Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

A.c.o.D est une formation bien de chez nous qui nous vient de Marseille, ville connue surtout pour sa Canebière légendaire et son cultissime Pastaga. Le gang pratique un metal extrême des plus pointus fortement influencé par un death metal sombre mélodique, gavé d'orchestrations. Il faut dire que le combo a déjà derrière lui un long parcours qui a débuté en 2006. Douze ans durant lesquels nos Marseillais ont sorti trois albums et deux EPs sans jamais défaillir et bien décidé à s'imposer comme un des nouveaux leaders de la scène française . Il faut reconnaitre qu'avec "The Divine Triumph", nos amis ont placé la barre très haut. Pour cela, ils n'ont pas hésité à faire appel à des pointures comme Shawter (Dagoba) pour la production, un ami de longue date qui sévit à leur côté depuis le tout début, ou encore Linus Corneliusson pour le mixage, assisté Jens Bogrenau pour le mastering. Ajouter à cela du talent, de la créativité et une signature chez Jive Epic / Sony Music et vous avez le cocktail magique pour la réalisation d'un grand album. Pourtant, la tâche n'a pas été facile et le groupe a dû faire face au départ soudain de ses deux guitaristes Chris et JB en pleine période de composition ! Un séisme auquel a dû faire face A.c.o.D qui s'est tout à coup retrouvé en trio. Heureusement, l'arrivée de Matthieu Asselberghs leur à permis de faire face et de terminer l'écriture et l'enregistrement de l'opus. Avec "The Divine Triumph", A.c.o.D s'attaque à un objectif ambitieux : développer sur trois albums un concept qui vous invite à voyager dans un monde de chimères inspiré par l'œuvre de Dante. Un voyage initiatique qui vous permettra de découvrir au terme de ce triptyque cauchemardesque la véritable signification du nom A.c.o.D ! Ajouter à ça deux clips magnifiques, "Road To Nowhere" et "Broken Eyes" captés par Igor Omodei, et vous serez envoûtés par ce conte noir qui vous invite à une chute abyssale au cœur de la mélancolie et de l'enfer. Devant une telle œuvre, French Metal se devait d'en savoir un peu plus sur la genèse de cette trilogie emprunt d'une profonde tristesse. Il n'en fallait pas plus pour que French Metal soumette à la question Jérôme, le sympathique bassiste et guitariste de la formation pour en savoir un peu plus sur la naissance d'un tel concept. Un entretien placé sous le signe de l'accent marseillais. Magnéto Jérôme, c'est à toi !

Quel souvenir gardes-tu de votre passage au Motocultor en 2017 et au Hellfest Cult en 2016 dernier à Paris ?

Jérôme (basse / guitare) : Le souvenir que j'en ai, c'est que l'on a eu l'opportunité d'avoir beaucoup de support pour pouvoir jouer dans ces festivals. C'est grâce à des contests que l'on a pu participer à ces évènements car on est arrivé finaliste. On a donc eu un réel support du public et ça nous a motivé de savoir qu'il y avait des gens qui nous suivait. Après, partager des scènes comme celles-là, forcément c'est énorme. Lorsque tu te retrouves sur la Mainstage du Motocultor à 18h c'est un rêve. C'est ce que l'on apprécie, des grosses scènes et des gens qui te soutiennent. J'en garde un très bon souvenir, il y avait une très bonne organisation, c'était le top. Le contest est vraiment un outil promotionnel intéressant pour les petits combos. C'est important que les grands festivals aient envie de promouvoir des petits groupes nationaux et leur permettent de jouer sur la même scène que les grosses têtes d'affiche. C'était bien pensé car ils ne nous ont pas fait jouer tôt le matin. Ils nous ont donné notre chance et je trouve cette démarche excellente.

Vous avez aussi tenté votre chance pour jouer dans le cadre du Festival Des Nuits Carré à Antibes ?
Oui, on a été sélectionnés pour participer au concours. On a fait la première manche mais on n'a pas pu se qualifier pour la suivante.

Vous avez récemment déclaré que "The Divine Triumph" était la concrétisation de plusieurs années de travail ?
Oui, on prépare cet opus depuis plusieurs années. On a sorti un EP juste avant "Inner Light" en 2016, ce qui nous a permis de démarcher et de trouver un label. Il y a plusieurs mois qui se sont écoulés pour que tout se concrétise au moment de la signature. De notre côté, on a continué à composer pour cet album. Au bout d'un moment, on s'est posé beaucoup de questions. on était très influencés par des formations comme Empero, Cradle Of Filth ou Dimmu Borgir. On avait en commun toutes ces références, c'est de là qu'est née l'idée de créer un album concept. On a travaillé plusieurs années dessus car on est revenu sur des anciens titres que l'on avait écrit. On voulait instituer un lien entre tous les morceaux qui soient liés au concept. On ne voulait par faire un album compilation comme on faisait avant lorsque l'on enregistrait tous les titres du passé. On voulait une liaison entre chaque chanson pour développer une histoire ou chaque morceau soit connecté avec l'autre. L'histoire est basé sur un voyage à travers un univers abyssale. Un homme est victime d'une mort cérébrale et c'est sa vision que l'on décrit. C'est un voyage métaphorique. Lorsque tu regardes le livret de l'opus tu vois ce dragon qui l'attire, c'est métaphorique vu par le prisme du monde réel. Tout le monde a ses chimères et peut sombrer dans la maladie en fonction de ses problèmes. C'est ce que l'on peut ressentir au sens large, on est face à un univers fantastique qui est lié au monde réel.

A travers cet univers, vous développez le thème de la fragilité de l'être humain face à la vie ?
Oui, c'est exactement ça. Face à la vie, on a aussi ses propres chimères, ça peut être la religion, l'alcool, la drogue. C'est assez grave mais c'est la réalité de la vie. On ne sait pas si la personne est réellement morte car on est au début d'une trilogie. C'est un concept assez large. On ne parle pas spécialement de religion, on ne veut pas s'enfermer dans une quelconque idéologie. On veut que ce soit ouvert et que tout le monde puisse s'y retrouver.

Qui a écrit le concept ?
C'est Fred qui se charge de la majorité des textes. Ensuite, on en parle entre nous et on valide ou pas. On s'était mis d'accord sur la répartition des rôles à la base lorsque l'on a choisi de développer un concept. Notre idée était de ne pas aborder des thèmes qui n'auraient aucun lien entre eux. On voulait avoir une idée commune et profonde. Fred a écrit ses textes par rapport au nombre de titres que l'on avait écrit. On en a sélectionné dix, on ne pouvait pas en mettre plus. Pour nous, c'était le nombre idéal. Fred est très fort lorsqu'il s'agit d'écrire des textes c'était donc évident qu'il allait se charger de l'écriture du concept.

Vous pensez déjà à l'album suivant ?
Oui, on a commencé à travailler sur la partie musicale car c'est important. L'histoire est là. Lorsque les titres seront composés et structurés, Fred pourra travailler sur les textes en rapport avec ce que l'on va lui proposer musicalement.



Vous travaillez depuis le début avec Shawter (Dagoba), comment l'avez-vous rencontré ?
Pierre (Shawter) est un ami du groupe depuis très longtemps. Au tout début, on le côtoyait régulièrement lorsque l'on avait des moments de libre. Il a une très grosse connaissance au niveau de la production, c'est lui qui fait tout dans Dagoba. Il a voulu développer cette créativité à travers la production et les enregistrements. Au début, il nous donnait essentiellement des conseils de production. Par la suite, on a enregistré deux EPs et un album avec lui. C'est la quatrième fois que nous travaillons ensemble. Au commencement, il nous guidait au niveau des structures et par la suite on a pris notre envol. Pour "The Divine Triumph", on avait tout préparé avant l'enregistrement. On est arrivés au studio avec des pré-productions, on a au fil du temps appris à enregistrer nous-mêmes nos morceaux. On avait tout terminé au niveau musical et structures des titres. On a appelé un ami à nous, Richard Fixhead, qui officie dans une formation indus, Tantrum, pour se charger des orchestrations. Cela nous a permis d'arriver chez Pierre avec l'album quasiment terminé. C'était notre objectif. Avant on n'avait pas la possibilité de s'enregistrer ce qui fait que souvent on avait pas assez de recul et on a commis des erreurs. Cette fois-ci, cela n'a pas été le cas. On a pu reprendre au propre tous les titres avec lui.

Qu'attendiez-vous de lui cette fois-ci ?
On en a beaucoup discuté. Il s'est chargé des guitares, de la basse et du chant. La batterie a été enregistré par l'ingé son de Dagoba, au studio Puls'Production. Puis on a aussi donné des directives à Linus Corneliusson et Jens Brogens qui se sont chargés du mixage et du mastering. On a fait des propositions de mix en ce qui concerne la basse, les guitares et même pour la batterie. On avait une idée précise de ce que l'on voulait au niveau du son. On a travaillé d'une manière très différente de ce que l'on faisait avant. On mettait les guitares en avant, là on voulait quelque chose de plus organique avec plus de basse. On a épuré les guitares et on a travaillé aussi sur la batterie. Tout ça a donné un côté plus agressif aux morceaux. Ensuite, on a tout envoyé à Linus. Au début, ils nous a renvoyé les titres avec les guitares en avant, il trouvait cela bien mais ce n'est pas ce que l'on voulait. Nous, on voulait la basse en avant et les guitares plus en retrait pour obtenir ce son plus organique et agressif. On cherchait à se démarquer des productions modernes où tout est basé sur les guitares et la batterie. On ne voulait pas de cette influence-là.

Vous avez travaillé avec Richard Fixhead pour les orchestrations et Matthieu Asselberghs s'est chargé d'une partie des guitares ?
Oui, Richard c'est quelqu'un que notre batteur connaissait. On lui a proposé de travailler avec nous. Il s'est chargé des nappes de synthé que l'on entend sur les morceaux. Quand à Matt, c'est un ami de très longue date qui est venu nous dépanner lorsque l'on a eu un changement de line-up juste avant de rentrer en studio, nous étions encore en pleine écriture des morceaux. Les deux guitaristes sont partis car cela n'allait plus du tout, ils n'étaient pas en phase avec ce que l'on voulait, on avait des divergences musicales. Ca ne sonnait pas comme un travail de guitariste professionnel. Matt est un excellent guitariste, il avance. Il faut laisser la place aux gens qui sont vraiment... Moi, je suis bassiste à la base et je compose. Mais je ne joue pas de la guitare comme un vrai professionnel.

JB et Chris ont donc quitté subitement A.c.o.D !
JB est un guitariste qui ne faisait pas l'affaire. Il ne composait pas, il ne faisait pas grand-chose. Ca ne collait plus. Il y avait des petits problèmes qui s'accumulaient et qui traînaient depuis longtemps. Chris n'était pas dans le death metal, il avait envie de jouer autre chose, il est parti de lui-même. Il n'était plus du tout sur la même longueur d'ondes, sur ce qui nous motivait, sur le jeu de guitare.

Ces départs vous ont surpris, vous avez annulé des concerts à Fréjus, à Miramas ?
Oui, on a été avec lui jusqu'au bout de l'album parce qu'il était sur les contrats et puis c'est compliqué de se séparer de musiciens qui t'accompagnent, ce n'est pas évident. Ca faisait longtemps qu'on jouait ensemble et on n'avait pas prévu ces départs. Notre idée, c'était de finir l'enregistrement puis de faire un bilan, de discuter et de mettre les choses à plat. Mais du jour au lendemain, ils nous ont annoncé qu'ils partaient. On a donc appelé Matt qui était super content car c'est un ami de longue date. Il était motivé, il a appris les titres en une semaine et s'est chargé d'enregistrer les parties de guitare en studio. Il a fait les enregistrements guitare très rapidement, c'est un super professionnel et un ami. Ce n'était pas compliqué.

Pourquoi avoir choisi "Road To Nowhere" comme premier single ?
Parce que c'est un titre hyper important pour nous, il est différent de ce que l'on a pu faire auparavant. Avant, on jouait vite et fort, "Road To Nowhere" est un morceau plus ambiant, il a un côté rock par certains aspects.

Comment ont été élaborés les deux clips, "Road To Nowhere" et "Broken Eyes" ?
Nous avons effectué une recherche et nous avons trouvé Igor Omodei qui a travaillé avec Dagoba. On lui a présenté le concept et on lui a demandé ce qu'il était possible de faire. On avait prévu dès le départ de tourner deux clips. Il a tout de suite été très emballé et il a eu d'emblée une très bonne vision de la réalisation artistique. Il est très professionnel. C'est nous qui avons eu l'idée du scénario. Igor, lui, a pensé à mettre certaines choses en valeur et a su créer par sa façon de filmer un certain état d'esprit. Pour le reste, on a travaillé ensemble car on voulait ajouter beaucoup de symbolisme lié au concept. Il y a un côté noir de beau et de lumineux que l'on peut voir aussi sur la pochette. Elle a été créée par Paolo Girardi, un peintre italien. Il a créé cette peinture qui est magnifique et qui représente bien l'esprit du concept. Il a su mélanger un côté noir et sublime qui est en rapport avec l'ambiance de l'album. On a voulu donner beaucoup de sens à travers nos clips que ce soit par rapport aux paysages comme les calanques de Marseille. C'est la falaise la plus haute d'Europe. C'est un endroit très beau et en même temps il y a beaucoup de suicides. Il y a énormément de gens qui se jettent des hauteurs de ces falaises. Tu as cette beauté et en même temps la mort. On a aussi tourné des plans dans une ancienne fontaine druidique. Là encore, il y a eu des sacrifices il y a très longtemps. On a aussi tourné des scènes au Temple de Diane, au lac du Salagou. On a voulu tourner dans des lieux qui sont chargés d'histoire. Pour nous, il était très important de choisir des lieux hautement symboliques et chargés d'histoire païenne. Igor a réussi à capter tout cela, il a fait un très bon travail, on est très satisfaits du résultat. Ce sont des clips qui sont chargés de significations et c'était notre but.



Vous avez tourné les deux clips en même temps ?
Non, pas du tout. Il y a deux mois d'intervalle entre les deux tournages. On a commencé par le premier pour "Road To Nowhere" et on s'est focalisés dessus. Puis, il est sorti et seulement ensuite on a commencé à travailler sur "Broken Eyes".

Avez-vous beaucoup réfléchi avant de choisir les titres qui seraient clippés  ?
Oui. Dès le début lors de la signature du contrat on a immédiatement parlé de clip. On y avait réfléchi en amont. "Broken Eyes", c'est la suite logique de "Road To Nowhere". Les deux clips sont liés. Il y a des personnages que tu retrouvent dans les deux vidéos.

Comment une formation de death metal se retrouve à signer avec une major comme Sony ?
Contrairement à ce que les gens pensent, il y a des gens chez Sony qui écoutent les albums. Le directeur est très friand de metal extrême, il a une grande connaissance du metal et une très grande culture musicale. C'est notre manageuse qui a rencontré les dirigeant de Sony lors des Cults du Hellfest. On l'a rencontré et au départ à l'écoute de nos morceaux du troisième opus ils nous a donné des conseils. On les a suivis et on a enregistré l'EP. Il a été intéressé pour nous signer. On s'est donc rencontrés pour parler du nouvel album, quel en était le thème. On lui a ensuite envoyé des titres que l'on avait enregistrés en pré-production. Il a été séduit. Il a une théorie : en France en général les formations de metal évoluent dans un style bien précis, ça peut être du death metal, du black metal, du hardcore ou autre. Nous, on était un peu au milieu de tout ça et il a trouvé que ça c'était rare. C'est compliqué pour nous car les gens ont besoin de mettre des étiquettes. Il a été séduit par ce que nous représentions au niveau de l'identité et du concept. Il nous a fait confiance, on a signé avec lui un contrat artiste. Pour nous, cela a été un grand moment.

Qu'est ce que cela a changé pour vous concrètement  ?
J'ai énormément d'appréhension, je viens de donner une dizaine d'interviews en journée promo, c'est la première fois que cela m'arrive, je n'aurais jamais imaginé cela... C'est un rêve de gosse qui se réalise clairement. Demain, on participe à une émission de télévision en directe. Ce sont des rêves de gamins qui se réalisent. J'ai énormément d'appréhension. Est-ce que cela ne va pas servir à rien ? Est ce que cela va apporté quelque chose ? Est ce que l'opus va plaire ? Mais il y a aussi énormément de plaisir, c'est notre bébé à nous cinq que l'on porte depuis dix-huit mois. C'est l'aboutissement de quelque chose, on va enfin pouvoir montrer à tout le monde ce que l'on a fait pendant tous ces mois écoulés. C'est très très important.

Est-ce que vous allez faire une release party pour célébrer l'évènement ?
Il y a beaucoup de potes qui se sont ouvertes. Il y en avait tellement qu'on s'est retrouvé à travaillé avec Replica et Roger Weissier qui sont en termes de promotion certainement les meilleurs. On a eu de la promotion, un budget, on a fait des photos avec un très bon photographe qui a su capter lui aussi ce que l'on voulait, on a eu un artiste peintre pour travailler sur la pochette. Pour le mixage et le mastering, on a pu travailler dans des studios énormes avec des gens talentueux qui on su réponde à nos attentes. On va travailler avec Cap Production, une agence de booking de concerts. Tout se passe très bien pour nous.

Ressentez-vous de la pression après une signature aussi prestigieuse ?
Non car on part de zéro. On a tout à prouver et personne à décevoir. On va vers l'avant. Cela faisait des années que l'on pratiquait le metal en amateur et maintenant on commence à avoir des supports derrière nous. Pour nous, c'est l'effet inverse, on est sur une bonne dynamique et on fonce.

Pourquoi ne voulez-vous jamais donner la signification de votre nom  ? 
Parce qu'il représente quelque chose d'important pour nous. on veut que ce soit l'auditeur lui-même qui le découvre à travers les indices que l'on sème dans nos albums. Il sera révélé à la fin de la trilogie, mais on ne veut pas donner d'explication pour l'instant.

Merci beaucoup, Jérôme.
Merci à toi et à bientôt.


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