Interview faite par Braindead à Paris.

Les géants du brutal death étaient présents dans la capitale en ce 24 Février pour leur concert annuel ; un rituel salué par des fans, plus nombreux chaque année. L’occasion pour French Metal de faire le point avec Paul Mazurkiewicz, batteur compositeur et figure de proue du combo de Buffalo, au côté d’Alex Webster. Rencontre sans langue de bois avec un personnage comme on n'en fait plus, idéaliste, optimiste et plus passionné que jamais par son art.

Vingt-cinq années de carrière, sans break ! Comment expliquez-vous votre succès, votre longévité tout en ayant gardé votre intégrité, l’âme de vos débuts ?

Paul Mazurkiewicz (batterie) : Exactement, nous tournons depuis vingt ans et sans coupure. On prend du temps pour écrire, enregistrer ou faire des tournées, et malgré le fait que le groupe ait subit quelques changements de line-up, nous avons su évoluer constamment durant toutes ces années. Nous sommes restés fidèles à cette façon de procéder, de composer nos textes ; une façon de faire, un modèle propre à CANNIBAL CORPSE depuis nos débuts et qui perdurera.

Avec Suffocation, vous êtes considérés comme les précurseurs du brutal death ; selon vous, quel album vous a apporté une reconnaissance internationale sur la scène metal ? Peut-être "Tomb Of Mutilated" ?
Lorsque nous regardons en arrière et analysons notre carrière, nous avons enregistré "Eaten Back To Life" sans réelle ambition de l’associer à une tournée promotionnelle ; bien sûr nous avons fait quelques shows aux Etats-Unis, dans des états voisins au nôtre. Mais il y a eu un buzz énorme suite à cet album ; ça nous a ouvert les portes du marché international et donné l’opportunité de venir en Europe et tout ce qui en découle. Ca a été en quelque sorte, la naissance du groupe ; notre popularité a continué à croître rapidement, les ventes d’albums ont décolle ; tout s’est fait très rapidement après "Eaten Back To Life".

Vous êtes avec Alex, les deux seuls membres originels du groupe, mais également l’esprit de Cannibal Corpse. Après des changements de line-up, pouvez-vous dire que les nouveaux membres ont amené de leurs personnalités dans les compos du groupe ? Peut-être une évolution du processus créatif entre la période Chris Barnes et l’intégration de George ?
Nous pouvons dire en effet, qu’il y a deux périodes "Cannibal Corpse", notamment avec le changement de frontman ; lorsque nous analysons les premiers albums avec Chris barnes et les plus récents avec George, nous constatons une progression, des changements, surtout concernant le style vocal. Avec l’arrivée de George, nous nous sommes concentrés en premier lieu sur les vocaux car sa voix était nettement plus performante mais rien n’a vraiment changé depuis nos débuts, concernant notre mode de fonctionnement ou sur un plan purement musical. Vu que George ne compose pas, j’ai pris le relais, ainsi que d’autres membres du groupes d’ailleurs. CorpseGrinder apporte l’intensité que nous voulions ; notre guitariste est techniquement le meilleur du groupe ; il est énorme, car issu d’une école classique, il peut tout jouer. Il y a eu une réelle et importante progression musicale par rapport à nos débuts. L’esprit de CANNIBAL CORPSE a changé, ce qui nous a aidés à devenir de plus en plus populaires.

Vous avez récemment déclaré dans une interview, que vos derniers albums étaient meilleurs, vos compos plus intéressantes. N’est ce pas trop compliqué, de trouver de nouvelles idées à chaque album après vingt-cinq ans de carrière ? Avez-vous déjà été blasés, fatigués au point de vouloir arrêter ?
Non, si ça avait été le cas, nous ne serions plus là ; quand on a commencé, notre rêve est de suite devenu réalité ; tu sais, CANNIBAL CORPSE est notre vie et nous sommes encore là après vingt albums ; vingt ans après nos débuts, la créativité et les idées n’ont jamais été aussi bonnes ; si ça n’avait pas été le cas, nous n’aurions pas réalisé autant d’albums, de bons albums. (rires) En fait, nous n’avons jamais réellement eu de problèmes de créativité, heureusement pour nous, je pense que nous avons toujours été au top. Certes nous avons changé de musiciens, de chanteur, mais nous avons amélioré nos compétences ; nous avons la chance d’être là et d’avoir une carrière incroyable ; nous avons su apprécié les opportunités qui s’offraient à nous…

Le design visuel a toujours été une marque de fabrique du groupe, la personnalisation de vos compos. Travaillez-vous toujours avec le même artiste ? Ou comment choisissez-vous vos collaborateurs ?
Oui, nous travaillons depuis nos débuts avec Vince Locke qui vient du Michigan ; nous avons beaucoup de chance de l’avoir et de travailler de manière pérenne avec lui. Lorsqu’on a enregistré notre premier album, nous avions des décisions à prendre ; nous ne pouvions pas enregistrer où nous les voulions, aller où nous le souhaitions; Vince a su faire face à la nature du groupe ; nous avons travaillé en totale conjonction avec lui ; nous allions le voir sans aucune idée préalable, juste avec le titre de l’album et nous lui demandions son avis. D’autres fois, nous le rencontrions avec de nombreuses pistes qu’il devait synthétiser. Nous avons travaillé ensemble et croyons en sa vision qui reflète bien l’esprit "Cannibal Corpse".

Depuis longtemps, certains artistes issus de la scène metal éprouvent un intérêt certain pour le cinéma, Rob Zombie, Marilyn Manson, M. Lordi, SIN… Avez-vous déjà avec les autres membres du groupe, été attiré par d’autres disciplines artistiques ?
Non pas vraiment. Je pense que chacun s’intéressé à différents aspects ou formes d’art. Mais je ne pense pas qu’un membre ait eu une envie sérieuse d’explorer une autre forme d’art. Vous savez, nous nous consacrons entièrement à la musique.



En vingt-cinq ans, quels principaux changements avez-vous observés et surtout comment vous êtes-vous adaptés aux différentes évolutions technologiques, moyens de communication et crises de l’industrie musicale ?
Oui, nous devons en permanence nous adapter et donner le meilleurs de nous-mêmes. Les technologies ont réellement évolué à tous les niveaux ; la communication, savoir rester en contact avec d’autres groupes, la façon d’enregistrer, de composer, transmettre nos idées à travers nos projets. Mais nous nous sommes adaptés comme n’importe qui ; nous n’avions pas le choix si nous ne voulions pas rester sur le bord de la route. C’est juste le cours naturel des choses, c’est génial d’avoir autant de technologies à notre disposition pour communiquer avec nos fans, composer, écrire et se faire connaître en dehors du monde du metal. Nous avons su tirer profit de ces avancées.

Que pensez-vous de la scène metal actuelle ; j’ai observé nombre de formations death metal ressemblant beaucoup à Cannibal Corpse et j’ai l’impression qu’avec les nouvelles technologies justement, beaucoup de jeunes formations créént un son semblable sans réelle identité pour se démarquer…
Mais c’est génial mec ; tout semble être différent et les musiques extrêmes sont beaucoup plus populaires qu’avant ; il y a tellement de genres différents ; aujourd’hui, lorsqu’on écoute un nouveau groupe, on se dit : "Ah ! Je n’ai jamais entendu ce groupe et c’est vraiment intense !" ; quand on voit le nombre de disques qu’ils vendent, de tournées réalisées, on se dit que c’est génial, car trente ans en arrière, ça n’aurait pas été la même. Le public se serait demandé ce que représentait ces groupes et n’aurait pas forcement compris leur démarche. La musique est en train de changer et quelques jeunes groupes arrivent à se faire comprendre et apprécier, supporter par des fans. C’est génial pour tous ceux qui viendront après, tout ce qui va suivre… le genre va continuer à croître, se développer et devenir encore plus populaire.

Cannibal Corpse est l’archétype du groupe live ; n’est ce pas trop dure de rentrer en studio ou ressentez vous les sessions d’enregistrement comme un break salutaire entre les différentes tournées ?
Tu sais, nous sommes assez routiniers (sourire), nous enregistrons tous les ans. Pour moi ça devient plus facile qu’avant même si je n’aime pas être en studio, je suis maintenant plus préparé à y entrer. Le live est moins stressant, plus excitant car nous jouons devant nos fans. Nous enregistrons en temps et en heures. Il y a des moments pour ça car être en studio est plus stressant, comme dans un bocal, tenu par le temps et l’argent ; je n’aime pas cette sensation même si je gère de mieux en mieux.

Pouvez-vous expliquer pourquoi vos concerts sont si épurés, absence d’intro, jeux de lights sans artifice avec seulement un backdrop classique ?
Oui c’est vrai, mais nous sommes juste des musiciens et nous ne ressentons pas le besoin d’avoir une introduction ou des jeux de lumière. J’aime que le groupe aille à l’essentiel, jouer notre musique ; nous ne sommes là que pour ça et n’avons pas besoin d’artifices pour la compléter ; ça sera probablement notre ligne directrice jusqu'à la fin de notre carrière. C’est certainement ce que l’on fera jusqu’à la fin de notre carrière. Juste de la musique et c’est tout !

Vous avez une très longue carrière et récemment, des problèmes de santé (Ndlr : Paul s’est blessé au dos lors d’un échauffement d’avant concert, blessure récurrente dans le death, un style physiquement dur à jouer). Votre son reste très moderne et le succès est au rendez-vous ; combien de temps pensez-vous continuer ?
Ah je ne sais pas mec. Je ne peux pas te dire, nous vivons au jour le jour. On ne s’est jamais arrêté en vingt-cinq ans donc qui peut savoir ? Nous serons peut-être encore là dans vingt-cinq ans mais personne ne peut être sûr de ce qui va arriver sur le plan médical ; difficile à dire, donc nous continuons au jour le jour et nous verrons bien où cela nous mène. Nous n’avons pas de limite ni même planifié quoi que ce soit en termes de carrière.

Une réponse à l’image d’un groupe qui aura su faire face sans trop se poser de questions ni se renier ; des éternels adolescents, aux yeux brillants, à la verve communicative. En Off, Paul évoquera l’ambiance des concerts en France, toujours un peu "à part", l’intensité des shows parisiens qu’ils préfèrent aux grands festivals comme le Hellfest, des évènements leur permettant de côtoyer leurs idoles certes mais n’autorisant pas cette proximité avec les fans, si chère à Cannibal Corpse.


Le site officiel : www.cannibalcorpse.net