Interview faite par Braindead à Paris

La tournée anniversaire de "Draconian Times", l’implication de Nick sur des sujets qui le touchent directement et de Gregor, qui vit une seconde consécration avec son projet Vallenfyre, sont pour beaucoup dans la réussite d’un "Tragic Idol" de haute facture sonnant le grand retour des émissaires du Paradis Perdu. Les deux principaux instigateurs étant justement en promotion, l’occasion pour Nick d’apporter des éléments supplémentaires sur la genèse de l’album, mais également de poser ses inquiétudes sur le monde d’aujourd’hui. Rencontre avec un monstre sacré, qui semble avoir profité du terroir Français plus que de raison.

C’est votre treizième album, alors superstitieux ?

Nick Holmes (chant) : Aaaah (il sourit)… non… enfin (il hésite)… bon… Non en fait, absolument pas…

L’année dernière, Greg s’est engagé sur son projet Vallenfyre, dont le premier album a été très bien accueilli. Est-ce que cela a été difficile de gérer Vallenfyre et Paradise Lost en même temps, surtout pour l’organisation des concerts ?
Non, tout a été géré et planifié de façon très calme et professionnelle ; c’est surtout pour Greg que ça a été dur, beaucoup de travail pour lui et pas mal de maux de tête (sourire).

Dans quel état d’esprit créez-vous ? Avez-vous besoin d’une atmosphère particulière, un lieu où créer ?
Même si nos textes sont sombres et pessimistes, je dois absolument avoir un bon état d’esprit pour créer ; la mélancolie voire la déprime ne sont pas des facteurs très productifs ; s’enfermer dans une bulle d’énergie pour composer est donc primordial.

Dans tous vos albums, vous abordez des thématiques très sombres ; comment choisissez-vous vos sujets, vos sources de créations (faits divers / politique / social / religion) Est-ce que ces choix correspondent à la période à laquelle vous écrivez vos compos ?
Nous nous inspirons beaucoup du quotidien, avec des perspectives différentes à chaque fois ; les bonnes et les mauvaises choses sont permanentes, j’ai appris à regarder deux, trois, voire quatre ans en arrière pour m’en inspirer.

As-tu décidé seul des thématiques abordées sur "Tragic Idol" ou chaque membre a-t-il apporté ses idées ?
Greg et moi-même composons la musique et même si bien entendu tous les membres du groupe ont leur mot à dire, leurs idées à apporter, je préfère dans un premier temps écrire seul, ce qui est moins compliqué qu’à plusieurs. Nous fonctionnons toujours pareil.

Dans "Tragic Idol", vous parlez de la vampirisation, l’assimilation presque viscérale de fans à l’égard de leurs idoles, une influence qui leur fait perdre leur personnalité. Comment juges-tu ces idoles qui entretiennent le mythe à des fins marketing vous qui réfutez toute idée de marketing ?
Concernant les fans, je pense que l’ambition de ressembler à leurs idoles tient plus d’une envie pécuniaire, de célébrité, et non d’une élévation humaine et spirituelle à proprement dite. Certes, vous devez croire en vous pour qu’on vous respecte, mais je pense que c’est un concept étrange pour moi. C’est dans la nature humaine de vouloir accéder à plus de succès.

…d’autant que ces idoles peuvent aussi basculer dans la dépression, les drogues voire le suicide…
Surtout en Angleterre, les gens aiment descendre les autres, les tirer vers le bas. Ils construisent et retombent ensuite, aussi vite qu’ils sont montés haut. C’est ce qui est arrivé à Amy, James Dean, Jimmy et…(il hésite) le jeune acteur qui jouait le Joker ?

Heath Ledger…
Oui lui aussi, c’est dingue de mourir aussi jeune, ça m’échappe, je ne sais pas…



Reality Show, TV crochet, comment expliquez-vous cette envie absolue de plaire, d’être aimé et célèbre ?
Parce que les gens ont un boulot de merde !!!! (rires) Plus sérieusement en Angleterre, on ne vous encourage pas ; dès que vous avez de l’inspiration, on vous tire vers le bas ; la génération Internet actuelle manque vraiment de discernement ; les jeunes veulent devenir Rock Star, chef de cuisine (Ndlr : Nick fait référence à l’émission Ramsey, la version Anglaise de Panique en cuisine de M6) ou encore David Beckam…

Porn Star... ?
S’ils ont ce qui faut pour… why not. (rires)

Dans "Crucify" et "Honesty In Death", on se rend compte que l’on née pour mourir et que c’est juste avant de partir, que l’on se rend compte des choses vraies, qui comptent. Je ressens votre album comme une bible qui synthétise les tourments de la vie et vous avez abandonné l’humour morbide ; Pourquoi un style aussi radical ?
C’est dur d’écrire un album mais quand on est inspiré on ne regarde pas les précédents albums et on écrit la musique. On n’y pense pas trop en fait, on écrit et l’inspiration arrive naturellement.

Votre album commence avec "Solitary One" qui évoque ces amours trahis qui détruisent l’âme ; Finalement vous ne laissez aucun espoir concernant l’avenir de l’homme ?
Il s’agit d’amour mais surtout d’émotions qui sont aussi destructrices. On ne choisit pas de tomber amoureux comme on déciderait de fumer une cigarette… Les paroles, en général sont négatives. Vous regardez quelqu’un, par exemple, et sans signification ça vous arrive et c’est tout aussi destructeur.

Est-ce parce votre album est d’une dureté sans concession que la musicalité est extrêmement puissante voire violente ?
Les paroles ne sont pas connectées à la musique. Les paroles viennent après. J’ai essayé de les écrire pour qu’elles suivent la musique. Je ne regarde pas si le texte va bien avec la musique. Je veux dire que les paroles arrivent en dernier.

Comme sur l’album "Shades Of God", vous accordez une réelle importance à l’artwork, d’ailleurs celui de "Tragic Idol" est tout simplement magnifique ; peux-tu me parler de la pochette qui semble être la rencontre entre le portrait de Dorian Gray et Klimt ?
Nous travaillons avec un artiste Français. Il a cet esprit Art déco, comme celui que l’on retrouvait aussi dans l’Art Vénitien. C’est subjectif et difficile. Surtout que maintenant, tout est dématérialisé, les albums sont très souvent en format MP3 ; mais la pochette reste tout de même très importante pour la promotion de l’album.

Vous avez expérimenté plusieurs courants musicaux quitte à déstabiliser vos fans de la première heure ; avec "Tragic Idol" vous faites un retour aux sources, pensez-vous de nouveau changer votre style sur les prochains albums ?
On verra suivant l’époque, suivant l’accueil de l’album et selon comment le monde va évoluer, les idées des prochains albums.

Votre artwork est magnifique, vos clips très travaillés et stylisés, en cohérence totale avec vos compositions, ce qui est de plus en plus rare avez-vous déjà pensé à d’autres arts, comme Rob Zombie et Marilyn Manson ?
Je ferais un mauvais metteur en scène, mais peut-être écrire un livre, pourquoi pas après tout, nos textes ressemblent au déroulement d’un script.



Vous cherchez les difficultés avec des créations très recherchées, refusez le concept succès à tout prix, finalement vous êtes un groupe conceptuel… Comment expliquez-vous votre longévité ? Est-ce parce que vous avez exploré différents courants musicaux ?
Aaah… (il réfléchit) Dur à dire ; nous avons su évoluer, changer, sans pour autant chercher à plaire à tout prix ; nous avons fait ce que nous souhaitions faire, au moment où nous le ressentions…

Avez-vous déjà subi une lassitude ?
Oui ça arrive. Quand nous avons fait "Host", nous voulions faire autre chose que du metal mais ça fait partie de notre vie. Nous sommes toujours là et prêts à repartir. Nous avons commencé comme un groupe de metal, nous finirons comme un groupe de metal…

Black Sabbath, Iron Maiden, Motörhead, Napalm Death et vous-mêmes, comment expliques-tu que l’Angleterre donne naissance à autant de légendes ?
Cela provient des différents courants musicaux qui entourent l’Angleterre et qui se sont retrouvés dans les années 80 – 90, faisant naître les talents.

Quels sont pour toi les groupes les plus prometteurs de la scène metal actuelle ?
Il y a de plus en plus de groupes très bons (cf. Festivals) mais c’est de plus en plus dur d’en voir émerger contrairement aux années 80 – 90.

Où seras-tu dans 10 ans ?
Ah, je vous répondrai dans 10 ans.

Je laisse Nick siroter son Coca post soirée arrosée ; rendez-vous est donc pris dans 10 ans.


Le site officiel : www.paradiselost.co.uk