La review

SHRINEBUILDER + SOFY MAJOR
Epicerie Moderne - Feyzin (69)
22/11/2010


Review rédigée par Pedro


Feyzin, ville de la banlieue Lyonnaise, célèbre pour sa raffinerie de pétrole, n’est pas le genre de lieu où l’on souhaiterait passer ses vacances. Mais cette bourgade a néanmoins le mérite de posséder l’une des meilleures salles de concerts du territoire français : l’Epicerie Moderne. D’une capacité moyenne, ce temple musical bénéficie d’une acoustique extraordinaire et d’un accueil exemplaire. C’est toujours une joie de s’y rendre, et malgré la météo exécrable, le concert de ce soir ne déroge pas à la règle. Bien sûr, un concert le lundi soir dans une salle loin du centre ville de Lyon, ça n’attire pas les foules, mais l’affluence est tout de même respectable étant donné les conditions.

C’est aux Clermontois de SOFY MAJOR que revient l’honneur de débuter la soirée. Je connaissais assez peu ce groupe avant aujourd’hui, et autant vous le dire tout de suite, j’ai pris une énorme claque. Le trio pratique un mélange stoner/noise, avec quelques relents post-hardcore, extrêmement puissant et efficace. Ici, point de fioritures, le but est de mettre les auditeurs à genoux. Prenez Mastodon, enlevez lui tous ses artifices et roulements de batterie pompeux, ajoutez lui quelques figures rythmiques à la Tool, et recouvrez le tout d’une bonne grosse louche d’Unsane, et même si cela est très réducteur vous pourrez vous faire une petite idée du molosse enragé qu’est SOFY MAJOR. Le son est énorme : la grosse caisse et la basse me donnent l’impression de me faire gentiment molester par Mike Tyson en personne, et la guitare parvient admirablement à percer le mix. Le batteur semble véritablement prendre son pied, et ses mimiques font plaisir à voir, ce qui ne l’empêche pas d’insuffler beaucoup de puissance dans ses frappes sans perdre en précision. Le guitariste et le bassiste / chanteur semblent plus concentrés sur leur instrument mais l’intensité qu’ils mettent dans leur jeu transpire par tous les pores de leur peau. Les morceaux, dont la plupart sont extrait de leur premier véritable album prévu pour la fin du mois de Novembre, s’enchaînent rapidement. Ce qui est admirable, c’est que la musique de SOFY MAJOR n’est jamais lassante. Chaque compos à sa particularité, et le tout reste parfaitement cohérent. Après une quarantaine de minutes d’une intensité rare, le groupe nous quitte, et nous retournons au bar, l’arrière train endolori, comme si nous avions passer une nuit dans la cellule d’un dangereux prisonnier qui n’aurait pas eu de rapports sexuels pendant des années. Sauf que là, on a le sourire aux lèvres.

C’est ensuite au tour du "all star band" SHRINEBUILDER d’investir la scène. Le CV des musiciens qui composent le groupe est tout simplement impressionnant : Scott Kelly (Neurosis), Wino Weinrich (Saint Vitus), Al Cisneros (Sleep / Om) et Dale Crover (Melvins) sont réunis afin de perpétuer l’esprit du doom à l’ancienne. Avec un tel line up, on pourrait craindre de se retrouver face à un projet sans queue ni tête, sclérosé par les fortes personnalités artistiques qui le composent. Pourtant il n’en est rien. Nous retrouvons bien sûr l’univers de chacun, mais la musique de SHRINEBUILDER reste tout à fait cohérente, car il y a lien qui unit tous ces musiciens : le culte de Black Sabbath. Comment ne pas penser aux pères du heavy metal en écoutant ce doom traditionnel fortement teinté de touches psychédéliques. Ce n’est certes pas très original, mais dieu que c’est bon. Les morceaux joués ce soir sont pour la plupart issus de l’unique album du combo (nous aurons tout de même droit à quelques inédits), et prennent une autre dimension grâce à quelques jams dans le plus pur esprit seventies. Scott Kelly, qui au passage est de plus en plus boiteux et hirsute, est effrayant de charisme.

Ce chant écorché et monstrueux évoque les grands espaces Américains, mais ceux-ci auraient été dévastés par une catastrophe plus ou moins naturelle. Le charisme, Wino n’en manque pas non plus. Un mot résume le bonhomme : classe. Son jeu de guitare est très simple mais gorgé de feeling, et sa voix si atypique colle parfaitement à la musique. Cisneros quant à lui est plus mystérieux. Imaginez un croisement entre le professeur Rogue de Harry Potter et Quasimodo, et vous pourrez vous faire une idée du personnage. Souvent dos au public, il se retourne pour placer quelques lignes de chant presque incantatoires, en fixant ses yeux écarquillés au loin. Je ne pourrai pas vous dire grand chose du batteur - car il était caché derrière un énorme tom basse - si ce n’est que sa frappe est lourde et qu’il ne manque pas de groove, ce qui convient particulièrement bien à la musique de SHRINEBUILDER. Evidemment, le son est excellent et chaque musicien parvient à se faire entendre sans difficultés. Américains oblige, le quatuor dépasse régulièrement la limite de décibels autorisée par les lois Françaises (ou Européennes, je ne sais pas trop), fixée à 105 dB. Paradoxalement, le tout est très précis mais transpire la crasse, ce qui est tout de même la moindre des choses vu le style pratiqué. Merci le fuzz ! Bien sûr, on sent que le groupe ne se réunit pas très souvent et on peut entendre quelques pains ici et là, mais la puissance et la lourdeur dégagées par les américains laissent pantois. Le concert s’achève sur l’énormissime et très Neurosisien morceau d’ouverture de l’album, "Solar Benediction" (sans doute LE "tube" doom de ces dix dernières années), qui achève un public conquis.

C’est une bien belle soirée que nous ont offert SHRINEBUILDER et SOFY MAJOR. Rarement je suis reparti d’un concert avec cette étrange impression que la vie est belle (paradoxal quand on connaît la musique plutôt sombre de ces groupes). Là dernière fois que ça m’est arrivé, c’était déjà après une concert à l’Epicerie Moderne… Bizarre, non ?