Interview faite par mail par Cassie

Peux-tu rapidement te présenter ?
Anthony Dubois, photographe. Je travaille pour des groupes de metal, des marques d'alcool (Armée Rouge !). C'est une bonne façon de gagner sa vie, je trouve.

Quel a été ton parcours professionnel ?
Eh bien assez simple en fait. Je faisais des études d'informatique et en parallèle j'étais stagiaire chez Nuclear Blast. Quand j'ai acheté mon premier appareil photo, c'est donc assez simplement que j'ai pu avoir accès à pas mal de gros concerts. Au bout d'un moment, ça me soulait de faire des sites Internet, alors je me suis lancé directement dans la photographie. Quand on a un loyer et des factures à payer, il faut être rentable. C'est au pied du mur qu'on se découvre le plus de possibilités. Et puis maintenant ça tourne bien, j'ai déjà pas mal voyagé grâce à cela, je m'y retrouve à tout point du vue !

En quoi consiste ton métier ?
Mon métier actuel consiste à faire des photos promo de groupes, surtout. Je fais de moins en moins de concerts, c'est bien dommage d'ailleurs. Mais il est évident que l'on ne peut pas facturer un concert autant qu'un shoot promo, l'utilité n'est pas la même pour chaque groupe. Même si je vais faire une tournée avec Meshuggah, heureusement que des groupes comme celui-ci voient encore un intérêt à avoir de belles photos live, j'espère que cela en sensibilisera d'autres. Mais le quotidien c'est aussi de rechercher pour essayer d'avancer, car c'est rare que des groupes comme As I Lay Dying me contactent comme ça : "Salut, tu fais quoi samedi ? Tu viens faire nos photos ?". Bien sûr, ça arrive mais ce n'est pas vraiment cela la réalité quotidienne. Par exemple, 2 groupes de Montréal m'ont demandé de venir faire leurs photos promo, j'achète un billet d'avion et derrière je cherche d'autres groupes, beaucoup d'autres groupes, et c'est assez éclatant à faire. Mais c'est long et il faut aussi être un bon commercial (ce qui n'est pas mon point fort) pour arriver à vraiment faire un voyage qui sera financièrement intéressant et éclatant en même temps (rires). Pour le côté Armée Rouge, une vodka Française, c'est assez marrant à faire car cela a un côté publicitaire ; trouver un bon concept qui sera bien percutant visuellement. J'avais fait Vigier d'ailleurs dans le même concept, mais j'ai juste fait une série de photos pour Vigier car là c'est plus poussé et suivi.

Pour en revenir sur ta formation initiale, tu rêvais déjà secrètement de devenir photographe ? Par ailleurs, n'ayant pas suivi une formation en photographie, as-tu appris seul, sur le terrain ?
Oui c'est un peu ça. Dès que j'ai eu mon premier appareil que j'ai acheté avec mon premier salaire (un Canon 400D) j'ai trouvé que c'était génial et en concert aussi. D'habitude je voyais les concerts de loin ou alors il fallait que j'arrive en avance pour être tout devant. Là j'arrivais, j'avais un Pass qui ne me coûtait rien et j'étais tout devant à 10cm du groupe. D'emblée, cela met une ambiance qui donne envie d'en faire plus. Puis le temps passe et c'est toujours aussi excellent de se retrouver dans une salle de concert. Pour la formation, oui complètement sur le terrain, j'ai toujours utilisé mon appareil entièrement en manuel sans flash et finalement je pense que c'est vraiment plus rapide d'apprendre ainsi car en automatique tu n'apprends pas grand chose. A une époque, je faisais 2 à 3 concerts par semaine dans des salles comme l'Elysée Montmartre ou le Trabendo, j'ai vu pire comme conditions pour apprendre (rires). Et bien sûr avec Internet on peut apprendre tout ce que l'on veut. Moi je demandais juste de bien comprendre les différents paramètres de l'appareil, ouverture, temps d'expo, iso et les quelques autres subtilités qui font la différence. Google m'a bien aidé pour cela !

A la base, souhaitais-tu surtout te spécialiser dans la photographie musicale, ou peu importe tant que tu photographiais ?
A la base, c'était uniquement la musique parce qu'il n'y a que ça qui m'intéressait et qu'il n'y avait que dans ça que j'étais doué. C'est toujours là-dedans que j'ai le meilleur feeling de toute façon.



Quels sont les aspects positifs et ceux plus contraignants dans ton métier ?
L'aspect positif est clairement de faire ce que je veux de ma vie et d'aimer mon travail. Egalement le fait que je travaille avec les groupes que j'écoute toute la journée. Parfois c'est assez marrant et surréaliste à la fois et j'ai l'impression que les possibilités sont infinies, souvent quand je me donne la peine d'essayer de travailler avec un groupe que j'adore, ça marche. C'est assez magique ! Mais il ne suffit pas d'aimer la musique, je pense que je suis quelqu'un d'assez spécial, c'est-à-dire que j'ai besoin que les mecs avec qui je travaille soient dans le même esprit que moi, sinon ça ne m'intéresse pas bien longtemps. Il n'y a pas que la musique et l'argent qui comptent. Le côté contraignant c'est tout de même de ne jamais savoir 2 mois à l'avance ce que l'on fait, sauf quelques exceptions, donc jamais savoir combien on gagnera, mais ce n'est jamais réellement problématique.

As-tu un bon souvenir à nous faire partager ou bien une petite anecdote ?
Pour faire actuel, on va parler de 2012, j'hésite entre Sybreed et Meshuggah... Bon allez, Meshuggah (rires). Donc les mecs m'ont fait venir à Stockholm pour les photos du nouvel album "Koloss" et ne connaissant pas du tout la ville, c'est eux qui ont choisi le lieu pour le shoot. Au final, ils avaient loué un restaurant à l'architecture sympa mais un peu trop classe ou cosy pour un groupe comme eux. On est resté toute la journée là-dedans à chercher comment utiliser l'endroit au mieux. Cela a demandé pas mal d'efforts et d'imagination pour y parvenir. D'habitude, ça se passe assez simplement avec les photos de groupes mais là c'était compliqué à souhait ! Il faisait -15°C dehors donc pas trop le choix, bien que la semaine d'après j'ai fait les photos du groupe T.A.N.K dehors par -12°C. Et pour la petite histoire, on s'était pris avec Meshuggah des bouteilles d'alcool tchèque, Becherovka. Personne ne connaissait, ni eux ni moi. Au final c'était vraiment une mixture horrible, il n'y a d'ailleurs que le bassiste qui en a bu. De toute façon, à chaque fois que j'achète de l'alcool tchèque je me plante, c'est toujours infecte, mais je finirai par en trouver un qui vaut le coup !

Principalement, pour quels groupes travailles-tu ? Et pour qui rêverais-tu de travailler ?
Meshuggah, Dagoba, Mnemic, Decapitated, Enslaved, Watain, The Arrs, Banane Metalik, Benighted, Before The Dawn, Kruger, Sybreed, Viza, No Return, Eryn Non Dae, Betraying The Martyrs, T.A.N.K, As They Burn, Kells, Loudblast, Zuul Fx, Otargos... Je n'arrive pas à condenser plus que cela, ce sont ceux que j'aime le plus et pardon pour ceux que j'ai oubliés, cela ne veut pas dire que je ne vous aime pas. Et ceux pour qui je rêverais de travailler, Slayer, je suis sur le coup depuis 2 ans mais je finirai par les avoir ! Rob Zombie j'ai bien failli et c'est pareil je finirai par l'avoir ! Sinon aussi Envy, Devin Townsend, AC/DC, American Head Charge, Andrew WK.

D'une manière générale, dans quelle circonstance cela se fait-il ? Est-ce le groupe qui te contacte ou bien toi qui lui proposes tes services ?
Pour Slayer et Rob Zombie, je crois que je ne vais pas compter sur le fait qu'ils me contactent d'eux-mêmes car c'est le genre d'artistes où il faut savoir s'imposer dans un premier temps et ensuite ce sont eux qui te rappellent. Séduire un groupe c'est comme séduire une femme ! (rires). Mais c'est variable, c'est souvent un peu des deux. Rares sont ceux qui me contactent sans d'abord me connaître. Le problème dans la photographie, c'est que lorsque tu vois une photo, tu ne sais pas dans quelles circonstances elle a été prise, combien de temps ça a mis, est-ce ce que le groupe voulait, est-ce moi qui les ai dirigé ou non. C'est important tout ça. Et quand on me rencontre et que je parle un peu avec de la façon de travailler, ou juste en buvant des bières lors d'une soirée, on comprend pas mal de choses je pense et ça met en confiance. Clairement, les gens ne m'appellent pas uniquement à cause de l'esthétique de mes photos, mais ils savent que je saurai les diriger et trouver un concept qui colle à leur musique. La photo c'est aussi de la direction artistique, même s'il ne faut pas imposer un choix que le groupe ne ferait pas naturellement.

Est-ce toi qui leur imposes tes idées ou bien est-ce eux qui te font des propositions, notamment au moment des shoots ?
Je n'impose jamais rien. Je suggère très fortement. Mais de préférence, il vaut mieux que les idées viennent d'eux, ça donne un effet plus naturel sur les photos.



Qu'est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ? Le recommanderais-tu ?
C'est de vivre de ma passion. Si la photo passionne vraiment quelqu'un, alors oui je lui recommanderai d'en faire son métier. Mais il ne faut pas oublier tous les trucs qui vont avec et qui passionnent peut-être moins, à savoir être commercial et sociable par exemple (rires). Il ne faut surtout pas faire ce métier pour juste histoire de faire du rock'n'roll, cela ne suffit pas !

Dans ce cas, quels conseils donnerais-tu à tous ceux qui désirent faire ce job ?
Très bonne question, je ne sais pas du tout. Aujourd'hui si je devais tout reprendre à zéro, je ne saurai pas par où commencer.. J'imagine en faisant d'abord les photos des groupes de potes et leurs concerts puis plus tard essayer de monter au niveau supérieur.

Le métier de photographe te suffit-il à bien gagner ta vie ou dois-tu le compléter en parallèle avec un autre ?
Non, ça va. Ca suffit à bien gagner ma vie mais il est certain que je ne m'achèterai pas un hummer non plus !

Tu étais chanteur dans le groupe Beyond The Dust. Arrivais-tu à concilier photo / musique ?
Justement c'est devenu difficile à un moment donné. Si tu prévois de faire des photos d'une vingtaine de groupes dans un pays étranger et qu'au dernier moment tu apprends que tu as une tournée avec ton groupe, ça coince. Ce n'est pas vraiment cela qui s'est produit mais dans cet ordre d'idées.

Est-ce que le fait d'être photographe, et donc en contact direct avec la musique, t'a influencé à devenir musicien, ou inversement ?
C'est plutôt le fait d'être musicien, qui m'a influencé à devenir photographe. Mais l'un entraîne l'autre, c'est sûr.

As-tu des projets concrets concernant la musique ? La photographie ? Et désirerais-tu t'essayer dans un autre milieu que celui de la musique, en tant que photographe ?
Non pas de projet concret concernant la musique. Et pour la photo, rien de très précis non plus, si ce n'est continuer sur cette lancée. Et pour les autres milieux, oui j'aime beaucoup travailler avec les marques, mettre en avant des produits, un peu de pub quoi ! D'ailleurs bientôt vous verrez une photo pour Cubase !

Quelque chose à rajouter et/ou un mot pour conclure ?
"Quand la musique est passée, éteignez les lumières" Jim Morrison


Le site officiel : www.anthonydubois.fr