Le Québec, région d'exception lorsque l'on parle de notre musique préférée, voit perpétuellement la naissance de nouveaux et fascinants projets. Nouveau venu dans la grande famille du metal, le duo Norislk, formé de Nick Richer et Nicolas Miquelon, vient à nous avec "The Idea Of North", qui pourrait être le penchant doom, au sens large du terme, de la récente vague black metal ayant émergé depuis maintenant une décennie.
Bardée de références aux contrées nordiques de notre Terre et au froid éternel y régnant (la superbe pochette signée Sam Ford (Black Cobra, Witch Mountain), le titre de l'album, le nom du groupe, tiré d'une ville en Sibérie...), l'entité bicéphale signe une œuvre imposante, naturaliste et émotionnelle. Explorant les thèmes de l'obscurité, de la nature et de la lutte identitaire (très forte chez les groupes de black metal québécois) passés à travers une perspective archaïque et religieuse, nos cousins du Grand Nord nous offrent une vision très personnelle et fraîche des poncifs du metal.
Le groupe exprime son idée du Nord via des tempos lourds et écrasants. Il empreinte au doom, au sludge et au black metal pour fondre son propre style, puissant, évocateur et viscéral. Quelques colorations stoner ainsi que des riffs et mélodies aux accents folkloriques se mêlent à ces riffs de titans de façon naturelle, enrichissant considérablement l'ensemble et lui conférant un caractère unique. Jouant sur les ambiances avec des guitares très expressives d'une grande beauté, Norilsk frappe directement l'âme. Certains mettraient en avant les étiquettes post-metal ou progressive, ce qui est d'une certaine manière juste, mais cela ne saurait vraiment restituer ce qu'est "The Idea Of North" car tout semble ici naturel, irréfléchi et venant du cœur. Une transcription d'un sentiment profond, d'une existence acculée par les contraintes modernes.
D'expression tantôt française, tantôt anglaise, Norilsk se détache ainsi fortement de la masse, gagnant en embellissement et en solennité. Pour nous, Français, les sentiments véhiculés par ces chansons n'en sont qu'intensifiés, l'immersion y est totale. Pour peu qu'il ne soit réfractaire à la chanson d'expression française, oi plus généralement à sa propre langue (ce qui est à la fois illogique et aberrant), l'auditeur y découvrira une sensibilité cachée dans "The Idea Of North". Pour ceux que la langue de Molière rebute, il leur suffira simplement d'apprécier les impressions de colère et de trahison véhiculées par la voix caverneuse, car majoritairement growlée, de Nick.
Le titre d'ouverture "Japetus" est une parfaite entrée en matière, alliant rythmiques en bêton armé à la Crowbar et mélodies insidieuses et stridentes. "Planète Heurt", au refrain incantatoire, hypnotise, alors que la basse, épaisse, tricote des lignes parallèles tétanisantes. Un solo épique magnifie la chanson tandis que des riffs malveillant nous donnent des frissons. Les guitares claires post-rock et les riffs de plomb de "Throa" nous réduisent en miettes. "La Liberté Aux Ailes Brisées", au riff tournoyant (rappelant celui du "Within The Garden Of Mirrors" de Count Raven) et au texte très réussi, contient des lignes vocales puissantes et fédératrices. Des morceaux très dépouillés et atmosphériques, respirations bienvenues en forme de songes hivernaux, apportent une palette d'émotions supplémentaires. Le morceau final et éponyme, à l'essence black metal, est l'un des pics de l'album. Son ultime ligne de guitare, lointaine et dépressive, nous entraîne vers les profondeurs abyssales. En guise de bonus, une reprise inattendue de Philippe Lafontaine et son tube "Coeur De Loup", méconnaissable car seule la mélodie du pont est conservée.
Empreint d'une aura nostalgique et d'une force tellurique hallucinante, "The Idea Of North" est un pôle auquel convergent une multitude d'émotions intenses qui vous emportent tel un typhon au fond des océans. Un groupe à la personnalité déjà forte. A découvrir d'urgence.
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