"Quand Bien Même L'Enfer Et Le Déluge S'abattraient Sur Nous"
Note : 18/20
Pilori est de retour avec un nouvel album. Depuis sa création à Rouen en 2016, le groupe
composé de R. (guitare), Gu. (batterie), Gr. (chant) et J. (basse) est assez régulier dans ses
sorties : une démo la même année, un split en 2018, suivi par un premier album studio en
2020, puis c’est en 2022 que sort "Quand Bien Même L'Enfer Et Le Déluge S'abattraient Sur Nous".
Pour ceux qui l’auraient oublié, le groupe s’exprime avec violence, et "De Guerre Lasse", le
premier titre, va nous le rappeler avec un mélange de crust, grindcore et sludge. La double
pédale se mêle aux hurlements massifs, et les seules périodes d’accalmie sont peuplées
d’une dissonance sombre et pesante, laissant l’oppression nous mener à "Meurtrière" et sa
rythmique accrocheuse. On retrouve également des harmoniques folles couplées à cette
base efficace, alors qu’"Entre Chien Et Loup" propose un son légèrement plus groovy, qui
colle parfaitement à cette base hardcore énervée. On retrouve un contraste inquiétant avec
les mélodies métalliques qui viennent clore le titre, puis la rage brute prend la suite avec
"Maelström", une très courte composition. Lourdeur et agressivité pure se mêlent pour nous
frapper pendant moins d’une minute avant de laisser place à "Quand Bien Même L'Enfer Et Le Déluge S'abattraient Sur Nous", le titre éponyme, qui mélange une rythmique énergique aux
racines grindcore avec les éléments les plus acérés que le groupe sait développer.
Les
notes les plus sombres créent une atmosphère malsaine et macabre avant ce final
étonnamment doux, puis "Une Livre De Chair" renoue avec les sonorités black metal sur cette
base crasseuse et effrénée. Les patterns énergiques sont également de la partie pour
alimenter la fureur, tout comme sur "Où Gisent Les Ancres" et ses riffs froids. Mais à nouveau,
le titre est court, et il ne tardera pas à laisser place à la toute aussi brève "Au Prix De Tous Les
Sacrifices" qui ne perd pas un instant pour nous inonder de blast et de riffs massifs couplés
aux cris vindicatifs. "En Haut Des Cimes" renoue avec les mélodies hypnotiques sans renier
l’agressivité, créant une vague de de sonorités lancinantes et lourdes complétées par une
batterie massive, puis le final planant nous mène à "…Et Le Déluge", le dernier morceau, qui
viendra refermer l’album avec une noirceur mélodieuse inhabituelle qui compte sur un tempo
lent et une lourdeur hypnotique.
Le son de Pilori est toujours aussi agressif et brut, c’est une certitude. Mais on retrouve sur
"Quand Bien Même L'Enfer Et Le Déluge S'abattraient Sur Nous" une certaine diversité, qui
laisse des mélodies dissonantes et lancinantes répondre aux riffs massifs.
"A Nos Morts"
Note : 17/20
Elle est tout de même fascinante la langue française. Tu changes quatre lettres à "Dora" ça fait "pute". Tu changes une lettre à "Piloti" ça fait "Pilori", comme quoi il n’y a qu’un pas entre une cabane en bois sur une plage paradisiaque et un poteau du même bois pour un condamné à mort sur une place publique. C’est ce dernier qui nous intéresse et impossible de se tromper quand on voit les onze titres de la setlist qui composent "A Nos Morts" fraichement disponible en écoute libre et bientôt en physique.
Chose assez inhabituelle, l’album s’ouvre directement sur un featuring. C’est donc accompagné de Dylan Walker (Full Of Hell / Sightless Pit) que les Normands nous mettent en jambe avec "Que La Bête Meurt". Passé la découverte d’un son ultra rugueux, lourd, avec un léger effet Haas on se concentre surtout sur les compositions chaotiques orchestrées par la formation. C’est furieux, brûlant, apocalyptique, bref tous les adjectifs sont appropriés pour définir leur musique ultra violente dans un univers où le mot "espoir" a totalement disparu. Le groupe ne relâche que très rarement cette pression étouffante si bien que le peu de répit accordé par "A Nos Morts" où la mélancolie prend le pas sur la brutalité paraissent presque tendres. Les blasts et palm mutes parcourent l’album comme un fil conducteur, le chant d’outre-tombe agresse l’auditeur du début à la fin, les dissonances sont légion et les titres, globalement courts, nous assomment sans relâche jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à la "Danse Macabre". Au final, c’est un peu plus de vingt minutes d’ultra violence chaotique mais jouissive que les Rouennais nous offrent, insufflant à leur crust-hardcore les influences de tout ce qu’il y a de plus agressif, c’est à dire du black, du death, du grind jusqu’à du powerviolence.
Après une démo et un split, cet album est la suite logique. Par la forme forcément, mais aussi dans la démarche artistique avec un travail conséquent tout autour de l’album, au-delà même du travail de composition. Le travail d’enregistrement et de mastering a été confié à des noms bien connus du milieu pour leurs compétences, jusqu’à l’identité visuelle, elle aussi pensée de manière très aboutie par des artistes pour un rendu global d’une cohérence absolue. Pas la peine de vous dire qu’on a hâte de retrouver les lieux qui sentent la bière et la sueur pour découvrir tout ceci en live, et ça promet un grand moment.
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