Le groupe
Biographie :

Ihsahn nous vient de Norvège, il commença la guitare à l’âge de 13 ans au sein d’un des groupes les plus influents de la scène black metal, Emperor. A l’âge de 17 ans, il enregistre "In The Nightside Eclipse", un album qui est, encore aujourd’hui, considéré comme l’un des piliers du genre. Depuis, Ihsahn partage son temps libre entre le metal et divers projets avant-gardistes (Emperor, Thou Shalt Suffer, Peccatum...). En 2006, Ihsahn sort son premier album solo. "After" arrive en 2010, c'est le troisième volet de la trilogie. En plus de son projet solo, Ihsahn donne des cours de guitare, écrit quelques articles pour Guitar World. Il gère également une maison de production, Mnemosyne Productions,  ainsi qu’un studio d’enregistrement,  Symphonique Studios. Une fois cette trilogie achevée, Ihsahn nous offre avec "Eremita" en 2012 son œuvre la plus longue et la plus fougueuse de sa carrière solo. Le cinquième album de Ihsahn s'initutule "Das Seelenbrechen" et sort le 22 Octobre 2013 chez Candelight Records. Le sixième album, "Arktis.", sort en Avril 2016. "Àm" sort en Mai 2018.

Discographie :

2006 : "The Adversary"
2008 : "AngL"
2010 : "After"
2012 : "Eremita"
2013 : "Das Seelenbrechen"
2016 : "Arktis."
2018 : "Àm"


Les chroniques


"Arktis."
Note : 19/20

Ihsahn ne chôme et revient déjà avec "Àm" qui suit un "Arktis" sorti en 2016 et qui m'avait réconcilié avec le monsieur après un "Das Seelenbrechen" qui m'avait laissé un goût amer dans la bouche. La faute à quelques expérimentations noisy qui m'avaient paru totalement stériles et mal amenées.

Pourtant je n'ai rien contre les expérimentations et certaines chroniques de groupe un peu allumées ici même sont là pour en témoigner. Mais à mes oreilles, Ihsahn s'était un peu trop lâché sur "Das Seelenbrechen" et ses délires bruitistes m'avaient fait l'impression d'un cheveu sur la soupe, les premiers morceaux de l'album étant quant à eux très bons. "Arktis" avait donc balayé tout ça d'un revers de la main et était revenu avec des compositions bien plus cohérentes. Le nom de ce nouvel album signifie apparemment "noir" ou "écœurant" et à l'écoute de "Lend Me The Eyes Of Millennia", on se dit qu'il est très bien trouvé. L'ambiance est très sombre, quelques orchestrations se font entendre, des blasts occupent une bonne partie du morceau et les arrangements laissent à penser que le voisinage de certains membres de Leprous en live a laissé des traces (en même temps, le batteur d'Ihsahn est Tobias Ornes Andersen actuel Shining et ex-Leprous). En tout cas, voilà un morceau d'ouverture diablement efficace et profond, les ambiances tapent dans le mille et les près de six minutes que dure le morceau sont accrocheuses malgré quelques petites expérimentations discrètes. "Arcana Imperii" est bien plus posé et renoue avec la patte habituelle d'Ihsahn, les parties en chant clair nous ramènent en terrain connu et même si le morceau n'est pas une bête redite du passé, on se retrouve quand même un peu plus à la maison. Pour faire simple, "Àm" mélange habilement le vieux et le neuf, on y retrouve à la fois la patte à laquelle Ihsahn nous a habitué depuis longtemps mais on est aussi souvent confrontés à l'exploration de terres encore vierge chez le Norvégien.

Ce qui pourra peut-être en déranger deux ou trois, c'est l'influence Leprous relevée plus tôt, elle s'entend clairement dans certains passages ou sur "Samr" par exemple. On ne tombe évidemment jamais dans le plagiat mais lorsqu'on connaît la musique des deux groupes, la filiation devient assez évidente par moments. Bon, si on remonte le temps, on pouvait déjà en retrouver des traces sur "Eremita", je trouve simplement que cela s'entend un peu plus ici. Globalement, on retrouve le côté mélodique et accrocheur qu'exhibait déjà "Arktis", les refrains sont pour la plupart facilement mémorisables et les mélodies sont simples et directes. Toujours est-il que ceux qui seraient tenter de hurler à la soupe feraient bien de se raviser, Ihsahn n'a cédé à aucune sirène et sa musique est toujours dotée de la même profondeur. Sans compter que, comme je le disais plus haut, l'ambiance est quand même généralement assez sombre, bien plus que sur "Arktis". La pochette de l'album résume finalement assez bien ce que vous allez trouver sur cet album, une musique noire, imposante, emprunte d'une certaine finesse et d'un côté parfois majestueux que le maître d'œuvre maniait déjà avec brio chez Emperor. Un morceau comme "One Less Enemy", malgré son côté très accrocheur et facilement mémorisable, n'en reste pas moins malsain et presque inquiétant, les mélodies et les lignes de chant clair étant presque toujours dissonantes. Je ne vais pas faire un track by track mais sachez que si l'album est relativement accessible, il est faussement simple, les multiples écoutes révèleront une profondeur que vous n'auriez peut-être pas soupçonnée au premier abord.

Un nouvel album plus sombre que son prédécesseur mais tout aussi mélodique et riche. L'expérimentation débridée et parfois en roue libre de "Das Seelenbrechen" est loin et "Àm" explore de nouvelles terres de façon plus contrôlée, plus réfléchie. En tout cas, Ihsahn trouve le moyen de nous apporter encore un peu de nouveauté tout en livrant une fois de plus un très bon album.


Murderworks
Novembre 2018




"Arktis."
Note : 19/20

Alors que "Das Seelenbrechen" m'avait quelque peu laissé sur ma faim, c'est malgré tout curieux et plein d'espoir que j'ai eu la chance de me pencher sur le tout nouvel album d'Ihsahn. En effet, il n'est plus la peine de présenter ce musicien de talent et de renommée internationale, et chacun sait à présent que notre Norvégien préféré a toujours sous le coude de quoi nous surprendre et nous émerveiller. Je sais que certains railleront le pull à col roulé d'Ihsahn sur ses photos promo, d'autres s'interrogeront sur l'artwork tout en glaciale sobriété, et chacun est en droit de se demander si la magie fonctionnera toujours sur cet opus intitulé tout simplement "Arktis."... Le plus simple, c'est alors d'écouter et de retrouver mon avis au fur et à mesure de cette chronique !

Cette aventure arctique commence avec "Disassembled" et son riff d'intro très metal progressif. D'emblée, on s'aperçoit qu'un gros travail a été fait au niveau du son, puissant sans trop en faire, mais surtout riche et clair, permettant de se délecter sans difficulté de chaque instrument ainsi que des divers arrangements. En tout cas, il y a sur ce morceau un bon groove, pouvant parfois rappeler Devin Townsend, accompagné par le chant black d'Ihsahn reconnaissable entre mille. Le titre offre aussi un refrain plus atmosphérique en chant clair, chant de grande qualité véritablement envoûtant et rappelant un peu Borknagar. On entre ainsi dans ce nouvel album par la grande porte, entre technique, ambiance torturée et clarté d'une eau de source norvégienne ! On poursuit avec "Mass Darkness", introduit par une superbe lead mélodique. Le riff principal, quant à lui, offre un aspect quasi ritualiste où Ihsahn vous ensorcellera tel un chaman. Puis le groove se met en place, avec une démarche beaucoup plus rock'n'roll et un refrain qui restera en tête un petit moment ! Et même si les racines extrêmes ne sont jamais loin, comme au niveau du chant, la base metal progressif est belle est bien dominante. Voilà en tout cas un début d'album plutôt frais et varié qui donne vraiment envie d'aller plus loin dans l'écoute...

Place à un "My Heart Is Of The North" encore plus progressif dans le groove, avec une dimension rock psychédélique indéniable, ne serait-ce qu'on niveau des claviers. Et même quand Ihsahn semble partir dans tous les sens, il apparaît très vite que ce processus est exécuté avec une finesse et une intelligence sans nom ! Tout est incroyablement bien maîtrisé pour un résultat optimal qui saura accrocher le metalleux que vous êtes, qu'importe votre style de prédilection. Et c'est peut-être ça le génie d'Ihsahn, explorer les confins de la musique metal, voire tout bonnement rock, afin de délivrer à chacun d'entre nous la parole la plus juste ! S'ensuit "South Winds" et son intro à tendance electro, tant au niveau du son que du beat de fond. Étonnamment, en innovant de la sorte, Ihsahn parvient à créer un morceau encore plus accrocheur, quasi hypnotique, voire transcendantal. Et que dire de ces passages atmosphériques mis en valeur par un chant clair en tout point parfait ? Bref, un morceau plutôt calme qui fait montre d'une maturité tout simplement hallucinante, mais sans ne jamais être démonstratif ! Ainsi, les compositions du Norvégien, malgré leur technique sans faille, sont avant tout synonymes de sobriété et d'humilité, un peu comme cet explorateur de la pochette face à l'immensité blanche du grand Nord...

Le morceau suivant s'intitule "In The Vaul" et s'avère d'emblée comme un point d'orgue émotionnel de ce nouvel opus. Une mélodie glaciale à la guitare, quelques notes de piano, un duo chant clair / voix black imparable, tout est là pour vous envoûter. Sûrement un des morceaux les moins metal et les plus mid-tempo, mais le résultat dépasse toutes les espérances... Ainsi, chacune des notes finira par s'insinuer en vous jusqu'au cœur, comme l'eau qui tente de s'infiltrer dans la glace quand un soleil blafard a fait fondre une fine couche de neige en surface ! On enchaîne avec "Until I Too Dissolve" dont l'intro electro amène étrangement le riff le plus rock / metal de tout l'album. Une fois encore, le chant clair est d'une justesse impeccable, flirtant avec le heavy metal, mais la voix black si caractéristique d'Ihsahn n'est jamais bien loin. Mais ne vous y trompez pas, ce titre offre aussi de jolis passages plutôt calmes qui permettent, comme sur l'ensemble de l'album, d'apporter une relief salvateur à l'ensemble, ou comment séduire sans jamais lasser ! C'est sûrement là toute l'intelligence d'Ihsahn, déjà très présente au début de sa carrière solo, mais qui atteint peut-être ici son paroxysme...

"Pressure", quant à lui, offre en guise d'intro un excellent groove appuyé par un solo de haute volée. Une fois n'est pas coutume, le refrain en chant clair fera mouche sans aucun doute possible. Et même si la dimension metal progressif est toujours bien présente, les sonorités sont plus sombres et froides... Comme une forme d'hommage à la précédente carrière du Norvégien ! D'ailleurs, le morceau va finir par se blackiser à l'aide d'un pattern de batterie certes classique mais qui rappellera bien des souvenirs aux plus extrêmes d'entre vous... Bref, un virage black à tendance symphonique inattendu mais très bienvenu qui prouve qu'Ihsahn n'a pas encore totalement tourné la page de son glorieux passé avec Emperor ! Intro à la guitare sèche pour "Frail" qui enchaîne sur un style beaucoup plus electro et saccadé, appuyé en cela par un refrain en chant clair particulièrement éthéré. Et là encore, Ihsahn parvient à en faire un titre en tout point accrocheur qui saura mettre en transe tous les fans de metal d'où qu'ils viennent ! Comme si, quoi qu'il entreprenne, tout devait lui réussir, pour notre plus grand plaisir bien entendu... Dur en tout cas de rivaliser avec lui en termes de technique, de composition, ou tout simplement de musicalité ! Chaque note, chaque riff semble destiné à faire de ce "Arktis." un chef-d’œuvre...

Le titre suivant, "Crooked Red Line", introduit un nouvel instrument, le saxo, afin de vous offrir une ambiance plus jazzy, mais avec la sérénité loundge d'un piano bar new-yorkais. Trop rares encore dans le metal, les sonorités cuivrées du sax' se marient à merveille avec la musique d'Ihsahn. Ce morceau, résolument calme, s'oriente vers quelque chose de beaucoup plus introspectif mais qui, par ses qualités intrinsèques, saura parler à chacun d'entre vous, comme une voix intérieure qui guiderait vos pas dans un océan de glace... Magique ! Piano lugubre qui semble sonner le glas en guise d'intro de "Celestial Violence", qui enchaîne sur un chant clair émotionnellement très riche qui ne manquera pas de vous donner la chair de poule. Le chant black, quant à lui, finira de vous glacer le sang... Chacun des mots prononcés vous transpercera le cœur comme mille stalactites de glace ! Ainsi, avec la puissance du feu et la mélancolie de la glace, quelque part entre ciel et terre, Ihsahn parviendra peut-être à vous emmener vers la transcendance ! Bref, un morceau d'une beauté rare, d'une puissance évocatrice sans nom, autant sur le plan spirituel que purement musical... Le tout grâce à une finesse d'interprétation dont seul notre Norvégien préféré semble avoir le secret !

On conclura l'écoute de ce "Arktis." avec "Til Tor Ulven", long titre de plus de 9 minutes aux notes de piano glaciales et presque désincarnées, comme une réminiscence d'un passé aujourd'hui bien lointain... Que dire alors de cette narration en Norvégien faite par un homme d'un âge plus que certain ? On dirait le témoignage d'une vie, raconté par le spectre d'un aïeul revenu du néant et jouant du piano dans votre salon. Dommage alors de ne pas comprendre ce qui est raconté, mon Norvégien étant un peu rouillé... Mais même si ce morceau semble empreint d'une nostalgie incommensurable, il semble aussi faire montre d'une force indescriptible, presque indécelable au milieu de tant d'apparente fragilité, tel un feu qui brûlerait là, au loin, dans le blizzard, réchauffant le cœur de l'explorateur visionnaire, si petit face à l'immensité de la ,ature sauvage, et pourtant si fort à l'intérieur ! Ainsi, ce dernier titre est à l'image de l'album dans son ensemble, quelque part entre puissance et sensibilité... Ihsahn nous offre là un véritable chef-d’œuvre en guise d'apothéose d'une carrière déjà bien remplie, "Arktis." étant un opus d'une richesse quasi infinie, composé avec audace et exécuté avec talent et justesse. Extrêmement varié, il sait rester accessible sans pour autant paraître mainstream, et c'est bien là tout le génie d'Ihsahn qui sera parvenu à créer ce que j'oserais peut-être appeler l'album "universel" ! Et quand un génie sait rester aussi humble et discret que lui, on ne peut que l'aimer et attendre patiemment pour savoir de quoi l'avenir sera fait, car il nous réserve à coup sûr son lot de surprises...


Carcharoth
Juin 2016




"Das Seelenbrechen"
Note : 18/20

N'allons pas par quatre chemins, avec ce cinquième album, Ihsahn risque de rebuter certains auditeurs, et je ne parle même pas des nostalgiques d'Emperor... qui, même s'ils comprennent volonté du bonhomme, espèrent peut-être encore une démarche "moins" savante de sa part. Sorti en 2006, "The Adversary", le premier album d'Ihsahn, annonçait déjà la couleur, il n'allait rester de black metal que sa voix d'écorché, sa voix claire cristalline, quelques réminiscences d'un Peccatum ou d'un "Prometheus" dans un premier temps, histoire de ne pas couper le cordon trop vite avec les fans d'Emperor. Ambitieux, technique, avant-gardiste, progressif, les adjectifs se succèdent au fur et à mesure des albums, de "Angl" à "Eremita". Impossible de ne pas saluer à chaque fois les performances techniques souvent ahurissantes, le peaufinement des structures, des arrangements, les recherches d'ambiances, la richesse sonore, au risque de ne pas trouver cela bien... passionnant.

Ihsahn revient donc avec "Das Seelenbrechen", enregistré dans son studio et toujours accompagné à la batterie de l'excellent Tobias Ornes Anderson (Leprous). Le titre en allemand fait référence à l'oeuvre de Nietzsche "Humain, trop humain" qui traite de la question du "génie" et de l'art, privilégiant dans sa définition le résultat d'un travail en profondeur (intérieur et extérieur) à une dimension quasi mystique qu'on lui attribue généralement. Le choix n'est pas innocent, et ce cinquième opus sort tout juste un an après "Eremita", comme si celui-ci ne l'avait finalement pas tant comblé, et qu'il était urgent de sortir délibérément de ce qu'il jugeait lui-même une "formule" (de composition, d'enregistrement, de références). Sans pour autant perdre de sa verve impériale, de son savoir-faire, "Das Seelenbrechen" sonne alors comme un reparamétrage créatif. Ihsahn s'abandonne alors à l'improvisation et à d'autres textures musicales peu revendiquées dans le monde du metal. Prenons un titre comme "Tacit 2" qui manifeste une férocité, un chaos musical digne des élucubrations de Diamanda Galas, "Rec" ou encore "See" morceau malade et agonisant, nous sommes là dans les méandres de la musique contemporaine, ou plus proche de nous, d'un Sunn O))). "Ater" nous plonge dans une ambiance que n'aurait pas reniée David Cronenberg lorsqu'il confia à Howard Shore la musique de Crash. Mais Ihsahn sait également se montrer plus accessible en proposant de longues plages progressives inédites comme sur "Tacit", un morceau d'une ampleur rare avec son break free jazz inattendu, saccadé pour libérer ensuite un thème d'une intensité et d'une tenue redoutable. "NaCi" ou "Hiber" évoqueraient également plus un Yes, période "Close The Edge" avec ses arabesques rythmiques jazz rock imprévisibles.

Ihsahn retrouve donc ses lettres de noblesse et ne craint plus rien, profitant de ses révolutions intérieures, favorisant les métamorphoses, conscient que ce sont elles qui lui ouvrent de nouvelles perspectives, assoient son ambition et sa progression.


Boris
Octobre 2013




"Eremita"
Note : 19/20

Chers lecteurs, s’il est un musicien pour qui l’emploi du qualificatif génie ne me semble pas galvaudé c’est bien de Vegard Sverre Tveitan, plus connu sous le nom d’Ihsahn dont il s’agit ! Pour être franc avec vous, je ne connais à vrai dire pas ou peu de musiciens aussi doués et inspirés, qu’il s’agisse de son œuvre au travers de l’art black metal d’Emperor (dont je suis un fan complètement cramé) ou de ses expérimentations plus audacieuses au sein de Thou Shalt Suffer (deuxième période), de Peccatum (avec sa compagne Ihriel) ou encore d’Hardingrock pour ceux qui auraient pu suivre son parcours musical… Alors autant vous dire que quand notre vénéré chef Petebull m’a proposé de chroniquer ce quatrième album du dieu norvégien, c’était Noël avant l’heure… Pensez-vous qu’il s’agisse d’un hasard si je signe mes chroniques du pseudonyme Ihsahn62 ? Assurément pas, j’en suis cramé d’admiration vous dis-je !

Guitariste, chanteur, claviériste, compositeur de génie, mais également producteur, combien sont-ils à pouvoir cumuler autant de casquettes avec brio ou simplement pouvoir prétendre rivaliser avec le maître norvégien ? Bref sans m’attarder davantage, et la trilogie des 3 premiers albums en solo, "The Adversary", "AngL" & "After" désormais close, penchons-nous attentivement sur ce quatrième opus ô combien attendu des fans comme moi ! Première chose qu’il me semble important de souligner, c’est le nombre assez impressionnant d’invités sur cet album ! En effet en dehors de ses désormais habituels compères du groupe Leprous avec qui il partage la scène, et de sa charmante femme Ihriel, Ihsahn s’est payé le luxe de recevoir, excusez du peu, Devin Townsend en personne, Jeff Loomis (ex-Nevermore) ainsi que le saxophoniste Jorgen Munkeby du groupe norvégien de jazz black metal Shining sur plusieurs titres, avouez que le menu fait plutôt baver non ? Alors ne perdons pas de temps et passons à table ! 

Pour une surprise, c’en est une et pas des moindres : elles sont rares, très rares mêmes je trouve les œuvres qualifiées de progressives à pouvoir se targuer d’être aussi efficaces. Quand bien même la virtuosité et la technique sont omniprésentes, vous vous surprendrez sans doute à fredonner un riff ou un des ces refrains qui entrent en tête et ne vous lâchent plus même une fois l’écoute finie mais commençons par le début. D’emblée "Arrival" met la barre très haut avec cette pluie de notes et ces solos brillantissimes de fluidité qui s’abattent sur l’auditeur. Ajoutez à cela un refrain ô combien efficace et vous aurez une petite idée de la démonstration de maîtrise présente ici et qui va perdurer pendant les 50 prochaines minutes. Vient ensuite "The Paranoid" en piste 2, et là, oui là ! Orgasme auditif !!! Qui a dit que ce n’était pas dangereux l’activité de chroniqueur ?  Excusez mon enthousiasme mais quelques instants j’ai bien cru qu’Emperor était de retour, exactement là ou on l’avait laissé période "Promotheus"… Vous l’aurez compris, il s’agit d’un excellent morceau aux guitares schizophrènes, qui débutera dans l’agressivité la plus magistrale pour se clore sur un riff et un refrain davantage mélodique qui achèveront de s’inscrire dans votre esprit. Le titre "Introspection" se veut le fruit de la collaboration avec un autre génie tourmenté de la musique en la personne du fou Canadien Devin Townsend qui vient ici offrir sa contribution vocale. "The Eagle And The Snake", titre très progressif dans son écriture, nous gratifie d’une belle ambiance mais voir surtout l’apparition superbe du tant attendu saxophoniste qui finira par se lâcher complètement aux alentours de la cinquième minute avec un passage d’inspiration que je qualifierais de free jazz, mais rassurez-vous le tout reste quand même très digeste, même pour moi qui ne suis pas un aficionados du style… Quant à la pluie de notes dont nous gratifie le grand Jeff Loomis en personne, elle est juste jouissive ! Sans aucun doute l’un des titres les plus emblématiques de ce grand cru 2012…

Sans trop m’attarder je dirais que "Catharsis" s’ouvre à nouveau sur ce saxo mais nous propose un climat davantage inquiétant avant de revenir à une orientation plus prog. "Something Out There" démarre quant à elle sur des notes d’orgue mais surtout sur une rythmique implacable… Reste toutefois que tout est perfectible et que s’il me fallait écarter une piste de cet album ce serait probablement celle-ci. "Grief" en septième position apparaît comme une petite bulle d’oxygène vu qu’il s’agit d’un intermède musical entièrement exécuté au clavier. Une transition peut être nécessaire pour introduire "The Grave", titre à l’ambiance bien dramatique, une sensation renforcée par le jeu du saxophone qui arriverait presque à lui seul à perturber l’auditeur dans ses expressions les plus plaintives. Climat pesant donc, avec ce leitmotiv chanté omniprésent, répété longuement, avant qu’un cri presque salvateur d’Ihsahn ne vienne redynamiser l’ensemble et relancer la machine. Enfin "Departure" la bien nommée vient clore cet album… et de quelle façon ! Véritable exercice de style schizophrénique où le chanteur semble vomir ses tripes avant qu’une soudaine et salvatrice partie calme ne prenne le relais, elle-même suivie d’un bon gros riff typé metal… c’est à ce moment que Dame Ihriel choisira de pointer le bout de son nez ou plutôt de sa jolie frimousse pour un couplet aux accents presque angéliques, soutenue par la présence d’orgues du meilleur effet vu le contexte. Finalement ce titre complexe s’achèvera sur une ultime partie plus agressive… Bref plutôt déconcertant tout ça et pourtant quelle jouissance, car c’est bien là que réside toute la force de cet album, dans ce clair obscur de tous les instants, tantôt dramatique, tantôt apaisant, voguant constamment entre ombre et lumière, comme si l’introspection du maître à penser menait à une espèce de mise en exergue musicale du stade de conscience qu’il aurait atteint… Je me suis d’ailleurs pas mal interrogé sur le sens à donner à ce titre d’album "Eremita"… Doit on y voir un clin d’œil à Nietzsche ? Il est pour moi assez évident de faire un parallèle entre le Zarathoustra du philosophe Allemand et Ihsahn se retirant dans son studio afin de composer et d’enregistrer ses parties dans un isolement relatif… lui, sa musique et ses invités… mais dans ce cas est ce que comme dans la célèbre histoire le musicien en serait ressorti à l’état de surhomme ? Permettez-moi d’avoir mon avis sur la question !

En tout cas n’en déplaise aux puristes il ne s’agit pas d’un album de black metal mais bien d’un album de pur metal progressif, reste toutefois qu’Ihsahn a su y intégrer ses multiples influences et qu’on navigue constamment entre deux eaux. L’une très agressive de par sa vélocité, ses riffs acérés, cette voix reconnaissable entre mille dont la musicalité et la mélodie ne sont toutefois jamais absentes et une seconde eau beaucoup plus éthérée, aérienne, où l’on peut entendre s’exprimer un saxo ou même un orgue Hammond, cet instrument si cher à toute la scène psyché. Les parties en voix claires quant à elles n’ont jamais sonné aussi juste alors que le jeu guitaristique est tout simplement excellent, brillant de maîtrise que ce soit dans les solos ou les parties plus calmes, les notes coulent en cascade avec une apparente aisance déconcertante et si caractéristique des virtuoses. Je féliciterais au passage l’excellent mix des studios Fascination Street  qui a vu défiler en son sein Opeth, Katatonia, Paradise Lost, Pain Of Salvation, Amon Amarth ou encore Soilwork, excusez du peu ! Des félicitations méritées tant ça à du relever du défi de faire sonner aussi clairement et puissamment un tel patchwork de créativité, un fait toutefois peu étonnant quand on connaît le perfectionnisme du musicien.

L’empereur est mort il est vrai, tout du moins en est-il de son génialissime groupe inégalé, mais ne boudons pas notre plaisir de le retrouver en si bonne forme… Et ce n’est sûrement pas ce nouvel opus qui me donnera tort, on est même plutôt en présence pour être franc de ce genre d’album réjouissant qui achèvera de conférer à Ihsahn le statut envié qu’on lui devinait, celui d’artiste indétrônable… Libre à vous de passer à côté de ce bijou taillé dans le metal mais pour moi le choix est fait, on tient assurément là l’un des grands disques de 2012, un album classieux, intelligent, complexe et pourtant sans doute l’une des œuvres les plus accessibles de son chef d’orchestre bref un petit chef d’œuvre ni plus ni moins ! L’empereur est mort, vive l’empereur !


Ihsahn62
Juin 2012




"After"
Note : 14,5/20

Voici quelques années qu’Ihsahn vole de ses propres ailes. Ancien guitariste, vocaliste et leader du mythique groupe de black metal Emperor, à chaque nouvelle sortie d’album, Ihsahn nous surprend par son jeu, son talent de guitariste et son inspiration débordante. Ce qui m’a plu sur "The Adversary", c’est la finesse et la subtilité qui en ressort. Sur "AngL" même si le feeling est toujours au rendez-vous, j’ai été assez perturbée par certains thèmes abordés. Oui de l’eau a coulé sous les ponts depuis l’époque d’Emperor, et le sulfureux Ihsahn nous parle sur cet album de rédemption et d’amour … des thèmes si lointains de l’état d’esprit qu’il a pu avoir par le passé qu’on en vient presque à se demander s’il ne s’agit tout bonnement pas d’une autre personne.

Pourtant la patte Ihsahn est bien là. Sur "After", des thèmes plus épiques refont surface. Même musicalement, on a parfois l’impression de revenir à l’époque de "Prometheus". On voit ainsi le retour de figures emblématiques tells que Prométhée ou encore Lucifer. Ah ! Ca y est la remise en question est terminée donc ? Aura-t-on le droit à un album un peu plus couillu cette fois ? Eh bien oui, du moins sur les deux premiers morceaux car le titre "After" vient tout de suite redescendre l’ambiance survolté des deux premiers titres. Dès les premières notes de l’album on reconnaît le jeu typique d’Ihsahn avec ses harmoniques dans tous les sens, ce feeling pour les mélodies ainsi que ses rythmiques bien accrocheuses. "A Grave Inversed" est certainement l’un des titres les plus fous que j’ai entendus. L’une des caractéristiques de cet album est l’apparition du saxophone. Sur "A Grave Inversed" le saxophoniste de Shining a totalement perdu la tête !! Dès le début les guitares se font menaçantes, grinçantes, oppressantes tandis que le batteur nous ravit avec sa double pédale. Ce morceau est un véritable voyage vers la folie et le chaos. Le titre phare de cet album selon moi ! Un morceau très atypique qui nous surprend par des rythmiques saccadées presque déstructurées, j’aurais aimé que l’ensemble de cet album soit bien plus marqué par ce brin de folie. Puis retour à la réalité sur le titre "After". On retrouve avec plaisir les mélodies subtiles et ce chant clair admirablement bien exécuté. Le reste de l’album est la suite logique des deux premiers opus de l’artiste, sans rien révolutionner à son propre style, les titres s’enchaînent sans grande surprise…

Bien évidemment on ne peut pas dénier le talent de ce guitariste, chanteur, compositeur. Ihsahn alterne chant clair, chant saturé avec un talent indéniable. Le saxophone a parfaitement sa place sur cet album, et apporte cette touche qui manquait peut être sur les précédents opus. Certaines mélodies sont tout simplement magnifiques, je pense notamment à "Undercurrent" où le saxophone se fait jazzy à souhait. Mais on sent que la trilogie touche à sa fin, d’ailleurs un autre album dans cette veine risquerait d’en lasser plus d’un, car au final on a tout de même un peu cette impression, que le projet Ihsahn commence à tourner en rond.


Célin
Mai 2010


Conclusion
Le site officiel : www.ihsahn.com