"Obscure Old Remains"
Note : 15,5/20
Après avoir pondu un "Morbid Majesties" sorti en 2018 et que je m’étais procuré tant la vibe du death metal finlandais se faisait sentir au travers de cet album juteux, gorgé de liquide pourri et nauséabond, les musiciens tordus de Sadistik Forest ont remis le couvert en Mai 2021 avec quatre nouveaux titres sous la forme d’un EP sobrement intitulé "Obscure Old Remains". Signé chez Transcending Obscurity, label dont le roster ne cesse de croître de façon exponentielle, à tel point qu’on peut même confondre les sorties, tant la maison de disques a tendance à uniformiser les artworks, Sadistik Forest se démarque malgré tout grâce notamment à son blaze accrocheur et son logo que je trouve esthétiquement agréable, entre old school et logo plus moderne, lisible et symétrique. D’ailleurs celui-ci est présent depuis "Morbid Majesties", ils avaient sorti deux albums et un split qui utilisaient une typographie différente. "Obscure Old Remains", c’est une sorte de plateau d’amuse-gueules, le genre de trucs que tu grignotes entre le repas de midi et celui du soir, quant tu as bien bouffé au déjeuner, que tu vas te goinfrer comme un porc au diner mais que tu as la fringale vers 17h, trop pressé d’attendre l’apéro et ses cacahuètes salées qui poussent à la consommation abusive de Ricard. En gros, cet EP sent la jonction entre "Obscure Old Remains" et un probable skeud à venir.
Avant de parler plus en détail des quatre titres qui caractérisent ce nouveau méfait des Finlandais, je voudrais revenir sur "Morbid Majesties". Ce qui frappait à l’écoute de ce disque, c’est surtout son son poisseux, hyper virulent, et les compositions qui comportaient en elles un feeling sale et malsain. En ce qui me concerne, cette direction artistique avait eu sur moi un impact positif, je m’étais dit "Tiens, un album de death finlandais récent qui possède des restes de crasse des pionniers du genre", car oui, la Finlande avait un truc particulier, sombre, abject, et Sadistik Forest a réussi le pari de le faire ressentir sur son troisième opus. Précisons que ce "truc" était aussi présent sur les précédents skeuds du groupe, notamment par le biais d’un chant guttural vraiment profond à la Demilich. Pour "Obscure Old Remains", le combo s’est délesté de toute la poisse qui entourait sa musique jusqu’à présent, les compositions sont un poil plus complexes, avec des parties instrumentales qui vont chercher un peu plus loin qu’à l’accoutumée. La basse est bourrée de distorsion et reste bien dégoulinante, tout en étant présente, mais la batterie, mieux produite et plus précise, efface cet aspect pourri qui faisait le sel des productions précédentes. Qui plus est, la guitare, un poil trop poli à mon sens et médium au niveau des fréquences, tout comme la drum, rend l’ensemble plus propret, plus délicat. Le chant est criard 90% du temps, au revoir les gutturaux de crapaud en rut et bonjour les vociférations de possédés. Ce genre de vocals étaient déjà présents sur "Morbid Majesties", mais je trouve qu’ils ont perdu de leur côté schizophrénique pour le coup.
Mandragore" ouvre le disque avec son metal élancé par un riff qui prend des détours torturés avant de ralentir de manière significative. Beaucoup d’infos en peu de temps, mais dès que le chant rentre, tout se rééquilibre grâce à une structure compréhensible basée sur des principes compositionnels qui font mouche. Selon moi, ce titre mériterait plus d’intervention à la drum, breaks, effets de jeu sur les cymbales, là c’est un peu trop droit à mon goût, d’ailleurs, n’aurait-elle pas mérité d’être plus en avant dans le mix cette batterie ? "Barbarian" succède à ce premier track, avec un tempo un poil plus rapide, mais son riff lourd et groovy ne créé pas tant que ça la cassure ou l’effet de surprise, on s’enlise un poil, c’est dommage. Mention honorable au solo de guitare qui me rappelle les meilleures heures de Carcass ! "Nihil" s’immisce dans nos oreilles en fade in, et ouvre sur des guitares mélodiques au tissage étrange, le chant vient se poser sur cet entrelacs, effaçant ainsi tout concept d’introduction. Ce morceau prend des tournures qui font penser à Death, le groupe (toujours besoin de préciser que c’est le groupe), il possède des moments plus expérimentaux, la structure est moins figée et les leads de guitares ajoutent de la variété et du climat. Un bon vieux solo anarchique des familles porte la musique vers des niveaux supérieurs de stimulation auditive, selon, moi, ce titre est le plus intéressant de l’EP et dévoile un Sadistik Forest innovant et créatif. "Waters Black" et son approche doom et un tantinet funéraire conclut l’EP. On peut y percevoir du Morbid Angel dans la manière d’interpréter le riff principal, rampant et insidieux. L’approche vocale a sensiblement évolué et consolide l’atmosphère inquiétant et pesant.
Du coup, quoi penser de cet EP ? Pas évident, déjà je trouve dommage d’avoir agencé le tracklisting de cette manière car le premier et le deuxième track sont trop similaires et les deux derniers trop singuliers. J’aurais mélangé l’ensemble pour préserver une forme de curiosité constante tout au long de l’écoute. Autre constat, on reste sur notre faim. Cela peut être bien, du genre, on reste sur notre faim parce que l’on a passé un super moment et que quatre titres, c’est trop peu. Or, là, on reste sur notre faim car cette orientation artistique est troublante, on ne sait pas sur quel pied danser et on se pose 1000 questions quant à l’avenir de la musique de Sadistik Forest, stylistiquement parlant. Cet EP annonce-t-il un changement drastique ? Sadistik Forest souhaite-t-il explorer de nouveaux territoires sonores ? C’est fini le bouillon d’acide corrosif à travers la gueule comme sur "Morbid Majesties" ? Tant de questions… En attendant, cet EP n’est pas dégueu', loin de là, il est juste un tantinet déroutant.
"Morbid Majesties"
Note : 16/20
Personnellement, j’ai toujours imaginé la Finlande comme un pays continuellement enneigé,
et c’est probablement pour cela que la plupart des groupes finlandais ont un son tranchant
comme Sadistik Forest. Créé en 2007, le groupe a réalisé la prouesse de ne changer que
très légèrement de line-up. Les fondateurs Vesa Mutka (batterie), Antti Heikkinen (guitare)
et Markus Makkonen (basse / chant, aussi dans Farewell, Infektor, Nerve Saw et
ex-Hooded Menace) jouaient depuis le début avec Jarko Lahtinen (guitare), mais celui-ci
cède sa place à Matti Salo en 2010 avant même d’enregistrer le premier album qui sort
également en 2010. Et plus rien ne bougera jusqu’à aujourd’hui, année qui marque la sortie
de "Morbid Majesties", le troisième album du combo. Et il est même possible que ce ne soit
pas toujours Markus qui chante, mais je ne vous ai rien dit !
L’album commence avec "Morbidly Majestic" et une guitare lead dissonante sur une
rythmique qui donnerait du cholestérol à quiconque a l’audace de l’écouter avec un bon
système de son. Ce qui me frappe au premier abord, ce sont les cymbales, dont le mix
semble hasardeux… Parfois trop puissantes, elles gomment un peu les riffs du groupe, mais
jamais les hurlements caverneux du chanteur. Alternant entre un scream puissant et un
growl pachydermique, Markus m’impressionne réellement, tout en collant à la perfection à
l’instrumentale que ses camarades et lui débitent. J’ai à nouveau de problème de cymbales
sur "Decades Of Torment Then Death ", mais le son s’améliorera en plein milieu du titre, et la
rythmique reprendra sa place. Même lors des blasts, le son n’est plus éclipsé, et l’album
prend une toute autre dimension, un aspect sale, gras et imposant. Même si le tempo
diminue avec "The Hour Of Dread", pour un rendu plus horrifique que violent, Évidemment,
les riffs du groupe restent massifs, et il est impossible de ne pas succomber au headbang.
Même les plus résistants ne pourront plus rien faire lors du break. Versant un peu plus sur
un black / death qu’un death old school, "Destructive Art" est l’occasion de présenter le
premier invité : Cris Pervertor (chant / Der Henker, Satanika, ex-Massemord). L’Italien
ajoute une touche de haine à une instrumentale déjà bien violente, et les deux voix se
conjuguent parfaitement pour nous permettre de headbanguer comme il se doit. Le passage
plus lent sur la fin permet de se rendre compte de l’alchimie malsaine que le titre instaure.
L’introduction basse / batterie annonce un titre sale à nouveau. "Zero Progress", le deuxième et
dernier titre avec un invité, conjugue en effet des sonorités malsaines voire dérangeantes et
une rythmique aussi imposante que précédemment, saupoudré d’une bonne dose de blast
beat. Je vous parlais d’un deuxième chanteur, et c’est la voix sombre et torturée de Michael
Dorrian (Anatomy Of I) qui accompagne Markus sur ce titre, qui me séduit de plus en plus
à chaque écoute. Beaucoup plus progressif que les autres, "Monsters Of Death" instaure
également cette ambiance “film d’horreur”, mais avec une rythmique très martiale et
prononcée. C’est d’ailleurs cette différence flagrante qui fait la force du titre : le roulement de
batterie et les harmoniques en cascade permettent de recréer une tornade de notes qui
frappent en continu et de toute part. On s’éloigne de cet aspect travaillé avec "The Maelstrom
Opens" et une rythmique beaucoup plus brute avec les hurlements du chanteur qui se taisent
uniquement pour un petit solo dissonant. Le dernier titre, "Bones Of A Giant", est également le
plus long. En neuf minutes et demie, le groupe s’autorise à créer tout un univers très
doom / death qui se décompose autour de nous à chaque riff, chaque frappe, chaque note.
Les hurlements rappellent l’aspect apocalyptique du titre, et même lors de l’accélération,
passage où la batterie devient plus martiale, le death metal gras des Finlandais est incisif. La
guitare lead apporte un son propre au groupe, là où la rythmique reste imposante. Mais les
musiciens ne comptent pas en rester là et accélèrent encore le tempo avant d’inclure un
sample sur la fin, qu’ils complèteront grâce à des hurlements bestiaux.
Dès le début, je m’étais fait un avis négatif sur "Morbid Majesties" à cause du mix des
cymbales. Mais au final, Sadistik Forest propose ici un album aux multiples influences,
malgré une base qui reste ancrée profondément dans le death metal old school. Et ce sont
toutes ces influences qui font la force du groupe, car il n’y a pas un titre qui ressemble au
précédent, et ce vent nouveau sur la scène fait plaisir à entendre.
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