par Emmanuel Jessua, la tête pensante du projet. L'album de metal, l'album acoustique et le film, forment une sorte de créature à trois têtes qui se nourrissent mutuellement. En effet, on entend des extraits des deux albums dans le film, et des extraits du film dans les deux albums. De même, on retrouve des mélodies, voir des couplets similaires dans "Shores" et dans "Alba". Ainsi, ce nouvel opus, bien que différent par son approche exclusivement acoustique, nous ramène vers des paysages qui ne nous sont pas inconnus. L'univers exploré reste le même, mais le voyage y est, une fois de plus, différent.

Avec une durée de heure et quart, "Alba - Les Ombres Errantes" est un album qui s'étend en longueur. Comme je le disais, il s'agit d'un long voyage musical au son de la guitare acoustique, et pas que. En effet, malgré l'absence de grosses distorsions et de chant hurlé, la musique du groupe y est toujours aussi riche et fouillée. La batterie et la basse trouvent parfaitement leur place dans cette formule acoustique avec un son plus rond et plus chaud. On y entend aussi du piano, des ensembles de cordes, des sons électroniques, du chant lyrique et, comme toujours, ces extraits de dialogue qui rythment et subliment l'album en l'élevant au statut de poème musical.

Dans l'écriture aussi, on reste très proche de ce que nous a proposé le groupe sur ses autres albums mais avec une dimension clairement plus apaisée. Ici, pas d'explosion de violence ; la noirceur et la fureur laissent entièrement place à la lumière et à la mélancolie, toujours dans un langage universel dans lequel se mêlent anglais, espagnol et français. Malgré de vrais instants de grâce, cette approche musicale plus sage et moins sauvage n'offre cependant pas la puissance explosive et à fleur de peau développée par le groupe dans sa facette la plus métallique. Ici, l'intensité est plus retenue, plus souterraine. Elle ne nous explose pas à la figure mais s'immisce dans les enchevêtrements musicaux tissés par Emmanuel Jessua et sa bande.

Au final, "Alba - Les Ombres Errantes" est un très bel album qui vient superbement boucler la boucle après l'album "Shores Of The Abstract Line" et le film de Emmanuel Jessua. Encore un voyage dans lequel l'intensité se fait douceur, histoire peut-être de clore paisiblement ce chapitre ouvert dans la vie du groupe et de l'auteur. En attendant le prochain, on espère avoir la chance de croiser la route de leur nouveau ciné-concert dans lequel cette œuvre doit prendre tout son sens et toute sa force.


Zemurion
Juin 2018




"Shores Of The Abstract Line"
Note moyenne : 17,75/20

C'est en 2013, avec leur album "Acid Mist Tomorrow" que j'ai découvert Hypno5e. A l'époque, je ne pensais pas qu'il eut été possible de mêler du Albert Camus à du metal extrême avec un tel talent, une telle sensibilité et une telle émotion. Tout naturellement, je me suis ensuite penché sur leur sortie précédente, "Des Deux L’une Est L’autre". Là encore, je n'ai pas été déçu du voyage ! Mais je m'égare et vous aurez tout le loisir de lire les chroniques de ces deux premiers albums ci-dessous. Non, aujourd'hui, je viens vous parler du nouveau-né : "Shores Of The Abstract Line".

L'album débute avec un piano mélancolique sur lequel commence à se faire entendre une voix d'enfant espagnol. La voix d'enfant laisse ensuite place à de lointaines voix d'adultes et, malgré nous, on se sent petit à petit happé par des souvenirs qui ne sont pas les nôtres... Puis arrivent ces premiers arpèges de guitares aux sonorités si reconnaissables avant que la lourdeur des distos nous explose à la figure... Dès ces premiers instants, on ne peut s'empêcher de jubiler : Hypno5e est de retour !

On retrouve dans "Shores Of The Abstract Line" tous les éléments utilisés sur les précédents albums : des sonorités extrêmes très modernes et déstructurées, mêlées à des arpèges et un chant clair planants et mélancoliques. Sans oublier, bien sûr, les extraits de dialogue, souvent en français, qui apportent une incroyable profondeur à l’ensemble. Cette recette bien personnelle, les Montpelliérains l'appliquent ici sur quatre long morceaux de plus d'une douzaine de minutes chacun. Quatre parties comme les quatre points cardinaux de cette mémoire que le groupe nous fait traverser : "East Shore", "West Shore", "North Shore" et "South Shore". Et au centre de tout cela ?  Une rive centrale où l'on prend un peu le temps de respirer avec une très belle ballade en espagnol dédiée au Tio, ce gardien des enfers bolivien...

D'ailleurs, ce temps de respiration est le bienvenu ! En effet, ce "Shores Of The Abstract Line" est un gros morceau et, comme pour ses grands frères, il faudra du temps pour réussir à le digérer complètement. Bien souvent, on aura tendance à s'égarer dans les méandres des compositions sur le dernier tiers de l'album. Heureusement, on raccroche durant les dernières minutes avec le retour du piano accompagné d'une narration qui vient boucler la boucle avec brio. On regrettera cependant que le son du piano vienne rendre très difficile la compréhension de cette narration. De plus, le très beau "Retiens-le. Retiens-le. Retiens-le." qui conclut l'album sur le son du hautbois rappellera malheureusement un peu trop le "Obscurité. Obscurité. Obscurité." qui concluait déjà si magiquement le précédent album. Dommage.

Au final, s'il est vrai que cet album ne propose rien de vraiment très nouveau et qu'il souffre peut-être encore de quelques longueurs excessives, "Shores Of The Abstract Line" est loin d'être une déception. Au contraire, on continuera encore à sentir nos poils se dresser sur notre peau à l'écoute d'un arpège particulièrement émouvant, d'une explosion de rage qui nous prend soudainement aux tripes ou d'une citation littéraire particulièrement bien placée. Et bien souvent, encore, on se retrouvera à bloquer sur cette musique en murmurant pour soi-même : "Bordel, que c'est beau !". Je n'aurai donc qu'un conseil : montez le son au maximum et laissez le frisson vous envahir !


Zemurion
Février 2016
Note : 18,5/20

Chroniquer un album d’Hypno5e, c’est comme écrire une critique sur un film de la nouvelle vague, on ne sait jamais dans quel univers œuvrer, ce n’est pas pour rien si les Montpelliérains sont reconnus comme les pionniers du metal cinématographique. Chantre d’une philosophie sonore nécessitant plusieurs lectures ou plutôt écoutes, le combo dépeint un univers viscérale, mélancolique et complexe, à mi-chemin entre imaginaire salutaire et une réalité sans concession. L’imagerie d’Hypno5e prend toute sa dimension lors de concerts aux climax progressifs et prenants, grâce à des compos novatrices particulièrement longues, mais à l’inverse du doom, celles d’Emmanuel proposent plusieurs genres dans un même titre, selon les idées, les thèmes abordés et les sentiments exprimés. D’où une bipolarité se caractérisant par des passages alternant violentes euphories et nostalgie dépressive. "Shores Of The Abstract Line", leur troisième effort, ne déroge pas à la règle et fait preuve d’un aboutissement, d’une maturité qui devrait transcender les fans du combo.

A commencer par une intro mélancolique ("East Shore - Landscape In The Mist") rappelant celle de la tournée Guns, God And Government de Manson, sur laquelle émergent des samples de voix d’enfants. Le calme avant la tempête. D’autant qu’"East Shore - In Our Deaf Lands" est plus brut que ce qu’on attendait, plus nihiliste auss, Emmanuel propose plusieurs teintes de voix, se montre plus polymorphe, moins core ou screamo mais plus metal que sur les précédents albums. La basse de Cédric apporte une lourdeur supplémentaire dans les changements de cadences inhérents à l’identité du groupe. Des samples narrant "Les planches courbes" d’Yves Bonnefoy, entrecoupés de chœurs mélodiques, avant une explosion double caisse / riffs surpuissants. Une dizaine de changements rythmiques pour un titre de près de 13 minutes. Hypno5e est bien de retour.

L’intro carillonnante de "West Shore - Where We Lost The Ones" débouche sur un son massif où le jeu de Théo est encore à saluer, tout comme les arrangements exceptionnels. L’ensemble offre un côté très organique, entre solos acoustiques aux influences latines, samples alternant espagnol et français, moments calmes et fulgurances. Avec l’intro piano de " West Shore – Memories" sur un monologue issu de "Mort à crédit" de Louis-Ferdinand Céline et les chœurs, l’émotion est totale. Une batterie lourde, à la limite de l’indus dans la cadence, sur laquelle vient se poser une complainte se concluant par "Moi aussi j’allais disparaître", c'est implacable et le tout en 2 minutes 52, le combo démontre ainsi que ses capacités narratives sont sans limites ni format.

"Central Shore – Tio" est l’objet hispanique de l’album : intro guitare stylée flamenco, slow mélancolique à souhait, dépaysement garanti. North Shore - The Abstract Line est plus classique dans son développement, plus musclé également. "North Shore - Sea Made Of Crosses" s’inscrit dans la continuité du précédent titre, explosions sonores en prime, le titre se termine sur une voix organique et monocorde, contribuant à cette longue conclusion cosmique et angoissante.

"South Shore - Blind Man's Eyes" alterne quant à lui mitraillage de fûts et chant clair pour finir sur un long et inquiétant monologue en guise de conclusion. Hypno5e surprend toujours en nous invitant dans un univers de plus en plus riche et varié. Les samples ne sont jamais introduits à loisir et contribuent à créer de véritables dialogues avec Emmanuel. Les mélodies, tour à tour aériennes et psychotiques, sont parfaitement recherchées, voire chirurgicales. L’ensemble est posé, discipliné. Le quatuor a atteint l’âge de maturité. L’exploration ne fait que commencer.


Braindead
Février 2016
Note : 17/20




"Acid Mist Tomorrow"
Note : 18/20

Il est très exactement 8h49 et comme tous les matins je suis très borderline pour arriver au taf à l’heure, mais un trajet sans musique c’est comme avec un vélo sans selle, la route paraît plus longue. L’autoradio mange "Acid Mist Tomorrow" dernier opus de Hypno5e et commence par le titre du même nom tout en douceur, subtil, avant de procéder à un véritable cataclysme. Autant vous dire que le volume est monté d’un cran illico, que ce titre a tourné en boucle dans ma voiture toute une semaine et que son intro remplace aisément le café matinal.

Ainsi nous savons d’ores et déjà qu’Hypno5e envoie du buffle en cascade sans avoir l’œil qui vacille mais si leur musique s’arrêtait à ceci cette chronique serait probablement terminée. Or, la musique est bien plus complexe mais surtout bien plus riche en émotions que ne le laissent présager les premières sonorités. Dès cette première piste de dix minutes on saisit toute l’intensité de la musique et c’est tout simplement un long frisson qui me gèle la colonne vertébrale de haut en bas. La suite n’est que la continuité de cette dimension théâtrale et émotionnellement forte que les musiciens insufflent à leur musique. C’est donc "Six Fingers In One She Holds The Dawn" part I et II qui s’attèlent à la difficile tâche de démontrer que la première impression et la bonne et avec cette alternance de violence sèche avec la légèreté de la musique accompagnant de nouveau les spoken words on ne peut que se dire que cet album c’est du lourd ! On enchaîne avec "Story Of The Eye", titre le plus long de l’album, qui sans être une liste déroulante de tout ce que sait faire le groupe, nous offre un bel aperçu des talents de celui-ci avec un côté très torturé, déchiré. On ne sait parfois plus trop où donner de la tête avec ces différents univers aux différentes intensités qui s’enchaînent. Alors on peut donner de la tête aux images du livret qui peuvent très bien être mises en relation avec un des neuf titres et ainsi laisser son imagination décoller. Les structures en alternance reste d’actualité avec "Gehenne" part I, II, et III mais les univers et émotions changent. Les teintes de sonorités ne sont pas non plus les mêmes ce qui permet au groupe de ne s’enfermer dans aucun style tout en restant cohérent et sans nous ennuyer. Le groupe est déconcertant de facilité dans les deux extrêmes, techniquement c’est carré et les compositions sont inspirées. Dernier changement d’ambiance avec "Brume Unique Obscurité part I". Plus douce mais aussi plus mystérieuse, cette piste est bercée par la langoureuse voix aussi paisible que troublée. On retrouve la grosse distorsion velue dans la part II du même morceau qui finit cet album dignement, dans l’obscurité.

Hypno5e dépose ici le résultat de cinq années de discrétion et je peux vous annoncer que le bilan est lourd. Neuf titres à la forte personnalité formant ensemble un album cohérent et complet. Surpris à chaque seconde, celui qui prétendra s’ennuyer n’aura simplement pas saisi le fond de cettemusique. Ca cogne, ça émeut, ça gronde et peu importe le registre c’est toujours bon.


Kévin
Mai 2012




"Des Deux L’une Est L’autre"
Note : 18/20

Autant l’avouer d’entrée, "Des Deux L’une Est L’autre" a été un coup de foudre. L’éventail d’émotions et d’ambiances développées laisse admiratif. Les cris viscéraux s’allient tantôt à un chant clair (et juste !), tantôt à des voix cristallines, mariage parfait pour des montées en puissance à vous donner la chair de poule ("Maintained Relevance Of Destruction Part II", "Daybreak At Slaughter-House"). On passe en un instant du calme, de la douceur de notes lentement égrenées à un déchaînement de guitares, salve de batterie et déchirements de voix ("The Hole", "Tutuguri"). Aérienne ("Maintained Relevance Of Destruction Part II", "Naked Lunch II"), susurrée ("Daybreak At Slaughter-House"), un peu sorcière ("Tutuguri") ou conteuse ("H492053") : la voix (toujours elle !) change au gré de la fantaisie du groupe. Le vocabulaire est incisif. Chaque extrait sonore devient une leçon de Français, de réflexion et de beauté. "L’appétit de merveilleux" ("Tutuguri")… Qui se soucie encore de cet idéal de nos jours ? Extraits de poèmes, de discours, de conversations… Où donc Hypno5e est-il allé chercher ces références ? André Breton, Antonin Artaud, Jean Cocteau, William Burroughs, Jean-Luc Godard pour n’en citer que quelques un. Des écrivains, poètes, dramaturges, romanciers, surréalistes, acteur et metteur en scène. Plus inattendu, la lecture d’un extrait de "La vie est un songe", pièce de théâtre métaphysique Espagnole écrite en 1635 par Pedro Calderon De La Barca. On constate que, non contents d’être de bons musiciens, les quatre garçons ont une solide culture. Etonnement final : après un album énergique, remuant, voici que surgit l’énigmatique "Remords Posthumes" et sa mélancolie. Enfin, telle une boucle que l’on finit de boucler, nous voici renvoyés à la citation d’ouverture de l’album. En à peine un peu plus d’une heure de temps, Hypno5e nous démontre que les bons groupes ne sont pas forcément étrangers en nous livrant un album d’une belle intensité, à la réalisation impeccable et riche. "Des Deux L’une Est L’autre" est à mon sens un de ces albums qu’il est dommage d’écouter sur n’importe quel appareil à sortie sonore unique. Ce CD se vit, l’émotion n’en est que plus forte lorsque l’on se laisse "entourer" par le son, qui prend alors presque corps. Vivement le prochain !


Eniel-Obtide
Février 2009




"Manuscrit Côté ms408"
Note : 18/20

C’est avec un maxi de 6 titres comportant des morceaux entre 7 et 12 minutes que je découvre enfin le monde totalement schizophrène et sublime du groupe Hypno5e. En effet, "Manuscrit Côté ms408" s’avère être une toute nouvelle boite à musique remplie d’émotions, de magie et de profondeur.

De la profondeur, en veux-tu, en voilà ! Le premier morceau, "H492053", commence donc par une voix sortie de nulle part, afin de préparer la musique du groupe à se propulser par une ambiance lancinante afin… d’exploser ! Des riffs de guitares se font entendre, une voix irrésistible chante au loin… Je ne sais plus trop où je suis. Et toujours cette voix qui va et vient. Mais où suis-je ? Daybreak At Slaughter's House", le second titre, ne tarde pas à raviver mes esprits à coup de gros blast dès le début, le tout avec un chant aigu, alterné soudain par un chant clair. Rien à faire, ça me rappelle indéniablement le duo Mathieu / Julien du groupe Psykup. La mélodie est fluide, douce et se montre agressive dès que possible pour une coordination impeccable. Rien à faire, des références musicales se forment à mes oreilles ; certains passages me rappelant "The Wall" de Pink Floyd ou encore le monde fou de Venetian Snare dans le bruitage électronique à la fin du morceau. S’en suit "Scarlet Fever", où de la pression se fait ressentir pendant presque 2min avant qu’une explosion de cris s’échappe. Telle la marque de fabrique, les passages lourds et clairs sont alternés, les samplers d’un film faisant parfois surfacent. Le chant vers les 8min est tout simplement sublime, hypnotisant. Et ce n’est pas moindre ; ce morceau est structuré et déstructuré à la fois. J’hallucine. "Tutuguri", la quatrième piste, est encore plus folle. Entre poésie et violence, mon cœur balance. Je pense que c’est la piste se rapprochant le plus du monde de Psykup, c’est vraiment fou. Et toujours ce petit passage calme au milieu de la composition, et toujours ce petit sampler de film, et toujours cette voix… Cette voix… Ce morceau est magique. Je n’ai d’ailleurs pas le temps de m’en remettre que surgit un bruit, non, le début de "Naked Lunch I", un bruit d’une infime lourdeur, comme si tout était oppressé. Mais cela ne dure pas, ce n’est qu’un avant goût, avant une longue montée post-rockéenne. Je suis en appétit, je m’imbibe, j’attends. Des voix sorties de nulle part apparaissent, c’est lancinant au possible, limite sensuel. J’aime… Et finie par me retrouver dans une autre dimension mélangeant ambiant et électronique.

En parlant d’électronique, je suis en teuf. C’est le début drum’n’bass du dernier morceau, la concubine "Naked Lunch II". Où suis-je ? Le monde complexe des Montpelliérains m’apparaît enfin, l’éclectisme est un mot sacré chez eux. Et j’adhère dans ces émotions psychédéliques, comme un mélange d’Orange Mécanique et de Las Vegas Parano. Que dire de plus ? Une autoproduction étonnante par le professionnalisme et la qualité qui s’en dégage, ainsi que par ses musiciens surprenants. Hein, comment ? J’ai dit musiciens ? Je voulais dire Artistes.


Issue
Janvier 2006


Conclusion
L'interview : Manu & Gredin

Le site officiel : www.hypno5e.com