Les Américains ont toujours eu cette tendance naïve à considérer leur patrie comme le centre du monde. Ceci n'est cependant pas une affirmation, ni un principe absolu, je ne me permettrais pas de faire un tel amalgame, mais il faut bien admettre que s'il existe un style de musique envié et dont les Européens peuvent être fiers, c'est le black metal, et je ne m'étonnerai donc pas que nous soyons, de ce fait, jalousés !! Bien évidemment, les Nordiques peuvent aisément se revendiquer comme étant les géniteurs de cet art sombre, mais ce fléau venu du froid a rapidement investi toute l'Europe. Ainsi de nombreuses formations excellentes ont, de cette manière, émergé de tous les recoins du vieux continent.

Or, même si le berceau du metal noir se situe en Europe, d'excellents groupes américains œuvrent depuis très longtemps au service du diable. Black Funeral, Absu et Judas Iscariot par exemple, ont tous commencé au début des années 90 et certains continuent encore de proférer la sombre parole. En ce qui concerne Spite, nous sommes en présence d'un one-man band dont le maître d’œuvre, Salpsan, est un hyperactif qui joue dans Horns & Hoves et Impure et a aussi participé à de nombreuses autres formations. Ce projet est tout récent dans la scène black US. Actif depuis 2013, "Antimoshiach" est son premier album. Avec cet opus, nous voilà bien servis, avec 9 titres pour 42 minutes de musique, incluant une cover du cultissime groupe italien Mortuary Drape.

Pour ce qui est de la musique, nous sommes face à un black assez basique, qui dégage des relents punks. Spite base vraiment l'énergie sur les riffs, qui, malgré un aspect plutôt primitifs, arrivent à dégager des harmonies bien sombres et glauques. La musique est très crue, rude, et engendre une atmosphère macabre et sale. Nous voici donc en présence d'un heavy black metal sincère, et engagé. Au fil de l'écoute, on se laisse facilement absorber par ce déluge de mauvaises ondes. Entièrement enregistré en analogique, "Antimoshiach" semble avoir été exhumé des années 90, tel un monument oublié dont on aurait retrouvé les vestiges récemment. Au niveau de la production, le son est très correct, tout les éléments sont distincts tout en préservant un petit côté garage et auto-produit qui consolide la démarche de Spite qui consiste à entretenir l'état d'esprit des pionniers du genre. Malgré un son assez archaïque, on est cependant bien loin du fameux necro sound tant recherché par certains groupes.

Au-delà du caractère underground et cru, le disque arrive à être captivant grâce à de multiples changements, par des variations surprenantes de riffs, d'ambiances et d'atmosphères. On retrouve, çà et là, des influences diverses provenant de formations comme Immortal (période "Pure Holocaust"), Darkthrone, ou encore le Mayhem de "De Mysteriis", ainsi, nous avons le sentiment que Spite a su respecter l'esprit musical de ses aînés, sans pour autant tomber dans l'imitation abusive, avec ceci étant dit un côté mélodique plus affirmé que chez les formations pré-citées.

"Antimoshiach" est un disque finalement bien plus profond que ce que l'on pourrait s'imaginer dès la première écoute, il dégage une atmosphère haineuse et vindicative, soutenu par une exécution primaire mais pas pour autant non maîtrisée. Il y a du détail dans cet album, et tout est finalement bien pensé et cohérent. Au final, voici un premier essai plutôt convaincant. De plus, le fait que cette production soit sortie chez Invictus Productions est un signe de qualité, tant ce label possède dans son catalogue, de très bonne références ! L'hiver est passé, le printemps est là, mais avec Spite, il fait froid tous les jours. Laissez-vous donc embarquer dans cette danse macabre et tourmentée, dirigée par Salpsan. Spite représente une pierre solide qui vient s'ajouter à l'édifice puissant du genre black metal.