Interview faite par mail par Boris

2013 sera très certainement marqué par le retour des pionniers du black metal français : Seth. Ils ont pris le temps et voilà que 7 ans après "Era Decay", les Bordelais sortent un des meilleur album de metal extrème de l'année 2013. Ambiances soignées, structures plus progressives, "The Howling Spirit" tranche dans la discographie de Seth en abordant chaque titres de façon plus directe. Surprise pour certain, aboutissement logique pour d'autres, après 17 ans d'existence Cyriex et Heimoth (guitares) ont bien voulu accorder une interview à French Metal.

"The Howling Spirit" semble ouvrir un troisième chapitre dans l'histoire du groupe. Après les premières années marqué par votre premier chanteur Vicomte Arkames, il y eu une orientation musicale plus expérimentale avec des albums comme "Divine X" puis "Era Decay". Votre dernier album est plus direct, plus riche également, quelle était votre ambition lors de son écriture ?

Cyriex : L’ambition première était de composer de bons morceaux en s’attachant à développer des ambiances et ce, sans s’imposer de limites et en essayant d’y incorporer de nouvelles idées, ce qui, quelque part, a toujours été le leitmotiv du groupe depuis ses débuts. Par rapport aux précédents albums, la composition s’est faite de manière moins individuelle, la moitié de l’album ayant été composé à 2 avec Heimoth, puis entièrement réadapté pour le groupe, chacun a donc pu y incorporer ses idées. Egwil (Reverence, ex-Lyzanxia), qui a intégré le groupe à la basse peu de temps avant l’enregistrement de l’album, a d’ailleurs beaucoup contribué à l’enrichissement des morceaux et du son du groupe, celui-ci ayant une vision de son instrument plutôt différente de ces prédécesseurs et qui pour le coup colle parfaitement avec l’approche atmosphérique et dissonante de l’album.Ce fut un travail de longue haleine, mais au final, c’est ce qui en fait d’après moi l’album le plus abouti et le plus mature de la carrière du groupe.

Après 7 ans de break et la réalisation de "The Howling Spirit", de quelle manière abordes-tu Seth à présent ?
Cyriex : Etre musicien dans un groupe de metal n’est pas du tout mon activité principale dans la vie et ça ne le sera jamais. Je peut donc envisager mon implication dans le groupe de même que mon activité musicale au sens plus large de façon très sereine. Je n’ai de compte à rendre à personne et je n’ai pas besoin de me demander si je vais pouvoir payer mes factures à la fin du mois. Nous venons par ailleurs de sortir un album dont je suis très fier et dans lequel j’ai pu fortement m’impliquer, je suis donc totalement satisfait d’un point de vue artistique. Maintenant, d’un point de vue plus global, j’aimerais vraiment que nous franchissions un cap, nous sommes tous très emballés par ce nouvel album et aimerions vraiment lui donner la promotion qu’il mérite. Au début du groupe, il n’était pas question de faire des concerts, ce qui n’était pas forcément un problème compte tenu du contexte de l’époque, que ce soit la situation de l’industrie du disque ou le fait que le groupe ait été un des pionniers du genre en France. Or, comme tu le sais, la situation a beaucoup évolué, les gens n’achètent plus de CDs, il y a de plus en plus de groupes sur le marché (n’importe qui pouvant enregistrer son album à la maison !) et l’unique moyen d’exister est désormais sur scène, il faut donc absolument pouvoir partir défendre son album en tournée si l’on ne veut pas qu’il sombre dans l’oubli 2 mois après sa sortie.

Portez-vous une attention particulière sur les lyrics ou ne sont ils qu'un support ? Y a-t-il des thématiques qui vous sont chères ?
Cyriex : Les lyrics sont un élément important lorsque l’on veut créer une atmosphère, au même titre que le visuel, nous essayons donc d’y apporter une attention toute particulière, et ce, depuis les débuts du groupe. Après, le média principal reste évidemment la musique et de bons lyrics ne font pas forcément un bon album, c’est un ensemble qu’il faut savoir doser et rendre cohérent. Les thématiques abordées pour cet album sont l’autodestruction, la culpabilité, l’isolement, les concepts de moralité et de péché que l’homme s’impose en voulant donner un sens à sa vie, soit une sombre réflexion sur la condition humaine, caractérisé par cet "esprit hurlant" que l’on retrouve comme fil conducteur tout au long de l’album. D’un point de vue plus formel, le style d’écriture est assez varié, plusieurs personnes ayant contribuées à l’écriture des textes. Que ce soit l’approche très directe et animale de Black Messiah ou l’aspect plus abstrait et conceptuel de Heimoth en passant par les envolées poético-morbide de Kvhost, cela a permis de réaliser des variations intéressantes autour dune thématique globale.

Durant ce break, tu as joué pour Asmodée et Offending, deux univers bien différents de Seth. Qu'en as-tu retenu ?
Cyriex : Je garde de très bons souvenirs de mon passage chez Asmodée avec qui j’ai enregistré l’album "Chlorosis" en 2009, ce sont des musiciens et compositeurs très talentueux et les côtoyer m’a très certainement permis d’évoluer en tant que musicien et d’enrichir ma vision de la musique en général. Je joue par contre toujours avec Offending, qui évolue dans un style assez différent, plus brut et instinctif, et avec qui, pour l’instant, ma participation s’est limitée aux concerts et à l’enregistrement de solos sur le dernier album. Dans les 2 cas, je dirais que ce sont de formidables expériences, tant humaine que artistique et cela ne peut être qu’enrichissant lorsqu’on est musicien et qu’on cherche constamment à progresser et apprendre de son instrument.



Heimoth, tu as pu t'investir dans Code et Decrepit Spectre, qu'as tu retenu de ces expériences en tant que compositeur, et penses-tu que votre dernier album a bénéficié de celles-ci ?
Heimoth : Code c’était exclusivement du live – c’était très cool, mais le line-up était bien trop chaotique pour pouvoir y voir une once de stabilité. On a fait de grands concerts cela dit. Pour Decrepit Spectre, la bête dort toujours en ce moment, on verra plus tard, mais très clairement, ce sont les cendres du nouvel album de SETH. Cela nous a permis à moi et Cyriex de façonner une réelle osmose de compositeurs pour créer "The Howling Spirit". Ce sont des fondations essentielles.

17 ans séparent "Apocalyptic Desires" (votre première démo) de "The Howling Spirit", envisageais-tu une telle une longévité à Seth au départ ? Quel regard portes-tu sur ces années ?
Heimoth : Je ne me posais tout simplement pas la question, mais à bien y repenser, un groupe depuis fin 95 ça fait du temps. Après je te dirais que ce n’est pas la longévité d’un groupe qui en fait la qualité. Je pense toutefois qu’on s’est toujours démarqué de nos compatriotes en étant toujours plus singuliers. Et rien que pour ça, j’aime mon groupe. Ces années, il y a eu des hauts et des bas. Le début était sympa car très spontané, même si je peine à réécouter nos premières galettes. Mais voilà, on était des gosses, 17 ans pour moi, 20/21 pour les autres, donc c’est toujours cool quand tu y penses. La seule chose c’est qu’on aurait dû éviter de s’endormir à ne rien faire si ce n’est passer notre temps en studio, on aurait pu jouer un peu plus en live.

Préfères-tu composer, enregistrer ou faire des concerts ?
Cyriex : A la base, il faut bien l’avouer, la composition n’est pas ma spécialité. Pour "The Howling Spirit", nous avons beaucoup travaillé ensemble avec Heimoth et c’est grâce à son aide et son sens de la mélodie que nous avons pu développer beaucoup de mes idées comme de la même façon j’ai pu l’aider à mettre en forme et à arranger ses riffs pour en faire quelque chose de plus structuré et maitrisé. Nous avons donc eu un travail relativement complémentaire et c’est dans cette forme là que j’arrive à tirer mon épingle du jeu en matière de composition. J’apprécie beaucoup le processus d’enregistrement, ne serait-ce que parce que je suis un geek du matos et que j’aime l’ambiance d’un studio, mais au final j’ai quand même une préférence pour les concerts car c’est vraiment là que l’on peut présenter le résultat concret de tous le processus créatif. Et puis il ne faut pas oublier que le rock au sens large et tous ses dérivés dont nous faisons évidemment partie est une musique faite pour le live, c’est sur scène que les morceaux prennent réellement vie et que l’on voit la vraie valeur des musiciens, pas de supercheries ni de recalages possibles… J’aime par ailleurs ressentir ce mur de son quand je joue, et ce sentiment de puissance lorsque le groupe est en phase, c’est vraiment un sentiment unique et plutôt addictif.

Une tournée est-elle prévue pour défendre l'album en 2014 ?
Cyriex : Oui nous faisons tout notre possible en ce moment pour promouvoir au maximum l’album en 2014. Plusieurs projets sont en cours de finalisation donc je ne peux pas trop en parler mais il y aura vite des news, suivez l’actu du groupe sur notre Facebook.



Les groupes de black metal du début des 90's ont beaucoup évolué, de Ulver à Satyricon en passant par Enslaved où Darthrone. Pourtant, chaque groupe participe d'une volonté de créer un véritable espace de liberté, sans se mettre aucune barrière. Qu'en est-il de votre point de vue ?
Cyriex : Nous sommes exactement dans le même état d’esprit, il nous est inconcevable de réaliser 2 fois le même album, ça n’a aucun intérêt ! Une des conditions de retour du groupe en 2012, outre l’opportunité de pouvoir se produire sur scène, fut le fait que nous avions du matériel de côté que nous avions composé avec Heimoth pendant le hiatus de SETH pour un autre projet (Decrepit Spectre) et que nous trouvions intéressant de développer et d’adapter dans le contexte de SETH. Il y a donc eu clairement une volonté de proposer quelque chose de frais et nouveau pour le groupe, sans quoi, l’idée de reprendre n’aurait pas vraiment eu de sens. Concernant les groupes que tu cites, cela fais partie des groupes que je préfère (Ulver, Enslaved) entre autre à cause de leur volonté constante d’évoluer, parfois même dans des registres complètement différent de leur début, c’est cette prise de risque qui rend les choses excitantes. Après, évoluer est une intention louable, mais encore faut-il avoir le talent et les capacités pour le faire avec réussite, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les groupes.

Avec le recul et l'évolution du genre, que représente le black metal pour toi en 2013 ?
Cyriex : Une étiquette caractérisant un ensemble hétéroclite de groupe n’ayant parfois rien à voir du tout entre eux ! Cela avait certainement beaucoup plus de sens dans les 90’s lorsque les pionniers ont créés le genre, mais maintenant, ça ne veut plus dire grand-chose. Je pense d’ailleurs que SETH en 2013 n’est plus vraiment un groupe de black metal, mais un groupe de metal extrême ayant sa propre identité, se suffisant à elle-même, ce que d’ailleurs je considère comme un gage de qualité.

Vous avez participé à plusieurs covers dans le passé, de Mayhem à Depeche Mode. A qui songeriez-vous aujourd'hui si on vous sollicitait pour en faire une ?
Cyriex : Pour rendre hommage à un groupe que nous adorons tous, cela serait sans hésitation Thorns, que je considère comme étant l’un des pionniers réels de toute cette scène et qui est hélas resté dans l’ombre des grands noms que tout le monde cite de nos jours. Pour proposer quelque chose plus à contre-pied de ce que l’on pourrait attendre du groupe, je ne sais pas, peut être une reprise de Skid Row, moi ça m’amuserait et en plus on a déjà le sosie du chanteur dans le groupe. (sourire)

Quelles ont été pour toi les dernières claques musicales ?
Cyriex : Sans hésitation, Portal, qui est un des rares groupe dans le milieu extrême à ce jour à proposer quelque chose de réellement nouveau et intéressant autant d’un point de vue musical que visuel. Leur dernier clip pour le morceau "Curtain" est d’ailleurs fabuleux, ils ont su totalement retranscrire ce que m’évoquait leur musique en image, soit la bande son ultime d’un bouquin de Lovecraft !

Nous arrivons à la fin de l'interview. Merci à toi Cyriex et à toi Heimoth, un dernier mot pour les lecteurs de French Metal ?
Cyriex : N'hésitez pas à soutenir le groupe en achetant directement sur notre webstore et surtout en venant aux concerts  ! Et un grand merci à toi pour ton intéressante interview Boris !


Le site officiel : www.facebook.com/innomineseth