La review

KNUT + GENEVA + CARNE + HEIRS
Grrrnd Zero Gerland - Lyon (69)
27/10/2010


Review rédigée par Pedro


C’est au Grrrnd Zero Gerland, à Lyon, qu’a eu lieu la grand messe en ce froid Mercredi d’Octobre. Le lieu tient plus du squat que de la salle de concert "tout confort", mais du coup cela correspond fort bien aux styles de musiques auxquels nous avons été confronté ce soir. Malgré une affluence plutôt faible (70/80 personnes à vue de nez), la soirée s’annonce plutôt belle.

Les hostilités commencent avec HEIRS, nous venant d’Australie, rajoutés quelques jours auparavant à l’affiche. Le set commence sur une longue intro, répétitive et hypnotisante, ce qui semble être la marque de fabrique du groupe. Sur fond de pornographie rétro, sataniste et zoophile, diffusée en arrière de la scène, HEIRS pose l’ambiance. Enfin, ambiance est un bien grand mot. Il s’agit plutôt d’une lente descente dans les abysses. Le son de basse est énorme, trop peut-être. Le groupe jouant devant la scène, la proximité avec les amplis poussés à 11 provoque dans le public des descentes d’organes à chaque accord. À croire qu’il n’existe pas de limitation de décibels au pays des Kangourous. De ce fait, on ressent la musique plus qu’on ne l’écoute, et cela devient très éprouvant pour le corps. Malheureusement, ou heureusement, le groupe n’est pas repris par la sono (ce qui ne sera pas le cas des groupes suivants), et la batterie a du mal à se faire entendre. Malgré cela, on peut percevoir de nombreuses qualités dans le doom / post-hardcore industriel pratiqué par HEIRS, comme cette faculté à plonger les auditeurs dans une sorte de transe de laquelle ils ne ressortiront qu’une fois le dernier larsen terminé. Il y aura d’ailleurs très peu d’applaudissements entre les morceaux, ce qui ne veut pas dire que le public n’aura pas apprécié la performance des australiens. À revoir à un volume sonore plus raisonnable.

C’est ensuite les Lyonnais de CARNE qui ont la difficile mission de réjouir nos cages à miel. Le groupe se présente sous la forme d’un duo guitare / batterie, et malgré cela n’a pas de mal à donner une étonnante épaisseur au son. Cela est sans doute dû au fait que le guitariste/hurleur utilise à la fois un ampli guitare et un ampli basse (tous deux de la mythique marque Sunn))), pour les connaisseurs). Il arrive ainsi à donner l’impression d’être accompagné par un bassiste, ce qui nécessite une technique de jeu assez particulière. Toutefois, on ne peut s’empêcher de penser que la présence d’un vrai bassiste serait un plus pour le groupe, car le résultat est parfois assez brouillon. Les parties de chant mériteraient elles aussi un peu plus d’application. Mais le style pratiqué par les Gones est trop rare dans nos contrées pour que nous boudions notre plaisir. Noise, sludge, stoner, ou parfois simplement rock, le groupe surfe sur les genres, et il semble connaître ses classiques. Avec un line-up un peu plus complet, nul doute que la sauce prendrait mieux, mais il est à parier que CARNE aime l’originalité du duo.

Après une pause bières bien méritée par le public, il est l’heure d’accueillir les Valentinois de GENEVA. Après un EP à tendance post-hardcore fort prometteur, le groupe vient ce soir défendre sur scène son premier album, "Sail On Suds", sorti il y quelques mois sur le label Marseillais Trendkill Recordings. GENEVA a logiquement évolué vers un noise rock / metal à la Unsane, même si quelques touches post-core sont toujours présentes ici et là. Les morceaux de l’album passent le cap de la scène haut la main, notamment l’épique ouverture "And Dust My Sugar From The Fold", et le public massé devant la scène semble apprécier. Il faut dire que GENEVA commence à avoir de la bouteille, et l’interprétation est sans failles… Enfin, presque. Le bassiste prenant visiblement beaucoup de plaisir à martyriser son instrument doit changer une corde cassée en cours de set. Mais cela n’arrête pas les Drômois qui reprennent de plus belle. Le son est très bon, et l’énergie déployée par le groupe fait plaisir à voir. Deux morceaux inédits seront interprétés ce soir, et ils ne laissent présager que du bon quant au futur album du groupe. GENEVA est une valeur montante de la scène underground Française, et mérite grandement l’attention de tout amateur de musique où la grâce côtoie la lourdeur. Vivement le prochain concert !

La soirée se termine en beauté et en violence avec les Suisses de KNUT (qui se présentent en tant que Genève, venant de Knut. Clin d’œil sympathique au groupe précédant). Les fers de lance de la scène hardcore / post-hardcore suisse ne vont pas y aller par quatre chemins, et c’est de façon très brutal que leur prestation va commencer. Mieux vaut ne pas être épileptique, car ça joue vite, très vite. Les plans saccadés succèdent aux envolées techniques et complexes, le tout dans un souci d’efficacité omniprésent. Servi par un son très honnête, KNUT fait la part belle aux albums "Challenger" et "Wonder", dernier bébé hyper-actif en date. Malgré cette tendance psychopathe à noyer l’auditoire sous un déluge de notes, les Genèvois savent aussi ralentir le rythme, et cela devient paradoxalement encore plus meurtrier. Quelle lourdeur, quelle puissance ! Ils prennent un malin plaisir à freiner et accélérer les tempos, et le public en redemande. Dans cette frénésie parfois inquiétante, il est important de noter la performance des musiciens, batteur en tête. Le bonhomme ne paye pas de mine lorsqu’on l’aperçoit hors scène, mais une fois derrière son kit, il se transforme en un Mister Hyde impressionnant de souplesse. Qu’on se le dise, cet homme est fait de caoutchouc. Victime de ce déchaînement de violence, la peau de résonance de la grosse caisse ne finira pas le concert. Les autres zicos ne sont bien sûr pas en reste. Le bassiste nous gratifiera de quelques poses Über Metal et autres grimaces de fou furieux qui raviront les possesseurs d’appareils photos. Les deux guitaristes sont un peu plus discrets mais n’en assurent pas moins le boulot comme des chefs. Le chanteur quant à lui se mettra volontairement en retrait pendant une bonne partie du concert, assurant samples bizarroïdes et vocalises schizophrènes du côté de la scène. Lorsqu’il revient sur le devant, c’est pour mieux abattre l’enfer sur le public. Et c’est diablement efficace. C’est dans une lourdeur extrême que KNUT nous dit au revoir, et nos sphincters s’en souviennent encore.

Ce fut une excellent soirée au Grrrnd Zero Gerland, et les absents ont une nouvelle fois eu tord. Les Lyonnais amateurs de violence qualitative et de bizarreries underground feraient bien de se pencher sérieusement sur la programmation de cette salle, car rares sont les assos qui se bougent autant les fesses pour faire vivre les bas-fonds de leur cité.