Interview faite par mail par Murderworks

Salut Max ! Comme les trois premières démos de Mercyless vont être rééditées chez Dolorem Records en version remasterisées en CD digibook et en digital le 15 Septembre, ce serait sympa de revenir un peu sur les débuts du groupe si tu le veux bien. Cela donnera l'occasion aux plus jeunes de découvrir les racines de Mercyless et une époque qu'ils n'ont pas connu et qui était quand même très différente à tous points de vue. Et puis sachant que je n'avais que six ans quand est sorti "Immortal Harmonies", votre première démo, je vais moi aussi apprendre des choses. Du coup l'évidence c'est de demander comment s'est formé le groupe et depuis quand vous tâtiez de vos instruments avant d'enregistrer cette première démo  ?
Max Otero (chant / guitare) : Hey comment ça va… Donc on s'est formé en 1987 par une petite annonce (autre monde !) car on voulait faire du bruit, avoir de nouveaux potes qui partagent la même passion et découvrir le monde de la musique, on pratiquait nos instruments depuis quatre ans sachant que l'on a formé le groupe à nos dix-sept ans.

Je suppose que comme beaucoup ce qui vous a poussé vers le death metal a évidemment été le "Scream Bloody Gore" et le "Leprosy" de Death, Hellhammer qui commençait à faire du bruit aussi et éventuellement les deux premiers albums de Possessed ? Mais il doit y avoir encore pas mal de thrash aussi dans vos influences à cette époque non, limite plus que du death ? On en sent quand même encore pas mal dans cette première démo et sur "Visions From The Past" aussi, rien que sur "Sudden Death" il y a quelques riffs qui sentent bon le Slayer.
Oui carrément on a commencé a pratiquer un thrash très influencé par Dark Angel, Slayer, Venom et l'ecole allemande, Kreator, Deathrow, Destruction… Et petit à petit on a greffé des influences plus sombres et evil genre Possessed, Death, Hellhammer. Mais notre école de base était le thrash comme beaucoup de groupes à l'époque.

Je ne pense pas me tromper en cherchant pourquoi vous avez appelé le groupe Mercyless, étant donné que cela veut dire "sans pitié", cela montrait évidemment cette envie de proposer une musique frontale, brutale et impitoyable. Finalement ce nom de groupe c'est carrément une note d'intention, non ?
On a trouvé ce nom après avoir écouté le morceau "Merciless Death" de Dark Angel, on a trouvé ce patronyme très proche de nos inspirations. Impitoyable, sans pitié, on a toujours pensé que ce nom nous définit encore et toujours.

D'ailleurs est-ce que ça n'a pas été frustrant de devoir modifier le nom (même si ce n'était que pour une lettre, il fallait refaire le logo) pour éviter le conflit avec le groupe suédois Merciless qui a disparu de la circulation peu de temps après (avant de revenir en 2002) ? Se dire "Ben merde on change le logo et le groupe disparaît dans les limbes" en gros ? Bon après le logo qui est celui que vous avez gardé est bien plus classe, donc finalement c'était peut-être un mal pour un bien.
Avec le temps et un peu de recul, il est vrai que l'on aurait dû garder notre nom d'origine et éviter de courber l'échine devant la glorification trop facile des groupes scandinaves et leur facilité à discréditer des groupes comme nous et même si je dois avouer que le Merciless suédois était un très bon groupe ! Maintenant tout cela fait partie de l'histoire et peut-être que cela a changé notre destinée sans le savoir !

Je ne sais pas si c'est le fait que vous vous cherchiez encore ou si c'est le fruit des influences de l'époque mais les morceaux de vos démos affichent souvent six ou sept minutes au compteur. Si certains de vos morceaux plus récents s'étirent un peu aussi, Mercyless a quand même opté pour un format plus direct par la suite. Du coup c'était juste lié à votre façon de composer ou c'est une volonté de proposer quelque chose de plus frontal par la suite ?
Disons qu'à l'époque on voulait prouver beaucoup de choses musicalement et montrer que l'on était capable de composer des trucs comme les groupes qu'on idolâtrait ! Du coup on mettait toutes nos inspirations et influences dans souvent un chaos de riffs et de mélodies sans fin ! On était jeunes et on voulait prouver des choses. Avec le temps on a appris à aller à l'essentiel sans fioritures et plus frontal comme tu le dis.



Je ne suis pas sûr de savoir si c'est un clin d'oeil mais la pochette de "Vomiting Nausea" avec le type qui est à moitié coincé dans les toilettes en train de vomir m'a rappelé la fameuse scène du film gore "Street Trash" avec le type qui fond en tirant la chasse. Un hasard ou un clin d'oeil à ce film déjanté ?
Je crois que tu est le premier à relever cette influence et tu a entièrement raison, on avait ces influences et la grande epoque des premiers slash et gore movies. Notre bassiste était très influencé par ce genre de film, perso je n'ai jamais aimé cette cover de démo. Trop loin de mes inspirations mais on a validé quand même et elle a changé par la suite !

D'ailleurs la fin acoustique de "Paralysis" sur "Visions From The Past" fait le lien avec le même thème musical qui revient au début de "Another Desolation" sur cette troisième démo "Vomiting Nausea" justement. C'était pour le fun ou il y a un lien entre les textes des deux morceaux ?
C'etait un clin d'œil à Venom (fin de l'album "Black Metal" et debut de "At War With Satan" !), on aimait beaucoup ce gimmick et on l'a gardé sur toutes les démos, car cela donnait un côté epic et histoire à suivre. Mais il n'y avait pas vraiment de liens entre ces démos à vrai dire.

C'est aussi sur cette démo que le death metal commence à prendre de la place sur le thrash, ne serait-ce que par ton chant qui devient plus agressif et plus guttural. Il faut dire qu'elle est sortie en 1990 et que certains gros morceaux du genre sont sortis cette année-là et l'année précédente dont un certain "Slowly We Rot" en 1989 avec la voix de John Tardy qui a traumatisé pas mal de monde. Je suppose que ça a dû vous motiver à pousser le bouchon de l'agressivité et de la noirceur plus loin ?
Effectivement on était en plein essor de la scène death metal et avec l'avènement des fanzines et du tape-trading on a découvert plein de nouveautés qui nous énormément influencés. La voix de Tardy évidemment, les riffs de Morbid Angel, le style de Pestilence, tout cela contribué à développer notre style et à le rendre plus sombre et violent !

Tout ça nous renvoie aussi à une époque où il était bien moins facile de s'enregistrer, cela passait souvent par le magnétophone posé dans la cave des parents qui servait de local ou pour les plus chanceux du matos 4 ou 8 pistes. Le fait de faire des démos allait d'ailleurs avec ça puisque pour se faire remarquer il fallait d'abord se roder techniquement, forger l'alchimie entre les membres, développer son style, tâter du live. Est-ce que tu penses que de nos jours la facilité à s'enregistrer en pousse certains à sortir des albums trop tôt ?
Il est clair que aujourd'hui tu peux faire un album avec un ordi portable et une carte son en claquant des doigts. La notion-même de groupe ne veut plus dire grand-chose. On peut jouer à distance, dans cinq groupes en même temps, remplacer un gars en un week-end, créer des pochettes par soi-même, réaliser et enregistrer très facilement et très rapidement. Contrairement à une époque ou rentrer dans un groupe était comme rentrer dans une secte, tu devais te dévouer corps et âme à ta musique et avant de penser à enregistrer il fallait répéter comme des dingues et être prêt au maximum pour le studio, pas d'éditions, de copier-coller, jouer dans un groupe était un sacrifice très important à cette époque !

Il me semble avoir entendu dire que vous mettiez à la fin de certaines de vos démos des morceaux d'autres groupes, comme Loudblast par exemple pour leur faire de la pub. Il y avait toute cette entraide entre les groupes à l'époque, la culture du tape-trading qui permettait de connaître d'autres groupes et de prendre des contacts un peu partout. Est-ce que tu retrouves encore cette passion et cette envie de nouer des contacts chez les jeunes groupes ou en tout cas dans l'underground en général ?
Effectivement on rajoutait plein de goodies et d'autres demos d'autres groupes dans nos envois car c'était la norme à l'époque pour continuer à faire vivre la scène underground et pour découvrir plein de groupes inconnus ! Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, Internet et les milliards d'infos à la seconde que l'on reçoit, cela n'a plus vraiment de sens mais dans l'underground il y a encore des petits labels, des petits réseaux de distri, des groupes etc, qui continuent a échanger et faire vivre cette passion. Perso j'ai encore ce réflexe de faire un peut de pub à des groupes qui se défoncent à faire connaître leur musique et faire vivre le style ! Mais c'est de plus en plus rare…

C'est d'ailleurs assez drôle d'entendre de jeunes groupes dire que c'est difficile de se faire connaître, de faire sa propre promo de nos jours. C'est sûr qu'Internet a permis de pouvoir écouter plus de groupes plus facilement, donc l'offre abondante rend plus difficile le fait de sortir du lot. Mais quand on repense à ta génération qui faisait ses propres flyers pour les distribuer en live, qui copiait ses démos sur des cassettes vierges et imprimait ses pochettes à l'arrache, qui distribuait les dites démos après les concerts, qui bouffait du live dans toutes les salles ou bar possibles, bref qui faisait tout en "do it yourself" total on se dit que les petits jeunes ne sont pas conscients de leur chance ! Sans vouloir faire le vieux con (quoique mes quarante ans approchent donc j'ai la carte du club), avant ça demandait un véritable investissement pour se faire connaître, il fallait vraiment se bouger dans tous les sens du terme pour faire circuler son nom. Tu as déjà eu l'occasion de ressentir ce décalage avec d'autres groupes ? Avec peut-être l'envie de leur dire comment c'était il y a vingt ou trente ans sans YouTube ou Bandcamp ?
J'en discute souvent avec de jeunes groupes par expérience (et parce que je suis un ancien aussi !).. Et je me rends compte à quel point il est difficile de leur faire entendre certaines choses qui me semblent logiques même encore aujourd'hui ! Former un pseudo groupe par mail, vouloir enregistrer trois mois après, et monter des tournées sans queue ni tête un an après n'est pas forcément un gage de qualité et une vision pérenne pour du long terme ! Hélas… Mais c'est comme ça aujourd'hui, YouTube, Instagram, Facebook, ce sont les outils qui construisent et détruisent ce que représente un groupe de nos jours ! Il y a un décalage avec l'époque de nos débuts avec tout ce que cela comporte car on vit dans un monde superficiel, numérique et sans âme, mais il faut vivre avec son temps et essayer d'avancer. Même si par moments il y a des gars de cette scène à qui je mettrais bien un pain dans leur gueules tellement ils racontent de la merde ! La vie en 2023 quoi !

Tout ça nous amène d'ailleurs au fait d'avoir le feu sacré, la passion, parce que mine de rien avec les changements de line-up, tu es le dernier gardien du temple de Mercyless à être là depuis les débuts. La question est un peu bateau mais je ne pense pas que tu t'imaginais encore faire ça aussi longtemps après quand tu as commencé, non ? Et le pire c'est que j'ai l'impression que le groupe n'a jamais été aussi en forme, les derniers albums sont terribles et donnent l'impression que vous avez tous bouffé du lion depuis le retour de Mercyless.
On continue à essayer de montrer que l'on est là pour les bonnes raisons, la passion et l'envie de partager l'amour de ce style et cette scène ! C'est pas évident tous les jours mais cette musique est un exutoire pour nous et on l'a pratique à fond, sans compromis, sans regrets ! On essaye d'être authentiques et fidèles à nos propos ! Alors oui bizarrement on a la "gnaque" encore et toujours après toutes ces années car on veut juste montrer pourquoi on continue à pratiquer ce style ! On branche nos jacks dans nos amplis et on jouent sans se poser de question, on gueule notre haine de ce monde replié sur lui-même et on montre notre colère à travers nos mots, nos riffs, nos prestations, il faut cette colère pour être en adéquation avec cette musique et cela ne peut pas être autrement. Contrairement à certains qui font de la musique comme un boulot journalier et ou la motivation a disparu depuis bien longtemps (à part pour quelques billets !). Death metal for passion, not for fashion !



On en arrive donc à cette réédition en CD digibook et en digital chez Dolorem Records et on peut dire que vous n'avez pas lésiné pour la pochette puisque c'est le cultissime Chris Moyen qui l'a réalisée ! Comme d'habitude avec lui la pochette en met plein la gueule et sent le metal à plein nez. C'était un choix purement esthétique ou c'était pour rappeler le lien avec l'underground de l'époque des démos ? Puisque mine de rien Chris Moyen bosse pour beaucoup de groupes très raw et underground justement, ça colle donc bien avec le côté "fait à la maison" de ces trois démos.
On voulait bien montrer que ces demos font parties de l'underground et qui de mieux placer pour illustrer cette musique des années 90's ! Chris, à travers son histoire et ses réalisations et illustrations, il montre à lui tout seul ce que représente l'underground ! Il est un véritable pilier et il était évident et presque naturel de lui laisser faire cette superbe cover comme il sait si bien les faire.

Si on compare votre dernière démo et votre premier album "Abject Offerings", il y a un écart impressionnant, que ce soit évidemment en termes de production puisque vous êtes passés cette fois par un studio avec un producteur et pas des moindres puisque c'était le mythique Colin Richardson. Mais on entend surtout une énorme progression au niveau des compositions, de la brutalité plus marquée et même du niveau technique puisque tout le monde est bien plus en place. C'est dû à quoi ? Plus de préproduction ? Le fait de bouffer de la scène ?
Tout simplement à une évolution et à un travail intense pendant un an après la sortie de "Vomiting Nausea". On s'est vraiment concentrés sur cet album et mis toutes nos influences dedans avec la passion et la colère nécessaires pour réaliser un album de death metal. Bien évidemment la production de Colin nous a beaucoup aidés.

D'ailleurs en parlant de la scène, est-ce qu'il y a du live prévu prochainement ? Il paraît que depuis le la reprise post-Covid c'est le bordel pour refaire des concerts tant les groupes veulent tous caler des dates partout.
C'est un peut les bouchons en ce moment. Tourneurs, producteurs et autres trustent toutes les places possibles pour leur groupe et donc du coup c'est un peu compliqué pour se greffer dans ce bordel ! Mais bon, pas le choix, et faire avec et essayer de se produire le plus possible. Le truc qui m'emmerde un peu c'est les tournées incessantes de certains groupes qui commencent à être trop présents partout et donc ça sature et ça ennuie de plus en plus les fans…

Tant que je te tiens, je ne peux pas te lâcher sans te demander si un nouvel album de Mercyless est dans les tuyaux. On peut espérer entendre du nouveau prochainement ?
Oui, mon commandant ! On part en studio début Novembre au Helscala Studio pour le nouvel album donc rendez-vous dans pas longtemps pour de nouvelles aventures !

Merci à toi d'avoir joué le jeu pour cette interview rétrospective, comme d'habitude je te laisse le traditionnel mot de la fin.
Toujours et encore un grand merci pour ton soutien et intérêt pour MERCYLESS ! Merci à tous ceux qui nous soutiennent et qui soutiennent l'underground ! N'écoutez pas les donneurs de leçons et autres opportunistes qui prolifèrent dans le milieu musical en général. Pensez par vous-mêmes et ne vous laissez pas dicter votre conduite ! On vous attend pour les prochains concerts et stay evil !


Le site officiel : www.facebook.com/mercylesscult