"Eradication"
Note : 16/20
Personnellement, j’apprécie tout autant un bon repas gastronomique qu’un fast food au coin de la rue. Tout dépend du "mood" dans lequel je me trouve à ce moment. Où veux-je en venir avec cette prémisse ? Que cela s’applique tout autant à la musique. Parfois, je préfère m’installer devant un bon long "Into The Electric Castle" de Ayreon, sinon, ce sera un album plus direct. Alors quoi de mieux pour le dernier constat que le nouvel album de Sisters Of Suffocation, "Eradication" ?
Qui dit album sans flafla ne dit pas automatiquement simplicité. Disons seulement que "Eradication" ne passe pas par quatre chemins pour transmettre son message. Ce troisième album, concept qui plus est, se veut la suite directe de leur précédent, "Humans Are Broken". L’histoire, s’en s’y perdre, raconte les mésaventures de l’humanité dans un monde dévasté, au travers de trois actes, relatant la vie en ces temps de misères, dans les abris nucléaires ainsi que celle des riches qui ont la vie sauve. Cela fera cliché sans doute, mais je crois que le style préconisé par Sisters Of Suffocation sied bien à l’histoire. Leur death metal acerbe et malsain se veut le canevas parfait pour peindre cette déprimante et pessimiste toile.
Originalement un groupe entièrement féminin, Simone Van Straten (guitares), Els Prins (chant) et Emmelie Herwegh (guitares) comptent maintenant parmi elles Fons Van Dijk (batterie) et Tim Schellekens (basse). Quoique fondé en 2014, le groupe demeure somme toute encore assez jeune et pourtant leur death metal démontre déjà la profondeur des groupe d’expérience comme Cannibal Corpse, Arch Enemy, The Agonist, Carcass et autres formations de renom.
"Eradication" se décline sous près de quarante-huit minutes, mais jamais ne traîne en longueur, grâce en majeure partie au talent d’écriture du groupe, qui propose de la diversité dans sa musique de par les arrangements (aux influences allant du death au pur thrash metal), les changements de tempo et un niveau technique (le jeu de batterie recherché de Van Dijk y étant pour quelque chose) juste assez élevé pour ne pas rebuter la plèbe. Vocalement, Prins est plus qu’excellente et livre, par son vaste registre de growl (et quelques lignes de chant clair), une performance à la hauteur du grand Chuck Schuldiner, rien de moins.
Pour boucler la boucle de l’introduction de cette chronique, nous ne sommes pas toujours dans l’obligation de faire des choix. Parfois, le compromis est possible et Sisters Of Suffocation offre le parfait équilibre entre la haute gastronomie et le fast food musical.
"Humans Are Broken"
Note : 17/20
Tu aimes en prendre plein les dents ? Eh bien le nouvel album de Sisters Of Suffocation
est fait pour toi ! Créé en 2014 aux Pays-Bas par Els Prins (chant) et Simone Van Straten
(guitare) en tant que groupe exclusivement féminin, le line-up est complété par Puck
Wildschut (basse) et Emmelie Herwegh (guitare). Mais lorsque leur batteuse se voit
contrainte de quitter la formation, elles font appel à Kevin van den Heiligenberg (batterie)
pour la remplacer. Côté discographie, je vous avais parlé d’"Anthologies Of Curiosity" en
2017, mais le deuxième album, "Humans Are Broken" est déjà sorti ! Et les Néerlandaises
n’ont pas fait les choses à moitié puisqu’elles nous balancent pas moins de treize titres que
l’on découvre maintenant !
Excellente entrée en matière, "Humans Are Broken" mêle des riffs un peu groovy avec une
lourdeur et des hurlements qui passent du growl imposant au scream cinglant en un rien de
temps. Si le titre est court, il n’en reste pas moins efficace et n’hésite pas à ralentir pour un
break qui flirte avec le slam. On passe rapidement à "Wolves", un morceau qui incorpore des
samples et des harmoniques mélodiques à cette base déjà puissante et entraînante, tout en
conservant le groove présent dans ces riffs qui se finissent un peu tôt à mon goût. On
revient sur de la violence pure et dure pour "War In My Head". Mais au fur et à mesure de son
avancée, le morceau s’adoucira, allant même jusqu’à inclure un passage planant en chant
clair avant de revenir sur un blast furieux.
On enchaîne avec l’entêtante "The Machine", qui n’est pas pour autant moins violente que les
autres, mais dont les riffs bruts s’incrustent dans votre esprit, alors que "What We Create" est
beaucoup plus malsaine. Ponctué d’énormément d’harmoniques et mené par un scream
glacial, le morceau avance jusqu’à "Liar", un titre à l’introduction tout ce qu’il y a de plus
atmosphérique. Le tapping prend toute son ampleur lorsque les autres instruments
s’ajoutent à la mixture, mais la chanson n’a pas fini de révéler tous ses atouts. Il s’arrête,
repart différemment, cesse à nouveau... "Little Shits" prend la suite, et ce sont à nouveau
des tonalités épiques qui s’invitent à la fête grâce à la guitare lead. Le reste de la rythmique
se concentre sur des tonalités lourdes, alors que "The Next Big Things" fait à nouveau dans la
subtilité. Une introduction calme, des riffs planants et un chant très expressif se donnent
rendez-vous pour plus de quatre minutes de musique.
Le groupe repart sur des riffs old school pour "Blood On Blood", avec une batterie très
appuyée qui donne ce côté martial au morceau, alors que "The Objective" renoue avec des
sonorités perçantes et aériennes. Du moins pour le début du titre, car c’est un death metal
imposant qui vient par la suite se fracasser sous une partie lead très inspirée. "Burn" part
dans cette même veine de violence pure et dure avant que les guitaristes ne nous calent un
petit break en son clair pour mieux relancer la machine. Du côté du chant, Els utilise tout ce
qu’elle sait faire et je suis assez impressionné par la puissance vocale de la jeune femme.
"Every Little Fibre" est également coupée en plein élan par un break calme qui ramène à la
violence que le groupe maîtrise à la perfection, alors que le dernier titre, "For I Have Sinned",
est également très atmosphérique et prenant. Malheureusement, il passe un peu vite à mon
goût, mais il est d’une qualité exceptionnelle.
Les Sisters Of Suffocation n’en sont pas à leur coup d’essai, et "Humans Are Broken" est un
excellent album, doublé de quelques prises de risque que l’on ne peut que saluer. Le groupe
a trouvé son style, et la prochaine étape est une véritable tournée, européenne puis
mondiale !
"Anthology Of Curiosities"
Note : 18/20
Si le metal vous paraît être un milieu trop masculin, jetez donc un oeil à la scène death metal. A part quelques groupes, les femmes se font rares, n'est-ce pas ? Eh bien rangez votre misogynie, parce que les quatre Sisters Of Suffocation sont arrivées, et elles vont vous apprendre à porter vos couilles. Oui, littéralement. Fondé aux Pays-Bas par Els Prins (chant) et Simone van Straten (guitare), elles engagent rapidement la batteuse Amber de Buijzer puis Puck Wildschut à la basse. Leur premier EP paraît en 2016, mais c'est cette année que les demoiselles, aidées de Johan Girard (Facelifter) en live, sortent "Anthology Of Curiosities", leur premier album. Vous aimez le death metal ? Alors allez découvrir ce parpaing.
Dès le début de "Shapeshifter", on sent que l'on va passer un bon moment. Que ce soit la rythmique ou la guitare lead dissonante, la cohésion est parfaite, et le hurlement de la belle Els rivalise avec la plupart des chanteurs de la scène, que ce soit en growl profond ou en scream aigu ! "I Am Danger" débutera avec un riff calme et une voix claire plutôt entraînante qui laisseront place à une rythmique imposante et un growl massif, alors que "The Hunger" tablera plutôt sur le côté atmosphérique, voire même des influences black mtal. Les parties lead arriveront à vous convaincre du talent des demoiselles. "This Is Not My Home" joue énormément sur l'aspect hypnotique des riffs que les quatre amies entament, mais sans oublier que le riff principal doit coller à la voix extrêmement profonde d'Els. "I Swear" s'axe également sur le côté atmosphérique voire mélodique du groupe, même s'il était un peu occulté depuis le début. Le mélange des voix est absolument sublime, et le break en voix claire est d'une puissance absolument divine. Retour sur du death metal bien violent et purulent avec "Limb From Limb", un titre tout en finesse. Les racines old school se mélangent aux sonorités lourdes pour donner une rythmique très efficace. "Bodies Will Rot" n'est pas sans rappeler également les classiques du genre, sous un blast assez monstrueux, alors que "Dysplasia" revient également sur une rythmique black voire black / death, mais avec un son de basse accentué pour notre plus grand plaisir. "Psychosurgery", le dernier titre, débute par une voix claire, mais reviendra rapidement au son très apprécié du groupe et à sa distorsion machiavélique. En évoluant sur un registre doom / death, les filles se diversifient sans toute fois oublier leurs racines omniprésentes. Le chant semi clair / semi scream final me fait penser à un Cattle Decapitation bien senti.
Ces quatre demoiselles manient le death metal à la perfection. Que ce soit du brutal death, du death mélodique ou bien un death atmosphérique, chacun y trouvera son compte ! Les demoiselles prouvent à de maintes reprises qu'elles maîtrisent plusieurs genres, et la musique des Sisters Of Suffocation s'en ressent. Si le groupe a multiplié les concerts, ses sorties de territoire se font de plus en plus nombreuses, et je ne serais pas surpris de les retrouver sur une scène française très rapidement !
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