Interview faite par Matthieu à Paris.

Heureux de vous rencontrer vous deux et heureux de voir enfin le célèbre Immortal ! Votre nouvel album, "Northern Chaos Gods", est sur le point de sortir, comment vous vous sentez à ce propos ? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi ce nom ?
Demonaz (guitare / chant) : Le titre est venu très tôt. C’était une base pour un titre supplémentaire. "Northern Chaos Gods" est le premier titre qu’on a écrit pour cet album. Et c’est normal pour nous de le mettre en tant que titre d’ouverture. J’étais… j’avais le titre de l’album, très tôt, même quand on a fait la préproduction avec Abbath, tu vois ? Donc même quand on a écrit de nouveaux titres, on voulait garder ce titre. C’était une très bonne idée pour tous nos titres. C’était la première idée complète concernant les paroles.

Comment fonctionne le processus de création musicale dans Immortal à présent ? Est-ce que c’est plus difficile qu’avant ?
Demonaz : Je pense que c’est plus simple, parce qu’il n’y a aucune forme de perturbation que ce soit. On est pas en conflit, on a pas de problème, c’est plus simple de se concentrer sur la musique. D’habitude, j’apporte les riffs, on bosse ensemble pour en faire une chanson, en mettant tout ensemble. On a écrit "Northern Chaos Gods" en premier. Ce n’était pas vraiment du titre par titre, on avait pas forcément de plan pour tout l’album, mais après cinq ou six titres, tu vois ce qu’il manque Tu vois ce que tu peux mettre sur la table. Donc ça marche comme ça, on a un riff, on brode autour. C’est le processus normal.

Quelles sont vos sources d’inspiration pour la musique et les paroles ?
Demonaz : Hmm… Beaucoup de choses. Tu sais, écrire de la musique ou écrire des riffs c’est… Il faut que tu gardes ton inspiration en permanence. Et pour garder cette inspiration, il y a pas mal de… “petites clés pour ouvrir le royaume”. Pour moi, c’est marcher dans la montagne, me connecter avec les éléments, écouter de la musique bien sûr, comme les vieux albums, les classiques du black metal des premiers temps, comme Bathory, Manowar, tous ces groupes puissants. Peu importe ce que tu fais, quand tu écris des riffs ça doit représenter une idée, ce que tu écoutes… Peut-être que ça peut être une chanson de film, mais habituellement il y a toujours de la musique dans mon esprit, je suis toujours sur un nouveau riff.

Tu as toujours quelque chose en tête ?
Demonaz : Ouais, ça peut être un riff d’un CD, quelque chose qui perturbe les éléments, ou quelque chose qui dérange la société… Quand tu te concentres dessus, c’est plus simple de ressentir l’esprit ou le “pouvoir”, tu vois ? Ensuite tu rentres chez toi, tu t’assieds dans le silence le plus complet et tu peux travailler en paix, tu vois ? C’est comme ça que tout me vient, quand je suis en paix. J’ai besoin d’être dans un environnement paisible pour tout coucher.

Donc tu es une sorte d’oiseau de nuit ?
Demonaz : Pas vraiment, je peux bosser de jour. Je veux voir les montagnes, alors… (rires) mais écrire et bosser sur des riffs, ça se passe souvent quand je me pose tard dans la nuit. Parce qu’il n’y a aucune perturbation, pas de bruit, pas de gens qui hurlent ou… C’est plus simple de se concentrer. C’est un peu compliqué à expliquer.

Je comprends ce que tu veux dire. Le son est plus brut que sur l’album précédent, pourquoi avez-vous décidé de revenir aux racines du groupe ?
Demonaz : Je pense que c’était important pour nous. On a eu la chance pour la première fois de vraiment penser à ce que l’on voulait faire. Je pense que c’est bien pour nous parce que tous les problèmes nous ont rendus incapables de nous concentrer sur la musique. Et ensuite c’était plus facile de trouver la voie, et après que le titre "Northern Chaos Gods" ait été écrit, c’était assez direct, non-stop, intense. On voulait que notre musique soit intense, déchaînée (rires). Alors ça a été naturel de revenir aux racines parce qu’on avait la rage pendant ce processus. On a un groupe depuis un paquet de temps. Des trucs sont arrivés, mais on voulait tout regrouper d’un coup.



Demonaz , tu as été contraint de quitter le groupe en tant que musicien à cause de ton bras par le passé, mais maintenant tu as pu de nouveau enregistrer. Est ce que ça a été une vraie épreuve pour toi ? Est-ce que ça a été dur ?
Demonaz : Non, j’ai fait de la chirurgie en 2012. J’avais un muscle déchiré. Après deux opérations chirurgicales, une sur le devant puis une sur le derrière, ils l’ont réparé. J’ai eu environ… six mois de récupération. Quatre mois sans pouvoir jouer de guitare du tout. C’était vraiment difficile de ne pas jouer (rires). Deux autres mois avec le bras immobilisé. Après ça, j’ai découvert que je pouvais jouer à nouveau ! Et ouais, ça a demandé beaucoup d’entraînement.

Est-ce que l’on te verra également sur scène ?
Demonaz : Bien sûr, mais je ne ferai que chanter, je ne jouerai pas de guitare.

Pendant qu’on parle de scène, est-ce que vous avez prévu de faire une tournée ou quelque chose ?
Demonaz : On a rien de confirmé pour le moment, parce qu’on veut y aller étape par étape, tu vois, en premier on a écrit l’album, fait les préproductions, on est allés en studio, on a dû attendre un peu pour que le mix soit fait et tout. Et maintenant on est là, à faire la promo ! L’album va bientôt sortir, alors le live sera la prochaine étape. On va repartir sur les routes, mais d’abord on doit prévoir une tournée et ensuite seulement on pourra confirmer des trucs.

Horgh, ça doit être une année importante pour toi, parce que j’ai vu qu’Hypocrisy, ton autre groupe, fera son retour sur scène aussi. Est-ce que c’est simple de gérer deux groupes ?
Horgh (batterie) : Pour le moment, ça va. Il n’y a pas de conflit sur les emploi du temps des deux groupes, puisque pour le moment on ne joue pas en live avec IMMORTAL. Donc ce n’est pas un problème.
Demonaz : C’est une question de logistique.
Horgh : Ouais, de management qui s’occupe de tout ça.

Pourquoi avez-vous choisi le studio de Peter Tägtgren, The Abyss, pour enregistrer "Northern Chaos Gods" ? Comment c’est de travailler avec lui à nouveau ?
Horgh : Parce qu’on sait très bien ce qu’il est capable de faire niveau production, et on est contents de ce qu’il a fait avec nous par le passé. Il joue aussi de la basse sur cet album, il a proposé de le faire, et on lui en est reconnaissants, il a beaucoup aidé. Il a écrit les lignes de basse, on savait que ce serait le bon gars pour ce boulot, on était confiants là-dessus.

Les paroles d’ Immortal se basent souvent sur la glace, l’hiver, tout ce qui est froid. Est-ce qu’il y a une sorte de fascination pour ça ?
Demonaz : Ouais, j’en suis fasciné. C’est une énorme source d’inspiration. Je pense que c’est le concept de paroles qui correspond à nos titres, et à notre son, notre approche musicale avec ce groupe, tu vois ? Tout doit être droit, pour faire partie de l’atmosphère d’IMMORTAL. C’est un peu… La batterie doit fonctionner d’une certaine manière, les riffs avoir un certain style, les paroles… rien de politique, de religieux, c’est un peu comme… L’esprit de Blashyrkh fait partie intégrante du groupe, comme l’image et tout le reste.

Je n’étais pas le seul à penser qu’Immortal allait mourir après vos déboires judiciaires avec Abbath, mais vous avez fait revivre le groupe. Pourquoi avoir choisi de garder ce nom ?
Demonaz : On n'abandonnera jamais ce groupe. Le groupe est actif depuis… un bon moment. Et on en fait partie, alors on a jamais considéré l’option de changer le nom du groupe ou d’abandonner. Si quelqu’un veut partir… la porte est là (rires). Qu’est-ce que tu peux y faire ? Ca arrive à de nombreux groupes. On veut qu’il vive (rires) ! C’est un peu comme quelque chose que tu ne peux pas ignorer ou jeter par la fenêtre.

Mais du coup, vous avez écouté la musique d’Abbath ? Quelle est votre opinion sur son travail ?
Demonaz : En fait, à la base c’était notre musique. Ouais, je l’ai écouté. Et je pense que la préproduction était meilleure.

Est-ce que tu es plus l’accro au travail qui peut rester éveillé tard dans la nuit pendant des heures, ou plutôt le travailleur régulier, qui rentre tôt chez lui ?
Demonaz : Je ne me lève pas si tard que ça. Je suis plutôt matinal, j’aime le matin. Mais j’aime la nuit aussi. Ca dépend de mon humeur, ça dépend du processus dans lequel on est concernant l’écriture. Des fois je reste éveillé… toute la nuit parce que je dois le faire. Je ne peux pas dormir quand j’ai quelque chose en cours.

Tu as toujours une idée dans la tête.
Demonaz : Je suis quelqu’un d’agité, donc quand je pense que quelque chose doit se faire… Pendant le processus d’écriture? il m’était impossible de dormir quand j’avais des riffs dans la tête.

Qu’est ce qui est le plus important pour toi, une atmosphère épique ou une rythmique lourde ?
Demonaz : Je pense que chaque riff, tout s’entrechoque. J’aime l’aspect général dans sa globalité. Je ne préfère pas un titre épique à un titre rapide, c’est comme si tout dans l’univers d’IMMORTAL est… Chaque partie est importante.

Elles se mélangent ?
Demonaz : Bien sûr.

Pourquoi as-tu choisi de jouer du metal en tant que professionnel ?
Demonaz : On n'était pas pro au début. Donc (rires)... J’ai commencé à jouer de la guitare quand je devais avoir… 16 ou 17 ans dans ma chambre. J’ai commencé à jouer dans des groupes en… 19...88 ? Peut-être avant, 87, ou un truc du genre. Je voulais démarrer un nouveau groupe avec une nouvelle réputation, c’était en… 89 je crois… Je voulais démarrer un nouveau groupe et j’ai vu Old Funeral, le groupe d’Abbath, et je lui ai demandé s'il voulait nous rejoindre en tant que chanteur. Et il a dit oui, mais il devait finir ses concerts avec Old Funeral d’abord, donc on a commencé IMMORTAL en… 1990 je crois. Et c’était un peu une source d’inspiration de tous les jours sur le moment, parce qu’il y avait beaucoup de groupes de death metal et on était un tout jeune groupe qui essayait de trouver son son alors… On était tous les deux fans de Bathory et des trucs sombres alors… Quand le premier album est sorti, il était inspiré de tout ce qui est sombre… Tout est né de là, on était assez mauvais musiciens à l’époque, je pense qu’on est bien meilleurs maintenant, autant pour composer que pour jouer. Donc je ne sais pas vraiment quand est ce qu’on est devenus “musiciens professionnels” (rires).
Horgh : Personnellement, j’ai eu mon premier kit de batterie quand j’avais 12 ans. Et j’ai commencé à m’entraîner, avec beaucoup de groupes, principalement des groupes de rock’n’roll. Mais professionnellement je pense que ça a commencé quand j’ai rejoint IMMORTAL. Aux alentours des années 2000, j’ai pu quitter mon travail et essayer de vivre de ça, et en y repensant c’était une bonne décision.
Demonaz : Quand tu lances un groupe, tu as juste envie de propulser ton groupe, de pousser ton truc, tu vois. Et je me souviens que tout le monde autour de nous voulait faire ça… Je suis bêtement devenu musicien pro (rires). Je pense que ce n’est pas un choix pour les groupes de metal de devenir professionnels.

Je pense que certains le décident, mais seulement aux USA. Mais ils ne pensent pas et ne vivent pas comme nous donc…
Demonaz : Ouais, c’est différent.



Quel a été ton premier album de metal ? Que tu l’aies acheté toi-même ou qu’on te l’ait offert ?
Demonaz : Hmm… "Scandinavian Metal Attack" ? (Ndlr : split Bathory / Oz / Trash / Spitfire) Peut-être, si tu considères Black Sabbath comme du metal ?

Ouais, bien sûr.
Demonaz : Donc c’est l’un de leurs premiers albums. Peut-être le second. Parce que le premier, je l’ai écouté après. Je connaissais des titres, mais je ne l’ai pas écouté en premier. Ozzy Osbourne aussi. Et aussi… des groupes des années 70, comme Deep Purple, Led Zeppelin… Je ne suis pas collectionneur donc je ne me souviens pas vraiment. A cette époque, tous les groupes avaient un son différent tu vois, avec des voix différentes donc… ça a été une grosse inspiration pour moi. Ces groupes étaient des riff-masters ! Comme Tommi Iommi ! Lui c’est LE riff-master, et c’est la même chose pour les gars de Deep Purple, et c’était parmis les premiers riffs que j’ai joué à la guitare alors que j’avais douze ans… J’ai essayé la guitare pour la première fois, je n’avais même pas encore ma propre guitare avant mes… à peu près quinze ans. Je voulais jouer alors j’ai emprunté la guitare de quelqu’un et j’ai joué. Mais c’était des riffs inspirants, les riff-masters m’ont lancé dans la guitare et dans le metal. Je pense que le premier vrai riff était "Satisfaction" (Ndlr : des Rolling Stones). Comment c’était déjà ? Duh duh dududu ! (Il commence à chanter) Et je me suis dis… “Je veux jouer de la guitare.” J’ai joué de la batterie pour de petits groupes. Je n’étais pas particulièrement bon alors…

Au moins tu as essayé !
Demonaz : Ouais (rires). Je me souviens que j’avais… Peut-être huit… neuf ou dix ans et je voulais être batteur ! Mais je n’avais aucun talent à la batterie. Je suis meilleur à la guitare.
Horgh : Je me souviens qu’aux répétitions des fois il prend ma place derrière le kit de batterie et il essaye… (Horgh fait un rythme simple à la batterie sur la table, puis fait du blast) (rires)
Demonaz : Tu peux aller vraiment vite en fait. (rires)

Et toi, Horgh ?
Horgh : Je ne m’en souviens pas vraiment…

Quelle est la preuve de dévouement la plus folle que tu aies reçue d’un fan ?
Demonaz : Les gens nous ont envoyé des tas de trucs bizarres… Comme en 98, on avait notre propre fan-club et les gens nous ont envoyé des tas de trucs… Il y avait ce mec d’Amérique du Sud, Tom. Il y avait un gars avec le même nom que moi et il lui a envoyé… Il m’a envoyé un courrier… “J’ai un paquet pour toi !”, ça lui avait été envoyé. Il m’a fait “Ouais j’ai un colis qui m’a été envoyé par erreur”. Ok, j’ai rencontré ce mec qui n’avait vraiment pas eu de chance… Il m’a fait “Ouais j’ai eu ton courrier et…”, il était timide. C’était étrange, il a fait “Du coup salut…”. Il y avait tout un tas de photos de personnes torturées, un tas de trucs bizarres… Ce mec n’avait probablement pas compris ce pourquoi on était là… et c’était… des photos de guerre, des enfants et… c’était… “Ok, je ne veux plus vraiment entendre parler de ce mec à présent…” À ce moment-là, le black metal était considéré comme vraiment extrême... Un tas de fans sud-américains et d’autres endroits… Ils n’avaient pas saisi le but de notre musique… C’était seulement de la musique. Donc ouais, cette histoire est la bonne pour ta question. (rires)

Imagine que tu sois tour manager, et bien sûr également musicien, tu peux choisir trois groupes avec qui organiser une tournée, qui est-ce que tu choisirais ?
Demonaz : Trois autres groupes pour jouer avec Immortal ? Dans une petite salle ?

Une petite salle ou un petit festival, où tu veux !
Demonaz : Hmm… Depeche Mode, Rihanna et… Abbath ? (rires) C’est une question difficile ! Nos groupes préférés ?

Ouais, pourquoi pas !
Demonaz : Bathory, Celtic Frost et Venom. Et le concert devrait se passer dans leurs premières années (rires).
Horgh : Je ne sais pas vraiment, il y a tellement de groupes… C’est difficile de choisir… Mes influences… Metallica, Slayer et… Judas Priest peut-être.
Demonaz : Dans les années 80 !

Il faut se dépêcher, Slayer va arrêter ! (rires)
Je vous laisse les mots de la fin, merci encore pour votre temps !

Demonaz : Les fans français sont des tueurs, et ils sont là depuis les toutes premières années du groupe, j’espère qu’ils vont rester !


Le site officiel : www.immortalofficial.com