Le groupe
Biographie :

Moonreich est un groupe de black metal parisien créé en 2008. Son premier EP, "Zoon Politikonwas", est sorti sur le label Infernal Kommando. Le premier album, "Loi Martiale" est sorti en Janvier 2011 chez ATMF, suivi d'un deuxième EP, "Curse Them", en 2012. Le groupe sort son deuxième album, "Terribilis Est Locus Iste", en Mars 2013 chez ATMF. Pour son troisième album, Moonreich signe chez Les Acteurs De L'Ombre Productions, et "Pillars Of Detest" sort en Septembre 2015. "Fugue" sort en Juin 2018. "Amer" sort en Mai 2023.

Discographie :

2009 : "Zoon Politikon" (EP)
2011 : "Loi Martiale"
2012 : "Curse Them" (EP)
2013 : "Terribilis Est Locus Iste"
2015 : "Pillars Of Detest"
2018 : "Fugue" 2019 : "Wormgod" (EP)
2023 : "Amer"


Les chroniques


"Amer"
Note : 16/20

Cela faisait déjà cinq ans que Moonreich n'avait pas fait tomber la foudre dans nos enceintes, il était donc temps que "Amer" prenne le relais et nous ramène ce black metal furieux et doté d'ambiances impressionnantes dans les oreilles. Vous vous en doutez, le groupe continue sur sa propre voie et suit le chemin tracé par "Fugue" et ses prédécesseurs tout en développant encore un peu plus une personnalité décidément bien marquée.

On a droit à un format plus ramassé cette fois avec seulement cinq titres dont trois atteignent les huit minutes, un les cinq minutes et le dernier les treize. On part donc sur quelque chose d'un peu plus massif avec des ambiances d'autant plus appuyées. "Of swine And Ecstasy" ouvre l'album avec quelques orchestrations baroques en entame de ces huit premières minutes qui promettent de prendre des airs de montagnes russes une fois de plus ! Et effectivement ce sont de bons gros tapis de double grosse caisse et des riffs agressifs et noirs qui prennent le relais et démarrent ce nouvel album sur une note aussi brutale et pesante que d'habitude. Moonreich nous accueille en mid-tempo certes mais la puissance du son, celle des riffs et la force des ambiances donnent déjà une belle ampleur à tout ça. Quelques blasts se font évidemment vite entendre et la rage habituelle du groupe fait remarquer qu'elle ne s'est pas dissipée avec le temps. On retrouve tout ce que l'on aime chez Moonreich sur "Amer", tous les éléments distinctifs sont là et si la progression se fait de manière progressive on sent que le groupe maîtrise de plus en plus son sujet. Un break surprenant arrive en milieu de morceau avec quelques percussions plus tribales et quelques effets sur les guitares pour un petit côté psychédélique qui confirme l'envie d'expérimenter dans un certain cadre. Le passage très groovy et presque dansant qui suit plus tard l'est encore plus ! Moonreich a bien compris que le black metal était censé être une musique libre de toute contrainte, ce que certains suiveurs de la seconde vague norvégienne n'ont pas saisi en faisant preuve d'une intransigeance et d'une volonté déplacée de garder le temple. Mais peu importe ce que font les autres, ce groupe a sa vision et ne s'est fixé d'autre but depuis ses débuts que celui de lui donner vie et d'étancher sa soif d'exploration.

Le morceau-titre embraie avec une volonté plus marquée de frapper fort avec donc des blasts qui débarquent d'entrée de jeu et un groupe qui fait de suite parler la poudre sans ménagements. Si la mélancolie se fraie encore un chemin au travers des mélodies toujours poignantes et inspirées, il n'empêche que ce deuxième titre porte bien son nom, l'amertume et la rage se font bien entendre sur ce morceau furieux et direct qui ne laisse que peu d'air pour respirer. Le dernier tiers du morceau fait tout de même brièvement place à quelque chose de plus aérien, presque jazzy dans l'esprit même si toujours empreint de cette noirceur ambiante qui traverse tout l'album. "Where We Sink" présente lui aussi une belle alternance de mélodies aériennes et poignantes d'un côté et de passages furieux et brutaux de l'autre, un exercice de style dans lequel excelle Moonreich depuis un moment maintenant. Mais comme dit plus haut, les contrastes se font encore plus marqués, l'écart plus maîtrisé, le mélange plus naturel. Tout ça ne ressemble plus du tout à un mariage de différents mondes mais bien à l'univers personnel du groupe. Tous ces éléments se sont fondus en un tout cohérent dans lequel Moonreich a injecté son âme et "Amer" est un manifeste de plus dans une discographie marquée du sceau de l'authenticité. Les mélodies et ambiances de "Astral Jaws" flirtent avec le post-metal et une certaine modernité s'infiltre dans ce black metal violent et mélancolique pour un morceau qui, malgré un côté assez direct, fait presque office de palier de décompression avant le pavé final "The Cave Of Superstition" et ses treize minutes. Un morceau forcément plus varié, expérimental, profond et complexe qui là encore fait entendre quelques percussion tribales et autre sonorités plus traditionnelles ou sacrées.

"Amer" est donc une fois de plus un excellent album de la part de Moonreich qui confirme à la fois son talent et l'honnêteté qu'il met dans sa musique. Pas d'esbroufe ou de volonté d'épater qui que ce soit par ici, seulement la ferme volonté de mettre ses tripes dans une musique qui a tout de l'introspection !


Murderworks
Juin 2023




"Fugue"
Note : 16/20

Petit tour dans le black avec "Fugue" de Moonreich dont je vous avais déjà parlé en ces pages pour "Pillars Of Detest", le précédent essai du groupe. On continue dans le même esprit avec toujours un changement dans la continuité et c'est plutôt une bonne nouvelle vu la qualité de ce black metal, mais voyons ça de plus près.

Les deux premières pistes sont en fait le morceau titre divisé en deux parties et c'est finalement celui qui va le plus s'éloigner du style habituel de Moonreich. Si l'écoute de ces deux titres fait naître des questions chez vous, persistez et dites-vous que la suite de l'album devrait vous rassurer. Ce serait toutefois dommage de passer à côté de ces deux parties, quand un groupe de black essaie d'enrichir sa musique je préfère l'encourager que de le supplier de revenir chez les puristes. "Fugue Part 1 - Every Time She Passes Away" démarre l'album de façon assez brutale avec pas mal de blasts à l'appui et un chant bien rageur et arraché, les parties les plus posées étant assez dissonantes comme d'habitude. Quelques arpèges plus doux viennent calmer les ardeurs du groupe de temps en temps et on sent en filigrane des sonorités plus modernes se frayer un chemin discrètement vers la surface. "Fugue Part 2 - Every Time The Earth Slips Away" présente un visage plus posé, plus lancinant avec une ambiance plus mélancolique et des sonorités orthodoxes qui reviennent à la charge. Les dix minutes de ce morceau sont coupées par un gros passage plus ambiant, dissonant, malsain et aux allures incantatoires ou rituelles. Passés ces deux premiers morceaux, Moonreich redevient plus brutal et plus direct, "With Open Throat For Way Too Long" ne fait pas de prisonniers et fonce dans le tas dès le début. On retrouve le black metal orthodoxe, moderne et violent de Moonreich et on en prend plein la gueule sans détour. "Heart Symbolism", quant à lui, exhibe des riffs très black'n'roll quand il ne nous blaste pas la tronche sans pitié.

Bref, comme je le disais, passées les légères expérimentations des deux premiers titres, Moonreich redevient lui-même et balance un black metal à cheval entre l'orthodoxe, le moderne et le brut de pomme. Au final, "Fugue" présente une sorte de mélange de tout ce que Moonreich peut faire, le groupe s'amuse à y passer d'un visage à l'autre et ne se fixe aucune barrière. Le black de Moonreich est brutal, dissonant, malsain et le groupe sait être efficace quand il ne pose pas ses ambiances. En gros, ce nouvel album poursuit le chemin entamé avec "Pillars Of Detest" qui montrait déjà des influences plus orthodoxes et modernes tout en gardant la vélocité et la violence des deux premiers albums. Certains passages s'étirent peut-être encore un peu trop, notamment la fin de "Rarefaction" qui aurait pu être un poil raccourcie mais en dehors de ça, "Fugue" fait bien le boulot et ratiboise à peu près tout ce qui lui passe sous la main. Les sonorités les plus modernes rajoutent encore une couche de puissance à un black metal déjà assez violent, seul "Carry That Draught Cause I Have No Arms Anymore" pose une ambiance vraiment mélancolique et poignante. Le reste de l'album est assez brutal et malsain, le groupe ne fait pas de quartier et malgré la longueur de certains morceaux ne lésine pas sur les blasts et le bourrinage. Encore une fois, c'est du Moonreich et en dehors de quelques sonorités, vous ne devriez pas vous y perdre, on retrouve la patte du groupe et ce mélange de plusieurs écoles du black metal.

Un nouvel album aussi vicieux que brutal et froid pour Moonreich qui confirme une fois de plus tout le bien que l'on pense de lui.


Murderworks
Décembre 2018




"Pillars Of Detest"
Note : 16/20

Troisième album pour Moonreich avec ce "Pillars Of Detest" qui marque en même temps l'arrivée du groupe chez Les Acteurs De L'Ombre qui frappent fort en cette rentrée (avec deux autres sorties dont on va parler aussi) !

Nouvel album qui marque une légère rupture avec ses deux prédécesseurs, mais pas de quoi s'inquiéter, la qualité Monnreich est toujours là. Pour préciser, disons que le groupe a cette fois gommé quelques influences qu'on pouvait sentir encore un peu trop fortement sur "Terribilis Est Locus Iste", à savoir les fortes odeurs de Marduk et Dissection. Et si Moonreich a gardé le sens mélodique dont il avait déjà montré l'efficacité sur ses deux premiers albums, il n'en reste pas moins que cette fois son black metal se fait plus froid et plus vicieux. On avait déjà remarqué quelques sonorités plus dissonantes, proches de la scène dite orthodoxe, elles sont toujours présentes et ont peut-être même plus de place pour s'exprimer. Mais c'est surtout l'approche qui a changé, si le black de Moonreich est toujours aussi vindicatif et brutal, les mélodies se font plus insidieuses et malsaines. Violent certes mais moins frondeur qu'avant, plus fourbe. Et malgré la longueur de certains morceaux et cette approche plus "fine", les morceaux ne s'étirent jamais inutilement et la musique du groupe ne perd pas en intensité, le même propos exprimé d'une autre façon en quelque sorte. Même changement au niveau de la production avec un son plus sec et plus froid, loin de l'apport en graisse de "Terribilis Est Locus Iste". On a même droit à quelques passages surprenants, notamment cette espèce de version black metal de Gojira vers la fin du morceau titre ! Mais que les gros bourrins se rassurent, le matraquage en règle s'impose encore de temps en temps, notamment avec "Freikorps" qui tient presque du passage à tabac pendant 7 minutes.

Pour faire simple, on va dire que Moonreich a affiné sa personnalité, effaçant certaines influences, en faisant ressurgir d'autres mais de façon moins évidente. "Pillars Of Detest" constitue le fameux palier à dépasser pour un groupe, celui du troisième album qui permet en général de savoir si un groupe a encore quelque chose à proposer et si il peut se renouveler. Moonreich passe le cap avec brio en délivrant un album fidèle aux racines du black tout en apportant quelques touches plus "modernes" à coup de dissonances et autres rythmiques plus syncopées (pour du black metal s'entend). Résultat, on se prend près de 50 minutes d'un black à la fois rageur, brutal, froid et glauque qui ne donne certes plus tout le temps l'impression de vouloir nous rouler dessus mais qui montre une violence bien plus insidieuse et malsaine. En tout cas, la qualité et l'efficacité sont toujours là, l'album passe tout seul et les mélodies dont l'album est parsemé sont toujours aussi inspirées. Plus de variations dans les rythmiques, des morceaux toujours très dynamiques, une violence plus sournoise mais toujours aussi brutale, bref tous les ingrédients sont là pour se prendre une bonne grosse taloche derrière les oreilles. Un changement dans la continuité comme on dit, qui montre que Moonreich en a dans le ventre et qu'il peut nous surprendre sans se perdre en route.

Au final, voilà un très bon troisième album qui montre une légère évolution même s'il n'y a pas de quoi être déstabilisé, mais le groupe affine encore sa patte et envoie le bois de façon toujours aussi efficace mais avec plus de sadisme.


Murderworks
Novembre 2015


Conclusion
Le site officiel : www.moonreich.bandcamp.com