"Of Grace And Gravity"
Note : 17/20
Cela faisait un petit moment que l'on n'avait plus eu de nouvelles de Merrimack puisque "Omegaphilia" est sorti en 2017, l'arrivée de "Of Grace And Gravity" est donc une bonne surprise. Ce long délai d'attente n'amène pas un changement drastique pour autant puisque le groupe reprend quasiment les choses là où il les avait laissées.
On retrouve donc un black metal qui se fait souvent lourd et rampant même si les explosions de violence se font encore entendre à coup de blasts lorsque c'est nécessaire. En découle une ambiance occulte, mystique et malsaine plutôt que haineuse et qui éloigne toujours plus Merrimack de la horde de groupes qui se contentent de ressortir les vieilles formules. Certes on sent clairement l'influence des groupes suédois dits orthodoxes, d'où l'enregistrement du précédent album aux fameux Necromorbus Studios. Mais on sent aussi que le groupe apporte sa patte et se sert de ces sonorités pour amener ce type de black metal ailleurs, là où son introspection l'amène. D'ailleur,s en parlant de studio, c'est cette fois dans le studio Sainte-Marthe que le groupe s'est rendu en compagnie de Francis Caste, ce qui devrait suffire à tout le monde pour comprendre que "Of Grace And Gravity" sonne plus que bien ! Ce qui fait plaisir à entendre en tout cas c'est que le groupe démarre d'entrée de jeu avec "Sulphurean Synods" sans la moindre introduction, c'est un détail mais il faut avouer que cela devient fatiguant d'entendre des groupes poser une intro comme si c'était un passage obligé (allant même souvent jusqu'à l'appeller "Intro"... ). Un premier morceau qui frappe fort de suite se montre assez virulent avec une ambiance apocalyptique même quand les blasts ne sont pas en train de mitrailler. Les riffs et les leads sentent effectivement le souffre et le titre de ce morceau d'ouverture est donc parfaitement trouvé. On retrouve les fameuses dissonances, l'ambiance occulte, les passages pesants et plus mid-tempo et ces leads parfois plus lumineux qui amènent un contraste intéressant face à la noirceur ambiante. Si vous aviez déjà posé vos oreilles sur "Grey Rigorism", "The Acausal Mass" ou "Omegaphilia", vous ne devriez pas être dépaysés puisque ce nouvel album en est la continuité.
Si Merrimack a trouvé son chemin et qu'il n'en dévie pas, il n'empêche que ses albums se suivent sans pour autant se ressembler. Et même si les premiers albums du groupe étaient plus brutaux et plus proches d'un black metal classique, sa discographie garde une cohérence assez évidente. Il y avait dès le début quelque chose de particulier chez Merrimack qui le différenciait du reste de la meute, peut-être justement une envie de trouver sa voie plus que celle de suivre un chemin tracé par de glorieux aînés. Ou une approche plus sincère de la chose, laissant la place à une véritable introspection qui nous amène aujourd'hui "Of Grace And Gravity". On retrouve une fois de plus des morceaux assez longs avec une moyenne qui tourne autour des sept minutes, de quoi prendre le temps de développer ces fameuses ambiances vénéneuses. On sent aussi une violence peut-être un peu plus marquée que sur "Omegaphilia" avec des blasts un peu plus présents et des riffs parfois plus menaçants. Il y aussi quelque chose de dramatique sur ce nouvel album, voire même de tragique comme peut le faire entendre la fin de "Sublunar Despondency". Même "Dead And Distant Clamors" qui enchaîne avec de bons gros blasts et une brutalité assez frontale fait entendre quelque chose de mélancolique dans ses leads, comme une sensation de perte. Comme prévu avec Francis Caste, le son est organique et puissant, loin des productions en plastique qui pullulent partout de nos jours, ce qui permet d'entendre le travail fait sur la batterie entre autres avec un gros jeu de cymbales.
Merrimack continue sur sa lancée et délivre avec "Of Grace And Gravity" un black metal toujours aussi malsain et rampant mais peut-être un peu plus violent que son prédécesseur. Un changement dans la continuité comme on dit qui ne devrait pas dépayser les habitués.
"The Acausal Mass"
Note : 17/20
Trois ans après "Grey Rigorism" et un re-départ de Terrorizt, Merrimack nous revient avec "The Acausal Mass" et un nouveau chanteur donc en la personne de Vestal. Pas vraiment un nouveau venu puisqu'il a intégré le groupe en 2010, mais ce nouvel album est le premier sur lequel il apparaît.
Et si vous avez lu ma chronique de "Grey Rigorism" à l'époque, vous savez que je considérais que la voix de Terrorizt contribuait pas mal aux ambiances sordides développées par le groupe. D'où une légère appréhension à l'idée d'entendre son remplaçant, appréhension vite balayée dès la première écoute de "The Acausal Mass". Sans en être une copie conforme, la voix de Vestal est à peu près dans le même registre grave et déchiré. Pas de gros dépaysement finalement, et je m'en réjouis puisqu'ils continuent dans la voie initiée sur "Grey Rigorism". A savoir un black metal basé sur les ambiances donc, dans lequel les blasts et l'agressivité ne mènent pas la danse. Ces éléments sont bien entendu présents, mais ne sont là que pour pimenter un peu la sauce.
D'ailleurs si vous aimez vous faire écorcher la tronche quand vous écoutez du black, vous serez au moins satisfaits par l'intro de l'album. Pas plus d'une minute au compteur, mais du blast en continu pour vous montrer d'entrée de jeu à qui vous avez à faire, et accessoirement faire taire les mauvaises langues qui trouvent ce style mou du genou. Je me répète mais c'est pas grave, mon black metal je le préfère justement quand il prend le temps d'installer un climat délétère. Les groupes qui se contentent de bourrer du début à la fin ont tendance à m'emmerder assez rapidement, même si j'apprécie les albums de bourrins ce n'est pas ce que je veux entendre quand je me penche sur du black. Du moins je ne veux pas entendre que ça, et même si Merrimack ne fait assurément pas partie des plus généreux en la matière ils savent faire parler la poudre quand il le faut.
Malgré ça on note quand même une approche un peu plus directe que sur "Grey Rigorism", la violence n'est toujours pas la maîtresse des lieux mais elle prend la liberté de s'exprimer plus souvent. Une impression que l'on retrouve aussi sur la durée de l'album, là où son grand frère affichait fièrement une heure au compteur, "The Acausal Mass" se contente de 48 minutes. Pas une grosse différence vu comme ça, mais ça se ressent clairement puisque les morceaux dépassent du coup rarement les 5 minutes. Merrimack continue sur sa lancée mais affine la formule, l'album sans être assimilé en 5 minutes se laissera peut-être apprivoiser plus vite. Moins de détours que sur "Grey Rigorism", détours dans lesquels visiblement certains se sont fait chier. Le petit dernier a décidé de rendre le propos plus direct, il va à l'essentiel sans jamais traîner au même endroit trop longtemps.
Personnellement je me suis réécouté "Grey Rigorism" avec plaisir il y a encore quelques jours, mais ce nouvel album pourrait peut-être réconcilier ceux qui trouvaient que le mordant typiquement black commençait à disparaître. N'espérez pas non plus retrouver le Merrimack de "Of Entropy And Life Denial", imaginez plutôt un "Grey Rigorism" plus teigneux. Si le côté dissonant hérité entre autres de Deathspell Omega ou plutôt de toute la scène orthodoxe vous défrise vous allez encore avoir de temps en temps de quoi hurler. L'album a d'ailleurs une fois de plus été enregistré dans l'antre de cette scène, le Necromorbus. Inutile donc de préciser que le son est énorme, clair et quasi parfait tant le tout est clairement audible. Là aussi je sais que ça fait gueuler, du black avec un gros son ! Blasphème !
Je serai sûrement comme un traître ou un poseur aux yeux des "vrais", de toute façon black metal ou pas là n'est pas la question, et à vrai dire je n'en ai strictement rien à faire. Ce genre d'albums dégage une ambiance poisseuse, sale et glauque que je ne ressens plus chez la plupart des groupes autoproclamés pur black metal. Et le seul critère d'appréciation acceptable pour moi est là, ce groupe dégage quelque chose. Sa musique est peut-être plus profondément torturée que véritablement malsaine, mais il y a en tout cas quelque chose de clairement pas sympa là dedans. Alors non ça ne blaste pas du début à la fin, non ça ne respecte pas à la lettre les "codes" du black (soit dit en passant, quand un mec me parle de règles à respecter dans le black metal j'ai toujours tendance à penser qu'il n'a pas tout compris à cette musique) mais cet album m'apparaît comme étant plus sincère que la plupart des guignols qui essaient bêtement de singer ce qu'on a déjà entendu 2 000 fois tout en faisant le concours de bite de celui qui aura la plus evil. Encore une fois les groupes qui font du "pur et dur" ne me dérangent pas et j'en apprécie même pas mal, mais les chiens de garde du black metal commencent à doucement me faire chier.
Bref, ce genre de metal extrême occulte et poisseux (histoire de ne pas provoquer d'infarctus aux puristes les plus sensibles) fait toujours son effet sur moi, Merrimack ne m'a absolument pas déçu avec ce nouvel album, malgré les légères craintes que j'ai pu avoir concernant le changement de chanteur. Depuis "Grey Rigorism" il est clair que le groupe a encore monté un palier, les ingrédients sont les mêmes mais le tout est agencé différemment. Une évolution depuis 2 albums que je trouve intéressante, là où d'autres répondront que c'est une technique d'opportunistes qui essaient de coller à la "hype" orthodoxe...On ne peut pas faire taire les mauvaises langues, alors je vais me contenter de me réécouter ce très bon album en vous conseillant de faire de même.
"Grey Rigorism"
Note : 17/20
En écoutant "Of Entropy And Life Denial" le précédent album de Merrimack, je ne cessais de me dire que le groupe était très fort quand il décidait de lever le pied pour faire des morceaux plus lourds. Il en résultait une ambiance de caveau crasseux et humide, de quoi refroidir la température en un rien de temps. Et je me disais donc qu’ils devraient explorer cette voie plus sérieusement sur un prochain album. Il faut croire que mes désirs ont été entendus puisque les voilà qui nous reviennent avec un nouveau bébé nommé "Grey Rigorism" et qui cristallise mes attentes dans un album encore plus froid que le précédent.
Le clip de "Halls Of White Death" m’avait déjà mis la puce à l’oreille, mid tempo et ambiance glaciale à souhait étaient déjà au rendez-vous. Les écoutes successives du petit dernier confirmeront cette orientation car même si les blasts sont encore largement présents Merrimack a visiblement décidé de montrer son savoir faire dans la composition d’ambiances délétères. Alors oui les amateurs de blasts à outrance et de barrages de feu nourri pendant une heure seront sûrement déçus, mais ceux pour qui le black-metal est plus une affaire d’ambiance cadavérique que de violence devraient être ravis. On pourrait rapprocher le groupe de la mouvance dite du black metal orthodoxe, l’enregistrement au Necromorbus n’est d’ailleurs sûrement pas innocent. Mais même si on peut rapprocher leur musique de cette vague, Merrimack n’en garde pas moins la personnalité qui commençait à montrer le bout de son nez sur "Of Entropy And Life Denial", mieux ils la confirme et la pousse encore plus loin. Le départ éclair du vocaliste Terrorizt m’avait d’ailleurs quelque peu effrayé puisque sa voix représente à mes yeux (ou plutôt oreilles) une grande partie de cette personnalité, cette voix totalement arrachée et extrêmement rageuse colle parfaitement au style Merrimack.
En tout cas la musique présente sur cette galette se fait beaucoup plus froide et pernicieuse qu’avant, plus proche de l’idée que je me fais du black metal qui ne trouve pas son essence, selon moi, dans la violence aveugle. On trouve chez Merrimack, et en particulier sur l’album qui nous intéresse en ce moment, cette atmosphère malsaine, glaciale, qui demande d’être dans un certain état d’esprit pour être totalement assimilée. Pas franchement le genre d’album à écouter pendant une beuverie entre potes et encore moins pendant l’anniversaire de votre petite sœur, ce petit monstre va vous demander un minimum d’attention pour vous révéler toute sa substantifique moelle. Sur ce point le précédent album avait une approche beaucoup plus frontale et ne demandait pas un investissement aussi important de la part de l’auditeur. Sur "Grey Rigorism" rien que la durée des morceaux a sensiblement augmentée, et la construction de ces derniers n’est plus articulée autour des blasts. Comme je le disais plus haut ils ont toujours une bonne place mais savent s’effacer quand il le faut et permettre au groupe de vous balancer dans une fosse suintante et de vous trainer dans la boue. Le "Grey" présent dans le titre n’est d’ailleurs pas là pour rien, il pourrait parfaitement représenter les nuances apportées à la musique de Merrimack par rapport au black d’antan. Le passage d’un état plus proche du black basique, à une musique plus fine et travaillée, à l’affirmation de leur personnalité. Les compositions sont beaucoup plus travaillées, plus complexes, les riffs ne sont plus aussi basiques ni aussi proches du black traditionnel et sont bien plus dissonnants. L’évolution n’est pas brutale, Merrimack n’est pas passé du coq à l’âne en deux albums mais elle est malgré tout bien présente et impose sa marque sur cet album.
Et comme tout album qui marque une évolution par rapport aux autres, il va en laisser quelques uns sur le carreau. Nombreux seront ceux qui vont rejeter cet aspect plus rugueux et moins "rentre dans le tas", les adeptes du char d’assaut dans les dents vont se sentir lésés. Mais s’ils se donnent la peine d’écouter attentivement "Grey Rigorism" ils pourront peut être y trouver, à défaut de blindés, une température toujours plus proche du zéro absolu. Laissez vous entrainer par le fond, allez voir ce qui se passe sous la glace. Même si vous sentez quelque peu malmené, le voyage devrait valoir le détour. Et puis après tout le fait d’être bousculé et de vous faire remuer les tripes ne devrait pas vous gêner, c’est quand même un peu ce qu’on attend du black-metal. Quand à moi je vais me contenter de savourer cette nouvelle galette en saluant le bel effort fourni et en espérant que Merrimack continue dans cette voie, c’est là qu’ils excellent vraiment.
|
|