"Huldufólk"
Note moyenne : 16/20
Skáld revient déjà avec son nouvel album. Depuis sa création en 2018 par le producteur
Christophe Voisin-Boisvinet, le projet n’a cessé de changer de line-up tout en proposant
régulièrement des sorties axées sur un univers pagan / néo-folk.
Aujourd’hui composé de Christophe Voisin-Boisvinet (percussions / claviers), Ravn
(talharpa), Michel Abraham (chant/morin khuur), Laëtitia Marcangeli (chant / vielle à roue),
Marti Ilmar Uibo (chant / percussions), Daniela Heidrich (harpe / cornemuse), Steeve Petit
(Zuul Fx, chant), Nicolas Montazaud (percussions), Adeline Bellart (chant), Aliocha
Regnard (harpe), Julien Loko (chant), Lily Jung (chant) et Kohann (chant), le groupe
annonce la sortie d’"Huldufólk", un troisième album qui s’annonce comme la suite de ces
aventures nordiques éparpillées entre Norvège, Danemark, Suède ou encore en Islande.
L’album se compose de dix nouveaux titres qui s’inscrivent dans ces sonorités viking,
accueillant percussions, chant dissonant, choeurs majestueux et envolées épiques, mais
également deux reprises de titres éloignés de leur univers d’origine. Si "Troll Kalla Mik", le
premier titre, nous replace immédiatement dans un univers pagan chamanique entêtant et
obscur accompagné d’une voix principale brute, ce ne sera pas le cas de tous les titres. En
effet, le groupe fera la part belle aux voix féminines sur "Ljósálfur", renouera avec la douceur
enchanteresse sur "Mánin Líður" ou placera des éléments plus martiaux et agressifs sur
"Ríðum, Ríðum", une composition beaucoup plus rythmée. On retrouvera également une
quiétude séduisante sur "Hinn Mikli Dreki", un titre assez court, puis une mélancolie dansante
sur "Då Månen Sken", juste avant qu’"Elverhøy" ne revienne dans une approche plus
dissonante, presque dérangeante, avec une voix féminine intense.
"Her Mannelig" nous
replonge une fois de plus dans la douceur, que ce soit avec le chant principal ou la partie
instrumentale, puis "Rauður Loginn Brann" nous fait à nouveau marcher en compagnie des
musiciens qui explorent tout leur registre musical jusqu’à Trollslaget, un court interlude
inquiétant et pesant qui nous mènent aux deux reprises. La première est celle de
Rammstein, combo allemand mondialement connu, notamment pour leur titre "Du Hast", qui
se trouve être aussi menaçante et rythmée que la version originale, laissant principalement
deux vocalistes se partager les parties de chant en compagnie de choeurs sombres, alors
que la deuxième revient dans un domaine plus planant avec "A Forest", titre iconique des
Anglais de The Cure, auquel les musiciens apposent leur patte sombre mais toujours
hypnotique.
Skáld reste ancré dans son univers marqué par des tonalités diverses influencées par
l’univers pagan / folk, mais le groupe se renouvelle également, en partie grâce à ses
changements de line-up. Toujours très rythmé, "Huldufólk" permet au groupe de se montrer
régulier dans ses sorties en offrant des éléments inattendus.
C'est le troisième album que sort le collectif français Skáld lancé il y a cinq ans maintenant. Après deux albums très réussis, "Le Chant Des Vikings" et "Vikings Memories", Skáld revient avec "Huldufólk", le peuple caché que l'on apprend à connaître dans ce disque. Les deux précédents disques avaient déjà suscité de l'intérêt pour ce collectif. Depuis un peu plus d'une décennie tout ce qui traite de la mythologie nordique / scandinave a le vent en poupe. Avec un travail de qualité derrière, il n'était pas difficile d'imaginer que la magie opère. Aujourd'hui il est difficile de ne pas avoir entendu parler de Wardruna ou Heilung pour ne nommer que ces deux formations, formant le fer de lance actuel du genre. Skáld s'inscrit dans un courant légèrement différent car bien plus moderne en de nombreux points et cette approche leur a très bien réussi jusqu'à présent.
On retrouve sur ce disque les éléments qui constituent le son de Skáld, avec cependant une mouture dans l'équipe du collectif et donc une identité qui se démarquent malgré tout. On retrouve toujours un chant féminin lumineux et un chant masculin plus sombre voire guttural. Cette opposition homme / femme, sombre / lumineux est très efficace surtout lorsqu'il s'agit ici de conter une histoire. Justement c'est bien une certaine aventure dans laquelle on embarque. L'immersion est grande dans cet univers du peuple caché basé sur les Eddas de Snorri Sturluson. Pour autant je ne me projette pas autant dans cette aventure comme j'ai pu le ressentir à l'écoute des deux disques précédents. On remarque bien une (trop) légère variété dans les morceaux qui aurait pu provoquer cet envoûtement mais rien n'y fait. La lecture des paroles (en anglais) n'a pas aidé à m'emmener auprès des elfes et des trolls. Le travail sur la composition et les arrangements est vraiment bon, c'est d'autant plus frustrant de ne pas avoir cette accroche.
Le mélange d'instruments anciens comme la vielle à roue, la lyre ou encore le nyckelharpa crée cette ambiance d'un temps que l'on croyait révolu. En ça, le travail de composition est vraiment très bon et au gré des morceaux, on peut se laisser aller aux sons variés. C'est un vrai plaisir d'avoir ces sons entre nos oreilles avec la multitude de voix apposées, d'autant plus que les langues utilisées sont d'époque !
L'univers de Skáld était posé, s'agissant d'un collectif, même si le "chef d'orchestre" ne change pas, l'évolution de l'équipe influe sur la musique et vice-versa. Sans tergiverser, on peut facilement dire que l'univers précédent était plus immersif et percutant que celui proposé dans ce nouvel album. Il n'est pas mauvais pour autant, loin de là, mais ce disque accuse d'une trop forte linéarité au fil des morceaux. Une identité plus marquée pour les différents épisodes de l'album aurait été bienvenue, comme les différents chapitres d'un livre structurant l'ensemble. Mais il faut aussi mettre en parallèle avec d'autres groupes ou collectifs avec une musique parfois bien plus imagée, ce qui peut fausser l'appréciation.
Les trois reprises que sont "Her Mannelig", "Du Hast" et "A Forest" sont intéressantes et se mélangent plutôt bien au reste. Dans le cas de "Her Mannelig", les reprises sont fréquentes et cette belle exécution ne surprend pas, dans les cas des reprises de Rammstein et The Cure, c'est déjà plus surprenant, arrivant après la transition "Trollslaget". À la première écoute je n'avais pas spécialement adhéré mais après plusieurs, il faut bien avouer que ce choix est bon et l'interprétation également. Tout comme cette reprise de "Seven Nation Army" par le passé. Ou comment retranscrire des influences musicales dans son propre projet musical, ce n'était pas indispensable mais cette fraîcheur est bienvenue pour terminer ce disque. Ces reprises restent d'ailleurs le côté le plus surprenant de ce disque, le reste étant plutôt prévisible bien que différent des deux premiers disques. C'est d'autant plus dommage avec la diversité de personnes dans le projet et d'instruments utilisés.
Bref, le néofolk de Skáld est plutôt séduisant, la troupe emmenée par le producteur et compositeur Christophe Voisin-Boisvinet a une nouvelle fois su proposer un disque de qualité mais sans réelle magie non plus. Malgré tout, il reste agréable à l'écoute, ses qualités sont certaines et il fallait bien que la musique évolue pour ce troisième disque. Christophe Voisin-Boisvinet a quand même fait un sacré boulot avec ce collectif pour aboutir à ce disque, ça se ressent et cette musique devrait largement plaire. Quoi qu'il en soit, Skáld présentera ce disque sur scène et ce sera une belle occasion de revoir cette formation !
"Vikings Memories"
Note : 17/20
Souvenez-vous. En 2018, Skáld naissait de la collaboration de plusieurs musiciens sous
l’impulsion du producteur Christophe Voisin-Boisvinet. 2019 a permis au groupe de sortir
son premier album, et de le défendre sur plusieurs dates, dont un show sold out à Paris et
un concert au Hellfest. Une version avec deux titres bonus de l’album sort fin 2019, et le
groupe se remet à la composition pour nous offrir "Viking Memories" en cette fin d’année
2020.
Toujours mené par les voix de Justine Galmiche (chant) et Pierrick Valence (chant,
talharpa), les compositions nordiques de Christophe Voisin-Boisvinet prennent vie. Si
Mattjö Haussy (chant) a décidé d’arrêter l’aventure, il a tout de même participé à
l’enregistrement de cet album, en compagnie du chanteur Xavier Bertrand.
Le groupe reste dans cette dynamique néo-folk ritualistique, utilisant des techniques de
chant traditionnelles, des instruments folkloriques et nous offrent des paysages musicaux
qui nous propulsent directement en terre viking. Si "Fimbulvetr" est très douce, "Jörmungrund"
et "Grotti" sont des compositions plus énergiques. On retrouve une intensité plus progressive
pour "Norðrljós", et une ambiance très martiale pour "Sækonungar" et ses percussions, ouvrant
un peu plus le champ sonore des français.
Entre mélancolie et sonorités épiques, "Þistill
Mistill Kistill" est la suivante, mêlant à nouveau plusieurs voix et sons mystiques, alors que
"Sólarljóð" est très douce. A cette ballade succède "Víðförla", un autre titre entre douceur et
percussions guerrières, ainsi qu’"Hafgerðingar", un titre qui ne tient plus compte de la
douceur. Le morceau est sombre, oppressant et fait penser à une marche de guerriers
nordiques. On revient dans des sonorités plus légères sur la fin de l’album grâce à "Í
Dansinum" et "Nýr", deux compositions plus axés sur les instruments folkloriques que les
percussions, donnant un son plus léger.
A nouveau, Skáld nous montre que les racines nordiques coulent dans leurs veines. "Viking
Memories" est un excellent album pour quiconque s’intéresse à cet univers, et un petit
morceau de voyage pour qui ne le connaîtrait pas encore.
"Le Chant Des Vikings"
Note : 17/20
Que ce soit par effet de mode ou par réelle conviction, les groupes traitant des vikings sont
légion, et certains font plus qu’en parler, ils le vivent. Skáld, jeune formation française, en
est le dernier exemple en date. C’est sous l’égide de Christophe Voisin-Boisvinet
(composition) que le projet est né, grâce à la force de ses trois chanteurs. Venus d’horizons
très différents, Justine Galmiche, Pierrick Valence (Phazm) et Mattjö Haussy, tous trois
également joueurs d’instruments traditionnels, ont décidé de faire vivre l’Edda, texte
poétique scandinave écrit aux alentours du XIIIe siècle. Nous n’avons que peu
d’informations sur la formation du groupe, mais tout ce que je peux vous dire, c’est que leur
musique vaut le détour !
L’aventure débute par "Enn Átti Loki Fleiri Börn", un titre introductif à priori sans fioritures,
mais qui place littéralement le décor. Une ambiance nordique contée par une voix chaude et
rassurante, qui est rapidement reprise par un chant féminin plus perçant et qui nous laisse
sur les percussions rituelles de "Rún". A nouveau, l’ambiance est pesante, lourde mais mystique.
plusieurs voix se mêlent pour nous faire voyager, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce
titre est digne d’un éclair de Thor ! A peine le temps de fermer les yeux que je suis happé par cet
univers scandinave, et que débute "Valfreyjudrápa". Toujours ces voix multiples, mais le titre est
plus dansant, plus joyeux. Bien évidemment accompagné par une multitude d’instruments
folkloriques, les chanteurs s’en donnent à coeur joie, alors que "Níu" est beaucoup plus calme.
Presque mélancolique, ce titre est empreint d’une tristesse innommable, et les percussions
lointaines ne font que renforcer cette sensation.
On repart dans la partie ritualistique de l’univers du groupe avec "Flúga", un morceau qui me fait
penser à des préparatifs de bataille. Bien que quelques éléments semblent joyeux, il y a cette
impression qui persiste tout au long du titre, et qui me laisse penser à une explosion imminente,
qui aura lieu avec l’intense "Gleipnir". Non, ce n’est pas une explosion comme pourrait la faire un
groupe de death metal, mais ce morceau est réellement puissant ! Les voix des deux hommes
se mêlent pour donner ce chant dissonant et malaisant qui accompagne les percussions
martiales tout au long de la chanson. Le cri final nous mène à la douce "Krákumál", qui est la
parfaite incarnation d’une fin de bataille. L’intensité retombe, et ce doux chant nous apaise
également, mais c’est "Ó Valhalla" qui m’intéresse tout particulièrement. Le groupe repart dans cet
aspect mystique de leur musique avec ce rite intense mais organisé, alors que les voix arrivent,
partent, chantent ensemble, puis chuchotent à l’unisson.
C’est une autre ambiance qui s’empare de la salle lors de "Ec Man Iõtna", un duo vocal très
particulier qui est tout sauf désagréable, mais très surprenant, alors que les instruments
traditionnels reviennent sur "Yggdrasill". Une voix puissante démarre ce titre, mais tous le
rejoignent finalement pour ce qui semble être une nouvelle marche guerrière, qui ne me laisse
absolument pas indifférent. Les samples aidant, je suis à nouveau totalement pris par
l’ambiance, et même la rythmique dansante d’"Ódinn" ne me sortira pas de cette transe. Je dis
dansant, mais certains éléments guerriers sont également présents, et ce contraste est plus
qu’appréciable, bien qu’assez étrange à première vue. La rythmique s’envole, et la communion
est totale jusqu’au final, alors que commence "Ginnunga". Quelques bruits d’eau, une voix distante
qui semble parler pour elle-même… Que de mystères pour un seul morceau, mais nous avons à
peine le temps d’y réfléchir que "Jóga", le dernier morceau débute. Alors que je n’avais jusque lors
reconnu qu’une langue scandinave, c’est en anglais que la jeune femme chante. Pas
dérangeant, plutôt planant même, le morceau est porté par les instruments mais surmonté de
voix particulièrement fortes.
Alors que l’on peut penser que Skáld surfe sur la vague Wardruna, "Le Chant Des Vikings" est un
album doté d’une forte personnalité. J’étais moi-même réticent à l’écouter, et bien que ce ne soit
absolument pas mon style de prédilection, c’est une véritable expérience que j’ai vécu. L’album
nous fait voyager, penser, ressentir des choses diverses et variées. Oui, l’Edda a pris vie, et je
ne peux que vous conseiller d’aller le voir s’animer sous vos yeux en live.
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