Interview faite par mail par Angie

David Potvin du DOME STUDIO
Yann Klimezyk de MON STUDIO

Tout d'abord, j'imagine que l'on ne devient pas producteur en un seul jour ! Pourriez-vous nous raconter brièvement votre parcours avant d'en arriver à monter vos propres studios ? Des débuts en tant que musicien ou autre peut-être ?
David : Je joue dans les groupes Lyzanxia, One-Way Mirror et Phaze I. Ça fait à peu près 10 ans que Lyzanxia existe et j’ai toujours trouvé du plaisir à enregistrer les démos du groupe. Ma première véritable production a été le premier album de Phaze I en 2005. J’avais ce projet depuis très longtemps et je voulais le suivre de A à Z. L’ingénieur son live de Lyzanxia m’a énormément aidé à réunir du matériel de prêt et de location pour pouvoir réaliser cet album. Il m’a aussi beaucoup conseillé sur les différents sons, comment les obtenir et comment les mixer. Nous avons d’ailleurs mixé cet album ensemble. J’avais en fait un peu d‘expérience dans la production car les albums de Lyzanxia ont toujours été produits en collaboration avec Fredrik Nordström (In Flames, Dimmu Borgir, Arch Enemy…). Mais je n’ai aucune formation d’ingénieur ou de technicien, je me suis toujours fié à mes oreilles et à mon ressentis. Mon frère Franck qui joue aussi dans les groupes Lyzanxia, Phaze I et OWM, a également toujours participé aux productions. En 2007 nous avons décidé de partager et faire profiter de notre expérience et donc d’ouvrir le Dome Studio à d’autres groupes.
Yann : En effet, il y a eu plusieurs étapes. J'ai donc commencé en tant que musicien principalement guitariste du groupe Nanceien Mypollux. Ce groupe dans lequel je suis très investi a eu la chance d'enregistrer jusqu'à présent 3 albums. L'experience de notre premier album enregistré au Loko Studio (quand il n'etait encore qu'un home studio à l'époque) m'a permis de réaliser qu'on pouvait tout à fait faire du travail de prod honorable avec relativement peu de materiel. J'ai pu investir quelques milliers d'euros pour acheter une console, quelques micros, une machine qui tourne et une carte son. Ensuite, formation sur le tas, quelques conseils à droite à gauche, quelques ratés, mais beaucoup de plaisir et beaucoup de rencontres sympathiques. Après quelques annés de travail à domicile, je me suis installé à Nancy dans de plus grands locaux avec beaucoup plus de possibilités logistiques.

Les groupes que vous enregistrez sont évidemment constitués pour la plupart de métalleux assoiffés de gros son ! Mais y a-t-il d'autres styles musicaux sur lesquels vous avez été amenés à travailler ?
David : C’est vrai que 80% des groupes qui passent au studio sont des groupes de metal. Ce qui est cool pour nous car c’est vraiment notre spécialité. Il y a aussi quelques groupes de rock (Sexypop) ou pop rock (Nedz) qui passent car ils veulent un son plus personnel que les groupes que tu peux entendre sur les radios Françaises. J’ai également travaillé sur la production du chant d’un groupe de hip hop et c’était hyper intéressant. J’ai aussi enregistré un guitariste classique arraché au rouge, mais cette expérience a été assez redoutable et j’espère qu’il ne rappellera jamais ! Hahaha !
Yann : Bien sûr j'aime sortir du metal et comparses pour mieux y revenir ! Je n'ai surtout jamais refusé de projet, et beaucoup relevé de défis tout aussi interessants les uns que les autres. En vrac, j'ai pu travailler avec Adissabeba, groupe de chanson Française de Metz, Flying Orkestar (fanfare de cuivres), David Obeltz (ex-Scapin), Daniel Peroine, Paul D'Amour... j'ai donc pu toucher à la musique plus acoustique à plusieurs reprises, ce qui est une autre approche du travail d'ingé son.

Quand on parle de studio et de production, le thème de l'argent est certes inévitable ! Niveau investissement dans la structure et le matériel, c'est pas un peu flippant au début ?! Sans vouloir rentrer dans des détails personnels, pourriez-vous nous expliquer comment se déroule la recherche financière pour un tel projet ?
David : Nous avons eu la chance de remporter un concours défi jeune, ce qui nous a permis d’acheter un peu de matériel. Nous avons ensuite investi au fur et à mesure. Je ne suis pas un fanatique du matériel audio pro. Pour moi ça me sert juste à obtenir le résultat recherché. Donc nous essayons de garder le matériel un maximum de temps et de ne surtout pas entrer dans le vice qui pousse à acheter tout et n’importe quoi. Sinon tu te retrouves vite avec du matos qui te sert à caler des meubles, haha ! Bien évidemment, dés qu’une superbe occasion se présente nous investissons s’il s’agit de matériel qui servira souvent.
Yann : Et bien j'arrive encore à me prouver chaque jour que ce n'est pas le matos qui fait le son... Certes il a son importance, mais la qualité de l'instrument, de son reglage / accordage, la frappe du batteur, la compo, les arrangements, le bon choix des micros constituent la plus grande partie du résultat final. Je n'ai donc jamais dépensé des sommes astronomiques dans du materiel de studio. L'investissement financier pour l'ouverture du studio à Nancy a été assez faible, la plupart était de simples économies et une autre partie a été financée par un défi-jeune. J'avoue j'ai eu de la chance, certains ont beaucoup de travaux à faire et plusieurs dizaines (ou centaines) de milliers d'euros à investir...  


(David du DOME STUDIO)

Permettre à des groupes plus ou moins professionnels de pouvoir enregistrer leur album à des prix abordables et ainsi se faire connaître de la scène Française est tout de même formidable ! Avez-vous eu des remerciements de certains qui ont réussi à gravir les échelons ?
David : Pour l’instant tous les groupes qui ressortent du Dome Studio sont contents de la production et son heureux de ne pas avoir dépensé leurs économies de 10 ans. Quand les groupes commencent à tourner ça fait toujours plaisir de se dire que tu les as aidés pour ça, d’une certaine manière. On garde très souvent contact avec les groupes et si on peut en plus leur filer des plans pour tourner on n’hésite pas. C'est également le cas pour les groupes qui trouvent une distribution. Certains nous demandent des conseils, et ça fait toujours plaisir d’aider un peu plus.
Yann : Et bien je suis justement en plein dans l'enregistrement du deuxième album de Tess. Je me suis pas mal investi dans leur projet depuis quelques années, et ils me le rendent bien! Ils sont très prometteurs et je suis fier d'eux ! A suivre! C'est un exemple parmi d'autres ! Je les remercie tous !  

Avant de pouvoir commencer à enregistrer dans vos studios, les groupes doivent-ils respecter certaines conditions (présentation d'une maquette par exemple) ?
David : Disons que c’est mieux quand les groupes savent jouer un minimum ou quand ils n’essaient pas de jouer des choses qu’ils ne maîtrisent pas encore. Je demande toujours à écouter un enregistrement de répète, comme ça je peux estimer le temps de travail suivant le niveau des groupes, leur musique et les arrangements. La plus grosse condition reste le niveau de distorsion des guitares, hahaha ! Nous sommes spécialisés metal et rock. Quand par exemple un groupe de dub ou variété qui est allergique à la saturation nous contacte, nous les renvoyons sur d’autres studios qui aiment ce genre de musique.
Yann : Pas spécialement, il est vrai que j'aime me sentir impliqué dans mes prods et donc je demande toujours à avoir le plus de son possible avant l'enregistrement. Cela permet d'anticiper et de réfléchir à une ligne directrice lors des prises de son. J'aime aussi rencontrer les personnes pour discuter de leurs attentes envers moi. Certains se reposent totalement sur moi et me laissent agir à ma guise, et d'autres ont des projets beaucoup plus précis et savent plus ce qu'ils veulent à l'avance. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. Mais jusqu'à présent je n'ai jamais refusé personne.

Le métier de producteur doit demander beaucoup d'investissement personnel, mais touchez-vous à d'autres secteurs dans le milieu de la musique ou est-ce déjà bien suffisant ?
David : Entre le studio et mes 3 groupes Lyzanxia, One-Way Mirror et Phaze I, je n’ai pas vraiment le temps de faire autre chose. Je dois t’avouer en fait que nous venons de terminer l’enregistrement du dernier album de Lyzanxia, que nous avions commencé en Janvier 2009. Nous avons eu pas mal d’albums et d'EP à produire depuis le début de l’année (Coldsigth, Leituss, Arcania, Kilo, A Subtle Understatement…), et ça nous a pris beaucoup de temps. Maintenant nous allons pouvoir consacrer quelques semaines à mixer Lyzanxia, enregistrer un nouvel album de Phaze I et composer pour One-Way Mirror.
Yann : Et bien je suis guitariste du groupe Mypollux et j'aimerais monter un groupe dans lequel je serais batteur... à côté de ça, je n'ai absolument pas le temps pour autre chose ! Il faut faire tourner la baraque ! J'ai de la chance d'avoir du travail, donc j'en profite ! Je me donne au maximum !

Avec un marché musical en crise et l'explosion des home-studios, ça ne doit pas être facile tous les jours. Qu'est ce qui fait que dans un tel contexte, les groupes soient en confiance et choisissent d'enregister dans vos studios ?
David : Je pense que les groupes ne viennent pas seulement pour le son, mais aussi pour la production en elle-même. C’est-à-dire les arrangements, le jeu, la mise en place et les nouvelles idées. Quand les groupes enregistrent nous portons 100% de notre attention sur le jeu, la mise en place et l’interprétation. C’est ce qui fait une énorme partie du son. Nous apportons de nouvelles idées et nous avons du recul par rapport à la musique des groupes. Quand nous avons mixé l’album de Phaze I, heureusement que l’ingénieur live de Lyzanxia était avec moi. À la fin, je n’avais plus de recul et je ne savais plus ce qui était bien ou pas. Quand tu as la chance de travailler avec des personnes qui ont de l’expérience et qui n’hésitent pas à te conseiller pour enrichir ta musique c’est toujours un plus pour une démo, un EP ou un album.
Yann : Mode modestie : OFF / Et bien en tant que musicien je ne choisis pas les studios en fonction de leur matos mais plutôt en fonction de la personne qui y travaille, j'ose donc espérer que les gens viennent pour mon travail et non pas pour mon matos... Il y a aussi en effet une explosion du home studio mais les compétences et les possibilités des home studistes restent limitées la plupart du temps. Il faut aussi passer tout son temps à se faire la main... Et donc ne pas avoir de travail autre que le son pour avoir le temps de développer et étudier différentes techniques. Je suis aussi très exigeant sur l'exécution des parties instrumentales et vocales, ce qui est bienvenu pour des projets metal qui demandent beaucoup de précision et de rigueur. J'essaie toujours de tirer le meilleur des musiciens pour qu'ils soient fiers de leurs interprétations. Je pense que ça plait assez même si ce n'est pas toujours facile.


(Yann de MON STUDIO)

Dans le domaine du son, la technologie évolue de plus en plus vite. Comment faites-vous pour toujours être à la pointe du progrès ? Le matériel est-il changé régulièrement ?
David : Comme je te disais, je ne suis pas un fanatique du matériel audio pro et j’essaie toujours d’aller à l’essentiel. En plus je bosse aussi avec le Karma Studio qui ultra équipé pour les prises batterie et donc si besoin je peux lui emprunter du matériel. Néanmoins, nous investissons en permanence, pas dans le but d’avoir le plus de matériel possible, mais dans celui d’avoir le meilleur et le plus efficace possible. Quand nous avons été mixer l’album de One-Way Mirror chez Tue Madsen (Hatesphere, The Haunted…), nous avons tous halluciné de voir à quel point son matériel est minime, et parfois très accessible au niveau prix. Ce qui fait le son ce sont les oreilles et certainement pas un pré-ampli à 4000€ mal réglé.
Yann : Absolument pas, mis à part le materiel informatique (et encore). Je tourne sur une console AMEK BIG28 de 1993 donc pas très récente, du materiel assez standard globalement et quelques trucs un peu plus vintages pour colorer le tout. Les nouvelles technologies sont plus accessibles que du matos un peu plus ancien... Ce qui rend à mon sens le studio plus interessant qu'un studio 100% digital. Je pense que c'est un atout. Et accessoirement c'est quand même beaucoup plus agréable de travailler sur de vrais boutons !

Est-ce qu'il vous est déjà arriver de perdre confiance en vos projets, de vouloir tout arrêter et reprendre vos études en fac de médecine (rires) ou la passion reste-t-elle maîtresse ?
David : Hahaha ! J’ai été inscrit 2 ans en fac d’Anglais il y a presque 10 ans, et je pense y avoir été 3 heures en tout ! J’ai toujours aimé ce que je fais et j’ai confiance en mes projets. Il y a des hauts et des bas bien évidemment comme partout, mais j’ai la chance de faire ce que j’aime pour vivre donc je ne vais pas ma plaindre !
Yann : NON JAMAIS !!! :) De toute façon, je ne sais rien faire d'autre, à part de la guitare !

Etes-vous confiants en ce qui concerne le futur musical en France, notamment pour la scène metal ?
David : De plus en plus. J’ai toujours eu confiance en ce qui concerne les groupes de metal Français. La qualité des albums et des concerts n’a jamais été aussi bonne. Même si les gens achètent moins de musique, ils iront toujours aux concerts et achèteront toujours des t-shirts. Nous sommes dans une période transitoire et c’est maintenant qu’il ne faut pas perdre confiance.
Yann : J'avoue que je n'ai pas vraiment d'avis. Mais j'en profite pour dire qu'après avoir connu l'experience "major" avec mon groupe, et bien je pense qu'ils ne sont pas le futur musical en France... Je mise beaucoup sur les indépendants et les nouveaux modes de diffusions par Internet... etc... Les musiciens ne doivent plus compter sur les ventes de disques pour gagner leur pain !!! C'est sûr !

Que conseilleriez-vous aux jeunes gens qui vous lisent et rêveraient de monter eux aussi un jour leur propre studio ?
Brett : Faites votre expérience et écoutez vos oreilles !
Yann : Dure question !!! Ecoutez un tas de trucs, développez votre oreille, et utilisez là pour vos prods, ne comptez pas sur le bon matos pour vous sortir de bonnes choses. Mais ayez des connaissances techniques pour mettre le matos au service de votre oreille. En fait faites ce que vous voulez, ne vous formatez pas et surtout essayez des choses, le studio est un laboratoire !!! Achetez du materiel simple et fonctionnel au debut, tirer le au maximum et changez au fur et à mesure les élément dont vous sentez les limites... C'est mon point de vue !

  
(David & Yann)

Pour terminer cet interview, pourriez-vous nous rapeller les coordonnées de vos studios pour nos lecteurs musiciens les plus intéressés ?
David : www.myspace.com/domestudio à Angers.
Yann : MON STUDIO (Nancy) / www.mon-studio.net / Yann : 06 76 85 41 12

Quelque chose à rajouter qui n'aurait pas été évoqué dans cet interview et qui vous tient à coeur peut-être ? (En tout cas un grand merci !)
David : Merci pour cette interview et n’hésitez pas à visiter le MySpace !
Yann : Pas du tout c'etait parfait pour ma première Interview en tant qu'ingé son ! Merci !!!


Les sites officiels :
www.myspace.com/domestudio
www.mon-studio.net