Le groupe
Biographie :

Monolithe est un groupe de doom metal français, créé en 2001 par Sylvain Bégot, également membre de la formation Upon The Deep et ex-membre du groupe Anthemon. Il se distingue par l'iconoclasme de son concept (une saga dispatchée sur plusieurs albums, des disques constitués d'un unique et très long titre), de par la flexibilité de son line-up et de par son approche hors norme du style de musique qu'il pratique (avec notamment l'éradication d'un certain nombre de clichés inhérents au doom metal). La discographie de Monolithe est constituée des albums "Monolithe I" (2003), "Monolithe II" (2005), des EPs "Interlude Premier" (2007) et "Interlude Second" (2012), des albums "Monolithe III" (2012), "Monolithe IV" (2013), "Epsilon Aurigae" (2015) et "Zeta Reticuli" (2016) sortis chez Debemur Morti Productions. L'album suivant, "Nebula Septem", paraît chez Les Acteurs De L'Ombre Productions en Janvier 2018. "Okta Khora" sort en Janvier 2020. "Kosmodrom" sort en Novembre 2022 chez Time Tombs Production.

Discographie :

2003 : "Monolithe I"
2005 : "Monolithe II"
2007 : "Interlude Premier" (EP)
2012 : "Interlude Second" (EP)
2012 : "Monolithe III"
2013 : "Monolithe IV"
2015 : "Epsilon Aurigae"
2016 : "Zeta Reticuli"
2018 : "Nebula Septem"
2020 : "Okta Khora"
2022 : "Kosmodrom"


Les chroniques


"Kosmodrom"
Note : 18/20

Trois ans après "Okta Khora", le Monolithe est de retour avec son neuvième album "Kosmodrom" qui mélange cette fois l'imaginaire et le réel en s'appuyant en partie sur l'épopée spatiale soviétique. Musicalement, on poursuit sur la voie tracée par les précédents albums avec une base doom sur laquelle se greffent des sonorités plus mélodiques, planantes ou évocatrices. Une fois de plus, le groupe crée son monde et ne se ferme aucune porte pour donner vie à des ambiances de plus en plus prenantes.

Comme d'habitude, on se retrouve avec des morceaux très longs, ils sont cinq ici et deux d'entre eux durent précisément dix minutes trente, deux autres dix minutes pile et l'album se termine sur un pavé de vingt-six minutes. C'est donc "Sputnik-1" qui nous accueille et les leads mélodiques mais froids évoquent le vide spatial d'entrée de jeu et nous font reprendre contact avec les ambiances très évocatrices et visuelles de Monolithe. Par contre, des sonorités plus groovy aux faux airs de trip hop hanté nous cueillent vite avec la voix de la chanteuse London Lawhon qui apporte une chaleur et une humanité qui semblent presque incongrues au milieu de la froideur habituelle. Surtout que les growls se font vite entendre eux aussi avec de bons gros riffs doom qui créent un contraste bien amené et nous confirment que Monolithe trouve encore de nouveaux terrains à explorer. "Kosmodrom" commence fort avec un morceau surprenant mais magnifique, habité et avec des ambiances qui envoient un bon crochet à l'estomac sur les cinq dernières minutes. La collaboration avec une chanteuse évoluant habituellement dans un registre plus pop / rock est aussi inattendue que réussie et on ne peut que se réjouir de la démarche quand on entend le résultat ! "Voskhod" débute avec une basse groovy et les riffs, les quelques contre-temps et autres mesures impaires, les mélodies et arrangements qui viennent ensuite s'y fixer évoquent presque une sorte de rock progressif spatial et hanté lui aussi avant que le doom et les riffs écrasants ne reprennent leurs droits. En deux morceaux on comprend que Monolithe a encore poussé le bouchon un peu plus loin et a incorporé encore d'autres couches de profondeur à sa musique sans jamais renier sa base doom. C'en est toujours en quelque sorte mais la musique du groupe va maintenant bien plus loin que ça et "Kosmodrom" fait encore un pas de plus vers l'inconnu.

Certains passages se font plus accrocheurs comme sur les précédents albums et en cela on s'éloigne clairement du doom pur et dur, ce n'est pas une nouveauté puisque la démarche est entamée depuis un moment maintenant mais disons que cela confirmera aux étourdis qui auraient disparu dans une grotte après la sortie des deux premiers albums que le Monolithe actuel n'est plus du tout celui qu'ils ont connu. "Kudryavka", qui était l'un des surnoms donnés à la chienne Laïka, pose des riffs plus doom justement, pour une ambiance globale plus froide et plus mélancolique avec un très beau solo tout en feeling en bonus. "Soyuz" propose lui aussi quelque chose de plus lourd avec toujours ces mélodies spatiales évidemment et cette froideur qui se glisse dans les moindres riffs et leads. L'ambiance se fait plus sombre mais il y a pourtant toujours quelque chose ici qui appelle au rêve en quelque sorte, l'impression qu'une porte s'ouvre sur un monde que nous ne connaissons pas encore et que la curiosité nous pousserait presque à explorer sans réfléchir s'il n'y avait pas quelques frissons dans le dos pour nous freiner. Tout ça nous amène au gros pavé "Kosmonavt" qui se fait à la fois plus lourd, plus long, plus varié, plus aérien par moments. Le groupe en profite évidemment pour déployer toutes ses facettes et utilise ces vingt-six minutes pour clore l'album avec des ambiances d'autant plus évocatrices et prenantes, des ambiances qui se font forcément une belle place sur ce très long morceau de clôture.

Notons que la version double CD de l'album propose des bonus intéressants sous la forme du EP "Kassiopea" puisque le groupe y propose six reprises de morceaux qu'il adapte à sa sauce jusqu'à en mélanger plusieurs dans certains cas et sur lesquels des invités apparaissent au micro. On y trouve le "Cold" de The Cure qui prend un 'K' pour la peine et mélange autant la patte The Cure que l'univers spatial et écrasant de Monolithe avec Frédéric Gervais au chant pour une voix qui se rapproche étonnamment de celle de Robert Smith par moments. On trouve aussi un mélange de "Orion" et de "My Friend Of Misery" de Metallica, une reprise de "The Killing Moon" de Echo & The Bunnymen, un mélange de "Brave", "Murder" et "Day" de Katatonia, "Invasion AD" de Carpenter Burt et le glacial "Special Cases" de Massive Attack renommé ici "Spatial Cases" évidemment et Manuel Munoz y a la lourde tâche de remplacer Sinnead O'Connor, ce qu'il fait avec brio. Un morceau tiré du génial "100th Window" qui, pour moi, dépasse de loin le fameux "Mezzanine" considéré par beaucoup comme le meilleur album de Massive Attack, l'ambiance y est encore plus froide et les mélodies tellement hantées que l'album donne l'impression d'avoir été composé par des fantômes. Chacune de ces reprises arrive à la fois à respecter la version d'origine et à y apposer la patte reconnaissable de Monolithe, un exercice bien plus difficile à réussir qu'il n'y paraît. C'est d'ailleurs évident avec la reprise de Carpenter Brut puisque le groupe adapte avec guitares, basse et batterie une musique entièrement électronique à la base. Ce qui prouve que les influences du groupe sont variées mais aussi qu'il a su les digérer et s'en servir pour donner naissance à un univers particulier.

Finalement, Monolithe revient avec un album qui explore encore un peu plus que ses prédécesseurs et nous fait entendre quelques sonorités surprenantes au milieu de ses accents doom habituels. "Kosmodrom" est une preuve de plus à la fois du talent de ce groupe mais aussi de ses envies d'exploration, ce qui rend le concept de l'album d'autant plus approprié et logique.


Murderworks
Avril 2020




"Okta Khora"
Note : 17/20

Toujours aussi productifs, les Français de Monolithe sont de retour avec "Okta Khora", huitième album qui une fois de plus s'amuse avec les chiffres : huitième album pour quatre titres de huit minutes et deux instrumentaux en deux parties chacun de quatre minutes (donc deux morceaux de huit en fait). Comme d'habitude, on va probablement se retrouver dans un univers bien différent du nôtre et avoir les joues bien rouges après quarante-huit minutes de claques !

"Okta Khora Part 1" ouvre l'album avec d'entrée de jeu des arpèges inquiétants et planants et nous emmène en quelques secondes loin, très loin. Un instrumental qui nous montre que Monolithe n'a rien perdu de sa capacité à créer des ambiances prenantes et à évoquer le vide spatial à chacune de ces mélodies. Il aura suffit de quatre minutes pour que l'on se retrouve une fois de plus immergé dans un univers inconnu sans le moindre repère. "Onset Of The Eigth Cycle" est le premier morceau chanté de l'album et si le début n'est pas un hommage au "Blackened" de Metallica, je ne sais pas ce que c'est ! Une référence qui s'éloigne bien vite puisque Monolithe reprend ses droits passé ce clin d'oeil avec un doom planant et mélodique comme d'habitude et surmonté de choeurs assez épiques en fin de morceau. On retrouve la patte affichée sur les deux précédents albums avec ce côté un peu plus accessible, plus compact et accrocheur. Bon, mettez quand même tous ces adjectifs entre guillemets parce qu'on est loin des tubes à chanter sous la douche, quoique "Dissonant Occurence" avec ses faux airs d'Opeth de l'espace pourrait presque être candidat à ce titre ! Même si l'on reste dans la lignée des deux précédents albums du groupe, on entend quand même quelques surprises sur ce "Okta Khora" notamment plusieurs passages presque tribaux, en particulier sur "Ignite The Heavens Part 1" qui se permet en plus de faire intervenir un saxo possédé en plein milieu d'un morceau qui sent fort la marche guerrière. Quelques détails qui amplifient encore la puissance évocatrice de Monolithe et qui fait apparaître des images dans votre tête pendant l'écoute de ce nouvel album. De là à se dire qu'il serait intéressant d'en faire un court métrage ou un film, il n'y a qu'un pas.

Comme pour confirmer ce penchant presque cinématographique, "Okta Khora Part 2" clôt l'album avec des orchestrations épiques en renfort qui appuient encore cette impression. Encore une fois, même si on reconnaît aisément la patte du groupe, on ne cesse d'être surpris par de petites nouveautés disséminées ici et là. Monolithe continue son chemin loin de tout et de tout le monde, son doom qui n'avait déjà pas grand-chose à voir avec le reste de la scène se démarque encore plus, s'enrichit de nouvelles sonorités et développe encore sa profondeur. Le chant clair a tendance à se faire un peu plus de place aussi sur "Okta Khora" même si les growls restent largement majoritaires. C'est assez impressionnant d'entendre des albums aussi travaillés et complexes tant au niveau conceptuel que musical quand on sait à quelle cadence le groupe les sort ! D'ailleurs, plusieurs vidéos ont été réalisées avant la sortie de l'album pour expliquer la façon dont l'album a été crée, le concept autour duquel il tourne et à peu près tout ce que vous avez envie de savoir sur ce nouveau méfait. N'hésitez pas à y jeter un œil, c'est très instructif et ça change des techniques promotionnelles habituelles. Même pour la production, il y a eu un gros boulot puisque non seulement tout ça sonne très bien avec un son puissant, clair, ample et parfaitement adapté au style pratiqué mais les possesseurs de platine vinyle pourront se procurer l'album donc et avec un mastering spécialement fait pour ce format.

Un nouvel album et une étape supplémentaire de franchie pour Monolithe qui continue son évolution tranquillement, apportant toujours quelques nouveautés à sa personnalité bien affirmée. "Okta Khora" est une fois de plus un voyage dans une galaxie lointaine, très lointaine et ce groupe confirme décidément son talent et sa singularité à chacune de ses sorties. Que vous aimiez le doom ou non, vous n'avez aucune raison de passer à côté, même si ce style n'est habituellement pas votre tasse de thé, Monolithe est tellement à part que vous n'êtes pas à l'abri de vous prendre une bonne claque.


Murderworks
Avril 2020




"Nebula Septem"
Note : 17/20

Le Monolithe qui nous avait déjà laissé plusieurs messages pour le moins déconcertants est revenu nous voir cette année avec un message audio conceptuellement chargé.

Sept protagonistes se sont effet alliés pour composer sept morceaux dont les titres débutent par les sept premières lettres de notre alphabet, la tonalité de chacun de ces morceaux est une des sept notes de la gamme utilisée et la durée est systématiquement de sept minutes tout ça pour construire le septième message audio nommé "Nebula Septem". Pour le style adopté on se retrouve avec une sorte de continuité de ce que le Monolithe nous avait proposé sur "Zeta Reticuli" avec un doom toujours pesant, froid et parfois malsain mais plus direct et un peu moins barré au niveau des structures. On dirait que cette étrange forme de vie a décidé depuis quelques temps de moins nous torturer les méninges que sur ses premières manifestations. En tout cas, la mise en musique du vide sidéral est toujours aussi réussie et on se retrouve très vite perdu dans des nébuleuses et autres restes de supernovae à la recherche d'une balise qui pourrait nous indiquer le chemin du retour sur terre. On retrouve aussi cette beauté froide typique du Monolithe, ces mélodies qui vous émerveillent autant qu'elles vous glacent le sang. La musique devient en tout cas de plus en plus compacte et efficace puisque "Zeta Reticuli" et "Epsilon Aurigae" proposaient encore des pavés de quinze minutes. L'ouverture d'esprit devra pourtant encore être de mise puisque la personnalité du gros caillou n'a pas fondamentalement changée, elle trouve à s'exprimer sous une forme différente mais le fond est toujours là. Attendez vous donc à un album de doom qui sans expérimenter trouve le moyen de s'affranchir des barrières du style, ça peut faire bizarre dit comme ça mais cela prouve simplement que ces gars-là font preuve de finesse quand ils composent et qu'ils savent où ils vont.

Comme on dit, "Nebula Septem" est un changement dans la continuité, on emprunte la même voie mais on y apporte encore des ajouts et des modifications. On retrouve aussi ces ambiances fantomatiques, très bien illustrées sur "Engineering The Rip" qui nous emmène très loin dans le genre. Plusieurs soli de guitares de toute beauté et gorgés de feeling se sont disséminés sur l'album, sur l'instrumental final "Gravity Flood" ou sur la deuxième moitié de "Fathom The Deep". Voilà le genre de petites choses que se permet ce Monolithe et que la plupart des groupes de doom n'osent pas ou n'arrivent pas à placer. Comme je le disais, le groupe ne s'embarrasse d'aucune barrière et n'hésite pas à étoffer son doom pour donner plus d'ampleur à l'univers qu'il met en place. C'est là que l'on se dit que le groupe n'a jamais aussi mal porté son nom (et c'est un compliment) puisque plus rien n'est monolithique ici, les morceaux vivent leur vie et sont plutôt dynamiques, le style évolue doucement mais sûrement et les ambiances sont aussi évocatrices que variées. Si d'apparence les morceaux sont plus accessibles que sur les premiers messages de l'entité ils recèlent une profondeur incontestable et il faudra une fois de plus pas mal d'écoutes pour en saisir pleinement la portée. Le son, quant à lui, est une fois de plus de très bonne qualité avec une production puissante sans tomber dans les excès de cette absurde course à la compression qui sévit ces derniers temps. On entend clairement tout le monde et la production générale sied parfaitement au style aussi puissant qu'éthéré pratiqué ici.

Je ne sais pas de quelle région de l'univers nous vient ce Monolithe mais ses visites et ses messages audio sont toujours de sacrées expériences ! Laissez vous tenter car même si vous risquez de ne pas saisir de suite la teneur du message, il y a cette patte particulière qui va vous saisir et vous convaincre d'insister, comme toujours avec le Monolithe.


Murderworks
Août 2018




"Zeta Reticuli"
Note : 17/20

Moins d'un an après "Epsilon Aurigae", le Monolithe revient nous voir avec des informations en provenance directe de "Zeta Reticuli", autrement dit un petit voyage de 39 années-lumière, trois fois rien.

Ce nouveau message est dans la veine du précédent, délaissant le caractère extrêmement massif et insaisissable des quatre premiers envois de l'entité pour quelque chose d'un peu plus conventionnel (entre très gros guillemets quand même le "conventionnel" hein). Le format avait changé sur "Epsilon Aurigae", on était passé d'un pavé de 45 minutes à trois pavés de 15 minutes et c'est ce même schéma qui est répété ici. Le Monolithe ne communique plus de la même façon mais ses messages sont toujours aussi étranges et laissent toujours un arrière-goût d'oppression. Nous ne sommes pas sûrs de saisir l'intégralité de son message aux premières écoutes mais il y a quelque chose qui vous accroche l'oreille, une ambiance et une capacité à prendre votre attention de force qui font qu'on l'écoute et le réécoute à la fois par plaisir et pour essayer de découvrir tous ses secrets. Depuis "Epsilon Aurigae", la construction des morceaux est moins monolithique justement, plus éclatée, plus complexe et technique aussi. Les quatre premiers monuments envoyés par le Monolithe donnaient l'impression d'être en face d'un énorme bloc de charbon qui nous écrasait sous sa masse infinie, ce n'est plus autant le cas depuis "Epsilon Aurigae". Maintenant on peut trouver quelques passages pour respirer, quelques mélodies légèrement plus accrocheuses, un peu plus de dynamisme et de variété au sein des morceaux.

Il y a par contre une constante qu'on retrouve dans tous ces messages, l'impression évidente d'être plongé au fin fond de l'espace, sans aucune connexion avec notre planète natale. On plane, on dérive dans des recoins inconnus et pas spécialement accueillants, on sent le froid de l'univers nous glacer les os, on sent l'immensité nous oppresser. Pourtant malgré ça, la beauté arrive parfois à se frayer un chemin, quelques rayons de lumière viennent nous éclairer et nous réchauffer au milieu de toute cette masse sombre et glaciale. On trouve d'ailleurs un chant clair très bien amené et franchement bienvenu sur "The Barren Depths", créant un passage un peu accueillant et chaleureux sans jamais faire tâche dans le décor. Comme je le disais pour le "Epsilon Aurigae", le Monolithe a évolué mais ses racines sont encore bien présentes, sa forme d'expression a juste connu quelques changements. L'entité reste elle-même, sa personnalité n'a pas drastiquement changé, elle a simplement muté vers une autre forme. Pour le son, on retrouve la production du précédent envoi, massive mais compréhensible sans descendre dans les infra basses, tous les instruments parfaitement audibles, bref c'est parfaitement adapté au style (du doom donc pour les deux cosmonautes et physiciens du fond qui ont dormi ces dernières années).

Le nouveau message du Monolithe envoyé de "Zeta Reticuli" est passionnant une fois de plus, toujours aussi prenant et oppressant à la fois, toujours aussi riche aussi. Il nous a délivré cette série d'informations et s'est retiré au fin fond de l'univers pour le moment mais nul doute qu'il reviendra bientôt nous visiter, il a l'air d'avoir encore beaucoup de choses à nous dire...


Murderworks
Septembre 2016




"Epsilon Aurigae"
Note : 16/20

Après avoir sorti coup sur coup et en moins d'un an un troisième et un quatrième album, Monolithe revient cette fois au bout de deux ans, mais ce n'est pas pour rien. En effet, cette fois, il y a eu du changement et ce à quasiment tous les niveaux.

Déjà un simple coup d'œil à la pochette suffit pour voir que l'iconographie du groupe a changé, en plus de ça cet album a un nom, "Epsilon Aurigae", contrairement aux quatre premiers qui étaient nommés par des chiffres. Et musicalement aussi il y a un changement, au lieu d'avoir un seul morceau de plus de cinquante minutes, on en a trois de 15 minutes (qui ont des noms aussi du coup), par conséquent les structures ont changé et sont bien plus variées. Effectivement, Monolithe, malgré son patronyme, produit maintenant une musique bien moins monolithique, plus vivante même si toujours aussi massive. Bien entendu, le groupe officie encore dans un registre doom, mais sa musique est disons un peu plus accessible. Attention, ce terme est à prendre avec des pincettes parce que ce nouvel album est certes plus compréhensible au premier abord que ses grands frères, il n'en reste pas moins glauque, massif, lourd et barré. Refaire encore une cinquième fois la même formule aurait peut-être pu devenir lassant, le groupe a eu l'intelligence d'évoluer sans renier sa patte. "Epsilon Aurigae" nous montre un Monolithe nouveau certes, mais par les ambiances que cet album crée on retrouve le côté spatial, planant et malsain qu'on avait appris à connaître via les quatre précédents albums. C'est là que le groupe fait fort, il a tout de même réussi à casser la forme de sa musique en variant les structures comme je le disais, en créant des morceaux plus complexes aussi, plus riches mais en réussissant à ne pas se renier.

Et on se rend compte finalement au fil des écoutes que le côté plus accessible est un peu trompeur, on a l'impression de mieux comprendre ce qui se passe au début, ce qui est dû à l'aspect bien moins compact de la musique de Monolithe sur ce nouvel album. Mais à force de se le remettre dans les oreilles, on découvre des choses à côté desquelles on était passé aux premières écoutes, et "Epsilon Aurigae" a bien des secrets à vous dévoiler. Alors certes il y en aura toujours pour regretter l'ancien visage du groupe avec ces pavés impénétrables de près d'une heure qui nous perdaient totalement dans leurs univers, mais je leur conseillerais tout de même de persévérer avec celui-ci. Encore une fois sa facilité d'accès n'est qu'apparente et en apprenant à connaître la bête on se rend compte qu'elle est tout aussi tortueuse, on ne se perd pas dans les mêmes univers mais le groupe arrive quand même à nous emmener là où il le veut sans aucun problème. Il n'y a pas beaucoup plus de lumière sur ce nouvel album que sur les précédents, même si on discerne quelques mélodies qui nous amènent une fois de plus un côté très spatial, il n'empêche que ce cinquième album est d'un noir profond. C'est même un album vicieux en fait, on croit entrer dans un labyrinthe duquel on pourra sortir plus simplement mais au fur et à mesure de notre avancée, on se rend compte que les routes se multiplient et changent régulièrement. On finit par tourner en rond, par ne plus savoir où on va ni d'où on vient, et on s'aperçoit qu'on s'est encore une fois fait avoir comme un bleu. Et si vous vous posez la question, j'y réponds de suite, oui la musique de Monolithe est toujours aussi évocatrice, si ce n'est plus, qu'avant (la dernière partie de "Epsilon Sentry " par exemple).

Métamorphose réussie pour Monolithe qui accouche d'un très bon nouvel album, toujours aussi noir, malsain, lourd et doom mais plus vivant dans les structures, plus varié aussi. Une prise de risque qui porte ses fruits et qui prouve définitivement par la même occasion que ce groupe a du talent et une démarche artistique qui lui est propre.


Murderworks
Janvier 2016




"Monolithe IV"
Note : 16/20

Si on avait dû attendre 8 ans entre les deuxième et troisième albums de Monolithe, il n'aura cette fois pas fallu un an pour que le groupe revienne à la charge avec son quatrième opus. On ne change pas la formule, l'album s'appelle naturellement "IV" et on est toujours en présence d'un unique morceau de 57 minutes. On devrait d'ailleurs pouvoir bientôt mettre la main sur la réédition du deuxième album, quasiment introuvable aujourd'hui.

Alors forcément avec un délai aussi court entre deux albums, il ne faut pas s'attendre à une révolution, cette quatrième livraison reste assez proche de la précédente. Quelques nouveaux éléments font tout de même leur apparition, à l'instar des chœurs féminins présent dès le début et assurés par Emma Elvaston et qui confèrent une aura très malsaine à l'ensemble. Ils reviendront plusieurs fois au cours de l'album, et assombrissent considérablement le climat à chaque intervention. La musique de Monolithe a toujours été à cheval entre des passages mélodiques et atmosphériques de toute beauté d'une part, et des riffs écrasants et oppressants installant des ambiances bien plus glauques et noires d'autre part. D'ailleurs les 10 dernières minutes nous donnent l'occasion d'entendre des leads et des mélodies magnifiques, une ambiance contemplative qui sert de calme avant la tempête finale ! L'album se termine dans un maelström de chœurs dissonants, flippants et pourtant très beaux. Magistrale installation d'une impression d'attraction / répulsion, un passage d'une horrible beauté en quelque sorte. A côté de ça et malgré un nombre d'expérimentations et d'innovations moins important que sur son prédécesseur ce nouvel album nous donne quand même quelques surprises, comme ce break qui débarque à 32 minutes et qui donne dans quelque chose de très martial, à coups d'orchestrations et de percussions.

La musique du groupe demande toujours autant d'efforts de la part de l'auditeur, son doom est toujours aussi riche et dense et comme d'habitude ce nouvel album ne se laissera pas apprivoiser comme ça. Sachant que Monolithe, contrairement à ce que pourrait laisser croire ce nom, ne s'amuse que rarement à répéter les mêmes riffs ou mélodies, on imagine facilement que 57 minutes comme ça sont assez éprouvantes à digérer. D'autant que depuis le deuxième album la musique du groupe à tendance à se plomber de plus en plus, à devenir de plus en plus noire et barrée. Depuis le précédent méfait, les passages space voire même quasiment psychés apparaissent régulièrement, nous donnant l'impression d'être amenés progressivement dans un univers parallèle pas franchement accueillant. On pourra noter une relative proximité avec Darkspace pour ce qui est des ambiances, surtout pour le côté spatial de la chose justement, ce qui n'est pas pour me déplaire soit dit en passant. En tout cas je leur tire mon chapeau pour leur capacité depuis quatre albums à pondre un seul et unique morceau de près d'une heure sans jamais se répéter ni se perdre en cours de route, exercice de style très périlleux qui nécessite un vrai talent de composition. Monolithe évite à la fois l'écueil de la répétition à outrance qui finirait par lasser, et celui de la longue jam pendant laquelle les musiciens partent dans un délire dans lequel on pourrait avoir bien du mal à les suivre. La musique du groupe montre au contraire une certaine cohésion, il suffit de s'y plonger pour sentir que rien n'est laissé au hasard et que ces gars là savent très bien ce qu'ils font.

Bref, un très bon album une fois de plus, même si le fait de l'avoir sorti aussi vite fait qu'il est un poil moins aventureux et original que son prédécesseur. Il n'empêche que la qualité est toujours là et que ce groupe arrive à installer ses ambiances avec une facilité déconcertante, d'autant que sa musique a toujours été personnelle et qu'il est bien difficile de les comparer à qui que ce soit. Que ce groupe soit vraiment de retour est une très bonne chose pour tout amateur de doom au sens large du terme, à n'en pas douter une des références dans le genre.


Murderworks
Février 2014




"Monolithe III"
Note : 17/20

Tremblez humains, après avoir passé quelques temps en orbite autour de Jupiter ou au fin fond de l'espace voici le retour du fameux Monolithe. Depuis sa deuxième apparition en 2005, il ne nous avait rendu que de brèves visites, avec un "Interlude Premier" en 2007 et plus rien jusqu'à son retour en 2012 avec d'abord "Interlude Second" en début d'année et ce "III" en fin d'année. Et plus le temps passe, plus il donne l'impression de s'obscurcir, sa teinte noire devient de plus en plus profonde et il nous ramène des informations sous forme de sons de plus en plus étranges.

Fidèle à la tradition, cette troisième manifestation longue durée du Monolithe est, elle aussi, constituée d'un unique message d'une cinquantaine de minutes, 52 pour être vraiment précis. Pas la peine de vous faire un dessin vous avez compris que vous ne pourrez pas écouter ça d'une oreille distraite, il va falloir le laisser communiquer d'une traite et l'écouter attentivement pour bien le comprendre. Ne vous étonnez pas si les premiers sons qu'il produit sont plus inquiétants que d'habitude c'est normal, il n'y a pas beaucoup de lumière dans les coins reculés de l'univers qu'il a visité. Le soleil n'y étend plus forcément sa clarté ou sa chaleur, d'où une certaine baisse des températures dès le début de l'enregistrement. On commence effectivement par des mélodies et riffs assez dissonants qui se chevauchent pour accoucher d'une sorte de cacophonie contrôlée, installant par la même occasion une ambiance pas franchement rassurante. Alors c'est vrai que le deuxième album montrait déjà une patte plus sombre que sur leur premier essai, sur ce nouveau rejeton la noirceur s'accentue. Même si les passages quasi aériens et bien plus mélodiques sont encore présents, on est quand même de plus en plus cernés par des passages assez oppressants.

Si on est encore à proximité des précédentes livraisons de l'engin pendant sa première moitié, il se passe vers la 33ème minute une espèce de virée spatiale assez déroutante. Sûrement un passage dans un trou de ver qui traînait dans le coin, en tout cas on se retrouve téléportés tel Bowman aux fin fonds de l'espace à contempler l'immensité sur fond de mélodies magnifiquement space. Mélodies toujours contrebalancées par un sentiment d'oppression, une présence qui se fait sentir tout au long de ces 52 minutes et qui vient régulièrement voiler les quelques rayons lumineux que les passages mélodiques nous apportent. On parle souvent de funeral doom pour classer Monolithe, mais c'est bien plus que ça. On est loin des groupes qui balancent deux riffs sur 30 minutes, presque aucun passage n'est répété une fois terminé, on est bringuebalé d'un côté puis rejeté de l'autre. Ce troisième album joue avec nos nerfs, on passe constamment du chaud au froid, quand on croit pouvoir se laisser bercer par les multiples passages mélodiques de toute beauté, on finit par se faire envoyer dans les cordes par des riffs bien dégueulasses et poisseux. Bref, le Monolithe continue son voyage, il avance, il progresse mais on le reconnaît quand même au premier coup d'oeil.

D'après nos derniers relevés, cet étrange objet est reparti très loin de nous, continuant à fouiller tous les recoins de l'univers pour éventuellement nous apporter quelques informations sur nos origines. Mais il est visiblement prévu qu'il refasse un passage dans notre système solaire pour fin 2013, avec apparemment de nouvelles données à délivrer. Alors gardez les yeux sur vos télescopes et vos oreilles grandes ouvertes, allez savoir ce qu'il nous ramènera cette fois-ci ! En attendant cette livraison occupera les esprits un certain temps, il y a déjà largement assez d'éléments intéressants pour ne pas nous ennuyer jusqu'à sa prochaine visite.


Murderworks
Février 2013


Conclusion
L'interview : Sylvain Bégot

Le site officiel : www.facebook.com/monolithedoom