"Dragging Bodies To The Fall"
Note : 17/20
Reprise des activités pour Junon. Trois années après son premier EP, le groupe monté sur
les cendres de General Lee mené par Arnaud Palmowski (chant), Fabien Zwernemann
(guitare / choeurs), Alexis Renaux (guitare), Martin Catoire (guitare), Florian Urbaniak
(batterie) et Clément Decrock, récent remplaçant de Vincent Perdicaro (basse / choeurs),
annonce la sortie de son premier album, "Dragging Bodies To The Fall", chez son nouveau
label Source Atone Records.
L’album débute sur "Segue 1 - The Final Voyage", une composition assez courte qui nous
rappelle sans attendre à quel point le groupe aime jouer avec la dissonance et les riffs
imposants, mais également avec les rythmes entêtants avant que "Caught In Hypocrisy
Loops" ne place ses patterns chaotiques et saccadés. Les leads apportent la touche
aérienne dans cet océan de violence contrasté empreint de mélancolie pesante, puis "Out Of
Suffering" débute avec une quiétude étrange, qui se confirmera rapidement être fausse
lorsqu’elle volera en éclats avec l’arrivée de la lourdeur. Le mix contribue également à
l’ambiance étouffante, en particulier au niveau des frappes de caisse claire qui nous mènent
au final intense puis à la vaporeuse et mystérieuse "The Day You Faded Away" et à ses
vagues de saturation imposantes qui se font toujours plus présentes et nous ballottent dans
leur progression.
Le groupe nous autorise un temps de répit avec "Segue 2 - Dragbody", court
titre où une mélodie lancinante et une voix effacée nous accompagnent avant de s’intensifier
tout en restant ancrés dans leurs racines qui s’embrasent dès que "Dead Ends Lead To
Somewhere" ne débute, marquant une cassure significative avec la quiétude pendant que le
chaos se propage à nouveau dans cette rythmique énergique. "Another Bar To Your Cage"
continue dans cette direction musicale bourrée de soubresauts caractéristiques entre
lesquels les leads angoissants s’installent, puis c’est avec un larsen que le son nous mène à
"Making Peace With Chaos" où la dualité complémentaire règne sans partage dans ce nuage
irrespirable où la vindicte occupe une part importante du paysage.
Bien qu’étant la dernière composition, "Halo Of Lies" occupe à elle seule quasiment un tiers
de l’album, mêlant dans une dissonance mi-majestueuse, mi-inquiétante les hurlements
intenses, les mélodies apaisantes sur la première moitié, puis c’est dans le silence que les
claviers apparaissent à nouveau, offrant des influences supplémentaires avant de
s’enflammer une dernière fois.
On remarque chez Junon une sorte d’assagissement. "Dragging Bodies To The Fall" n’a pas
abandonné ses racines agressives, mais c’est avec un son plus aérien et toujours aussi
lourd qu’il développe la nouvelle personnalité du groupe, tout en nous enfermant dans son
cocon de saturation.
"The Shadows Lenghten"
Note : 18/20
Avant même d’écouter la musique, celui qui connaît bien son sujet est susceptible de deviner que derrière Junon se cachent les mecs de General Lee. L’artwork de "The Shadows Lenghten" me rappelle inévitablement celui de "Hannibal Ad Portas" et même un peu celui de "Roads".
Retour à la case départ ? Pas tout à fait puisque Junon baigne tout autant dans un mélange de post-hardcore et rock mais effectivement avec un souffle nouveau. Néanmoins, c’est accompagné d’un EP autoproduit que le groupe vient secouer de nouveau nos oreilles, j’en ai encore les lobes qui frisent. Pour illustrer ce retour, quatre titres et vingt minutes de musique. Les repères sont là et le plaisir immédiat. L’enregistrement est léché, aussi agréable dans les parties violentes que dans les mélodies qui viennent casser toute cette hargne car oui, Junon va un peu plus loin que General Lee dans les contrastes à l’image du single "Carcosa" sorti en Décembre dernier. Le chant également s’illustre dans des exercices plus variés et totalement maîtrisés.
Au final, tu as envie de me dire que Junon n’est que la suite logique de General Lee. Musicalement je suis assez d’accord car une fois de plus ces mecs impressionnent par leur créativité, leur capacité à se renouveler et aller toujours plus loin dans leur art. Il existe toutefois une différence fondamentale et elle concerne l’inspiration, tout droit tirée de la littérature fantastique dans sa facette la plus sombre, mêlée "au combat perpétuel de la planète Terre face aux attaques répétées de ces hôtes". Sans aller jusqu’à dire que le groupe est devenu engagé, il cherche à véhiculer des idées qu’une bonne partie d’entre nous partage, l’amour de la Terre face au désastre que nous autres humains représentons pour elle tel un cancer. C’est là où la musique du groupe vise juste, partagée entre la violence du quotidien, de l’actualité, la destruction à grande vitesse de la Terre qui elle, ne véhicule que poésie, douceur et vie.
Me vient alors cette question : pourquoi Junon, protectrice du mariage et de la fécondité ? Quand on sait que la sur-population de notre belle planète représente le premier facteur de sa destruction ?
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