Interview faite par Skype par Pascal Beaumont

Manigance fait partie de ces gangs qui, à force d'abnégation et de courage, sont devenus des incontournables de la scène française. De véritables gladiateurs du heavy metal qui, depuis plus de vingt ans, alignent des albums de grande qualité sans jamais faiblir, développant un heavy metal de haute volée à la fois technique, puissant et mélodique. Manigance ne déçoit jamais, il suffit de se pencher sur sa discographie pour s'apercevoir que nos amis du sud savent faire parler la poudre et ont signé quelques méfaits qui, au fil du temps, sont devenus des classiques du metal français ! Cette passion inébranlable qui les guide leur a permis notamment d’ouvrir pour des légendes comme Scorpions ou Whitesnake, des faits d’armes impressionnant ! Pourtant, tout n’a pas toujours été simple, les départs successifs de Daniel Pouylau et Marc Duffau aurait pu signer la fin du combo. François Merle parviendra à redresser la barre la sortie de "Volte-Face" en 2014, venant rassurer tous les fans. Alors que tout semblait aller pour le mieux pour François et ses amis, le départ de Didier Delsaux le 3 Février frappait de plein fouet la formation alors qu’elle s’apprêtait à sévir en Europe au côté de Myrath et à sortir "Machine Nation". Une déflagration gigantesque pour tous ceux qui suivait Manigance depuis longtemps. Un choc pour de nombreux fans qui étaient à mille lieues d'imaginer un tel scénario et qui se sont tout à coup retrouvés au cœur d'une montagne d'interrogations quant à la suite des évènements. Une décision aussi soudaine qu’incompréhensible. Cette annonce qui s’avérait comme un séisme d’une amplitude inégalée et incompréhensible pour tous les fans du combo aurait pu balayer le vaisseau Manigance du paysage métallique. Heureusement, c'était sans compter avec la réactivité exemplaire de l'amiral François Merle, bien décidé à ne pas laisser sombrer corps et âme son flamboyant navire. Le bougre a su le remettre à flot et éviter le naufrage. Le 4 Février, dans un communiqué officiel, on apprenait l’arrivée de Carine Pinto, sacrée nouvelle voix de Manigance. Une parfaite inconnue ou presque puisqu’elle avait sévi sur le titre "Face Contre Terre" en duo au côté de Didier ! De quoi laisser pantois de nombreux fidèles qui considéraient Didier comme inamovible, le digne représentant de l’identité musicale de Manigance c’était lui ! Un scénario inédit qui, au final, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives musicales et qui s’avère un choix judicieux au vu des qualités vocales de la belle. Il est clair que cette décision marque un tournant dans l’histoire de Manigance et que rien ne sera plus comme avant. Après cette secousse sans précédent, French Metal se devait d’en savoir plus sur les raisons du départ surprise de Didier Delsaux et sur la mystérieuse nouvelle égérie de Manigance, une enquête pour élucider tous les secrets de l’affaire Manigance. Un entretien fleuve et sympathique avec François Merle, guitariste et membre fondateur de Manigance, qui vous embarque dans un voyage au cœur du temps ! Une interview vérité et sans concession qui permet d’en savoir un peu plus sur l’avenir de Manigance. Magnéto François, c’est à toi !

Comment avez-vous vécu le dernier concert de Manigance le 27/01/2018 avec Didier au chant ?

François (guitare) : Très bien, c’était en famille. On était chez nous et on en a profité pour présenter quatre nouveaux morceaux. On a rempli la salle, on était très contents et puis on en a profité pour inviter des très bons groupes (Ndlr : Öblivïon et Cranks). C'était assez facile puisque l'on jouait à domicile. Ca a été une belle fête. C'était un show assez spécial car les gens ne connaissaient pas les morceaux. Mais au final ils ont été bien accueillis. C'était la première fois que le public les entendait et nous c'était la première fois qu'on les jouait. Du coup, c'était un évènement pour nous et pour ceux qui étaient dans la salle. On a aussi joué des anciens morceaux, on a voulu mélanger un peu tous les genres et faire en sorte que tous les albums soient représentés tout en mettant en avant le petit dernier.

Est ce qu'il y avait une ambiance particulière sur scène ou dans la salle ?
C'est difficile à dire. Par rapport à Didier, on ne l'a pas vu comme un dernier show. Didier a dû se désengager de la tournée mais on n'a pas coupé les ponts avec lui. On reste toujours en contact. On n'a pas vu les choses de cette façon. On verra si à l'occasion il peut venir nous rejoindre sur scène lorsque l'on jouera dans notre région. Ce n'était pas un concert d'adieu même si on sait aujourd'hui qu'il y a très peu de chances qu'il remonte sur scène suite à ses problèmes de voix. On donne beaucoup de concerts à Pau, de ce fait on n’a pas vécu cela comme un grand au revoir. Tout s'est passé naturellement avec lui, je n'ai pas grand-chose a rajouter sur l'évènement lui-même. Simplement que lorsque l'on a donné ce concert, on n'était pas dans cet état d'esprit. On est restés sur une note très positive, on ne voulait pas plomber la soirée par rapport à ça.

Tu veux dire que le public n'était pas informé ?
Non, personne ne le savait.

Depuis quand les problèmes de voix de Didier sont apparus ?
Didier a toujours été en bonne santé. Il avait plutôt des difficultés à tenir sur la longueur en enchaînant plusieurs concerts d'affilée. Ca nous est arrivé à Vouziers il y a un peu plus d'un an, il avait chanté la veille et le lendemain il a eu une extinction de voix. Le médecin lui a dit qu'il fallait qu'il fasse très attention Suite à cet évènement, il n'a pas chanté pendant trois mois. Du coup, ça a retardé toutes ses parties d'enregistrement. On a discuté avec lui et il n'était pas du tout confiant sur le fait de pouvoir enchaîner les dates comme on venait de le faire. On a essayé de trouver des solutions par rapport à ce qu'il avait envie de faire. Il savait qu'il allait falloir beaucoup bouger et faire des efforts, il n'était pas très enthousiaste par rapport à tout ça. On a donc du prendre une décision ensemble qui s'est prise entre adultes.

Quand avez-vous pris cette décision ?
On a commencé à y réfléchir il y a deux ou trois mois. La tournée avec Myrath approchait et il fallait anticiper, on n'a pas pris cette décision il y a deux jours. On a aussi laissé le temps à Didier d'y penser car cela dépendait aussi beaucoup de son état d'esprit. Au final on a choisi l'évolution.

Vous aviez déjà débuté l'enregistrement de "Machine Nation" ?
Oui, il était prêt et c'est cela qui posait beaucoup de problèmes d'organisation. Lorsque l'on a enregistré cet opus, on n'était pas du tout dans cet état d'esprit. Si on avait dû y réfléchir avant, peut-être que l'on aurait changé des choses. Mais on ne peut pas tout calculer à l'avance, c'est la vie. Tout s'est confirmé il y a deux ou trois mois mais il y avait déjà eu des signes précurseurs sur certaines dates. On sentait qu'il le faisait mais que c'était compliqué pour lui notamment lorsque l'on voyageait. Il était fébrile au niveau de la voix, il n'avait pas confiance en lui. Après, tu ne peux pas venir en aide à quelqu'un lorsque cela se passe dans la tête. On a tenté de le soutenir mais ce n’était pas évident. On a essayé de lui en parler pour voir ce que l'on pouvait faire pour lui venir en aide.

Certains chanteurs, comme par exemple David Coverdale, ont rencontré ce genre de problèmes et ont réussi à les surmonter.
Si tu veux, la grosse différence c'est que David Coverdale est professionnel et nous pas. Les efforts à mener pour surmonter ce problème-là... Didier est capable de chanter en studio, je vois dans quel état d'esprit il est. Mais après, pouvoir assurer autant de dates à plus de cinquante ans, c'est compliqué. Notre objectif est de jouer le plus possible sur scène. Ce qui a été l'élément déclencheur, c'est de participer à cette tournée. C'est une opportunité de passer un cap et faire ce que l'on veut faire, pour lui c'était au-dessus de ce que lui pouvait se fixer comme limite.



A quel moment avez-vous pensé à Carine Pinto pour remplacer Didier ?
On la connaissait depuis longtemps, on fonctionne beaucoup à l'ancienne. On privilégie le fait de bien s'entendre, on a réfléchi par rapport à ce qui nous arrivait. Didier, tout le monde sait qu'il a une voix emblématique et que ce n'est pas facile pour quelqu'un de le remplacer. Il y avait deux conditions essentielles à respecter. Il fallait que la personne s'adapte et que nous, dans notre façon de vivre, on ne soit pas perturbés. On n'est pas tout jeunes et il faut que l'on puisse aussi vivre cela facilement. On est des amateurs, on a plein de projets à réaliser mais il faut que chacun mette la main à la patte pour que ça tourne. Carine était quelqu'un qui était proche de nous depuis très longtemps, j'y ai donc pensé naturellement et on a fait l'essai. J'ai trouvé que l'idée était intéressante par rapport à ce qu'elle sait faire et que cela nous donnait de nouvelles opportunités pour l'avenir. Elle a aussi une voix assez proche de celle de Didier. Je pensais, par rapport à cette situation, que cela allait être compliqué pour un chanteur masculin de remplacer Didier. Il se serait toujours retrouvé dans les comparaisons. C'était l'opportunité de proposer quelque chose de nouveau. En France, il n'y a pas de formations comme ça avec une chanteuse un peu à la Doro.

Est ce que tu n’as pas eu peur de déstabiliser les fans de Manigance qui vous suivent depuis de nombreuses années ?
C'est un choix réfléchi. Oui, c'est certain qu'il y en a qui ne vont pas apprécier. Il faut que les gens comprennent aussi que c'est la vie et qu’à un moment donné il y a des choix à faire. C’était le mieux que nous pouvions faire pour MANIGANCE. Soit on avançait et on trouvait des solutions à notre problème, soit on sortait l’album et on ne donnait pas beaucoup de concerts. On acceptait la situation avec Didier et on jouait de moins en moins. Il a fallu faire un choix. Moi, personnellement, je pense que Carine va être bien acceptée. C’est quelqu’un qui est capable de donner beaucoup. Mais il y a un cap à passer, c’est évident. On n’enlèvera pas de la tête des gens un chanteur comme Didier et les moments que l’on a partagés ensemble. D’un autre côté, je reste persuadé que cela peut nous apporter de nouveaux fans et nous ouvrir de nouveaux horizons. Il peut y avoir des gens qui ne nous appréciaient pas trop et qui vont nous aimer grâce à cette nouvelle voix, il faut penser à ces personnes-là.

Vous débutez une tournée européenne le 8 Mars 2018 en ouverture de Myrath, est-ce que ces dates seront une forme de test pour Carine ?
Oui, c’est certain mais même pour nous. Je pense que ce sera plus facile en France qu’à l’étranger. On a une fan base qui se situe surtout en France. Pour le coup, à l’étranger, le public aura peut-être moins Didier en tête car une grosse partie va nous découvrir sur scène. Bien sûr, il y a des gens qui nous connaissent déjà et qui vont être très surpris de découvrir une chanteuse à nos côtés. C’est pour cela qu’on a fait le choix de l’annoncer avant. Cela va être une découverte mais on le prend du côté positif, on ne veut pas se mettre la pression. On va jouer un set cool, on va faire ce que l’on sait faire et puis comme je le dis souvent, c’est que de la musique. Il ne faut pas non plus se mettre une énorme pression.

Quel est l'objectif de Manigance avec cette tournée ? Vous imposer en Europe ?
Oui, car cela fait 20 ans que l'on existe. On a fait pas mal de tours de France, on joué un peu partout et dans pratiquement toutes les salles qui existaient avec une configuration adéquate à notre groupe. Aujourd'hui, on essaye de jouer dans des festivals mais c'est toujours compliqué lorsque tu as une carte de visite où tu ne joues pas à l'étranger. On a envie de se développer. On veut arriver à donner des concerts dans de belles villes et s'éclater. Pour l'instant, on n’a pas trop profité du marché européen. En vingt ans, on est restés chez nous et puis chanter en français, c'est un sacré challenge. Le fait de partir avec Myrath qui fait du metal oriental alors que nous faisons du metal français va nous permettre de rencontrer un public à l'esprit ouvert.

As-tu l'impression qu’avoir un chant en français est un réel handicap notamment à l'étranger ?
Oui, c'est certain. D'un autre côté, cela nous a permis de nous démarquer des autres formations. Lorsque l'on chante en anglais, on tombe un peu plus dans ce qui se fait au niveau du metal. Et puis cela nous pousse aussi au niveau des compositions à trouver des choses qui sont un peu différentes. En termes d'écriture, c'est très différent lorsque tu as un chant en français comparé à des textes en anglais. On sait bien faire ce genre d'exercice, on va essayer de se démarquer et de profiter du fait de cette particularité.

Est-ce que vous avez envie de retourner en studio très rapidement avec Carine au chant ?
Oui, on a donné un petit aperçu de la voix de Carine sur le titre "Force Contre Terre". Derrière, il ne faut pas s'endormir et se remettre à composer pour un nouvel opus. Je pense que cela sera un peu différent de ce que l'on avait fait jusqu'a présent car on ne va pas travailler de la même façon et ce ne sera pas les mêmes émotions. Il va se passer quelque chose, c'est sûr.

Peux-tu nous présenter Carine Pinto car on ne trouve pas beaucoup d'informations à son sujet sur Internet ?
(rires) Oui, c'est normal parce qu'avant tout c'est une copine. Elle a chanté dans diverses formations qui n'étaient pas connues. C'est une amie qui est la femme de Christian qui s'occupe de nous. Il y a deux ans lors d'une fête, j'ai pris ma guitare et elle s'est mise à chanter et j'ai été impressionné. C'est ce qui m'a mis la puce à l'oreille, j'ai remarqué ses capacités vocales même en anglais. Ca m'est resté dans un coin de la tête. Je me suis dit que cette fille avait un super potentiel. On a jammé une nouvelle fois ensemble lors d'une autre occasion et j'ai été convaincu de ses capacités. Lorsque l'on a dû aborder le problème de Didier et que l'on a commencé a réfléchir à une solution, je lui ai proposé de nous rejoindre.

Quelle a été sa réaction, a-t-elle accepté immédiatement ou a-t-elle eu des doutes ?
Je ne pense pas. Elle est assez rock'n'roll au niveau de son état d'esprit, elle s'est dit "De toute façon il faut que j'essaye". Comme je lui ai dit, c'était très compliqué de l'annoncer mais cela faisait partie du truc. Elle m'a répondu de ne pas m'inquiéter, qu'elle allait tout faire pour que cela fonctionne. Ensuite, nous avons fait un essai ensemble sans que les autre soient au courant. Puis je leur ai fait écouter le résultat et les réactions ont été bonnes. On sait toutefois que l'on a une marge de travail importante devant nous, c'est le début. Elle travaille beaucoup. Mais elle n'a pas hésité une seconde.

Est-ce que vous avez beaucoup répété en vue de la tournée ?
Oui, on répète une fois par semaine ensemble et le reste du temps chacun répète de son côté. Nous on habite à Pau et Carine à Toulouse. Mais on répète suffisamment pour le set que l'on va donner.

Avez-vous l'intention de donner quelques concerts de chauffe avant cette tournée ?
On voulait le faire mais on n'a pas pu suite à des problèmes d'organisation. On va donc débuter le 8 Mars avec Carine sans avoir partagé de scène ensemble.



A-t-elle chanté avec vous lors du concert de Pau ?
Elle est venue nous rejoindre sur scène. Elle a fait quelques interventions aux côtés de Didier. Elle était capable de chanter beaucoup plus de morceaux mais on ne voulait pas mélanger pour que le public ne soit pas perdu sachant que l’on n’avait pas encore annoncé le départ de Didier.

Est ce que c'était une forme de passation de micro ?
Moi je ne suis pas dans les symboles. C'était une façon de partager la scène avec Didier pour qu'elle commence à chanter à nos côtés. Mais j'aurais préféré que l'on donne un vrai concert avec elle au chant avant la date de Paris. Mais ça n'a pas pu se faire et ce n'est pas dramatique.

Pour Volte-Face, vous aviez fait appel à Jens Brogen, pourquoi ne pas avoir collaboré de nouveau avec lui ?
C'était une volonté de notre part. Jens n'avait participé qu'au mastering, c'est moi qui avait produit tout l'album. J'ai préféré utilisé une nouvelle méthode de mastering : le stem mastering. On mixe avec des puces séparées, ce qui permet de corriger plus finement la correction du mastering. J'ai découvert ce système en faisait des recherches sur Internet et c'est par ce biais que j'ai connu Brett Caldas-Lima . Il a été fait au Tower Studio et j'y ai assisté, cela m'intéressait de pouvoir y aller car souvent je ne m'y rends pas. C'était une façon d'aller jusqu'au bout de la production. Je suis très content de ce qu'a fait Brett et la façon dont cela s'est déroulé.

C'est une méthode que tu comptes réutiliser à l’avenir ?
Oui, après je ne sais pas si ce sera avec Brett mais je suis très content de ce qu'il a fait donc je ne vois pas pourquoi nous ne collaborerions pas ensemble pour le prochain. Mais ce qui est sûr, c'est que c'est une méthode qui a plu et qui donne de bons résultats.

"Machine Nation" est le premier single de l'opus, le choix a-t-il été difficile ?
On y a réfléchi un peu car on voulait aussi réaliser un clip. Il y a une notion de longueur de la chanson et aussi que ce soit accessible pour le plus grand nombre. Et puis c'est un morceau qu'on allait souvent jouer en concert. Il y a plusieurs critères mais notre réflexion a été rapide. On a fait le tri et au final trois titres ont retenu notre attention. Et on a choisi celui-là. Je pense que c'est un morceau assez accessible et dont le thème est intéressant. Il nous permettait de construire un bon scénario pour la vidéo. Pour nous, c'était une évidence. On a tourné la vidéo en Juin dans un fort. Ca a duré deux jours et c'était une sacrée aventure. Il a fallu que l'on mette en place tout le matériel, que l'on installe des groupes électrogènes, on a donné. On a tourné avec plusieurs caméras et un drone.

Tu apprécies ce genre d'exercice ?
Oui, ce n'est que du plaisir. Pour "Machine Nation", je ne me suis pratiquement occupé de rien à part prendre ma guitare. Donc cela a été deux journées agréables, tout le monde s'occupe de toi c'est très sympa. Tout ce que tu as à faire c'est jouer. C'est surtout l'organisation en amont et en aval pour arriver à ce résultat qui demande beaucoup de travail. Là, j'ai participé un peu à la mise en place de l'histoire et j'ai contrôlé qu'il y avait tout ce qu'il fallait. J'ai aussi travaillé sur le découpage du clip pour donner de la dynamique mais l'essentiel du travail a été fourni par notre batteur Patrick.

Pensez-vous tourner un deuxième clip ?
On y pense, on réfléchit, on a des propositions après c'est plus un problème de budget. On ne peut pas tout gérer de front car il y a aussi la tournée européenne qu'il va falloir amortir. Pour l'instant, l'album vient de sortir et on part en tournée, ensuite on espère en tourner un second.

Est-ce que vous allez adapter la setlist à cette tournée sachant que dans certains pays le public ne vous connait pas ?
Oui car il y a des incontournables. Il faut aussi faire des choix qui peuvent être techniques. Lorsque tu es en première partie, il ne faut pas trop être ambitieux par rapport au son et aux morceaux complexes. Tu élimines certains titres que tu jouerais en tête d'affiche. Tu mets aussi la priorité sur le dernier album car tu n’es pas là pour jouer les anciens titres. Il faut faire un mix de tout ça. Il faut répéter et voir ce qui va ou ne va pas, ce qui peut être intéressant en concert pour des gens qui ne te connaissent pas. On fait avec nos morceaux et notre ressenti. On avait une setlist que l'on a mis en place pour tous les shows donnés pendant deux ans. Là, on a rajouté plein de nouveaux morceaux. On en a joués à Paris et on va décider ceux que l'on va interpréter sur la tournée.

Vous avez fait une campagne de crowdfunding via le site Indiegogo, c'était vital pour Manigance ?
Pour pouvoir faire ce que l'on fait au jour d'aujourd'hui : oui. On ne pouvait pas s’engager financièrement sur tous nos projets : le clip, le mastering, la tournée. Il nous fallait un investissement extérieur. On a cherché des subventions mais c’est bien que les fans nous suivent et investissent sur des choses qu’ils auraient acquises plus tard comme les CDs ou les t-shirts. On a eu des dons. C’est un investissement que font moins les maisons de disques, ce sont les fans qui le font maintenant sur les combos qu’ils apprécient. C’est du cash direct. Cela permet au groupe de se développer. On remercie tous les gens qui nous ont aidés.

Pour cette campagne, votre slogan était "Aidez-nous à réaliser nos rêves", de quels rêves parles-tu ?
Le plus gros rêves de MANIGANCE et ce depuis des années, c’est la tournée. On avance pas à pas. Si tu fais abstraction de ça, tu m’aurais posé la question "à quand la tournée européenne ?". Il faut rester les pieds sur terre. Après, tous les combos construisent leur vie en fonction de ce qu’ils ont vécu. Quelque part, j’espère qu’après la tournée et tout ce que l’on a l’intention de faire, on aura de plus en plus de fans et que l’on pourra jouer en tête d’affiche et plus en première partie. On aimerait tourner avec une autre formation française et se développer. Mais on fait ça pour s’éclater en concert.

Quel regard portes-tu sur les 23 années que tu as passé au sein de Manigance ?
Je ne veux pas regarder dans le rétro ! (rires) C’est un bout de ma vie. Il faut adorer ça. Le jour où j’ai décidé de faire de la guitare, je n’ai pas pensé que j’y consacrerai autant de temps. J’ai vécu de très belles expériences et pour tous les membres de MANIGANCE c’est pareil, on roule là-dessus. On en vit pas, c’est un peu notre échappatoire, notre exutoire par rapport à la vie normale. C’est une double vie. Tu vas au travail et puis après tu pars en tournée. Lorsque je l’annonce à mes collègues, "Je pars trois semaine en tournée", je suis le seul à le faire. Ce sont des super expériences et c’est pour cela qu’on le fait. Enregistrer des CDs à la maison et passé des clips sur YouTube ou faire des reprises pour remplir les salles, ce n’est pas notre trip. On veut donner des concerts et vivre des moments. Lorsque les gens nous entendent sur scène, c’est plein d’émotions.

Quels sont tes meilleurs souvenirs au sein de Manigance ?
La signature avec Olivier Garnier chez NTS a été pour le coup un évènement très important. On a compris que l’on basculait vraiment dans une autre dimension par rapport à ce que l’on avait fait jusque-là. Cela a été la découverte du business en France et à l’étranger. Il y a eu aussi la première partie de Scorpions à l'Olympia en 2007. Cela a été un évènement un peu compliqué car cela ne s'est pas passé comme on l'aurait voulu. Mais cela reste un souvenir majeur dans la vie de MANIGANCE. Il y a eu aussi Whitesnake pour qui on a ouvert. La première tournée avec Freedom Call, lorsque tu montes dans le tour bus. Je me souviens avoir pensé à tous mes copains avec qui j'avais joué pendant des années. Je me disais que s’ils pouvaient être tous là... C'est un peu égoïste comme impression et comme plaisir. C'était quand même une sacrée émotion de monter dans un tour bus après tant d'années de musique.



Quelles sont les plus belles rencontres artistiques et humaines que tu as faites au cours de ces 23 années ?
Déjà l'entretien individuel que tu me fais passer (rires). Il y a des musiciens que j'ai rencontrés et qui ne m'ont pas trop accroché. Il y a deux guitaristes qui m'ont marqué, celui de Stratovarius avec qui j'ai pu partagera. Et puis lorsque l'on a ouvert pour Whitesnake, il y a eu la rencontre avec Doug Aldrich ! Je me suis senti tellement petit lorsque je me suis retrouvé devant lui ! (rires) Mais il est tellement agréable et gentil que j'en ai gardé un souvenir extraordinaire. Dernièrement, j'ai aussi rencontré Gus G. de Firewind. Ca été super rigolo. On a joué avec eux et Gus est arrivé par avion d'Italie et il était prêt à monter sur scène. Son technicien lui avait monté son ampli et lorsqu'il a pris sa guitare, il avait un son de merde. Ils ont démonté l'ampli et il avait toujours pas le son, Gus a un superbe jeu. Moi, je le connaissais suite à une tournée que nous avions faite avec DragonForce, du coup je lui ai prêté ma tête d'ampli. Pour le coup, elle n'avait jamais sonné comme ça. Gus est venu me voir et m'a dit : "You save my ass" ! (rires) C'est une super anecdote.

"Volte-Face" est sorti il y a quatre ans, es-tu satisfait de l'accueil qui lui a été réservé ?
Je ne suis pas mécontent, après on peut toujours mieux faire. On a eu quand même beaucoup de mal à enclencher la machine. C'était un peu compliqué, il y a eu les départs de Dani et Marco (Ndlr : Daniel Pouylau et Marc Duffau respectivement batteur et bassiste). Il a fallu tout remettre en place. L'équipe a commencé a partir un peu en sucette, il a fallu tout remettre sur les rails. Cela a été compliqué mais on y est arrivé. On s'est jeté à l'eau en faisant une tournée en France qui est passée par la Corse. J'en garde de très bons souvenirs. On a quand même réussi à bien rebondir après les départs de notre batteur et de notre bassiste. Sinon, "Volte-Face" a plutôt bien été accueilli. On a fait un clip, on a bien vendu l'album pour la France. Mais j'espère faire mieux avec "Machine Nation".

Est-ce que la signature avec Mighty Music est une étape importante pour Manigance ?
Ça fait partie du truc. On a une super maison de disques et on va bénéficier d’une bonne distribution en France. Je suis très content de la manière dont les choses évoluent. J’ai discuté avec Mighty, ils ne sont pas contre le fait que nous trouvions un distributeur à l’étranger. Ils ont signé pas mal de formations, on a postulé et ils nous ont pris. Cela nous permet aussi d’être distribué partout où l’on va passer lors de la tournée européenne. Si tu joues en Hollande ou ailleurs et que le CD n’est pas chroniqué… Là, on sait que partout où on va aller il sera chroniqué.

As-tu l’impression que quelque part c’est un nouveau départ ?
On passe un cap. Aprè,s ce que l’on entend un peu partout et souvent pour être honnête c’est : "C’est super mais s'ils chantaient en anglais ce serait mieux". C’est une réaction normale, je ne sais pas comment on va ressortir de tout ça après la tournée. On va voir, j’espère que l’on va réussir à passer le français et que l’on aura de bons retours. Il n’y a pas beaucoup de formations qui l’on fait et on est plutôt fiers de ça.

Si tu devais décrire les principales qualités de Manigance ?
(rires) Rien que ça ! Tu me fais passer un entretien individuel, je ne me trompe pas ! (rires) Je dirais que l’on est naturels et sincères. On pratique une musique technique sans être m’as-tu vu. On est sur la mélodie et sur le fait que l’on a envie d’exprimer quelque chose. Je pense que dans la musique il est important d’avoir des choses à dire. On est basés au sud de la France et donc on est un peu en dehors du parcours musical classique, cela nous a permis de rester humbles. On n’a jamais eu la grosse tête par rapport à ce que l’on fait. On a toujours eu ce recul comparé à des formations qui viennent des grandes villes et qui commencent tout de suite à se sentir arrivées. On est des travailleurs de la mine !

Est-ce que selon toi c’est un défaut français de se sentir arrivé ?
Pas du tout. Je dirais que le défaut français et ce n’est pas que pour les groupes, c’est d’être un peu frileux pour mettre en avant ce qu’ils font. Je fais de la musique depuis des années et tous les mecs que je connais qui font ça depuis aussi longtemps le font par passion. Cela demande beaucoup de sacrifices même si c’est du plaisir. On donne beaucoup de nous. Parfois, lorsque je vois des retours pour nous et d’autres face à des grosses machines qui ont plutôt réussi grâce à des investissements externes, qui ont été poussées par la promotion, je prends un peu de recul. Je sais comment est faite la vie, le temps que l’on y passe. J’ai connu des combos où les mecs étaient vraiment cons et se prenaient la grosse tête. Lorsque tu réussis, tu peux être aussi comme cela. La France a un peu de mal à pousser le truc. Parfois, on a pas mal de critiques parce que l’on chante en français, que les thèmes sont récurents, que je compose des morceaux qui se ressemblent. Il faut prendre du recul, va demander au Rolling Stones de faire autre chose que du Stones ou à d’autres formations de jouer dans un autre style. Ne serait-ce que de dire cela, parfois ça ne met pas le groupe en valeur. C’est typiquement français comme réaction.

Que va apporter Carine au niveau des textes ?
C’est la grande inconnue. Je ne peux pas te dire. Je n’ai pas encore composé avec elle un seul morceau. Je vais travailler le sujet mais je ne suis pas inquiet pour ça. Didier reste quand même dans la famille, il continue à écrire des textes pour nous, ce n’est pas exclu qu’il nous aide à ce niveau-là. On n’est pas dans une rupture. On est des potes. Il passe le relai, il nous accompagne. Il est plutôt content que ce soit Carine qui reprenne le flambeau parce qu’il la connaît bien. Didier n’habite pas loin de chez moi, c’est possible que pour l’écriture des nouvelles compos avec Carine on se retrouve à trois autour de la table pour discuter du thème. Ce n’est pas exclu mais je ne dis pas que c’est comme cela que ça va se passer. Mais il n’y a pas de raisons que l’on ne puisse pas le faire, Il faut bien comprendre que c’est Carine la chanteuse mais que Didier reste un pote et fait partie de la famille.

Didier pourrait remonter sur scène avec vous ?
Oui mais pour le plaisir. Si on donne un concert et que Didier n’es pas loin, il peut nous rejoindre, il sera toujours le bienvenu comme je lui ai dit. Je lui ai expliqué que je comprenais son état d’esprit et qu’il ne devait pas se prendre la tête. Ça devient compliqué pour un mec de cinquante ans d’être pas arrivé à prendre.... Il sait très bien que par rapport au groupe c’est compliqué, il ne faut pas qu’il se mine avec ça, n’est pas le but. Il a des problèmes pour tenir mais il peut revenir chanter avec nous si ça lui fait plaisir. Ce n’est pas du business, on est une famille.

Est-ce que Didier avait envie de faire cette tournée ?
Non, ce n’est pas ce qui lui plaît aujourd’hui. Il y a dix ou quinze ans, oui ! Cela fait partie aussi de la décision, les chanteurs ou les musiciens, à un moment donné, n’ont plus envie de partir. C’est comme cela, partir en tournée c’est quelque chose de spécial. Tu quittes tout le monde. Moi-même j’ai une famille, des enfants, ils vont d’ailleurs nous rejoindre sur certaines dates. Mais c’est quand même compliqué. Lui, ce n’est pas son trip.

Pour conclure, qu’as-tu envie de rajouter qui te paraît important ?
Je pense que "Machine Nation" est un très bon album. Lorsqu’on l’écoute, il passe très vite même si on dit toujours ça du dernier opus. Je suis très fier de cette réalisation. Pour les gens qui apprécient Didier, c’est l’occasion d’écouter du Didier pur jus. Pour l’avenir, on promet que la transition sera assez douce entre ce que faisait Didier et ce que va faire Carine. Je souhaite que tout le monde accepte Carine dans ce nouveau rôle. Elle adore Didier, ce sont des grands copains donc ils sont en contact par rapport à sa nouvelle situation. Ce n’est pas du tout une cassure, au contraire, Didier l’a pas mal encouragé. Si le public a aimé Didier, il aimera Carine car Didier aime aussi Carine. C’est le message que je veux faire passer.

La transition au chant entre un homme et une femme, ce n’est pas évident !
Oui, après c’est vrai que ça change. Didier avait une voix assez haute au niveau du timbre donc finalement une voix de femme assez rock, je pense que cela se prête pas mal à la transition.

François, merci pour cette interview !
Merci à toi, c’est cool. Je te souhaite une bonne soirée. Merci beaucoup.


Le site officiel : www.manigance.org