Déjà auteur, en 2015, d'un EP salué par la critique, le quintette francilien revient avec son premier album. Quatre ans donc à composer et peaufiner son style hybride, entre rap, djent et néo-metal.

Mais qui dit mélange des genres dit souvent indigestion ou faute de goût. Ici, que nenni, pour notre plus grand plaisir ! La production est moderne et solide et met en avant le moindre détail. Les arrangements sont riches et flirtent parfois avec des sonorités moyen-orientales ou même trap. La batterie est intelligente, les guitares à la fois lourdes et aériennes. Tout ceci associé à un chant puissant et des textes (en français) dénonçant les travers de notre société contemporaine. On tient là une version plus sombre et plus torturée de Smash Hit Combo mâtinée de Vildhjarta avec un souci du détail presque maniaque.

Attention toutefois à ne pas trop abuser de ce schéma "guitare rythmique saccadée / arpège aérien" très utilisé dans le djent. Sans forcément être désagréable, on retrouve ce type de passage dans une majorité des morceaux de l'album, générant parfois un sentiment de "déjà-entendu".

Mais ce petit défaut de jeunesse mis à part, on tient ici un groupe avec un avenir fort prometteur, ayant compris les ficelles du business et qui, s'il arrive à nous surprendre un peu plus et à se détacher de ses influences par moments un peu trop marquées, peut facilement prendre la tête du mouvement metal moderne hexagonal. Les bases sont posées, il n'y a plus qu'à creuser.

On le sait depuis plusieurs années déjà, le djent est un des courants qui est le plus à la mode ces derniers temps et la France n’a pas fait exception avec de nombreux groupes qui s'y sont développés, mais rares sont les formations qui sont arrivées à percer dans ce milieu pour ensuite jouer dans les plus grands festivals spécialisés dans le djent (je pense notamment à Kadinja ou Uneven Structure).

Rãgarãja est un de ces nouveaux groupes arrivés dans cette tendance mais osant la fusion entre rap et le metal. Parti pris plutôt risqué et bien casse gueule mais avec une certaine maîtrise dans le flow, le rythme et la puissance fournie par les instruments, on peut arriver à un résultat surprenant ; de plus, le chant est en français, ce qui est peu commun pour les formations françaises (étonnamment) et qui est, selon moi, plutôt difficile à l’écoute pour être utilisé pour du metal moderne. Donc pour parvenir à nous séduire, Rãgarãja doit ainsi réussir un véritable coup de maître avec ce "Sheïtan".

Sans m’attarder en détail sur les points notables de chaque morceau, chaque titre possède une identité propre qui offre déjà un son assez caractéristique à la formation. Les musiciens savent se diversifier dans leur jeu et on a affaire à certains passages très groovy et violents et à d’autres très ambiants et reposants. On ne nous présente pas des successions de breakdowns à foison ni d’enchaînement de riffs binaires à la guitare 7-cordes, mais une musique possédant un rythme bien soutenu, complétée par des petits riffs à l’aspect très aérien qui ajoutent une ambiance particulière, contrastant entre calme et violence. Les textes ajoutent une valeur encore plus appréciable às l’écoute des morceaux. Euryale maîtrise bien sa voix notamment au niveau du flow, mais aussi sur le ton pris, quoi qu’il soit parfois un peu trop redondant lorsqu’il enchaîne les parties hurlées. L’écoute de "Sheïtan" se fait donc très facilement, jouant entre tranquillité et vivacité, avec un français bien maîtrisé dans sa forme et dans son utilisation tout en alternant les passages rap et metal moderne.

Loin de singer des groupes tels qu’Hacktivist et Smash Hit Combo ou encore de refaire du djent basique et insipide, Rãgarãja nous offre avec ce "Sheïtan" un petit renouveau du djent à la française. Très aérien et parfois bien rentre-dedans, Rãgarãja est l’une des petites perles des formations underground de l’hexagone qui entrevoit un futur prometteur dans le metal moderne français.