Interview faite par mail par Arch Gros Barbare
Le doom est un des styles de metal où la poésie peut libérer notre intellect et notre âme au maximum. Friand de cette musique transcendante où la mélancolie est constamment exacerbée par cette douce noirceur musicale qui entraîne l'auditeur dans les méandres de la torpeur, il fallait impérativement après tant de temps que j'aille voir de plus près ce qu'il se passe chez Lethian Dreams. Matthieu et Carline, protagonistes de l'aventure humaine et également géniteurs de leur autre projet commun Remembrance (celui-ci ayant conservé son aspect doom pur), se sont laissés tenter par cette petite interview. Un exercice de style parfois compliqué où il faut se poser pour expliquer les différences musicales qui se sont creusées entre les deux albums de Lethian Dreams, et ce qui nous attend pour le troisième qui est en cours de création...
Bonjour à vous, on ne présentera pas Lethian Dreams, parce que le groupe existe depuis 2002, et que vous avez sorti deux albums, il faut que les gens cherchent un peu, en allant sur votre site... Mais avant de parler de votre actualité et notamment du nouvel album qui se profile à l'horizon, j'aimerais avant tout savoir qui compose en tant que membre permanent le groupe aujourd'hui, hormis toi et Carline bien sûr ?
Car entre votre premier album et le second, Carlos s'en est allé, aujourd'hui vous cherchez un bassiste pour le live, et j'ai lu que votre batteur Pierre Bourguignon allait entrer en studio en janvier... J'ai sauté pas mal d'épisodes, et je pense qu'il serait bon de faire le point s'il te plaît...
Matthieu (chant / instruments) : Bonjour, et merci pour l'interview et le temps que tu nous consacres.
Le line-up de LETHIAN DREAMS n'a pas énormément changé, d'un line-up de 2 membres nous sommes passés à 3 membres avec l'arrivée de notre batteur Pierre qui nous a rejoint l'année dernière, après la sortie de "Season Of Raven Words". Au départ, nous pensions travailler les morceaux du deuxième album et faire des concerts pour promouvoir sa sortie, mais finalement, l'inspiration étant la, nous avons débuté la composition d'un troisième album. Nous avons donc retardé l'idée de nous produire en live et c'est seulement maintenant que nous cherchons un bassiste live.
Pour parler de "Season Of Raven Words", j'ai noté sur ce second album, que vous aviez un peu délaissé l'aspect vraiment doom, pour approfondir cette facette un peu plus atmosphérique, proche d'un neo-classique quelque part, et ce grâce à la voix de Carline qui occupe l'espace vocal à elle seule maintenant, mais surtout grâce à des morceaux qui jouent vraiment sur un environnement planant, des guitares aigues et presque shoegaze parfois... Est-ce que c'était pour vraiment marquer une différence de style entre Remembrance qui garde son appartenance au monde du doom, plus sombre, plus noir et pouvoir ainsi démarquer Lethian Dreams vers quelque chose de plus "doucereux" ?
Matthieu : Il n'y a pas vraiment eu de réflexion concernant l'évolution de LETHIAN DREAMS, nous n'avons pas décidé de faire évoluer notre musique dans un sens, ce n'était pas une volonté de démarquer notre musique de Remembrance, c'est plutôt venu naturellement, et progressivement. Bleak Silver Streams comporte principalement des morceaux composés entre 2002 et 2006, à cette époque nous n'avions pour seul groupe que LETHIAN DREAMS, Remembrance n'est arrivé qu'en 2004 et une bonne partie des morceaux qui figurent sur Bleak Silver Streams étaient déjà composés. Notre musique est notre moyen de transmettre des émotions, le fait de créer notre deuxième groupe Remembrance nous a permis de mieux séparer le type d'émotions que l'on souhaitait transmettre, et également de les "approfondir". Remembrance est devenu le groupe dans lequel nous exprimons les émotions les plus sombres, ce qui a permis de développer plus la musique de LETHIAN DREAMS dans son côté planant et éthéré. Si nous n'avions pas créé Remembrance, LETHIAN DREAMS serait peut être resté un groupe dont la musique est sombre et planante, mais un peu en "demi-teinte" comme si nous n'avions pas été au bout de ce que nous voulions faire.
A partir de 2006, notre musique a donc tout naturellement évolué vers un côté encore plus éthéré. Je pense également que l'évolution musicale de LETHIAN DREAMS s'explique aussi par un gain de maturité dans nos compositions. Je pense que les influences du groupe étaient très présentes dans nos premiers morceaux, c'est assez normal, mais à force de composer, on acquiert une touche de plus en plus personnelle et on s'éloigne des influences, c'est donc également ce qui s'est produit.
D'ailleurs comme je te demandais, vous en êtes où également avec Remembrance, car "Fall, Obsidian, Night" date de 2010 et "Season..." de Lethian Dreams date quant à lui de 2012 ce qui lui donne moins de recul par rapport à Remembrance pour avoir déjà un successeur non ?
Qui devient prioritaire sur l'autre ?
Matthieu : En réalité, on ne priorise pas vraiment un groupe par rapport à un autre, du moins pas sur le long terme. Ce qui va définir une priorité momentanée, c'est plus l'inspiration que l'on va avoir, ce que l'on a envie d'exprimer, et la musique qui va en découler. Lorsque la composition d'un album est entamée, alors on priorise le groupe pour lequel on a commencé à composer quelques morceaux. Si les premiers morceaux sont dans un style qui correspond plutôt à LETHIAN DREAMS, on va donc se concentrer sur LETHIAN DREAMS.
Puisqu'on en est à avoir une petite parenthèse sur Remebrance, avec ce groupe, le line-up est-il toujours le même à savoir vous deux et Norman Müller à la batterie ?
Matthieu : Oui toujours, nous n'avons rien changé dans Remembrance et nous ne pensons pas ajouter d'autres membres au line-up. En 2010, nous avions hésité à chercher des membres live pour Remembrance, mais la difficulté liée à la distance entre Norman et nous rend les répèt' impossibles. On ne sait pas ce que réserve l'avenir, mais dans l'état actuelle des choses, Remembrance est parti pour rester un groupe studio uniquement.
Et est-ce que la recherche d'un nouveau bassiste démontre que vous avez envie rapidement de jouer live après la sortie de votre prochain album voire probablement avant non ? D'autant plus que c'était déjà le cas en Septembre 2012 ?
Matthieu : Effectivement, cela fait déjà quelque temps que l'on souhaite faire des lives, maintenant je pense que nous attendrons la sortie du troisième album car pour le moment c'est notre priorité. Nous avions déjà prévu de faire des live en 2012. A la sortie de "Season Of Raven Words", nous avions cherché un batteur et nous avions en tête de faire des concerts. Finalement, les choses se sont enchaînées assez vite car en parallèle des répèt' pendant lesquelles nous travaillions les morceaux de "Season Of Raven Words", Carline et moi avons commencé à travailler de nouveaux morceaux, l'album avançait assez vite, nous avons donc décidé d'orienter les répétitions plutôt dans l’optique d'un troisième album que dans l'optique des concerts. Nous avons donc repoussé l'idée de faire des lives.
Parce que tant qu'on parle de live, avant de retourner à nos moutons, il m'est plutôt difficile de citer des dates de Lethian Dreams sur scène, j'ai vu que vous aviez joué en 2003, 2004,2007, un extrait de "Elusive" et de "In Seclusion", traînent sur YouTube, il s'agit de votre date au Dynamo en Hollande en 2007, est-ce que Lethian Dreams a souvent écumé les salles ou c'est un exercice qui reste assez anecdotique pour le soulever ?
Matthieu : C'est vraiment très anecdotique, nous avons très peu joué en live, si mes souvenirs sont bons, je crois qu'on a joué 6 dates entre 2003 et 2007. Pendant pas mal d'années, le groupe n'a été composé que de Carline et moi – et Carlos à l'époque de "Bleak Silver Streams" – mais même alors il aurait été impossible d'envisager de faire des concerts. Cela nécessite au minimum 2 ou 3 membres supplémentaires.
Allez revenons à "Season...", c'est un album qui a amorcé un virage dans le style de Lethian Dreams je trouve, vous avez tous les deux réussi à proposer une musique éthérée comme beaucoup de monde le souligne souvent, parlant de votre style, quelque part c'est un monde qui est vraiment loin du metal finalement. On retrouve souvent ce style, ou du moins cette approche dans les groupes de néoclassique, je citerai parmi les très bons groupes français Artesia bien évidemment lié à Belenos, et je m'arrêterai là.
Est-ce qu'au final votre public actuel réside plus dans le monde de ceux qui ne sont pas forcément metal, plus attirés par des choses qui sortent chez Prikosnovénie pour ne citer qu'eux, mais aussi un public qui compte en son sein plus de personnes issues de pays étrangers que de français ?
Carline (chant / instruments) : Je pense qu'on a certains morceaux qui plaisent effectivement tout autant aux métalleux qu'au non-métalleux, je pense notamment à "White Gold" qui est doux et épuré ou d'autres titres, comme la version de "Wandering" en acoustique ou "What If The Winds"... Personnellement j'écoute tout aussi bien du metal que d'autres styles, du moment que j'y trouve une certaine mélancolie... ça passe par du neoclassique, du rock, new-wave, de l'ambiant... peut-être qu'on retrouve certains de ces éléments en filigrane dans LETHIAN DREAMS.
Par contre le public métalleux est tout de même majoritaire, d'après ce que j'ai pu constater.
Et est-ce que peut-être le fait qu'à l'origine les doomsters, dans sa définition générale, soient... peut-être... le public de départ de Lethian Dreams autant que Remembrance, ait pu être un frein à son développement en France, parce que lorsqu'on voit les chroniques faites sur vos productions, elles sont plus européennes que françaises non ?
Matthieu : Le doom metal a effectivement un public moins large que d'autres sous genres ce qui limitera probablement toujours le développement d'un groupe, mais d'une certaine manière, c'est un style qui échappe donc plus facilement aux dérives commerciales, étant peu porteur, il n'y a pas énormément de groupes qui font du doom metal par intérêt pour "surfer sur la vague". L'autre frein au développement de LETHIAN DREAMS en France est probablement notre absence scénique, le fait de ne jamais faire de live ne donne pas l'occasion de faire parler du groupe ni de faire découvrir notre musique à un public qui ne nous connaît pas.
Je parlais de Prikosnovénie, j'ai vu que Athis était un projet vraiment de néoclassique ambiant, un peu orchestral de toute beauté, qui avait sorti son deuxième album chez ce label pour signer maintenant chez Twilight Recs... Trois albums tous les deux ans depuis 2007, petite parenthèse : Quelle était la motivation première de Carline pour réaliser ce projet d'une part, et ensuite est-ce que cela ne t'influence pas par moments dans l'écriture des morceaux de Lethian Dreams ?
Je veux dire, est-ce que l'un prend le pas sur l'autre et vice-versa en matière d'orientation musicale ?
Carline : Aythis me permet de d'aborder d'autres thèmes que dans LETHIAN DREAMS ou Remembrance. Je n'ai aucun frein dans mes groupes, si ce n'est parfois des barrières que je me mets à moi-même, au niveau des paroles ou des orchestrations. Dans LETHIAN DREAMS ou Remembrance, même si on évolue, on est toujours guidé par le même fil conducteur alors que dans Aythis, je compose tout ce qui me passe par la tête, sans me poser de questions et l'idée de faire un album totalement différent un jour ne me gène pas.. Si j'ai envie de faire un morceau rempli d'harmonies et plus technique, je le fais, si j'ai envie d'incorporer des percus différentes, ou un son electro, je ne me pose pas de questions non plus.. J'aime la liberté totale que me procure Aythis, je suis la seule dont dépend l'avancée ou de la non-avancée...
La musique de LETHIAN DREAMS et Remembrance étant bien scindée dans ma tête, je ne fais pas de mélanges avec Aythis, même si parfois on peut entendre des similarités dans la manière de composer, mais ça c'est inévitable je pense.
D'ailleurs attendu que le rythme de croisière était de tous les deux ans, et que nous sommes fin 2013, est-ce que quelque chose est prévu pour bientôt ou pas ?
Carline : En fait j'ai plein d'idées pour un prochain Aythis et il ne me reste plus qu'à mettre tout à plat, le temps me manque un peu en ce moment, mais j'espère que cela pourra sortir courant 2014...
Je vais tenter d'arrêter de digresser pour nous concentrer sur Lethian Dreams... En Septembre 2012, Matthieu tu parlais de "White Gold" un des titres phares de "Season..." s'il en est, et tu disais que ce morceau tu l'avais écrit en repensant, cinq ans auparavant lorsque tu revenais des montagnes allemandes, et que tu avais besoin de revenir à la nature... quand tu pris ta guitare pour écrire la guitare acoustique, morceau complété par Carline deux ans plus tard si j'ai bien compris... Combien de temps prend l'écriture de vos chansons, est-ce que c'est quelque chose que vous réalisez vraiment au feeling, sans vous imposer aucune limite de création en ce qui concerne la durée ?
Finalement ce nouvel album aura été plus rapide qu'à l'accoutumée puisque trois ans séparaient les deux premiers ?
Matthieu : On ne s'impose effectivement aucune limite de création, nous n'avons aucun processus de composition, ni même de rôle vraiment défini. Parfois nous composons un morceau lors d'un jam à 2 guitares, parfois Carline compose un morceau complet ou je compose un morceau complet, ça peut aller très vite, parfois en quelques heures nous composons la structure et les riffs principaux d'un morceau. A l'inverse, parfois cela peut s'étaler sur plusieurs années. Je dirais même que parfois, souvent même, nous ne composons pas avec un but précis, nous composons ce que nous ressentons et c'est le feeling qui orientera le morceau vers LETHIAN DREAMS ou Remembrance, ou même aucun des 2 si le morceau est dans un style trop différent.
C'était le cas pour "White Gold", initialement, j'avais composé un morceau acoustique. La musique étant un moyen d'évasion, j'avais pris ma guitare acoustique et commencé à composer un morceau qui me fasse voyager, sans but précis, je ne savais même pas si nous allions utiliser ce morceau dans Lethian. Il est resté de côté pendant quelques années. Après la sortie de "Fall Obisidian Night" de Remembrance, lorsque nous avons commencé à retravailler sur LETHIAN DREAMS, je l'ai fait écouter à Carline, je me souvenais que ce morceau était vraiment planant et que son feeling correspondait complètement à LETHIAN DREAMS. Carline était également de cet avis et a décidé de le retravailler, elle a composé les riffs de guitares saturées, écrit des paroles, fait le reste de l'instrumentation, et elle a finalement transformé un simple morceau acoustique en un morceau de LETHIAN DREAMS complet, et c'est probablement l'un de mes titres favoris. Une petite anecdote, les guitares acoustiques que tu entends sur "White Gold" sont issues de ma toute première prise, j'ai rien rejoué, nous avions peur de perdre le feeling des guitares si j'avais ré-enregistré les parties acoustiques pour l'album, donc on a gardé ce que j'avais fait à l'époque.
Il semble que vous aimiez de plus en plus les versions acoustiques, Carline avait réalisé une version acoustique magnifique au bouzouki irlandais d'un des titres de Ayhtis, superbe version, au passage, et vous aviez aussi réalisé pour Lethian Dreams une version acoustique de "Wandering", tout de même plus courte si je ne m'abuse non ? Et pourquoi plus courte ?
Matthieu : La différence de durée entre la version acoustique et la version CD de "Wandering" est principalement due au fait que nous jouons pas le dernier riff du morceau sur la version acoustique. Pour qu'une version acoustique soit prenante, il faut qu'elle offre la même intensité que la version originale, mais avec les limitations liées aux instruments. Ici, avec 2 guitares acoustiques, nous avons préféré ne pas adapter le riff de fin plutôt que de perdre l'intensité en rallongeant le morceau d'une minute, d'autant que le dernier riff sur la version originale est une sorte d'outro, très lourde, plutôt ambiante, avec peu de mélodie, ça n'aurait vraiment pas donner un bon rendu en acoustique.
Carline : Personnellement j'adore l'acoustique et si ça ne tenait qu'à moi, chaque morceau de LETHIAN DREAMS ou d'Aythis aurait sa version acoustique... mais bon, ça risquerait de perturber les auditeurs je pense, ou de les lasser. Je dis toujours que si un morceau est bon et bien construit, il rendra bien en acoustique, c'est un bon test pour déceler le potentiel d'une chanson. J'en avais fait un autre avec Aythis, un acoustique de "Wolfsmond", qui était à la base un morceau assez long du dernier album.
J'aime donner aux morceaux une couleur différente, leur donner comme une deuxième vie.
Est-ce que c'est quelque chose que vous comptez renouveler ou pas ?
Car la plupart du temps les groupes à consonance doom, ou plutôt atmosphérique, voire même post rock, et là je pense à The Last Embrace qui a sorti dernièrement un album acoustique, ont souvent l'envie de jouer les titres de cette manière-là, leur donnant une tout autre dimension, votre avis là-dessus à tous les deux ?
Matthieu : C'est également une idée qu'on en tête, pas nécessairement uniquement de reprendre nos morceaux en acoustique, mais de composer d'autres morceaux entièrement acoustiques. Ce que j'aime beaucoup dans la musique acoustique, c'est qu'elle ne triche pas, on ne se cache pas derrière des effets ou des couches d'orchestration, tout est en simplicité, elle se concentre donc sur l'essentiel : l'émotion.
Carline : Oui, on pense effectivement faire un album acoustique bientôt, en réalité on a déjà pas mal de morceaux de prêts ou sur lesquels on travaille doucement... On a tellement stagné avec LETHIAN DREAMS depuis la création du groupe, j'ai envie que ça change et de sortir des albums plus souvent et proposer d'autres choses, toujours restant fidèles à notre musique mais disons, en élargissant plus certains de ses côtés.
C'est vrai que malgré tout sur "Season...", il y a pas mal de passages acoustiques qui changent la donne, là encore, je pense à "See", qui offre au clavier de la mélancolie à l'état pur, et aussi à "Invisible" qui sont de véritables bols d'air à l'intérieur de cette bulle que représente déjà l'album... on imagine que vous composez d'abord en acoustique avant d'en faire des arrangements à la guitare electrique, qu'en est-il vraiment ?
Matthieu : Nous n'avons pas vraiment des règles prédéfinies, idem, tout se fait au feeling. Lorsqu'un morceau est majoritairement électrique cela implique souvent qu'il a été composé en électrique, et réciproquement pour l'acoustique. Il y a quelques exceptions, sur notre trosième album, un morceau est issu d'un jam ou Carline jouait de la guitare acoustique et moi de l'électrique et finalement la version album est principalement électrique.
D'ailleurs comment en avez-vous convenu de placer ces petits interludes, à l'intérieur de l'album même, est-ce que c'était quelque part des passages que vous aviez écrit sans pouvoir vraiment y trouver de longues suites, de longs accompagnements pour ne pas en faire des titres de sept minutes comme les autres ?
Matthieu : En général, nous composons toujours les interludes comme des interludes. C'est surtout le cas dans Remembrance ou nous avons jusqu'à présent toujours placé un interlude dans nos albums. Avec LETHIAN DREAMS, c'est un peu plus rare, sur notre premier album "Bleak Silver Streams", il n'y en avait aucun, et ce sera également le cas sur le troisième album. J'aime beaucoup les interludes lorsqu'ils permettent d'apporter une accalmie ou de prolonger une atmosphère. C'est le cas sur "Season Of Raven Words" où "See" s'intercale à la troisième position du CD, entre plusieurs morceaux assez sombres, et le deuxième interlude "Invisible" prolonge un peu l'atmosphère très calme et apaisante de "White Gold". Parfois, ce type d'accalmie n'est pas nécessaire et serait en trop sur le CD, d'où l'absence d'interludes, c'est le cas si les morceaux comportent de longues intros et outros. Il faut un peu trouver le juste équilibre entre les passages très atmosphériques et les passages plus lourds et plus saturés. Dans la réalisation, ce n'est pas vraiment quelque chose auquel nous réfléchissons, cela vient naturellement. Sur le troisième album, nous n'avons réalisé qu'il n'y avait pas d'interlude que lorsque l'album était terminé.
Il y a une chose qui est intéressante chez vous, c'est que vous détaillez exactement point par point, titre par titre, qui a fait quoi sur la chanson, qui a écrit quoi et qui a joué quoi, comme s'il était très important de savoir qu'elle était la fonction de chacun dans chaque chanson au lieu de marquer simplement "album écrit et composé par Carline et Matthieu ou Matthieu et Carline", est-ce qu'il existe une compétition même amicale entre vous deux et quel type de rapport musical avez-vous ? Quelle complicité s'est établie entre vous depuis toutes ces années ?
Matthieu : Il n'y a aucune compétition entre nous, au contraire, je pense qu'on se complète énormément, nous avons un feeling similaire mais suffisamment différent pour que chacun puisse apporter quelque chose à l'autre.
"Season Of Raven Words" est le premier album ou nous avons décidé de détailler plus précisément le rôle de chacun. Cela vient principalement du fait que c'est également le seul album, que ce soit avec LETHIAN ou Remembrance, qui comporte des morceaux entièrement composés par l'un de nous. Cela nous paraissait plus honnête que ce soit vis à vis de l'auditeur, et surtout vis à vis de nous même, de préciser les rôles de chacun. Personnellement, s'il y a un morceau sur lequel je n'ai rien composé, je n'ai pas envie qu'on m'attribue les mérites de quelque chose auquel je n'ai rien apporté. Cela me paraissait également important car c'est le seul album où j'ai joué quelques claviers, qui n'est pas mon instrument principal, et je ne me voyais pas mettre dans le CD "clavier" au même titre que Carline dont le niveau et feeling en clavier sont bien supérieurs au mien.
Carline : En fait je trouve ça sympa quand les groupes détaillent ce que font ses membres ; ça permet d'apprendre à connaître le feeling de telle ou telle personne et je trouve ça toujours intéressant. J'aime toujours savoir "qui fait quoi" dans un groupe, donc pourquoi pas le détailler nous aussi.
Allez venons-en aux faits, Lethian Dreams prépare un troisième album appelé "Red Silence Lodge", à quoi va-t-on devoir s'attendre musicalement et qu'est-ce qu'il y aura dedans ? Faites nous rêver un peu, combien de morceaux ? Qu'en est-il de la durée sachant que votre second était plus court que le premier ?
Matthieu : C'est une question difficile car je ne suis plus à l'aise pour faire passer une émotion avec des mélodies qu'avec des mots ! Je pense que, comme pour chacun de nos albums, ce qui est un peu la caractéristique de Lethian Dreams, l'élément principal de "Red Silence Lodge" est toujours l'émotion. Il comporte 7 titres pour une durée d'environ 46 min – légèrement plus long que "Season Of Raven Words". Décrire une émotion, c'est assez difficile car c'est personnel et un même morceau ne touche pas les personnes de la même manière. Je vais te décrire ce qu'il me fait ressentir : certains morceaux sont très planants, on a un sentiment de bien être et d’apaisement qui se mêle à la mélancolie ; d'autres sont très sombres, avec une atmosphère lourde et dépressive. Le style musical est dans la lignée de "Season Of Raven Words" avec des touches doom, black, folk, peut être que le côté doom est légèrement plus présent que sur "Season Of Raven Words". Un point qui me tient à cœur, car c'est le seul regret que j'ai sur "Season Of Raven Words", cela concerne la prod.' Pour "Red Silence Lodge", nous avons investi dans pas mal de nouveau matériel, nous allons passer par un studio vraiment bon pour les prises de son batterie, le mixage et le mastering, je pense que la prod' devrait être vraiment pas mal.
Vous comptez le sortir début 2014 ou plus vers le milieu de l'année ? Est-ce que la collaboration avec le label Lillois Orcynia Recs est toujours en cours ?
Matthieu : A priori, j'imagine que oui puisqu'Orcynia Records est le label que nous avons créé, l'entente entre nous même est plutôt pas mal et nous n'avons pas vraiment à nous plaindre de notre propre travail ! A moins que j'ai une scission avec moi même – ce qui peut arriver – l'album devrait effectivement sortir sur Orcynia.
Plus sérieusement, je suis assez content d'avoir créé Orcynia Records pour sortir LETHIAN et éventuellement nos autres projets si ça s'avérait être la voie à suivre. Le business musical, ce n'est vraiment pas mon truc, et je n'ai pas vraiment envie de passer des mois dans le démarchage des labels, les négociations, les délais de parutions (certains groupes doivent parfois attendre plusieurs années avant que leur album ne sorte) et les conflits éventuels - inutile de préciser que les labels ne sont pas toujours honnêtes, et les re-pressages derrière le dos des groupes ou le non paiement des royalites est monnaie courante – même si personnellement, je n'ai jamais eu à me plaindre de Firebox ou Twilight Records dont le boulot à toujours été parfait. Je ne suis pas non plus fermé à l'idée d'une collaboration avec un autre label, car je suis conscient que nous y perdons certainement sur la promotion que pourrait apporter un plus gros label, mais si je dois investir du temps, je préfère que ce soit dans la composition que dans le business et je ne vais donc pas envie de me lancer la-dedans.
Comme je le disais en début d'interview la priorité est-elle devenue Lethian Dreams parce qu'à l'origine c'est le groupe qui était avant Aythis, avant Remembrance... ? Vous ne pourriez pas rassembler tout ceci pour ne faire qu'un avec tout l'éclectisme que l'on pourrait y voir, ou alors ce serait littéralement gâcher de la création qui s'épanouit beaucoup plus au travers des autres projets ?
Matthieu : C'est le bon terme "âcher de la création qui s'épanouit beaucoup plus au travers des autres projets" résume bien la raison pour laquelle nous avons besoin de plusieurs projets. C'est parfois assez frustrant car nous n'avançons pas aussi vite que nous le voudrions dans chacun de nos groupes, mais je ne suis pas sûr qu'on avancerait vraiment beaucoup plus vite avec un seul projet. Comme je le disais plus haut, si nous n'avions pas créé d'autres projets, nous n'aurions pas pu exacerber certaines émotions et les faire passer dans différents groupes. Dans un seul et même groupe, soit l'ensemble aurait été incohérent, soit il aurait fallu faire des concessions et composer quelque chose de plus neutre et finalement de moins abouti. Et même, si l'on imagine que nous n'ayons comme groupe que LETHIAN DREAMS dans un style identique à ce que nous faisons actuellement, je ne suis pas sûr que nous serions beaucoup plus productifs, car entre 2 albums, il faut parfois du temps pour renouveler les idées, prendre un peu de recul et ne pas se répéter. En général cela prend 1 à 2 ans, et jusqu'à présent nous avons souvent réussi pendant ce laps de temps à intercaler le travail sur un autre groupe. Si l'on compte le nombre d'album que nous avons sortis depuis la création de LETHIAN DREAMS en 2002, il y a 3 Remembrance, 3 Aythis pour Carline, et 3 LETHIAN si j'inclus le prochain – et je ne compte pas les démos et EP - cela fait presque un album par an, ce n'est pas si pas mal !
D'ailleurs en parlant de projet, j'ai lu Matthieu il y a quelques temps maintenant que tu travaillais aussi sur Semper Dolens un projet doom que tu as avec quelqu'un d'autre... Est-ce que tu peux nous en dire plus sur l'avancée, j'ai cru comprendre qu'à l'automne dernier l'écriture était terminée et il fallait s'occuper du studio ? Tu fais ça avec qui en fait ?
Matthieu : Semper Dolens est un projet doom que j'avais créé en 2006. A l'époque, après avoir composé quelques morceaux dans un style plutôt melodic / doom, j'avais décidé de faire un nouveau projet et cherché un chanteur. C'est Misha du groupe Akelei qui m'a rejoint. Nous avons rapidement enregistré une démo puis le groupe est resté un peu en suspend, Misha s'étant alors concentré sur Akelei et moi sur Remembrance et LETHIAN. Il y a un environ 1 an et demi, j'ai décidé de ré-enregistrer la démo, j'étais satisfait musicalement des morceaux qui figurent dessus, mais déçu qu'ils n'aient jamais vu le jour sous une prod' qui les mette mieux en valeur ; en parallèle je recevais également pas mal de demandes de doomeux qui souhaitaient ajouter Semper Dolens à leur collection, mais je ne voulais pas faire presser un CD dont la qualité ne me satisfaisait pas. J'ai donc recontacté Misha pour lui suggérer l'idée, il semblait motivé, d'autant qu'il recevait également des demandes concernant la démo. J'ai donc ré-enregistré les 4 titres de la démo, un 5e titre qu'on avait préparé en 2006 après la démo, et dans la foulée, j'ai finalisé 3 nouveaux morceaux. Cela donnait finalement 8 morceaux et la possibilité au groupe de sortir un LP. Malheureusement, depuis, Misha n'a enregistré qu'un seul morceau de son côté, ce qui bloque totalement l'avancée du CD. J'imagine qu'il doit être occupé avec son autre groupe, de toutes manières, je ne lui mets pas la pression, Semper Dolens est un projet parallèle ; j'espère tout de même que le CD verra le jour, c'est un peu frustrant d'avoir de nouveaux titres qui me plaisent et de ne rien en faire.
J'ai une question totalement égoïste, car en plus d'être collectionneur de CDs, je suis collectionneur de t-shirts, j'ai vu qu'il n'y avait plus de t-shirt pour bûcheron mais simplement pour fillettes haha... et il est visuellement magnifique, est-ce que vous comptez en faire re-presser ou pas ? En tous les cas de ce modèle-là, car peut-être qu'avec le prochain album vous allez sortir une nouvelle série non ?
Matthieu : Héhé, effectivement la version bûcheron du t-shirt n'est effectivement plus disponible, mais je pense qu'on ré-imprimera bientôt d'autres t-shirts, sûrement avec un design différent, plus adapté au troisième album. Je préfère faire imprimer plus régulièrement 40 ou 50 exemplaires d'un modèle que de partir sur une impression en grande quantité qu'on mettra longtemps à écouler. Ca donne plus de choix, même pour nous ; pour ma part je vais régulièrement regarder si les groupes dont je suis fan n'ont pas sorti de nouveaux t-shirts.
J'en ai terminé avec mes questions, je vous remercie tous les deux d'avoir pris le temps de répondre en détail à celles-ci ce qui nous a permis de connaître un peu plus votre environnement, votre passion et tout simplement votre monde... Merci à vous d'écrire ce genre de musique, car pour beaucoup cela permet de redescendre et de libérer cette pression journalière qui nous pèse parfois... En attendant la sortie de ce prochain album, et peut-être à l'occasion d'un concert, on vous souhaite le meilleur et je vous laisse clôturer...
Carline : Un grand merci pour ton interview, pour tes excellentes questions et également pour t'être penché sur nos autres projets! Merci à tes lecteurs et au plaisir de boire un verre lors d'un concert !
Matthieu : Merci à French Metal et toi pour l'interview, à tous ceux qui ont été intéressés de la lire et à tous les auditeurs qui aiment s'évader grâce à notre musique.
Le site officiel :
www.lethiandreams.com
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