Kronos appartient à ces groupes qui composent le patrimoine métallique français. Aussi humble médiatiquement que reconnu musicalement, on en oublierait presque que le combo revendique 21 ans de carrière, les Vosgiens ayant commencé leur carrière très jeunes dans un style heavy / thrash assez différent de leurs dernières productions. Une évolution imputable aux nombreuses références apportées par les changements de line-up auxquels Kronos a dû faire face. Le groupe n’a finalement sorti que trois albums encensés par la presse spécialisée, puisque le dernier en date était une réédition du monstrueux "Titan’s Awakening" (2001 tout de même).

Une longue attente largement justifiée à l’écoute de cette nouvelle bombe mystique au titre réellement évocateur, "Arisen New Era", plus qu’une claque, l’album de l’été pour les amateurs de brutalités sonores. Kronos est de retour et veut en découdre. Un superbe artwork en total cohérence avec les thématiques abordées, neufs titres d’une rare massivité pour une prod' française (chapeauté par David Potvin sous l’égide des Ricains d’Unique Leader Records, fleurons du brutal et du grind), il n’en faut pas plus pour que ce nouvel opus devienne le "must have" de ce milieu d’année. Blast beats, breaks, ça bute autant que ça slam (le tonitruant "Zeus Dethroned" qui nous ramène tout droit au "Forever Underground" de Vital Remains), des solos hyper rapides, des riffs démoniaques et une voix gutturale qui feraient pâlir d’envie les références du genre (sur le premier titre "Infernal Abyss Sovereignty", Triv dépasse même ceux de Franck Mullen sur "As Grace Descends"). Maîtrisant son art à la perfection, le combo propose sur certains titres des changements de cadence où un mid agressif se la dispute à des accélérations vocales peu communes dans le brutal car très difficiles à maîtriser ("Klymenos Underwrath").

L’ensemble est homogène et même des titres comme "Aeons Titan Crown" et "Brotherlords", pouvant paraître de prime abord assez convenus, révèlent à mi-compo des solos quasi organiques, inattendus. Kronos nous propose même quelques passages plutôt groovy malgré la brutalité des riffs ("Hellysium"), ce qui augure un joyeux bordel dans les pits lors des prochains concerts. Petit à petit, "Arisen New Era" se rapproche du chef d’œuvre "Colossal Titan Strife", en bénéficiant de soli techniques tranchants, d'une rythmique par moments imprévisible (cadencée par un Anthony Reyboz hallucinant derrière ses fûts), et d'une alternance de chants gutturaux et criés sublimés par une prod' beaucoup plus moderne. A ce titre, Kronos n’est pas simplement de retour, mais vient se positionner sur le trône des meilleurs groupes européens du genre, une place qu’il n’a peut-être finalement jamais quittée.

Kronos…Kronos… Je n’ai pas eu à remonter loin dans ma mémoire pour me souvenir de leur précédent album "Colossal Titan Strife", tuerie à l’état pur. Les revoilà donc avec "The Hellenic Terror", 10 titres de death metal pur, monstrueux, dans la veine des plus grands du death, avec des compositions à la croisée d’une technique monumentale, d’une violence sauvage et d’une puissance pachydermique. Toujours inspiré de la Grèce Antique, "The Hellenic Terror" démarre dés les 15 premières secondes, après une intro pour qui le mot "brève" a été inventé. "The Road To Salvation" #1 ne nous mènera pas à la redemption, mais vers 9 autres titres où la voix développe un coffre constant dans la puissance et l’agressivité alors que les riffs semblent d’ores-et-déjà plus aboutis et moins collés les uns aux autres. Une véritable dynamique a été construite dans cet album, et on s’en rend compte dés le second titre, "Bringers Of Disorder" qui prouve que l’apogée du blast est loin d’être arrivée. Les patterns de guitare n’hésitent pas à ralentir pour repartir de plus belle et jouent d’avantage sur un systême de question/réponse cher à des groupes comme Suffocation. On trouve quelquefois l’influence de groupes comme Dying Fetus et Necrophagist, dans les solos et les constructions rythmiques pour ce dernier, et dans le schéma des structures pour les premiers. Prenant à contre-pied le courant progressif, Kronos dévaste d’entrée de jeu, laissant les bases se poser d’elles-mêmes et nous offrant par-ci, par-là quelques éclairs mélodiques ou purement rythmiques servant à briser l’engrenage, surprendre et donnant à chaque fois une dimension supplémentaire aux compositions. Aprés "A Huge Cataclysm" #5 et "Tricephalic Hellkeeper" #6, les deux parties de "Petrifying Beauty" #7 & #8 vous réconcilierons avec le death. Très propres, très puissants, ciselés à la quadruple croche prés, ces deux titres raviront tous ceux qui pensent avoir tout vu dans la musique extrême. Enfin, "Maze Of Oblivion" clôturera le tout avec ses accents apocalyptiques et ses prouesses rythmiques. "The Hellenic Terror" est indubitablement l’album de la mâturité, servie par une justesse parfaite dans l’interprétation, une production  sans aucun défaut et un magnifique sens musical. Un chef d’œuvre ? Oui.

"Colossal Titan Strife"
Note : 17/20

Du brutal, du death, du brutal-death… A priori rien de bien original dans ce groupe. Or c'est tout le contraire. L'atmosphère que libère Kronos diffère avant tout des autres groupes de death, ricains ou d'autres horizons, obsédés par les zombies, serial-killers et autres ambiances glauques et nauséeuses. On n'a pas l'habitude de trouver des références à la mythologie grecque, et c'est cette iconographie qui semble donner un petit plus à ce groupe, en plus de son professionnalisme époustouflant. Un son tout droit descendu de l'Olympe, la voix d'Adès en personne, la puissance d'Hercule et la précision dévastatrice des éclairs de Zeus. Et Kronos n'exploite que les points forts du death, sans s'encombrer de parties inefficaces tout en sachant conserver jusqu'au bout l'impact de ses riffs violents sur nos oreilles. Le résultat est à la fois moderne et classique. On sent les bases solides d'un groupe expérimenté, qui ne se contente pas de recracher les influences qu'il a digéré depuis toutes ces années. L'originalité, le modernisme et la recherche d'une musique toujours plus percutante et pointue sont là. On n'arrive pas à véritablement distinguer qui mène la danse dans le combo : les guitares à la fois puissantes et incisives dans leurs solos, la basse qui les nargue en arrière et fait quelques petites interventions taquines, la batterie ultra complète et supra rapide (le batteur a tout de même sa place au top dans le site halfman / halfmachine) ou la voix tantôt death tantôt thrash s'égosillant à nous assourdir. La légende raconte que Prométhée a volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes… Il a du dérober au passage l'alchimie du death pour l'offrir à Kronos.

La Patte de l'Ours Octobre 2006