Le groupe
Biographie :

Triptykon est un projet musical de Thomas Gabriel Fischer, membre fondateur des groupes de heavy metal Hellhammer, Celtic Frost et Apollyon Sun. Fischer a annoncé son départ de Celtic Frost en Mai 2008 et révéla peu après que son nouveau projet était Triptykon. Le 5 Août 2009, Triptykon publie un communiqué de presse indiquant que l'enregistrement de son premier album, "Eparistera Daimones", commencera dans le courant du mois d'Août et continuera jusqu'en Novembre, pour une sortie au printemps 2010 chez Prowling Death Records. Quatre ans plus tard, Triptykon revient avec un deuxième album, "Melana Chasmata", qui sort au printemps 2014 chez Century Media.

Discographie :

2010 : "Eparistera Daimones"
2010 : "Shatter" (EP)
2014 : "Melana Chasmata"


Les chroniques


"Melana Chasmata"
Note : 18/20

Cela fait déjà 4 ans que "Eparistera Daimones" a débarqué dans nos cages à miel et que Triptykon écrase tout ce qu'il trouve sur son passage, et même si ce premier album était excellent et qu'un EP était venu compléter le tout, on commençait à se demander à quel moment on allait avoir un nouveau pavé dont on pourrait se goudronner les esgourdes. Le voilà paré de sa pochette toujours signé H.R. Giger (qui nous a d'ailleurs quittés récemment) et surmonté du joli sobriquet de "Melana Chasmata". Et là vous vous demandez ce que ça donne, est-ce que Triptykon n'était que le projet d'un album ?

Rassurez-vous, le groupe a encore quelque chose à dire et dès "Tree Of Suffocating Souls", on retrouve le Triptykon qu'on aime, ce mélange d'agression brute très thrash / death old school dans l'esprit et de passages bien plus plombés et d'une noirceur abyssale. On profite dès le début de l'album d'un excellent solo de guitare d'ailleurs, ce qui est d'autant plus appréciable qu'il est loin d'être évident d'en placer correctement sur une telle musique ! Après la fureur qui habite ce premier morceau, le groupe nous prend à revers avec "Boleskine House", titre bien plus éthéré, beau et inquiétant à la fois qui voit le retour de Simone Vollenweider qui chantait déjà sur le premier album et sur "Shatter" tiré du EP du même nom. On retrouve d'ailleurs les ambiances de fameux morceau sur ce "Boleskine House", ce climat plombé et noir auquel quelques mélodies plus lumineuses viennent apporter un peu de couleurs. Bref si vous avez accroché au premier essai de Triptykon, il n'y a aucune raison que ce nouvel album vous déçoive, la musique du groupe continue l'évolution qu'elle avait marquée entre "Monotheist" de Celtic frost et "Eparistera Daimones". Une fois de plus, Triptykon fait son truc dans son coin sans se soucier de savoir si on pourra le faire rentrer sous une étiquette, tout les extrêmes se mélangent et donnent naissance une nouvelle fois à un monstre de noirceur, de dépression, de folie qui n'a aucune peine à nous écraser sous sons poids titanesque.

On peut à la limite noter un côté un peu moins frondeur que précédemment, des morceaux comme "A Thousand Llies" sont absents ici. Il y a bien "Breathing" qui s'en rapproche mais on n'atteint pas la même intensité ni le même côté primitif. Mais en dehors de ça on reconnaît parfaitement la patte Tritpykon, et je dis bien Triptykon et non pas Tom G. Warrior puisque cette fois l'album est un véritable travail de groupe. C'est sûrement à ça qu'on doit le fait que les sonorités sur cet album font preuve d'un peu plus de variété que sur "Eparistera Daimones", parce que là pour le coup tout le spectre musical extrême y passe ou presque. Comme ce chant plaintif presque goth ou dark wave qui débarque sur "In The Sleep Of Death" et qui contraste avec les hurlements de Tom sur le reste du morceau, qui pour le coup s'arrache bien plus que d'habitude. Et même si comme je le disais plus haut, c'est un travail de groupe qui a donné naissance à cet album, on ne peut s'empêcher de se dire que Tom G. Warrior a quand même un putain de talent de compositeur et qu'il s'y connaît quand il s'agit de faire ressortir toutes ses émotions les plus noires et les plus dégueulasses. Il me semble l'avoir déjà dit dans ma chronique d'"Eparistera Daimones" mais je le redis ici, Triptykon est un des seuls groupes, si ce n'est le seul, à pouvoir nous faire sentir une ambiance si maladive, si malsaine, inquiétante et belle à la fois, parfois empreinte de fureur destructrice mais ce qui saute aux oreilles c'est surtout l'intégrité et l'honnêteté qui déborde de ce pavé (et des autres).

Une fois de plus Triptykon a frappé très fort, ce nouvel album constitue déjà une pièce indispensable à tous ceux qui ont pu apprécier "Eparistera Daimones" ou "Monotheist" du Frost. Quant aux autres, il n'est pas encore trop tard pour vous pencher sérieusement sur ces monuments édifiés à la gloire de la folie et de la dépression, parce que dans le genre extrême et imposant ces deux albums de Triptykon se posent là !


Murderworks
Juin 2014




"Eparistera Daimones"
Note : 19/20

2006, Celtic Frost annonce son retour avec un nouvel album nommé "Monotheist". D’après les dires de Thomas Gabriel Fischer cet album a été écrit dans une période de dépression pendant laquelle il aurait touché le fond. Il ira même jusqu’à dire que sans la composition de cet opus et le soutien de quelques personnes il ne serait plus de ce monde. On s’attendait alors à quelque chose de sombre et torturé, on était très loin du compte. "Monotheist" est un énorme bloc de charbon, le monolithe de 2001 de Kubrick directement dans vos enceintes. Il puait la maladie, la folie et la dépression et nous faisait descendre pendant près d’une heure vingt (sur l’édition limitée en tout cas) dans un puit sans fond. Et puis après quelques tournées le Frost annonçait un nouveau split, et les espoirs d’écouter une suite à ce chef d’œuvre de s’envoler.

C’était sans compter sur Fischer qui a encore une réserve de bile à nous cracher à la figure, le temps de retrouver d’autres musiciens avec qui travailler et hop le voilà de retour sous le nom de Triptykon. Il faut savoir que Celtic Frost a splitté à cause des fameuses divergences musicales, Fisher était le seul à vouloir continuer dans la veine de "Monotheist". Au moins on sait que la note d’intention était alléchante, il restait encore à voir si ce dernier était encore capable de nous pondre un parpaing sonore comme il l’avait fait quelques années plus tôt. Nous n’aurions pas dû douter, le dernier bébé s’appelle "Eparistera Daimones" qu’on peut apparemment traduire par "A ma gauche, les démons". Et ces derniers n’ont pas lâché le maître de cérémonies, ils le torturent encore.

Que ceux qui n’ont pas aimé "Monotheist" passent leur chemin, ce Triptykon en est la suite directe. D’ailleurs tout est là pour nous rappeler chez qui on est, même la pochette est une ancienne peinture de Giger, comme au bon vieux temps de "To Mega Therion". Sans être une copie carbone de "Monotheist" on peut dire qu’on nage dans les mêmes eaux boueuses, dans la même vase qui s’accrochent à vos basques. D’ailleurs histoire de prouver que le groupe n’est pas là pour rigoler, on se prend directement un pavé de 11 minutes en guise de premier morceau. Et tout devient clair, on va souffrir pendant près de 80 minutes. C’est malsain, glauque, oppressant, écrasant et peut être même plus vicieux et plus virulent encore que son prédecesseur. Le son est toujours aussi abrasif et puissant, avec ces guitares et cette basse qui vrombissent et bourdonnent dans les enceintes jusqu’à vous percer les tympans. Au niveau de l’objet en lui même un bel effort a été fait, l’édition limitée est un beau digibook avec un livret de 28 pages dans lequel on retrouve les paroles ainsi que des liner notes expliquant brièvement l’origine et le sens de celles-ci.

Mais passons aux choses sérieuse, dès le premier morceau on se prend une baffe dans les dents. Le tempo n’est plus aussi lent qu’avant, ça tape dès le départ pour ne ralentir que sur le refrain pesant à souhait. La voix de Thomas se fait elle aussi plus dure, plus arrachée et la tendance se confirmera sur le reste de l’album où on pourra l’entendre pousser des cris de damnés. Le deuxième titre est plus ou moins dans la même lignée avec une durée là aussi bien étendue, il aligne ses 9 minutes au compteur. C’est à partir du troisième morceau qu’on va, comme sur son grand frère, avoir droit à un peu de diversité et à un peu d’air. Un peu plus calme et éthéré ce «In shrouds decayed» mais toujours aussi désespérant. On se dit qu’étant donné qu’il a donné dans les registres calmes et agressifs le groupe ne nous surprendra plus trop sur le reste de l’album et continuera à jongler entre les deux. Là encore on tombe dans le panneau, "A Thousand Lies" est dix fois plus virulent que le reste et nous rappellerait presque, dans l’esprit en tout cas, Hellhammer qui était quand même les prémices du Frost. Là pour le coup ça tape vraiment dur, et les hurlements se font encore plus arrachés et possédés. Je ne sais pas qui lui a piqué son goûter mais j’espère pour lui qu’il court très vite. Toujours dans le registre vocal on notera aussi l’apparition d’une bien jolie voix féminine sur le très beau "My Pain", seule vraie bouffée d’air de l’album.

Et quand on croit en avoir bientôt fini en voyant la dernière piste arriver on est une fois de plus pris à revers, ce dernier est en effet une énorme brique de 19 minutes qui va vous faire descendre encore plus bas que le reste de la galette. Le groupe a réussi l’exploit de nous finir avec un morceau presque plus psychotique et taré que les autres, juste histoire de ne nous laisser aucune chance de salut. On en ressort lessivé et désorienté, en se demandant ce qu’on a bien pu se prendre dans les dents pour être dans un tel état. Mais le pire c’est que personnellement j’en redemande, c’est à la fois éprouvant et jouissif d’écouter ce genre de pépites. On se fait percuter pendant 80 minutes par tout ce que l’être humain a de plus noir et mauvais, toute sa pourriture nous parvient aux narines. Et malgré la répulsion qu’engendre le spectacle il en naît une sorte de fascination qui fait que l’on n’arrive pas à détacher notre regard. C’est pour ça que cet album va tourner, encore et encore.

Pendant toute la durée de cette messe noire vous allez suffoquer, et crouler sous l’écrasante pression de cette enclume sonore. En tout cas, Celtic Frost nous a toujours habitués à être en avance sur son temps et à expérimenter, et Triptykon nous prouve que c’est toujours le cas. Alors bien sûr certains viendront ronchonner en disant qu’il n’est pas très différent de "Monotheist" et qu’il n’a donc rien de révolutionnaire. Soit, mais combien d’albums lui ressemblent ? Aucun, rares sont les groupes à pouvoir délivrer une telle pierre noire. Ils ne sont pas nombreux ceux qui arrivent à nous délivrer une musique aussi pernicieuse, aussi sombre, visqueuse et glauque. C’est pourquoi il faut profiter pleinement de ces rares artistes sincères qui nous livrent tout sans aucun artifice, sans parlote inutile. J’espère que ce projet tiendra le coup plus longtemps que la dernière mouture de Celtic Frost, parce que même si nous ne sommes qu’en Avril je crois pouvoir dire que cette galette sera une des meilleures réalisations de 2010.


Murderworks
Avril 2010


Conclusion
Le site officiel : www.triptykon.net