SÓLSTAFIR + MYRKUR + ÁRSTÍÐIR
L'Alhambra - Paris
20/11/17
Review rédigée par Matthieu
C’est dès la sortie du bureau que commence pour moi cette aventure nordique. Traversant
Paris, je m’imagine déjà voguer sur les rythmes planants et chiadés de SÓLSTAFIR et tournant
grâce aux rythmes torturés de MYRKUR après avoir découvert ÁRSTÍÐIR. En effet, sur les trois
groupes qui composent cette affiche aux origines nordiques, la tête d’affiche m’avait fait
regarder de plus près cet évènement, alors que le deuxième groupe m’avait convaincu de
venir. C’est donc avec une oreille neuve que je profiterai du premier groupe, non sans avoir
bataillé pour avoir récupéré mon précieux sésame (peut-être qu’un jour les listes seront à
jour…!). Mais en attendant, c’est pendant une heure entière que nous avons la joie de
profiter du bord de la scène sans un seul petit poil de réseau dans cette superbe salle de
théâtre.
Mais notre patience sera récompensée par l’arrivée des trois musiciens qui composent
ÁRSTÍÐIR, un trio indie / classique qui nous vient tout droit d’Islande. Alors que tous se placent
devant un micro, Gunnar Már Jakobsson et Daniel Auðunsson tiennent également une
guitare, tandis que Ragnar Ólafsson s’installera derrière son clavier. Ils commencent alors
à jouer des rythmes calmes et plutôt lents, accompagnés de quelques effets et samples. Le
groupe nous avouera un peu plus tard être en effectif réduit pour certains titres, et que cette
tournée est une sorte de test. Le public observe, rentrant de plus en plus dans la salle, attiré
par ces rythmes surprenants pour une telle soirée. De timides applaudissements servent de
clôture à chaque titre, et même si le groupe semble réellement investi dans sa musique, une
certaine lassitude s’installe. A moins que ce ne soit une sorte de transe contemplative pour
certains. Les musiciens nous indiquent jouer d’anciens titres, ainsi que des inédits, mais que
ce soit la barrière de la langue ou la méconnaissance des paroles, ils seront seuls à chanter.
Côté lumières, ils sont en permanence recouverts d’un halo de lumière qui rend toute
tentative d’observation assez difficile. Lorsque le groupe nous annonce son dernier
morceau, le concert prend un autre aspect. Plus puissant, plus prenant. Les musiciens nous
intègrent de force à leur univers avec une composition à la rythmique plus marquée et
imposante. Seul ce dernier morceau m’a convaincu, d’ailleurs. Ils quittent la scène, heureux
d’avoir joué devant un nouveau public et sous une nuée d’applaudissements.
Arrive alors un groupe que tout le monde attendait, après que la scène ait été débarrassée
puis réinstallée. Les techniciens nous installent le fameux pied de micro taillé dans du bois
orné de la rune symbolique de MYRKUR. Alors que le batteur, qui semble masqué (puisqu’on
ne le verra jamais “grâce” au rideau de lumière qui sévit pendant le set), s’installe derrière
son kit, deux musiciens encapuchonnés débarquent pour prendre place de chaque côté de
la scène, alors qu’Amalie Brunn (chant / guitare) arrive lentement. Selon mes informations et
après vérification, ce sont Martin Haumann (batterie), Jeppe “Panzer” Skouv (basse) et
Andreas Lynge (guitare) qui entourent la demoiselle. Le show commence alors sur des
rythmiques atmosphériques et un “chant” qui ressemble plus à des bruits d’oiseaux. Moi qui
attendait du black metal, je comprends pourquoi les amateurs du genre dénigrent le groupe.
La basse est très peu audible sous les riffs lents de la guitare, les cymbales sont un peu
surmixées… Alors que le show s’éternise, dès la fin du troisième titre le ton change
soudainement. Amalie prend alors sa guitare (une sublime BC Rich Warlock finition bois) et
un black metal plus sauvage envahit alors la pièce. Les musiciens se réveillent également,
et ses deux acolytes s’avancent de plus en plus vers le public sous la double pédale au son
beaucoup plus audible qu’auparavant. Amalie n’est plus le seul centre d’attention, et le jeu
de scène est parfaitement interprété. La jeune femme semble sortir de derrière l’arbre
central, pousse un hurlement, puis revient chanter alors que la lumière masque toujours
l’arrière scène. Le show a pris vie, et passe malheureusement beaucoup plus vite, au
rythme des hochements de tête du public, alors qu’Amalie utilise son tambour pour ajouter
des sonorités plus chamaniques, et c’est seule avec son instrument qu’elle nous interprétera
le dernier morceau de son set.
Setlist : "Mareridt", "The Serpent", "Ulvinde", "Onde Børn", "Jeg Er Guden, I Er Tjenerne", "Måneblôt",
"Elleskudt", "Skøgen Skulle Dø", "Skaði", "De Tre Piker".
Le peu de décoration est enlevé, et les Islandais viennent en personne tester leurs
instruments. Hallgrímur Jón Hallgrímsson (batterie) et Ragnar Ólafsson (claviers / chant)
dans un premier temps, puis Svavar Austman (basse), Aðalbjörn Tryggvason
(chant / guitare) et enfin Sæþór Maríus Sæþórsson (guitare). Les musiciens repartent en
coulisses et ressortent une fois les setlists accrochées au sol. Le rituel peut commencer.
Pourquoi rituel ? Car la musique du groupe est tellement axée sur les ambiances, que c’est
une transe générale qui s’empare de l’assemblée et qui ne sera interrompue que par les
quelques moments de “jam” du groupe, les blagues d’Aðalbjörn et pour certains l’alcool.
Enfin je crois, parce qu’il faut vraiment être débile pour gueuler comme ça pendant une intro
aussi belle, mais passons… Les Islandais, chacun avec leur style bien particulier, joueront
avec une virtuosité remarquable. Aðalbjörn se postera au plus près du public dès qu’il le
peut pour jouer, Sæþór, son chapeau toujours vissé sur la tête se concentrera sur son jeu,
alors que Svavar fera bougera ses couettes en permanence, même pendant de longues
parties de tapping, alors que Ragnar headbanguera comme un déchaîné, sous le regard
calme d’Hallgrímur. Côté lumière, ça s’améliore ! En plus des tons clairs, très appréciables
pour les photographes, des ampoules sont disséminées un peu partout sur scène, et elles
s'éclairent sur certains passages pour donner une ambiance intimiste. Aðalbjörn, en vrai
maître de cérémonie, fera participer tout le public. Que ce soit en demandant une ola au
balcon à la fin du troisième titre, puis il lâchera sa guitare afin de poser sa main sur la tête
d’une spectatrice aux anges pendant tout un couplet. Le public, totalement absorbé par la
musique, continuera de chanter alors que "Hula" est terminée, ce qui poussera le groupe à
relancer une dernière fois la rythmique. Toutes sortes d’outils seront utilisés pour parvenir au
son aussi parfait qu’ils nous distillent, du bottleneck à l’archet électronique. Le show se
termine après qu’Aðalbjörn ait emprunté le fameux “scream for me Paris” à Bruce Dickinson
(qu’il transformera finalement en “1, 2, 3, 4 !”, beaucoup plus rapide) et fait un tour dans la
fosse tout en chantant pour prendre quelques spectateurs dans ses bras en les remerciant
d’être venus. Après une longue salve d’applaudissements, quelques chanceux du premier
rang repartiront avec un médiator aux couleurs du groupe.
Setlist : "Silfur-Refur", "Ótta", "Lágnætti", "Ísafold", "Köld", "Fjara", "Hula", "Bláfjall", "Goddess Of The
Ages".
Les sonorités ambiantes des trois groupes ont séduit ce soir. Que ce soit difficilement avec
ÁRSTÍÐIR, progressivement avec MYRKUR ou instantanément avec SÓLSTAFIR, je n’ai entendu
personne se plaindre de ne pas avoir aimé le concert. Seul bémol ? Les lumières sur les
deux premiers groupes, mais les ambiances correspondaient alors ce n’est qu’à moitié que
je me plaindrais. Les Islandais nous ont promis de revenir pour jouer d’autres morceaux, et à
quel point ils reviennent souvent dans nos salles, c’est certain que le prochain show ne se
fera pas attendre ! Une soirée merveilleuse, dont on a du mal à se remettre.