Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris.

Daniel Ekeroth est quelqu'un que l'on pourrait aisément comparer à un couteau suisse. Journaliste, écrivain, musicien, et autres, on ne peut pas dire que le monsieur manque de titres à son palmarès. Très cultivé, on sent l'expérience filtrer à travers chacune de ses réponses. Le tout est exprimé avec aisance et une fluidité assez désarçonnantes. Bref, pour tous ceux qui veulent en connaître plus sur la Suède, Daniel est l'homme de la situation !

J'ai pu constater en lisant le press book que tu avais un diplôme en "Sciences de films". Quel sujet d'études avais-tu choisi à l'époque ?

Daniel Ekeroth : Mince... Je ne m'en rappelle même plus... (rires). Je sais que c'était dans plutôt des trucs extrêmes. Mais le premier "article libre" que j'ai écrit c'était à propos du nécromantisme et le second c'était sur le milieu de Dracula. Mon dernier article en revanche, le plus gros, parlait des films italiens sur le cannibalisme. J'avais fait un truc de 100 pages, c'était hyper long ! (rires) Y'avait vraiment beaucoup de mots, tout le reste de la classe était là "Oh mon dieu il est fou !" (rires). C'était il y a vingt ans, et à ce moment-là j'aimais bien les sujets extrêmes comme ça. Donc j'ai essayé d'écrire sur ce qu'il y avait de plus extrême possible !

J'imagine que tu as dû voir un nombre impressionnant d'adaptations du roman de Dracula du coup...
Ah ça, c'est une certitude. J'ai du en voir peut-être... 50 ? Mais il y en a beaucoup trop pour que je puisse toutes les voir de toute façon ! Mais la plupart ne suivent pas vraiment le roman au final. Pour être honnête mes films préférés viennent pour la majorité des années 70. C'est ma décennie favorite quand il s'agit de films.

Ceux des années 60 sont pas mal aussi. Je ne sais pas si tu as vu "The Mask Of the Red Death", de Roger Corman, adapté du roman de Poe. Mais l'ambiance devrait te plaire je pense.
Je jetterai un œil ! J'aime aussi les années 60 en termes de période. Tout bouge si lentement dans ces films... Aujourd'hui tout va beaucoup trop vite dans les films ! Plein de choses se passent en même temps. C'est vraiment une atmosphère différente. Personnellement j'aime regarder un bon film avec une bouteille de vin rouge, c'est relaxant je trouve. Chaque fois quand je reviens du travail, je mets un film comme ça et je me détends (rires).



Selon toi est-ce que les films, l'écriture et la musique sont liés, dans un sens ?
Pour beaucoup de gens c'est le cas. Je connais pas mal de gens du milieu metal qui produisent des films par exemple. Un de mes meilleurs amis, qui est le guitariste d'At The Gates, je l'ai déjà vu dans quelques films. La plupart des gens du milieu jouent dans des films d'horreur. Je pense qu'il y a vraiment une grosse connexion pour ma part.

Comment tu as fait pour rassembler tous ces éléments lorsque tu as commencé à écrire ton livre "Swedish Death Metal" ?
Arf... (rires) C'était super dur. J'ai voulu écrire ce livre car entre les années 1988 et 1991 la scène était encore très peu développée. Aucun des groupes n'avait sorti d'album, ce n'étaient que des démos. Très peu de gens appréciaient le trash ou le death puisque c'était encore très jeune. Je n'avais pas de caméra donc j'avais vraiment très peur de perdre mes souvenirs ! J'avais peur d'oublier comment c'était (rires). Et puis, quand j'ai commencé à interviewer des gens sur cette époque, ils m'ont tous dit "Oh j'étais trop jeune, je ne me rappelle pas !" (rires). Et en effet, ils n'étaient que des ados à ce moment-là. Y'avait qu'une seule personne ayant un appareil photo, donc lui il a pu avoir quelques prises mais à part lui... Personne n'était équipé ! Du coup, très compliqué de trouver des photos mais aussi de faire se souvenir aux personnes interrogées certains épisodes de leur vie qu'ils ont vécu des années auparavant. J'ai collecté pas mal d'infos sur des fanzines aussi. J'en ai lu beaucoup, histoire de ne pas retranscrire de fausses informations. Quelques amis ont aussi récolté toutes les démos de l'époque, ça m'a pris deux ans pour tout écouter ! Donc comme tu peux le constater... Ca prend un certain temps... (rires) Mais bon, vu qu'il y a pas mal de collectionneurs, on a quand même pu retracer et retrouver ce dont nous avions besoin. Maintenant on peut trouver tout ça sur internet la plupart du temps, mais quand j'ai commencé à écrire le livre ce n'était pas le cas. Aujourd'hui ce serait vraiment plus simple. Enfin c'était quand même fun à faire ! Tu retrouves et découvres certains groupes dont tu n'avais jamais entendu parler avant alors qu'ils étaient géniaux ! Bon par contre je l'ai fait une fois, mais je ne le referai jamais  ! (rires)

Aucun projet similaire auquel on pourrait s'attendre du coup ?
Dans ma tête, si. Mais c'est compliqué, pour beaucoup de raisons... J'ai voulu faire un livre sur Bathory mais je n'ai pas pu. J'ai quelques autres idées... Ce que je peux dire c'est que ce sera sur la musique en Suède, parce que c'est un sujet que je connais mais bon... On verra ! (rires) Je ferai bien un livre à propos du "speed metal" en Allemagne, mais quelqu'un là-bas doit le faire et s'y connaître bien mieux que moi sûrement.

Le death metal et le black metal sont les principales scènes suédoises de ton point de vue ?
Je dirais que maintenant c'est combiné en quelque sorte mais... Il y a aussi le heavy metal. Le plus gros groupe actuellement doit être Ghost je pense. Des groupes comme In Flames ont tourné vraiment différemment en plus. Mais en Suède ce qui compte le plus n'est pas nécessairement ce que la musique est, c'est plus la philosophie du groupe qui importe. Un de mes groupes préférés de death metal doit sûrement être Tribulation. Même si désormais ils ont pris un autre tournant également en intégrant plus d'effets progressifs dans leur musique. Mais dans le bon sens en revanche ! Parce que je n'ai jamais aimé des groupes comme Opeth par exemple, mais Tribulation ça reste top même comme ça. Ils font quelque chose d'assez unique. J'espère qu'ils gagneront à être plus connus qu'ils ne le sont déjà.



Selon les rumeurs, il y a deux salles deux ambiances en suède pour la musique. Il y aurait une scène provenant de Göteborg et l'autre de Stockholm. Est-ce vrai ?
Oui, jadis. Le son de Stockholm est l'originel pour moi. Mais At The Gates et Dissection sont arrivés et je pense qu'ils ont réussi à faire mieux que ce que l'on proposait à la base. Ce style est beaucoup plus mélodique qu'il ne l'était de prime abord, c'est pourquoi il l'emporte à l'heure actuelle. Le son originel n'existe quasiment plus désormais. A mon sens celui d'avant était le vrai son du death metal suédois. Même si At The Gates sont excellents. J'aime le son des vieux albums de death metal car c'est glauque et ambiant. Ils utilisent des petits studios qui n'ont pas la technologie requise pour les faire sonner super clean. C'est pourquoi j'adore les démos aussi. Mais pour en revenir à At The Gates, je pense que dans leur branche, ils sont les meilleurs au monde. Et en plus ils sont super sympa (rires).

Tu es journaliste, écrivain, musicien... Reste-t-il quelque chose que tu souhaites faire ou te sens-tu déjà épanoui ?
Hm... Quand j'étais jeune je voulais réaliser des films. Mais c'est bien trop de travail et bien trop cher. D'un autre côté je pense que je suis déjà assez heureux, car la plupart des choses que j'ai voulu faire je les ai faites. Peut-être pas à grande échelle mais j'ai voulu tourner en Amérique, c'est fait, en Australie, fait aussi, et écrire un livre, tout pareil. Donc... Après j'aurai quand même aimé faire plus, car j'étais jour un job « normal » à côté et des fois je me dis que j'aimerai bien arrêter de travailler là-dedans. Le souci c'est qu'on ne peut pas dire que l'économie se porte bien donc je n'ai pas vraiment le choix. Pour l'instant j'ai juste hâte de jouer en live avec Iron Lamb et de faire évoluer mes autres projets dans les groupes auxquels j'appartiens. Et j'ai un projet de livre pour l'été. Bon et j'ai aussi acheté une maison que j'ai besoin de payer donc je dois veiller à ça aussi j'imagine (rires) ! Mais tu sais, plus tu vieillis plus tu t'aperçois que la vie est courte, de plus en plus courte, donc tu te rends compte que tu n'as pas le temps de tout faire. Il y a toujours des choses à faire de toute façon, donc je ne suis pas encore prêt de ralentir la cadence  ! (rires)