Interview faite par mail par Braindead

Vous êtes venus à Nantes pour la première fois, pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de Whisper Of Death, ainsi que sur le background du line-up tel qu’il est aujourd’hui…
Jordan (guitare) : Aaaah, la genèse de WHISPER OF DEATH… Je pourrais t’en parler pendant des heures mais je vais essayer de faire court et efficace ! Avant toutes choses, Whisper c’est une grosse, grosse histoire d’amitié. Tout a commencé à la fin des 90’s dans le sud des Yvelines, dans ce genre de petit village paumé ou tu te fais caillasser la gueule à la sortie du collège parce que tu portes un t-shirt Maiden et que personne ne comprend pourquoi tu ne marches pas dans le rang des Nike Air / survet' Lacoste. C’est là que 3 trublions, fans du gros son de l’époque, se rencontrent : les 3J (Jordan et Jérôme : guitaristes et Jean : batteur) et qu’ils décident très vite d’assumer le stigmate qu’on leur colle à la gueule en faisant le plus de bruit possible et en revendiquant haut et fort leur amour pour la brutalité à tous points de vue ! De l’attitude à la débauche sonore, on la jouait 200% provoc, pour faire jacter la commère du coin et faire enrager la caillera de l’abribus d’à côté. De toute façon, c’était soit faire du son, soit rester cloîtrés dans la forêt du coin, à écluser des bières en refaisant le monde à notre image. Je te passe certains détails, mais cette belle histoire, ça fait 12 ans que ça dure !! Après avoir récupéré Clément (chanteur) en 2003, qui s’est tout de suite intégré à la famille, plus de changement de line-up à déplorer, ou presque…On a juste eu plusieurs bassistes, mais j’ai l’impression que le turn-over est plus important chez nos amis à 4 cordes !
Clément (chant) : Effectivement on a changé de bassiste récemment, c’est Morgan de Praetoria qui va nous assurer l’intérim à Nantes et nous présenterons le nouveau venu, Rémi, à la rentrée !

De plus en plus de combos orientés death metal se créent dans l’hexagone, faisant suite à la grosse blague que représentait le deathcore, un retour aux sources dont la qualité et surtout l’originalité n’est pas toujours au rendez-vous. Vos compos sont beaucoup plus travaillées que ce que l’on entend en général, comment définissez-vous votre style de musique ? Pouvons-nous le qualifier de old school dans le sens le plus vénérable du terme ?
Jordan : Sans aucune hésitation je te dirais que oui, notre son a un gros héritage "old school" et je suis ravi que tu sois de ceux qui qualifient ces influences de "vénérables" ! En fait, chez nous, y’avait rien de calculé : on n’a pas fait du death "à l’ancienne" pour contrecarrer une mouvance de metal bobo / nerdy qui n’existait pas vraiment à l’époque. On a juste voulu faire ce qu’on aimait, marcher dans les pas de tous ces groupes qui nous faisaient vibrer à l’époque et qui nous font encore vibrer : des vieux Canniboules, Krisiun, Death, Deicide, et tant d’autres. On s’en branlait des tendances du moment et on s’en branle encore. On n’était pas dans l’optique de faire mouiller la lycéenne du coin, ou de fédérer les hordes de néo-métalleux fraîchement débarqués avec le premier album de Slipknot. Loin de moi l’idée de cracher sur tous les groupes qui ont voulu innover dans le metal ces deux dernières décennies hein, j’veux pas faire le vieux con qui dit que "Le metal c’était mieux avant . C’est juste que le death old school des 80/90’s c’était notre came, et que ça l’est toujours en grande partie. Perso j’écoute pas mal de ce qui se fait sur la scène metal actuelle, et y’a des trucs qui me font décoller la pulpe du fond et dont je peux m’inspirer. Mais il était hors de question, qu’au sein de Whisper, on travestisse notre intégrité musicale pour surfer sur une pseudo "tendance"passagère et fédérer un auditoire plus large.

Que pensez-vous du fait que l’on cherche absolument à étiqueter les groupes sans vraiment leur demander leur avis, les enfermant ainsi dans une identité musicale dont certains ont du mal à se défaire et au risque de déstabiliser les fans les plus hardcore en cas de changement créatif… ?
Jordan : Très bonne question, qui rejoint ce que je te disais dans ma réponse précédente. J’ai longtemps été pointilleux sur les identités musicales dont tu nous parles : parce que derrière tous ces groupes se revendiquant d’un style bien défini, y’avais une attitude, un code de conduite et une ambiance bien particulière. J’crois que c’était important pour moi pendant ma lune de miel avec le metal, d’être fan de groupes avec une identité musicale bien marquée, surtout parce que ça renforçait mon sentiment d’appartenance à une communauté restreinte, seulement composée de puristes et d’intégristes. Quand j’avais 16 ans, je trouvais ça inconcevable qu’on puisse passer d’un morceau de Slayer à un morceau de Limp Bizkit ! Mais, le temps aidant, mon point de vue a changé : j’ai toujours autant de mal avec les artistes ou les groupes qui vendent leur cul pour faire du blé, surtout quand c’est mal fait, mais j’ai arrêté de vouloir mettre du clivage à toutes les sauces.. Je ne suis plus trop friand des étiquetages intempestifs mais y’aura toujours des fans hardcore pour le faire, parce que ça vient satisfaire leur désir de ferveur et d’intégrité. Aujourd’hui j’peux tout péter dans une fosse, sans complexe, sur un Rise Of The Northstar, avant d’aller me manger un set complet de Dark Funeral. Et si, au sein de Whisper, nous vient l’envie de faire une grosse "mosh part", on n’hésitera pas longtemps à le faire, à partir du moment ou ce n’est jamais guidé par une logique consensuelle ou commerciale.

La production de votre album "Noise Of Obstinacy" est parfaite, vous avez travaillé avec Alan Douches (Nile, Mastodon…) notamment, comment s’est passés cette collaboration ?
Jordan : Tout d’abord, merci ! On est évidemment très heureux et fiers de ce résultat. En revanche, je ne pourrais pas te parler de la collaboration avec mister Douches à proprement parler, puisque ce cher monsieur s’est uniquement occupé du mastering, une fois le skeud entièrement ficelé et mixé. Alors, bien sur, il a fait ça comme le pro qu’il est, indubitablement, mais je tiens à profiter de ces quelques lignes pour remercier Francesco (bassiste des Pitbulls In The Nursery) et son home-made studio (Dark Wizard Studio) chez qui on a enregistré notre album et accessoirement sué des litres d’alcool ! Toutes nos productions antérieures ont été enregistrées chez lui, et on y retournera les yeux fermés quand il s’agira d’enfanter un nouvel opus. Un grand monsieur, tant dans son savoir-faire que dans ses talents de musicien et dans son infinie patience face aux joyeux loufoques que nous sommes ! Mention spéciale à Chuck le chat, notre muse à tous en période d’enregistrement !



Quels sont vos sujets de prédilection, vos axes de recherches pré-créatives ?
Jordan : En ce qui concerne les textes, Clément en parlera mieux que moi. La musique étant composée en amont des paroles, je crois qu’il s’imprègne suffisamment de l’ambiance qu’on lui propose pour laisser libre cours à son humour macabre et à ses versets malsains tout droits sortis des "Contes de la Crypte" (rires). En ce qui concerne la trame musicale à proprement parler, on n’a pas spécialement de sujet de prédilection pour guider nos coups de médiator. Un riff black metal peut naître après avoir passé 2h bloqué dans les transports en commun, un jour de canicule. Une syncope bien vénère peut voir le jour après la frustration d’avoir fait cramer sa CB à l’happy hour du pub du coin. Un rien nous inspire haha !
ClémentOn n’a jamais eu de message sérieux à faire passer par le groupe et les textes gore pour gore je pense que c’est suffisamment fait dans le milieu ! Du coup, et c’est plus dans notre esprit, on est sur un délire de un morceau=une histoire, très influencés par des séries comme les "Contes de la Crypte" avec des morales toujours bien foireuses ! En général on lit le texte à voix haute en répet et si tout le monde est mort de rire on valide haha ! Et le tout est chanté en français !

Pourriez-vous nous expliquer qui compose et le degré d’intervention de chaque membre, si chacun de vous a son lieu de prédilection pour composer ou si c'est plutôt brainstorming, etc... ?
Jordan : Depuis le début, on fonctionne quasiment de la même façon. Jérôme arrive avec 80% de la matière première : mélange de riffs épileptiques et malsains à souhait, tout droit sortis de son cerveau malade (rires). Là-dessus, on "brainstorme" en répèt', deux fois par semaine. Jano et moi nous chargeons de couper à droite à gauche dans le tas de saindoux, d’ajouter parfois un temps ou deux et de proposer des déclinaisons et variations aux riffs originels. Et on valide le tout, une fois que tout le monde est d’accord et que le sieur Clément nous a accordé sa bénédiction ! C’est parfois assez rapide et parfois très très lent, puisque rien n’est figé tant qu’un des membres présente une quelconque réticence. Y’a des morceaux qui traînent en maturation dans nos fûts depuis plusieurs années.

La musique subit une crise majeure, ne pensez-vous pas que le salut passe par le live dans la mesure où le processus de production semble inversé, à savoir des concerts et peut-être un album si succès, alors qu’il y a 10/20 ans les concerts servaient à promouvoir un album ?
Jordan : Personnellement, je suis assez d’accord sur le fait qu’aujourd’hui rien n’est plus important que le live. Outre le fait que l’industrie du disque soit en panne, l’exercice du studio est devenu tellement simple, qu’on se retrouve parfois avec des galettes qui envoient la purée et un groupe qui bande mou une fois sur les planches. Pour moi c’est donc primordial d’avoir vu un groupe défendre son steak sur scène avant de pouvoir juger de quel bois il est fait. Après, je me doute bien que ta question concerne l’aspect "publicisation" du groupe et là-dessus je suis mitigé. Disons qu’on a sillonné pas mal de scènes pendant des années sans aucun support discographique à proposer à notre auditoire. On avait des bons retours de nos presta, fréquemment de bons live reports, mais la sauce retombe parfois aussi vite qu’elle est montée. Tu arrives à te faire booker parce que tu as une réputation solide de groupe "live" mais il suffit d’une presta un peu plus mitigée et tout est à refaire. Avec un skeud, même produit à perte (ce qui est notre cas), tu pérennises quand même ce que tu fais dans le temps. Les gens peuvent se dire : "Ah ouais, Whisper en 2014, ça donnait ça" et être plus à même de juger ce qu’on envoie, que lorsqu’ils nous ont vu, avec 3g dans chaque bras au fond d’une fosse.

Envisagez-vous des tournées en dehors de l’hexagone ? Comment expliquez-vous la difficulté qu’ont les formations françaises à se faire reconnaître à l’étranger, à part quelques contre-exemples bien sûr ?
Jordan : Alors, oui, évidemment qu’on les envisage et que c’est même un de nos rêves les plus chers mais concrètement on a du mal à les mettre en place. Il était plus ou moins prévu, qu’on se fasse un petit tour d’une dizaine de dates en Septembre avec les potes de Devour The Fetus mais l’histoire est tombée à l’eau suite à un de leurs changements de line-up. Dans le milieu du metal extrême, j’pense que c’est pas évident de se faire suffisamment reconnaître pour être booké aux frais de la princesse par des structures qui perdent de plus en plus en budget et en subventions. Sans parler forcément de cachet, c’est déjà parfois difficile de se faire défrayer pour aller faire un concert en province. Pour prendre l’exemple de Hour Of Penance ou de Vital Remains avec qui on partage la scène cette année, ça me fait toujours un peu mal au cœur de les voir jouer au Klub (toute petite salle parisienne) devant 30 personnes, au vu de la notoriété qui est la leur. Donc ouais, les tournées hors hexagone pourquoi pas… Mais ce sera à nos frais, et ça dépendra forcément de nos emplois du temps professionnels respectifs : forcément plus dur à mettre en place.

Que pensez-vous justement de la scène meétal actuelle, partagée entre les vieilles gloires qui reviennent la plupart du temps pour des raisons financières et les jeunes formations qui pullulent et reproduisent sans réelle identité, ce qui a déjà été fait, en affichant leurs couleurs, signe de ralliement ? Ne pensez-vous pas que le metal est devenu très sectaire, voire un peu bourgeois dans son âme ?
Jordan : Je suis assez d’accord avec ton constat, mais ça concerne surtout les groupes "pros" ou en passe de le devenir. Ca concerne en tout cas, ceux qui veulent vivre de leur art, et qui en cette période de restriction budgétaire se sentent obligés de jouer la carte "simple et efficace"pour assurer leurs arrières et leurs fins de mois. Les formations connues d’aujourd’hui tentent moins l’originalité et la folie qu’il y 20/30 ans parce qu’ils sont inhibés par le climat artistique qui se refroidit et ça leur compresse les couilles. Les gros groupes (Metallica pour ne pas les citer) se la jouent hommes d’affaires intransigeants pour toucher quelques royalties de plus alors qu’ils sont pétés de thunes. Et les petits groupes qui veulent sortir la tête de l’eau, veulent à tout prix rester dans le moule de leurs aînés parce qu’ils ne veulent pas prendre de risques et préfèrent tabler sur une valeur sûre. Donc ouais, j’ai tendance à penser que là ou il y a abondance d’argent, la valeur artistique peut péricliter. Heureusement, en France, on garde une scène "underground" riche et active, ou des passionnés font vivre la scène metal avec fougue et talent. Ce n’est donc peut-être pas l’ensemble du metal qui est devenu bourgeois et sectaire, mais seulement la partie visible de l’iceberg.



Il y a dix ans, la com via  les réseaux sociaux semblait être le Saint Graal pour tous ces groupes qui n’avaient pas de présence dans la presse spécialisée, ces dernières années la donne serait plutôt "trop d’info tue l’info" avec nombre de formations prometteuses noyées dans la masse. Quelles sont pour vous les solutions à appliquer afin de se différencier et ne pas devenir un bon groupe parmi tant d’autres ?
Jordan : C’est clair qu’aujourd’hui, tout passe par les réseaux sociaux et qu’on est continuellement matraqués sous un déluge d’infos diverses et variées. Y’a toujours une nouvelle page Facebook à "liker" du groupe du coin qui fait des reprises de RATM et qui veut rentrer dans la boucle, comme les grands. Pour autant, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Tout le monde aujourd’hui peut se ménager et cultiver son petit encart de gloire, pour autant qu’il s’en donne la peine, et ça remonte l’exigence en matière de communication pour chaque groupe qui veut sa place "au soleil". Alors ouais, c’est peut être plus dur pour les programmateurs, pour les tourneurs et autres producteurs de dégoter la perle rare, noyée dans la profusion de groupes en devenir qui fleurissent sur la toile. Mais c’est aussi plus simple pour les groupes : ça leur donne en main les armes pour faire la différence, pour soigner leur image et la présenter comme ils le souhaitent, alors que c’était auparavant aux mains de la presse spécialisée. Finalement ça colle plus à une philosophie DIY qui m’a toujours été chère : "Tu veux faire ton trou, bah creuse-le toi-même". Au sein de Whisper, on n’a pas de stratégie pré-établie pour fédérer outre-mesure : on se contente d’être nous-mêmes, avec nos conneries et nos sales gueules de sortie de soirée. On est intègres, on est authentiques, on est débiles : peu importe si ça plaît ou pas.

Vous être soutenus par Blue Wave Production qui est basé à Nantes, que vous apporte cette collaboration et surtout pourquoi avoir choisi de d’expatrier votre communication en région ?
Clément : On a choisi de bosser avec Jérémy pour toute la promo de "Noise Of Obstinacy", il nous a été chaudement recommandé par plusieurs proches / amis / groupes. Comme on en parlait sur la question précédente, c’est chaud de sortir de la masse, aujourd’hui tu peux sortir le meilleur album de la planète, si t’as pas une promo en béton, tu peux crever la gueule ouverte. On a donc choisi Black Wave Promotion pour notre premier album, pour essayer de sortir de cette masse d’information ! Jérémy a fait un super taff et nous a filé d’excellents conseils, c’est pas évident de se démerder et de tout apprendre sur le tas quand tu sors ton premier skeud, il nous a bien aidés sur tout ça !

Quels sont pour vous les groupes les plus prometteurs sur la scène metal actuelle et ceux avec qui vous aimeriez partager l’affiche ?
Clément : Si je devais n’en citer qu’un seul je dirais Rise Of The Northstar, les mecs sont l’exemple même de ce qu’il faut faire pour sortir de la masse, ce sont des bosseurs et ça se sent ! C’est en train de devenir un putain de rouleau compresseur et je pense que ça va continuer ! Pour le partage d’affiche c’est assez simple : Dying Fetus, The Black Dahlia Murder, Krisiun ou Behemoth, voire même les 4 pourquoi pas haha ! Là on a ouvert pour Vital Remains et c’était aussi un putain de rêve ! Je me souviens d’avoir découvert le morceau "Dechristianize" sur un sampler Rock Hard, à l’époque je devais avoir 15 ou 16 piges et ça m’avait sévèrement pété la gueule ! Même si le line-up n’est plus le même, ça reste un groupe légendaire ! Evidemment il y a beaucoup d’autres groupes avec qui on aimerait jouer mais tu as notre top 4 ! On en profite pour citer les potos de Devour the Fetus, Deflesher, Inner Reflection, Crowmorph et Pitbulls In The Nursery qui sortent leur deuxième album !

Pour finir un mot, une pensée qui vous sert leitmotiv ?
Intégrité, persévérance, passion et contrôle qualité ! Fûts de bière ! Merci à toi pour cette interview, à tous les gens qui nous suivent et nous soutiennent, on va continuer à envoyer la sauce avec toujours ce grain de folie qui nous caractérise !


Le site officiel : www.whisperofdeath.com