La review

BEHEMOTH + MGŁA + SECRETS OF THE MOON
Le Transbordeur - Villeurbanne (69)
28/10/2016


Review rédigée par Carcharoth


Après avoir été soigneusement évitée par la première partie de la tournée de BEHEMOTH en compagnie d'Abbath en début d'année, la région lyonnaise voit aujourd'hui le retour de la horde polonaise pour la deuxième partie de cette tournée européenne, mais cette fois-ci en présence de MGŁA et de SECRETS OF THE MOON. Une date majeure que nous proposent une fois n'est pas coutume les filles de Sounds Like Hell Production, et ce dans une des plus belles salles de Lyon : le Transbordeur ! Après une queue dont on n'a pas vraiment l'habitude pour un concert de metal extrême dans la région, j'avoue qu'il est on ne peut plus plaisant de retrouver cette salle souvent trop grande pour ce genre d'événement... En tout cas, vu l'affluence et la place que BEHEMOTH occupe sur scène avec son matériel, la monstrueuse batterie d'Inferno et ses éléments de décor, la fin de soirée s'annonce grandiose ! Mais qu'en sera-t-il du début ? Réponse dans ces lignes bien évidemment...



SECRETS OF THE MOON ouvrira ce soir le bal avec une ponctualité rare afin de défendre sur scène son dernier album en date intitulé sobrement "Sun" et sorti en fin d'année dernière chez Lupus Loundge. J'avoue avoir toujours eu un peu de mal avec les Allemands que beaucoup vénèrent, mais je suis malgré tout curieux de découvrir le groupe sur les planches du Transbordeur... Peut-être pour moi l'occasion de redécouvrir leur musique et être séduit ?
D'emblée, l'ambiance se veut très sombre, voire crépusculaire, ce qui n'est pas toujours le cas de la musique du combo... SECRETS OF THE MOON joue un black metal à tendance atmosphérique, flirtant autant avec le mid-tempo qu'avec des rythmiques typiquement doom. Mais les morceaux proposés ne se résument pas qu'à cela, offrant fréquemment un visage beaucoup plus lumineux et progressif ! Ce mélange rend la musique des Allemands parfois difficile à suivre, surtout quand on n'a écouté les divers albums que de manière très distraite... Je ne doute pas que les fans aient apprécié, mais pour ma part, rentrer dans l'univers du groupe s'est avéré plutôt difficile et à chaque fois que j'appréciais un passage, une ambiance, une rythmique, il fallait que les musiciens, bien que talentueux, me perdent en changeant radicalement de registre. Et l'attitude scénique n'était pas non plus des plus impressionnantes, faisant la part belle au centre de la scène, à savoir la batterie et le guitariste / chanteur dont les mimiques pourraient parfois rappeler le leader de Solstafir... Les autres musiciens, quant à eux, font plus de la figuration, que ce soit le bassiste ou le deuxième guitariste, même quand il vient trop discrètement poser quelques mesures en chant clair ! Je conçois que ça corresponde à l'ambiance générale voulue par le groupe, mais cela a malheureusement tendance à fermer quelque portes, ne satisfaisant que les fans purs et durs et laissant les autres sur le carreau. L'accueil du Transbordeur fut en tout cas assez timide, le public présent ce soir venant il est vrai surtout pour BEHEMOTH... En tout cas, pour ma part, ma préférence dans ce registre va aux anglais de Fen, que ce soit sur album ou sur scène !



Place maintenant aux Polonais sans visage de MGŁA  ! Et étonnamment, eux que j'imaginais jouer dans la quasi-obscurité, sont beaucoup mieux éclairés que leurs prédécesseurs... Ainsi, malgré la qualité du son comme des compositions, et même si le registre pratiqué par le combo me convient bien mieux, il ne sera pas aisé de rentrer tout de suite dans la prestation des hommes en noir !
Mais petit à petit, la qualité d'exécution, l'aspect mystérieux et fantomatique des musiciens ainsi que les mélodies lancinantes de la horde vont faire leur œuvre afin de nous attirer de plus en plus profondément dans les ténèbres. Certes, les tenues de scène de MGŁA permettent au groupe de se démarquer des autres, mais c'est avant tout la musique des Polonais qui va faire la différence, à l'image des morceaux tirés de l'excellent dernier album en date intitulé "Exercises In Futility", sorti chez Northern Heritage et que j'ai eu l'immense plaisir de chroniquer pour votre webzine préféré ! Ainsi, entre passages rapides purement black metal et moments quasi atmosphériques et bénéficiant de mélodies lancinantes, hypnotiques et on ne peut plus envoûtantes, MGŁA va peu à peu, et ce de manière insidieuse, rallier à sa cause une bonne partie du public encore moribond de ce bon vieux Transbordeur. On assistera d'ailleurs aux premiers pogo ainsi qu'aux premiers slams, preuve s'il en est que la température est montée d'un cran ! Avec beaucoup de sobriété, les Polonais vont ainsi dérouler une playlist on ne peut plus solide, et même si l'attitude scénique du groupe et les visages invisibles des musiciens créent une barrière naturelle entre eux et le publics, cela correspond parfaitement à la musique jouée ce soir... Voilà qui confirme en tout cas ma surprise de les voir autant éclairés ! Toujours est-il qu'en terminant son set par le fantastique "Exercises In Futility VI", MGŁA aura su conquérir bien des âmes, la preuve s'il en est qu'il n'est pas toujours nécessaire d'en faire des caisses pour ensorceler un public, et ce soir, le dévouement et la sobriété de la horde masquée en est le plus parfait exemple... Bref, après avoir été une fabuleuse découverte sur album, MGŁA est désormais une excellente découverte live que je m'empresserais de revoir si j'en ai l'occasion !



Mais trêve de plaisanterie car voilà venu le temps pour d'autres Polonais de fouler les planches du Transbordeur ! Tout commence par un changement radical de décor, celui de BEHEMOTH occupant la totalité de la scène : au centre, une monstrueuse batterie blanche domine tout, flanquée de part et d'autre d'un escalier menant à un aigle de métal suspendu, symbole s'il en est de notre quatuor préféré ! Au devant de la scène, le magistral pied de micro de Nergal est installé, la fameuse pyramide nimbée de flammes encadrée par deux têtes de cobra, et Orion et Seth ne seront pas en reste avec des pieds de micro mêlant serpents et pentacles... Entre chaque micro, un petit marchepied est aussi mis en place, ainsi qu'un grand tapis où l'on retrouve la pyramide au milieu de la scène, pyramide qu'on retrouvera aussi sur l'immense backdrop du groupe ! Bref, tout est prêt pour un show que l'on espère grandiose...
Les lumières vont s'éteindre le temps de l'intro et Nergal finira par arriver sur scène avec sa fameuse capuche, mais surtout accompagné de quelques flammes du meilleur effet. A partir de ce moment, BEHEMOTH va tout simplement jouer sa dernière offrande "The Satanist" dans son intégralité ! Certes, les fans de cet opus particulier dans la déjà longue carrière du groupe seront comblés, autant les autres risqueront d'être quelque peu déboussolés. En effet, il y a quelques années en arrière, par exemple en 2008 quand j'avais vu les Polonais sous l'orage du Metal Camp, un concert du groupe, c'était tout simplement la guerre, autant sur scène que dans le public. Et puis Nergal a frôlé la mort... En 2012 au Party San, l'ambiance générale était déjà beaucoup plus noire, mais on atteint sur cette tournée un tout autre niveau relevant plus d'une expérience mystique ! Ce dernier album, que j'ai aussi eu le plaisir de chroniquer pour French Metal, est beaucoup plus sombre que les précédents, mais aussi plus sobre et moins rentre-dedans... Et cet aspect malsain, cette sensibilité avec laquelle il a été composé transparaissent à merveille sur scène ! Il faut dire que le décor s'y prête parfaitement, tout comme les tenues de scène et surtout les lights qui bénéficient d'un travail fantastique qui nous plongent rapidement dans les méandres de l'esprit torturé de Nergal. Par contre, bien sûr, même si le public a tendance à headbanguer férocement, les pogos et les slams sont beaucoup moins présents qu'à une époque... Comme si tout un chacun laissait ses yeux voir l'indicible et ses oreilles boire les paroles du prophète ! Car avec son charisme impressionnant malgré son gabarit et son énergie communicatrice, Nergal pourrait limite nous apparaître tel une divinité que l'on vient vénérer des quatre coins du monde... Il semble si lumineux dans ce monde de ténèbres, son aura rayonne tellement que le public semble captivé et abasourdi ! Une telle alchimie entre une musique et une performance scénique est rare mais pourtant bien réelle, révélant en même temps un nouveau visage de "The Satanist", plus profond, plus métaphysique même et parfaitement incarné par le quatuor polonais...



Et toute cette perfection ne pourra être que confortée en ce sens par un son aussi précis que puissant et par différentes petites surprises scéniques renforçant ce sentiment général... Ainsi, Nergal viendra agiter quelques encensoirs sur le devant de la scène, créant une ambiance olfactive savoureuse mais trop courte à mon goût, et plus tard, à l'aide d'une petite passerelle maintenue par le staff du groupe entre la scène et les barrières retenant le public, il viendra distribuer des hosties au plus prêt des fans qui auraient pu se damner pour une miette ! Un grand moment qui tirera sa révérence avec le superbe "O Father O Satan O Sun", chaque membre du groupe terminant le morceau avec un masque noir et cornu sur le visage pour un rendu visuel et émotionnel impressionnant. Mais heureusement, le concert de ce soir ne s'achèvera pas comme cela et BEHEMOTH va quand même nous offrir quelques-uns de ses meilleurs morceaux comme "Conquer All" ou "Slave Shall Serve". De quoi satisfaire le public le plus frustré et faire sortir tout le monde de sa noire torpeur ! Cette fois-ci, les pogos et les slams vont aller bon train, d'autant que même si le groupe, dès le début, n'hésitait pas à aller au contact avec le public, ce n'est rien comparé au jeu de scène des quatre musiciens sur cette dernière partie de concert ! Chacun cherche à jouer au plus prêt des fans, et Nergal harangue les foules comme jamais : une telle communion fait vraiment plaisir à voir ! D'ailleurs, malgré le professionnalisme du show avec un jeu de scène très travaillé, il est on ne plus agréable de voir la complicité qui règne toujours entre les membres du combo après toutes ces années et ces tournées, comme lorsque Seth et Orion se tapent le poing à chaque fois qu'ils se croisent... Pour mettre tout le monde d'accord, BEHEMOTH nous offrira son incontournable "Pure Evil And Hate" en pâture et conclura son set par l'inévitable "Chant For Eschaton 2000" et le sang pleuvant sur les premiers rangs ainsi baptisés !
Après une telle prestation, il est difficile pour beaucoup de laisser partir nos Polonais préférés... Et même si l'hommage rendu au magique "The Satanist" était autant bluffant que poignant, mon seul regret sera que BEHEMOTH n'ait pas joué plus de vieux morceaux, ou en tout cas n'ait pas joué plus longtemps tout court, genre 1h30 ou pourquoi pas 2h... Pour être en tout point parfait, ce concert aurait mérité autant du dernier album que des anciens, soit 2 fois 45 minutes minimum ! Et avec un petit "From The Pagan Vastlands" en sus, ça aurait été le top du top... Mais j'avoue, voilà bien mon seul regret et ma seule exigence pour la prochaine fois ! Enfin bon, avant de les revoir tourner, je pense qu'il faudra leur laisser le temps de bosser sur un nouvel album qui saura alimenter les rumeurs et déchaîner les passions comme jamais jusqu'à sa sortie... Profitons donc de l'instant présent car ce n'est pas tout de suite qu'on pourra à nouveau prier le dieu Nergal, et pour ce faire, je vais dès à présent me replonger dans ce rêve éveillé qu'était le concert de ce soir !

Voilà, c'était probablement la date metal extrême la plus incontournable de cette fin d'année 2016 et elle a pour ainsi dire tenue toutes ses promesses ! Le plaisir de retrouver le Transbordeur qui est quand même une sacrée belle salle malgré sa taille, bénéficier d'un son parfait pour tous les groupes de la soirée et bénéficier de trois excellents concerts dans trois registres différents... Même si je n'ai pas accroché plus que cela à la prestation de SECRETS OF THE MOON, je pense que les fans ont dû y trouver leur compte. MGŁA a su confirmer en live tout le bien que je pensais d'eux sur album, et BEHEMOTH m'a permis de vivre une expérience mystique au-delà même de la conscience ! Bref, quoi dire à part un grand merci aux filles de Sounds Like Hell pour une telle date, si bien organisée dans un si beau lieu ? Dire qu'elles enchaînent trois jours après avec Inquisition et Rotting Christ... Tout simplement l'association lyonnaise du moment !