La review

BORIS + ARABROT + LA SCÈNE
Le Trabendo - Paris
11/12/2019


Review rédigée par Matthieu


A nouveau l’enfer des grèves parisiennes m’obligera à marcher pendant près d’une heure pour rejoindre le Gibus. Mais c’est pour la bonne cause, car les Japonais de BORIS attendent de nous déverser un drone / stoner dont ils ont le secret. Et pour cette tournée, c’est en compagnie d’ARABROT et LA SCÈNE que le trio parcourt les routes européennes. Nous ne sommes qu’une poignée à l’ouverture des portes, mais les spectateurs commencent à arriver.



Et alors que les lumières sont encore allumées, un homme et une femme montent sur les planches. "Bonsoir, je suis la Scène" déclare sobrement Saya (basse / chant) dans un français parfait. Aidée de la guitare au son clair d’Eiji (guitare), la jeune femme nous offre une introduction douce menée par un chant en japonais enchanteur, ainsi que quelques notes de basse. Mais la saturation arrivera finalement dans la guitare, et c’est rythmé par le grelot de la chaussure de la bassiste que le premier morceau s’achève. "This song is from "Corridor", and we welcome Atsuo from Boris". C’est donc en effet le batteur de Boris qui s’installe à sa batterie pour frapper le gong au fond de la scène, ainsi que quelques cymbales pour rythmer ce morceau très aérien et dépaysant, qui laisse notre esprit à la fois planer et vagabonder entre une basse ronflante, une guitare teintée d’effets et des frappes presque mystiques. "The next band is Arabrot, and then, Boris" annonce la chanteuse avant de quitter très sobrement la scène sous des applaudissements mérités.



On change d’univers avec le rock enjoué d’ARABROT, une formation qui s’était notamment démarquée un peu plus tôt cette année au Hellfest. Et dès leur arrivée, Kjetil Nernes (chant / guitare), coiffé de son chapeau blanc, et ses musiciens nous envoient un concentré énergique de rock, noise et punk, mêlé à diverses influences. Totalement déchaîné, le bassiste headbangue sur le peu de place qui lui est attribué à cause de la batterie au milieu de la scène, et c’est sous des flashs incessants qu’il parvient presque à occulter le guitariste, qui est de toute façon cantonné à l’ombre. Aux côtés du frontman, Karin Park (claviers / choeurs) ajoute aux frappes du batteur ces effets électroniques qui donnent une saveur particulière à la musique du combo, et qui fait déjà remuer quelques têtes. Le chant très rock fédère, et les morceaux s’enchaînent. "Alright, we are Arabrot from Norway, we play rock music" lâche finalement le chanteur avant que le manège ne reprenne, toujours avec plus d’influences qui se mélangent. Quelques accents southern rock / stoner s’invitent à la fête, ainsi qu’une bonne dose de fumée, qui finira par masquer progressivement les musiciens. Les musiciens jouent entre eux, enchaînent les morceaux, et c’est à coup de "Come on Paris ! Hey !" qu’ils s’assurent le soutien de la fosse, qui répond instantanément. "Thank you very much for staying with us, we have one more thing and then it’s Boris from Japan !" annonce le chanteur pour introduire le dernier morceau. Et alors que la fumée peine à se dissiper, on remarque que le batteur et le bassiste ont quitté la scène en plein morceau, pour nous laisser profiter d’un final à deux guitares et un clavier, surmonté de voix enchanteresses avant les traditionnels applaudissements de fin de set.

Setlist : "Story Of Lot", "The Horns Of The Devil Grow", "Sinnerman", "Maldoror's Love", "Sons And Doughters", "Tall Man", "The Gospel", "Annul", "Rebekka (Tragoedie)".



Place maintenant à la tête d’affiche, ce sont les trois musiciens de BORIS qui prennent possession de leur espace de jeu après une introduction très entraînante. Le premier morceau est planant, déstabilisant, et emprunte au shoegaze avec cette guitare lead perçante de la part de Wata (guitare / choeurs).
Et le public est déjà conquis alors qu’on enchaîne finalement sur une intro très noise, soutenue par les frappes d’Atsuo (batterie / chant) et la rythmique de plus en plus lourde et pesante de Takeshi (guitare / basse / batterie) sur son imposante guitare-basse à deux manches. Atsuo harangue la fosse pendant que les deux guitaristes développent une ambiance écrasante, tranchante mais surtout magique, qui nous emporte en un rien de temps. Et pour être honnête, j’ai très clairement perdu tout repère temporel pendant ce show, alors que les Japonais nous régalent avec des morceaux issus de leur impressionnante discographie. "Are you here Paris ?" lâche finalement le guitariste alors que le son reprend presque immédiatement. Entre les murmures du batteur, les harmoniques des deux guitaristes et les effets qu’ils incorporent à leurs riffs éthérés… nous sommes parfois assommés par un son écrasant, relevés par des passages plus doux et lumineux, puis à nouveau jetés au sol par une maîtrise incroyable de power chords puissantes. "Thank you for coming ! Arigato !" lâche le batteur alors que les guitares reprennent leur manège, lent et lancinant, mais surtout bourré d’effets tous plus imposants et surprenants les uns que les autres. "Thank you…" murmure Wata. Et lorsqu’Atsuo se retourne pour frapper le gong derrière lui, l’atmosphère change. Plus grave, plus sombre, et c’est la basse de Takeshi qui nous heurte de plein fouet pour nous anéantir à nouveau. Le groupe ira même jusqu’à faire accélérer sa rythmique avec une reprise des Melvins, "Boris", puis nous offre quelques hurlements, parfois couverts par les notes perçantes de la guitariste. C’est en effet "Shadow Of The Skull" qui nous a achevés, avec son riff oppressant, son mur sonore créé par le guitariste qui provoque des larsens en jouant face à ses amplis lorsqu’il ne chante pas, et la fumée qui se joint au manège. Et le groupe quitte la scène.
Mais après quelques acclamations, et alors que nous sommes tous encore sous le choc, le trio remonte sur scène. Les Japonais n’en ont pas fini avec nous. Le riff puissant d’"Akuma No Uta" nous violente à nouveau, entre ce gong mystique, cette rythmique doom, ces effets surpuissants et cette mélancolie rémanente, qui accélère parfois avant de revenir sur un son pachydermique. "One more song !" annonce Takeshi avant de débuter le dernier morceau avec quelques effets dérangeants et un gong puissant. Si le guitariste headbangue en jouant, Wata se concentre sur des leads pénétrants qu’elle joue en quasi-permanence, alors que ses camarades assurent une rythmique intransigeante et un chant planant qui aboutira en un final explosif, ainsi que des acclamations plus que méritées.

Setlist : "Away From You", "To The Beach", "Coma", "Love", "Absolutego", "Journey", "Uzume", "Evol", "Boris" (Melvins cover), "Shadow Of Skull".
Rappel : "Akuma No Uta", "Farewell".

Je ne pensais pas, en marchant dans le froid vers la salle à la tombée de la nuit, vivre une expérience aussi intense. Si l’introduction de LA SCÈNE était une parfaite mise en bouche, ARABROT a su dynamiser un public parisien un peu timide, qui s’est littéralement fait écraser par la surpuissance de la musique de BORIS. Décidément, les Japonais savent y faire lorsque l’on parle de musique, et si cette expérience était la première pour ma part, elle est loin d’être la dernière !