"Seven Crowns And Seven Seals"
Note : 19/20
Sadist – Spellbound
Le silence n’a plus sa place chez Sulphur Aeon. Cinq années après leur troisième et très
acclamé troisième album, T. (guitare, ex-December Flower), M. (chant), D. (batterie, Reveal
in Void, ex-December Flower), S. (basse / claviers) et A. (guitare) dévoilent enfin "Seven Crowns And Seven Seals", leur quatrième album, chez Ván Records.
L’album s’ouvre avec "Sombre Tidings" et ses mélodies intrigantes en arrière-plan complétées
par quelques claviers, puis par des murmures avant qu’"Hammer From The Howling Void" ne
vienne nous étouffer avec son blast et sa dissonance massive. L’arrivée fracassante des
parties vocales saturées ne fait que renforcer l’oppression continue alors que le chant clair
lui offre des nuances plus aériennes et mystérieuses sur lesquelles le groupe va jouer avant
de laisser place à "Usurper Of The Earth And Sea" qui continue sur cette voie tout en laissant
les harmoniques planer au-dessus de leur base épaisse. On notera quelques accalmies sur
le son brut, mais le groupe parvient toujours à faire renaître la violence en la couplant aux
leads avant de laisser "The Yearning Abyss Devours Us" proposer un son froid et majestueux
où le chant clair trouve autant ses aises que sur les passages plus vifs dédiés aux cris.
Des
choeurs lointains rejoignent le vocaliste avant que l’instrumentale ne se déchaîne totalement
en nous menant à "Arcane Cambrian Sorcery", un titre relativement plus sombre et pesant qui
va développer les sonorités les plus brutales de l’album. Les patterns accrocheurs se
multiplient pour rendre la déferlante plus éprouvante, puis le groupe fait appel à Michael
Zech (Odem Arcarum, ex-Secrets Of The Moon, ex-Triumph Of Death) et Laurent Teubl
(Chapel Of Disease, ex-Infernäl Death) pour donner à "Seven Crowns And Seven Seals", le
titre éponyme, une dimension cosmique encore plus impressionnante. On le constatera sur
le break central où de multiples voix se mêlent dans un chaos aérien où les instruments les
rejoignent avant de revenir à la violence pure, et surtout à la lourdeur massive, parfois
soutenue par un rythme élevé. Les musiciens continuent d’exploiter leurs influences
malsaines avec "Beneath The Ziqqurrats", le dernier titre, dont l’introduction inquiétante
laissera place à un son apocalyptique mais pourtant extrêmement maîtrisé pour nous faire
ressentir tout le poids de leur puissance, même lorsque la rythmique semble s’apaiser ou
devenir presque plaintive.
En moins de quinze années, Sulphur Aeon s’est imposé comme l’un des maîtres du
black / death dissonant. "Seven Crowns And Seven Seals" continue dans cette voie en mêlant
toujours plus d’éléments imposants aux influences cosmiques pour accentuer sa violence et
son oppression. Un nouveau coup de maître, sans aucun doute.
"The Scythe Of Cosmic Chaos"
Note : 18/20
Sadist – Spellbound
Tous ceux qui connaissent un minimum Sulphur Aeon seront d’accord avec moi, H.P.
Lovecraft s’est littéralement réincarné dans l’âme du groupe. Créé en 2010 par T
(guitare / basse, ex-Symbiontic, ex-December Flower) et M (chant), ils enregistrent très
rapidement une première démo puis sont rejoints l’année suivante par D (batterie, Revel In
Void, ex-December Flower). Le groupe enregistre alors un EP en 2012, puis son premier
album en 2013. C’est d’ailleurs cette année-là que de nouveaux membres les rejoignent
pour les lives : Marcel Schiborr (guitare, Revel In Void, ex-Symbiontic) qui laissera
rapidement sa place à A, mais aussi S (basse). Depuis cette année, S et A sont
officiellement intégrés au groupe, et ils ont participé à l’enregistrement de "The Scythe Of Cosmic Chaos", le troisième album de la formation. Les ténèbres n’attendent que nous.
Le groupe débute cet album avec la lente "Cult Of Starry Wisdom". Un titre sombre, distant et
très sobre. Le chant mystique de M donne encore plus de saveur à des riffs qui tournoient
autour de nous et s’entrechoquent grâce à des harmoniques pestilentielles mais incisives.
Le son du groupe, à la fois si savoureux et particulier vous surprendra probablement, mais
l’avalanche de blast beat nous confirme que c’est une solide base de death metal qui est
pratiquée par les Allemands, et en un rien de temps le morceau se termine. Réellement
surpris d’avoir été happé, je vérifie deux fois, mais c’est bien la pachydermique "Yuggothian
Spell" qui débute par ce cri et cette rythmique imposante, mais rapidement le son devient
plus aérien, plus doux, et c’est grâce à des incantations rituelles que la violence resurgit,
puis repart peu après. A nouveau les harmoniques s’entrechoquent jusqu’au final explosif
avant de s’éteindre pour laisser place à "The Summoning Of Nyarlathotep". Très sombres et à
la limite de l’occulte, les riffs du groupe happent une fois de plus l’auditeur, c’est une
véritable cérémonie incantatoire qui se déroule dans mon casque, sans que je ne
comprenne vraiment ce qui se passe. Le titre devient de plus en plus lourd puis s’éteint avec
une guitare lead enchanteresse.
On passe à "Veneration Of The Lunar Orb", un morceau beaucoup plus mélodique, mais
également plus rapide et sale. Pourtant, le mix est exactement le même, mais les riffs en
eux-mêmes ont ce côté old school que j’aime tant, mêlé à des sonorités plus aériennes, et le
mélange est tout bonnement exquis. Le break et la reprise confirmeront cette impression,
alors que "Sinister Sea Sabbath" se pare d’influences doom pour nous transporter dans
l’univers Lovecraftien des Allemands. Littéralement cloué au sol par l’avalanche de double
pédale, assommé par une rythmique puissante mais également réveillé de force par une
guitare lead transcendante, je savoure ce titre, que je considère comme l’un des meilleurs
de l’album, et qui ne perd pas en intensité tout au long de ses neuf minutes. Dans la
continuité, "The Oneironaut / Haunting Visions Within The Starlit Chambers Of Seven Gates"
reprend cette atmosphère sinistre mais avec cette fois des leads très old school et qui tirent
parfois dans le black metal pour s’imposer.
La fin de l’album approche déjà, mais "Lungs Into Gills" est là pour nous consoler, à grands
coups de leads perçants sur une rythmique pernicieuse à souhaits. Le chant passe d’un
growl rauque à des choeurs planants en passant par un scream malsain, ce qui contraste
avec ce solo épique vers la fin du morceau, mais des samples viennent rehausser la
dernière partie, avant de brutalement nous lâcher sur ce riff lointain qui s’éteint dans le
néant. "Thou Shalt Not Speak His Name (The Scythe Of Cosmic Chaos)" a la difficile mission
de clore cet album, et jouera sur une alternance entre passages à la limite du rite religieux et
rythmique ultra rapide et furieuse pour achever les derniers récalcitrants à cet univers
fantasmagorique.
Bien qu’il dure plus de cinquante minutes, j’ai l’impression que "The Scythe Of Cosmic Chaos"
est expédié en une vingtaine de minutes tout au plus. Toujours aussi prenant, cet album est
un apport important à la superbe discographie de Sulphur Aeon. Ma seule hâte ? L’écouter
une quatrième fois et découvrir le groupe sur scène.
"Gateway To The Antisphere"
Note : 16/20
Les Allemands de Sulphur Aeon furent sans aucun doute LA révélation de 2013 en matière de death metal old school d'obédience occulte et la critique a unanimement salué "Swallowed By The Ocean's Tide", un gigantesque premier album de metal extrême inspiré des maîtres Morbid Angel, Immlation et Behemoth, sous un fondement conceptuel lovecraftien. Omniprésent (patronyme, paroles, artworks), le Mythe de Cthulhu sert donc de base au trio germanique pour lâcher sur les peuples ses sonorités morbides qui donnent donc une dimension supplémentaire aux compositions. Sorte de pendant death des Bordelais de The Great Old Ones, la musique de Sulphur Aeon fait ainsi appel à l'imaginaire pour puiser toute sa force d'impact.
Très attendu, "Gateway To The Antisphere" ne déçoit pas; il est le digne successeur de "SBTOT". Toujours enveloppé d'une sonorisation parfaite ; étouffée et opaque mais en même temps claire et d'une puissance astronomique ; l'album renvoie une sensation d'oppression absolue face à de cataclysmiques volumes soniques. Résonnant depuis d'innommables cavernes souterraines grouillantes de formes d'existence que même l'imagination humaine ne peut qu'esquisser, ce sophomore album est un raz-de-marée d'une fureur mythologique, une dévastation pure et simple des formes de vie terrestre. Le songwritting est bluffant, les structures alambiquées entraînent l'auditeur dans des spirales infernales de chaos et de désolation. Des chansons comme "Titans", "Diluvian Ascension" ou le terrible "Calls From Below" sont des joyaux noirs.
Techniquement, les performances instrumentales et vocales sont énormes. Le batteur est d'une redoutable précision et les guitares, féroces, sont aiguisées comme des lames de rasoir ; chaque riff de guitare relève d'un talent d'écriture hallucinant que seules des divinités cosmiques peuvent avoir inspiré.
A la fois atmosphérique par ses ambiances évocatrices et brutal par son agressivité maitrisée, "Gateway To The Antisphere" confirme tous les espoirs placés en Sulphur Aeon et l'inscrit définitivement dans le panthéon du death metal. La nouvelle scène allemande a peut-être trouvé son leader.
|