Le groupe
Biographie :

The Ocean est un groupe de post-metal allemand, originaire de Berlin. C'est en 2000 que le guitariste Robin Staps, peut-être lassé de ses précédents projets, se dirige vers Berlin pour essayer de concrétiser une idée qui lui tient à cœur. A l'instar de ce qu'avaient impulsé les membres de Neurosis avec Tribes Of Neurot, il veut créer un collectif artistique, afin de trouver les artistes qui lui correspondent et ainsi pouvoir mettre à profit toutes ses idées. Avec l'arrivée de ses premiers compères, le guitariste installe un studio d'enregistrement et des locaux dans une ancienne usine, afin de pouvoir être dans de bonnes conditions pour commencer à créer. Surnommée Oceanland, à cause de sa taille, la nouvelle antre du groupe lui transmet donc son nom : The Ocean.

Discographie :

2004 : "Fluxion"
2006 : "Aeolian"
2007 : "Precambrian"
2010 : "Heliocentric"
2010 : "Anthropocentric"
2013 : "Pelagial"
2018 : "Phanerozoic I: Palaeozoic"
2020 : "Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic"


Les chroniques


"Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic"
Note : 17/20

Deux mois que j'ai reçu ce nouvel album, deux mois que je cogite sur cette chronique et que je suis hésitante sur cet album. Rétrospectivement, "Phanerozoic I: Palaeozoic" m'a enthousiasmée par ses compositions riches, très sombres avec une rage et un désespoir non contenus. Une attente sûrement trop grande car aux premières écoutes de "Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic", je suis un peu surprise voire perplexe. J'ai une (désagréable) impression de lenteur et de linéarité des compos : il me manque ce tout petit quelque chose qui donnerait plus de relief aux morceaux, plus d'audace et de compositions rentre-dedans. Mais par expérience, je sais que certains albums s'apprécient avec le temps en dévoilant progressivement les subtilités que l'on n'avait pas notées jusqu'ici. Je décidais donc de laisser cet album de côté pour le réécouter plus tard. Et me voilà deux mois plus tard, avec les oreilles vierges et prêtes à replonger dans l'opus en me délestant du lourd bagage émotionnel laissé par le précédent album.

Le titre "Triassic" qui débute l'album fait le pont entre les deux volets de "Phanerozoic" et pose les prémices d'un changement primordial dans l'ambiance de cet album. En effet la différence notable - et que l'on va retrouver sur tous les titres - c'est l'apport de sons synthétiques. Un son organique, profond et moderne sur une composition tout en nuance. Ce titre est une entrée en matière de la ligne directrice de ce nouvel album. Le second titre "Jurassic | Cretaceous" - avec en guest voix Jonas Renkse de Katatonia - est à mon sens à isoler du reste de l'album de par sa complexité et son atmosphère spécifique. C'est sûrement le morceau le plus abouti et le plus progressif de "Phanerozoic II". Il déroule pas moins de 13 minutes d'un voyage aux sonorités vibrantes, en alternant passages agressifs, passages mélodiques et plages atmosphériques. L'équilibre parfait pour un morceau parfait. De plus, c'est avec une grande habileté que The Ocean fait se confronter les deux ambiances des deux différents volets. On y retrouve les cuivres de "Phanerozoic I" couplés à la profondeur des synthés de "Phanerozoic II". Après ce morceau, on revient à ce que "Triassic" avait commencé à insuffler.

Les morceaux s'enchaînent et la lenteur que j'avais ressentie aux premières écoutes me revient en force. Mais cette fois, elle me touche et je me laisse embarquer. "Paleocene", "Eocene", "Oligocene", "Miocene | Pliocene" et "Holocene" ne sont que de longues plages embrumées et délicates qui créent chez l'auditeur cette espèce d'état semi méditatif. Tout cela agrémenté de mélodies dont on s'accordera tous à dire qu'elles sont gracieuses, et de quelques hurlantes bien senties qui viennent casser la douceur lancinante. Des orchestrations symphoniques, une plage instrumentale éthérée et onirique et des effets de résonance sur les instruments qui rendent les compositions extrêmement atmosphériques et contemplatives. On ne peut pas ne pas parler non plus de "Pleiostocene" qui crée la surprise avec une dernière partie totalement black metal qui vient littéralement embraser et appesantir le morceau. C'est la petite sortie de route que l'on attend toujours sur un album. Le manque de relief et la lenteur, qui m'avaient gênée au début, se sont métamorphosés en atout principal de l'album.

Quand son prédécesseur n'était que chaos et désolation, "Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic" est, lui, un album plus subtil et moins sombre. Le travail apporté sur les sonorités synthétiques lui confère une ambiance délicieusement vaporeuse et hypnotisante. Parallèlement, les parties orchestrales sur les parties mélodiques - avec les cordes notamment - créent une émotion plus viscérale et palpable. Les mélodies de la lead guitare plutôt épurées participent aussi grandement à cette émotion pure. Finalement, les deux volets sont tout aussi différents que complémentaires ! C'est une évidence, "Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic" n'est pas un album direct. C'est la raison pour laquelle il mérite que l'on prenne son temps afin d’en saisir toutes les nuances, de s'imprégner des exquises mélodies et de finalement tomber complètement sous le charme de cet album post-metal contemplatif.


Miss Bungle
Décembre 2020




"Phanerozoic I: Palaeozoic"
Note : 18/20

Après cinq ans de tournée avec "Pelagial", voici le huitième album de The Ocean : "Phanerozoic I: Palaeozoic". Ou plus exactement la première partie d'un double album, dont la suite sortira en 2020. Il faudra donc s'armer de patience, mais qu'est-ce que deux années d'attente en comparaison d'une ère géologique ? En effet, Phanerozoic, (une ère géologique donc) s'inscrit dans la continuité des autres opus du groupe, à savoir une réflexion sur l'Univers dont nous faisons partie intégrante. Faut-il pour autant être un militant écologique pour apprécier leur musique ? Heureusement, non. Mais lorsqu'un groupe s'attaque à des sujets pertinents, cela excite forcément la curiosité - ma curiosité. En réalité, The Ocean pose des questions d’ordre philosophique sur l’Homme (Anthropocentric), la religion (Heliocentrism)…

Avec "Phanerozoic I: Palaeozoic", The Ocean revient sur la naissance de la Terre. Le phanérozoïque est un éon (intervalle de temps géochronologique - ouh là ça devient compliqué à suivre cette chronique !) qui couvre les derniers 542 millions d'années. Pour cette première partie, The Ocean s'intéresse principalement à l'une des ères composant cet éon, soit le paléozoïque (ou ère primaire) qui voit apparaître les mollusques jusqu'aux premiers reptiles. En d'autres termes et pour synthétiser, c'est le passage de la vie aquatique à la vie terrestre. Par souci du détail, chaque chanson porte le nom des paliers chronologiques de cette ère primaire.

Cet album est en quelque sorte la suite logique de "Precambrian" sorti en 2007 (origines de la création de la Terre). Pourquoi cette explication scientifique ? Parce qu'on prend aussi la mesure du travail artistique d'un groupe à travers ses propos. Le phanérozoïque symbolise certes l'apparition et l'évolution des êtres vivants, mais la période paléozoïque est aussi la plus importante des cinq grandes phases d'extinctions d'espèces. Alors, un rapport avec la société actuelle, les catastrophes écologiques, et... l'extinction future de l'Humanité ? Sûrement. The Ocean nous plonge dans l’histoire anachronique de deux humains (un couple ?) traversant les affres du paléozoïque depuis son émergence jusqu’à son extinction. Dès "Cambrion II", le groupe met en évidence l’éternel recommencement de la vie régie par la puissance des éléments ("And then many will perceive the mighty thought of the eternal recurrence of all things"). La vision de notre rôle en tant qu’Homme est froide et fataliste. Malgré son acharnement à vouloir vivre, il n’est qu’un grain de sable dans la machine et il court immuablement à sa perte. Avec une construction réfléchie alliée à des textes intenses et une réflexion profonde en fond, The Ocean force le respect par son intelligence.

Musicalement cela se traduit par des ambiances qui collent parfaitement aux textes et à l’évolution des éléments géologiques. Tantôt froides pour mettre en évidence la puissance de l’Univers ("This time we won't surrender facing the unknown"), tantôt désespérées et fatalistes face au destin que l’on ne peut combattre ("Let's stop and wait until we freeze together"). L’alternance du chant « chanté » et du chant hurlé est toujours d’une extrême justesse quant à l’émotion que le groupe veut dégager.

Cet album est certes dans la lignée des dernières productions du groupe, cependant il dénote par son atmosphère bien plus sombre qui n’est pas sans rappeler Cult Of Luna. Avec une telle qualité constante dans ses compositions, The Ocean continue à nous charmer et à nous transporter. Pour le plaisir qu’il procure aux oreilles, et la réflexion intellectuelle qu’il impose, "Phanerozoic I: Palaeozoic" décroche une très belle note.


Miss Bungle
Novembre 2018




"Pelagial"
Note : 15,5/20

The Ocean, c’est vraiment ce style de metal que j’apprécie : progressif et post-métallique. Oscillant entre des parties musicales, et d’autres beaucoup plus violentes métalliquement, l’univers de The Ocean n’est pas uniquement brut de décoffrage, c’est une progression lente et profonde. Magnifiquement amené musicalement, cet album se décompose en deux CDs. L’un avec le chant, l’autre est instrumental. Au départ, suite à des soucis de santé du chanteur, c’est ce dernier qui devait être sur le CD principal de cette mouture.

The Ocean, loin de laisser des choses au hasard, se targuera de pouvoir proposer des morceaux avec piano et autre violon. La production superbe met magnifiquement les instruments et compositions en valeur, donnant une profondeur certaine à l’ensemble. La profondeur, parlons-en. L’album est plus un concept album, il s’articule sur les profondeurs et les océans, ceci explique donc le découpage avec ces différentes ambiances et évolutions pour rentrer un peu plus dans cet univers mêlant ambiance et violence. Le chant oscille entre growl et autres passages gutturaux, les instrumentales se mêlent aux solos bien construits, tout en s’appuyant sur une base rythmique véritablement solide et définissant la ligne de conduite de l’ensemble. On pourrait croire par instants que tout est prévisible mais finalement non, apportant son lot de surprises à chaque riff, The Ocean pose un univers, une ambiance et une découverte addictive Ce double album offre finalement deux visions différentes du groupe mais également deux façons d’appréhender la musique de celui-ci. Pouvant se placer grace à cet album instrumental dans la catégorie "bandes son originales",The Ocean élargit sa palette, nous permettant de découvrir plus en détails les méandres de ses morceaux et d’en profiter plus pleinement avec cette version instrumentale. La production claire, efficace et ronde sur les basses va permettre au groupe de faire profiter à l’auditeur de l’ensemble de son œuvre et de sa technicité.

Loin de se mettre dans des sentiers battus, le groupe allemand (suisse un peu également) ravage tout sur son passage avec ces constructions ténues, et inventives, cet univers qui se dégage, une sorte de plongée les yeux fermés dans un univers à la fois doux et violent, comme une caresse rêche, une baffe musicale de plus. Vu dernièrement en première partie de Cult Of Luna, le groupe se dégage nettement de ce qui s’écrit désormais, faisant la première partie de Norma Jean et répandant cette bonne parole à travers un monde métallique encore trop fermé. Autant le CD 1 peut s’écouter avec le chant de ci et de là, autant la version instrumentale prend sa pleine mesure dans des environnements clos avec les yeux fermés. Faisant penser tour à tour à Cult Of Luna ou Asidefromaday, The Ocean et son "Pelagial" se révèle être bien plus qu’un simple CD, bien plus qu’une simple galette sans âme, mais bien un océan de sensations et une mer de découvertes, le calme avant la tempête et la tempête qui emporte tout sur son passage.

Pour toi fan de progressif et de post-metal, de ces instrumentales superbes et de ces instants violents et entêtants, The Ocean n’est plus une possibilité d’écoute mais bien une obligation de possession. The Ocean se veut de devenir une référence du genre avec cette double étiquette faisant de lui un groupe de live, mais également le créateur de superbes bandes son. Une grosse découverte, qu’elle soit live ou CD, avec cette seconde surprise d’un instrumental complet.


Sam
Août 2013


Conclusion
Le site officiel : www.theoceancollective.com