Aussi désagréable que cela puisse être, les expériences traumatisantes et de pure terreur ont toujours été de profondes sources d’inspiration pour l’art, et en particulier pour les musiques extrêmes comme le black metal. Certaines personnes choisissent donc de raconter leurs expériences de vie à travers la musique. C’est le cas de Laang 冷, projet de black metal de Taïwan qui se défini par son créateur comme du "terror black metal", ce dernier affirme transposer musicalement son ressenti pendant un coma suite à une expérience traumatisante. Ce projet revient donc cette année, n’étant cette fois plus un one-man band, mais un trio. Ce deuxième album se veut très énergique et est souvent empreint d’une aura très malsaine qui vient planer sur la plupart des morceaux. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’une fois de plus, la scène asiatique sait vraiment se démarquer du reste en proposant des compositions jusqu’alors assez peu communes, qui, sans venir révolutionner complètement la scène, apportent un réel dépaysement face aux sonorités maintenant bien assimilées de la scène occidentale. Loin cependant de se démarquer de tout cela, on trouvera dans cet album des touches d’Harakiri For The Sky, et même quelques riffs accompagnés d’un chant déchiré rappelant beaucoup la scène DSBM.

Une des premières choses qui marquent dans cet album, c’est cette faculté qu’il a d’instaurer un genre de chaos mélodique dans la plupart des morceaux qui le composent. Cela se traduit notamment par des riffs de guitare qui sonnent très black atmosphérique voire black mélodique, mais qui se voient mis en contraste par une batterie très percutante et plus déstructurée, largement mise en avant dans le mixage, et qui vient appuyer le chant qui lui-même vient se placer comme un objet percutant au sein des morceaux. Ainsi, le duo chant-batterie se pose comme une seule entité qui vient faire office de percussion chaotique et entre en dialogue avec une guitare aux riffs beaucoup plus lumineux, ce qui donne cette impression de clair-obscur musical. Cela est plus particulièrement le cas dans le début de l’album, cette impression se perdant un peu plus après le morceau "Wǒ De Piāofú Shītǐ 我的漂浮屍體". Comme c’est souvent le cas chez les groupes asiatiques, ces derniers n’hésitent pas à ajouter dans leurs compositions des sonorités très typiques des contrées d’où ils sont originaires. Dans cet album, cela se traduit par des orchestrations multiples qui viennent se placer, bien qu’en retrait, dans les morceaux, on retiendra tout particulièrement celle du morceau "Zài Hēi'àn Zhōng 在黑暗中" qui vient accompagner un chant clair très lointain, comme si la vie et la lumière résidait encore au loin mais s’éloignait pour laisser place à la terreur.

Vers la fin de l’album, les compositions prennent un caractère beaucoup plus urgent, les BPM s’emballent au niveau de la batterie, et la guitare nous délivre une déferlante de riffs à trémolos très rapides, apportant une nouvelle dimension à l’angoisse, comme si tout se passait vraiment très vite, donnant du mal à comprendre les choses, le chant clair et le chant hurlé ne se superposent plus, ils échangent et se répondent, dans le morceau "Hēiyàoshí 黑曜石" par exemple. On est loin de l’espèce d’incompréhension malaisante invoquée par la fin de "Cǎndàn 慘淡", à partir de là l’esprit n’a plus le temps de suivre et d’interpréter ce qui lui arrive, tout n’est que détresse et noirceur. Les riffs, à ce propos, se déclinent de plus en plus vers ces tons au fur et à mesure que l’album se déroule, on passe donc des trémolos très aigus de la guitare dans "Hēiyàoshí 黑曜石" à ceux de "Cháoxī 潮汐" qui sont beaucoup plus axés sur des accords plus abrasifs, et parfois même portés par la basse, apportant un aspect plus consistant et lourd à l’ensemble. "Yǒnghéng De Yǔ 永恒的雨", qui se pose comme l’épilogue de l’album, ne vient pas s’inscrire dans toute la lignée d’extinction de tout ce à quoi on peut se rattacher, ce morceau fait plus office d’acceptation et de résignation face à l’inévitable. Il se compose donc majoritairement d’un chant clair triste accompagné par une guitare percutante et une batterie plus en retrait dans le mixage. Cette résignation se traduira cependant par une fin de morceau dans des tons beaucoup plus clairs, avec une batterie et une guitare très grandioses, et un chant en chœur, illustrant peut-être la fin de la solitude face au concept mis en place par l’album, mais également au sein même du groupe.

Laang 冷 nous propose donc une plongée dans un esprit qui perd doucement ses repères et ne comprend pas ce qu’il lui arrive, on passe ainsi de quelques chose de terrifiant et insidieux à une panique urgente qui ne laisse plus place à la réflexion et à l’espoir. Ce dernier revient cependant à la fin, étant mis en lumière par la présence d’autres personnes qui viennent se poser en pilier de soutien et faire revenir une certaine clarté.