Nocturnus avait marqué les esprits au tout début des années 90 car c’était le premier groupe de death issu du berceau du style, Tampa en Floride, à proposer un metal avec des synthétiseurs. Dans une démarche assez progressive, ces musiciens composaient une musique assez alambiquée, proche de ce que faisait Atheist ou Pestilence. Ils sont responsables du mythique "The Key", album majeur que toute discothèque se devrait de posséder. Aujourd’hui, le groupe innove en changeant son nom, par l’ajout d’un AD comme suffixe, à la manière d’Entombed, mais en ce qui concerne la démarche musicale, la formation de death prog démontre une volonté assumée de proposer un "The Key" 2.
Déjà au niveau de l’artwork, celui-ci est clairement dans des tons identiques à la pochette du légendaire disque qui a fait la gloire du groupe, et c’est le même illustrateur, R.P. Roberts, qui s’est chargé du dessin. En ce qui concerne la thématique de l’album, elle poursuit celle qui a été abordé sur "The Key", l’histoire fantaisiste écrite par le batteur vocaliste Mike Browning connaît donc aujourd’hui une suite. Musicalement, c’est du même acabit, ceux qui ont écouté "The Key" retrouveront sur "Paradox" des éléments similaires, surtout les introductions des deux albums, quasiment identiques. On fait donc face ici à un death / thrash old school nappé de claviers, avec ce son rude et caverneux à l’ancienne qui inspire les grandes heures des prods qui sortaient du Morrisound Studio, même si ce disque a été enregistré aux New Constellation Studios. Ce qui est assez frappant dès les premières notes du skeud, c’est donc cette volonté de sonner à l’ancienne, cela donne un peu l’impression de regarder un vieux film de science-fiction remasterisé. Nocturnus AD a piqué quelques plans au groupe Nile et à d’autres formations floridiennes (Morbid Angel), tout en continuant de creuser dans le sillon de sa première production, et interprète ses compositions avec une niaque juvénile assez bonnarde. En effet, ça sent le lâcher prise tout au long du disque, notamment dans les solos, aussi chaotiques que virtuoses, tout comme ceux de "The Key" qui s’autorisaient ainsi quelques dérapages plus ou moins contrôlés, comme un Slayer qui s’appliquerait. Toujours autant aventureux, le groupe entretien un sens de la surprise durant tout l’album, et n’hésite pas à tronquer ses riffs, à leur faire prendre une direction inattendue, à passer du coq à l’âne avec l’aplomb d’un homme politique qui s’adonnerait au mensonge, bref, nous avons bien là le Nocturnus, le vrai, celui de "The Key".
La question finale est la suivante : est-ce judicieux d’engager un nouveau départ sur les cendres du tout premier album, quitte à sonner daté ? Parce qu’il faut bien l’admettre, "The Key" parle à tous les trente et quarantenaires, mais la nouvelle génération n’est peut-être plus sensibilisée à ce genre de metal. "Paradox" est plaisant, mais paradoxal, c’est un bon disque, mais ce qui avait fait la force de "The Key", c’était la période pendant laquelle il s’était pointé, et l’impact qu’il a eu est en partie dû au fait que le death proposé innovait par rapport aux autres productions d’antan. Pour être honnête, à choisir, je vais préférer m’écouter le premier opus de Nocturnus, mais malgré cela, Nocturnus AD est une tentative assumée de se positionner par rapport à une scène extrême qui se divise et se dilue, loin de la situation des années 90 où cela était effrayant et underground, avec un gros état d’esprit fraternel et provocateur, le death n’est pas mort.
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