La review

BENIGHTED + SVART CROWN + WILD
Le Petit Bain - Paris
23/02/17


Review rédigée par Sharknator


Quand on dit "brutal death metal", on ne pense pas forcément à la France au premier chef. Noyé entre tous les Skinless, Disgorge, Suffocation, Disfiguring The Goddess et Hate Eternal de la scène américaine (liste non-exhaustive, loin de là), nos franchouillards de Kronos, Recueil Morbide ou Antropofago peinent à se faire un nom franchement imposant à l’international. Un d’entre eux parvient cependant à tirer son épingle du jeu en sortant régulièrement des albums systématiquement adulés par une fanbase ultra-enthousiaste : BENIGHTED, fierté du metal extrême hexagonal, un groupe s’étant taillé une solide réputation dans le sang frais versé par des albums tous acclamés comme étant des trésors de violence et de composition tout à la fois, au point de s’être exporté efficacement hors de France (même si c’est pour ne jouer qu’en Europe, mais ça se mérite déjà). N’en démordant pas, le petit dernier "Necrobreed" apporte avec lui une grande tournée promotionnelle pour faire profiter la France entière de cette nouvelle boucherie. Passage dans la capitale oblige.



Pour entamer son concert, BENIGHTED met tout d’abord un point d’honneur à se doter de premières parties de choix. On commence donc par une formation du Nord-Pas-de-Calais bien jeune, ne pouvant encore se targuer que d’un album et d’un EP, mais dont l’efficacité en live ne serait pas à remettre en question. Venue "tester" ses nouvelles compositions (à paraître) sur scène, cette petite troupe nous délivre donc un set très énergique, très vivant, à faire bouger des têtes sans atermoiements. Le groupe prend lui-même plaisir à jouer une musique oscillant généreusement entre le bon death pur, le thrash bien rude et le groove, et se paye même le luxe d’un guest avec James, chanteur d’Heretic Patterns, pour une reprise de Gojira. Certains auraient préféré le guest avec BENIGHTED, mais comment faire sans gâcher la "surprise" de ne retrouver Julien qu’en fin de soirée ?



On change de région pour se retrouver dans le black / death metal niçois de SVART CROWN. SVART CROWN, c’est un univers à part, d’une technicité, d’une virtuosité sans pareil, comme un rouleau compresseur broyant ses victimes dans une classe inénarrable. Derrière cette formule antithétique se trouve pourtant tout le savoir-faire du groupe, qui mêle habilement la brutalité et l’exaltation à un degré que peu de groupes égalent. C’est ainsi un déversement de compositions très riches, dissonantes et harmoniques, graves mais extatiques, agressives autant que cérébrales, propres à ravir un public qui trouvera un raffinement de subtilité dans le cocktail de violence actuel (et à venir pour BENIGHTED) que nous assène chacun des membres du groupe. Peu de communication, mais ce n’est pas grave, pour un tel groupe on n’en a pas besoin. Un excellent concert, et accessoirement une excellente découverte.



Et enfin, après des soundchecks pas très discrets, déboule le groupe tant attendu. Enfin, lentement dans un premier temps, le temps de l’introduction, mais le début des hostilités n’en est ensuite que plus détonant. Julien arrive sur scène pieds nus, puis c’est l’entropie. BENIGHTED, en fait, est un groupe de dégénérés, mais dans le bon sens du terme : chaotique sur scène, ils se répandent comme un cancer, et le chaos envahit l’intégralité du Petit Bain, qui se voit foudroyé par un déluge de brutalité unique.
Une grande part des morceaux du set étant tirée de "Necrobreed", cela laisse augurer un album épatant (recontextualisation : l’album sortait tout juste à ce moment-là ; forcément on attendait encore…). Julien pousse le chant guttural à des extrémités gargantuesques, à se broyer les cordes vocales, et finit en sueur dès le premier morceau. A peine prend-il des pauses entre chaque morceau, tant est puissante son envie d’en découdre avec le public parisien ; il prend une minute pour clamer son enthousiasme, n’hésitant pas à nous encourager de circle piter et surtout de slammer, rendant le public presque aussi performateur que lui-même. Sur scène défilent les fans, headbangant, bougeant dans tous les sens, se collant des bécots bien ostentatoires, poussant même parfois le growl à la place de Julien (à l’initiative de celui-ci, bien entendu, pas avare en voix pour deux sous). BENIGHTED, ce n’est pas seulement l’ensemble de ses membres, c’est aussi ses fans ; BENIGHTED c’est un groupe à plusieurs centaines de membres occasionnels. Julien remercie chaleureusement en personne chaque spectateur présent pour ne pas les laisser en reste et ne surtout jamais laisser retomber la frénésie psychopathique dans laquelle il plonge son auditoire avec une virtuosité chirurgicale et démesurée. Chaque membre du groupe est bien entendu à saluer ; que serait cette orgie dévastatrice sans ces deux guitares époustouflantes aux riffs sanguinaires ultra-offensifs, et cette batterie déchaînée, dont la fulgurance n’a d’égal que la frénétique musique qu’elle entraîne dans sa rythmique hallucinante. Aucun doute, c’est en live que BENIGHTED dévoile le plus crûment la richesse de sa musique.
Une fois le set fini, les spectateurs chauffés à blanc en demandent encore, ce que BENIGHTED leur accorde avec grand plaisir. Et c’est au terme des trois minutes d’ultime carnage au rythme de la cadence effrénée de "Jekyll" que le groupe nous quitte, désolé. Il va nous manquer.

Setlist : "Reptilian", "Reeks Of Darkened Zoopsia", "Let The Blood Spill Between My Broken Teeth", "Carnivore Sublime", "Collapse", "Slut", "Versipellis", "X2Y", "Noise", "Necrobreed", "Forgive Me Father", "Hostile", "Stay Brutal", "Asylum Cave", "Experience Your Flesh"
Rappel : "Jekyll".

Une fois sortis, on en vient à se demander comment se débrouille le Petit Bain pour ne pas sombrer consécutivement à une telle rage furibonde…