Interview faite par Pascal Beaumont à Paris.

Le combo de deathcore américain Whitechapel est loin d'être inconnu dans l'hexagone. Les bougres ont déjà écumé de nombreuses fois les scènes françaises et s'apprêtent à venir enflammer une fois de plus la scène du Hellfest le 22 Juin prochain après un passage au Petit Bain le 15 Juin à Paris. Le gang est retour avec sa nouvelle offrande "The Valley" qui fait référence à la région d'Hardin Valley à l’ouest de Knoxville dans le Tennessee, lieu où Phil Bozeman a passé toute son enfance, l'opus a une fois de plus été produit par Mark Lewis, mixé par David Castillo et masterisé par Ted Jensen un maître en la matière. Ce septième album à ce jour s'avère être un des plus personnels jamais réalisés, baignant dans une noirceur lourde destinée à provoquer une émotion et une mélancolie qui trouvent certainement leur origine dans les textes triturés de leur chanteur Phil. L'histoire développée à travers "The Valley" est basée sur des faits réels et repose essentiellement sur l'enfance difficile et très perturbé de Phil Bozeman qui n'hésite pas à citer tout au long de l'album des passages du journal intime de sa mère qui est à la base du processus créatif de "The Valley". Si nos bad boys ne s’éloignent pas de leurs racines en nous proposant un deathcore puissant et violent, la formation semble en pleine mutation musicale, Phil s'aventurant cette fois de plus en plus dans des parties de chant clair qui viennent colorer une palette de styles nettement plus diversifiée, notamment grâce à des passages calmes et acoustiques où la mélodie prend toute son importance. Whitechapel nous propose ainsi un registre musical nettement plus diversifié, une prise de risques maîtrisée qui ne s'éloigne jamais des fondamentaux deathcore mais qui marque sa volonté de d'explorer de nouveaux territoires sonores. C'est avec Alex Wade, le guitariste de Whitechapel, que votre serviteur a pu s'entretenir afin d'en savoir un peu plus sur "The Valley", un opus qui vous embarque dans un périple introspectif, dérangeant, dont vous ne sortirez pas indemnes. Entretien avec un guitariste fatigué par le décalage horaire mais toujours enthousiaste d'être à Paris pour assurer la promotion de sa nouvelle progéniture ! Magnéto Alex, c'est à toi !

Bonjour Alex, comment se déroule cette journée de promotion parisienne ?

Alex Wade (guitare) : Je passe une excellente journée. C'est toujours passionnant de pouvoir parler de notre album avec des gens qui s'intéressent à notre musique et qui ont envie d'en savoir plus à propos de nous et de notre musique. On adore Paris, on y a beaucoup d'amis, on a eu la chance de pouvoir y jouer plusieurs fois, donc c'est toujours sympa de revenir ici. De plus, on trouve cette ville très belle, on aime se balader et rencontrer des gens, c'est un vrai plaisir pour nous.

Quels souvenir gardes-tu de vos concerts à Mexico City et Guadalajara les 24 et 26 Janvier 2019 ?
C'était fantastique. Ces deux villes ont un public incroyable, ils adorent le metal. Ca a été extraordinaire de pouvoir aller jouer là-bas.

Avez-vous pu jouer de nouveaux morceaux ?
On a joué "Brimstone", c'est le seul titre que l'on interprète sur scène pour le moment. Mais on va en jouer plusieurs lors de notre prochaine tournée américaine qui aura lieu en Avril. "Brimstone" a été très apprécié par le public, il a vraiment bien fonctionné sur scène, cela vient du fait que c'est un morceau heavy taillé pour la scène et fait pour prendre du plaisir avec des amis.

Vous venez de fêter les dix ans de votre deuxième album "This Is Exile", que représente cet opus à vos yeux ?
C'est un album important. Pour nous être là dix ans après, c'est très spécial. C'est aussi exceptionnel d'être capable aujourd'hui de célébrer "This Is Exile" dix ans après sa parution. Ce qui est très important pour nous c'est d'avoir été capable de jouer ces titres au cours de ces dix dernières années et de pouvoir célébrer cet évènement aujourd'hui.

Est-ce que tu apprécies la vie de tournée ?
On a enregistré "The Valley" sur plusieurs étapes. On partait en tournée puis on revenait enregistrer et on repartait sur les routes. On a apprécié cette méthode, ça a bien fonctionné et ça a fait ce qu'est "The Valley" aujourd'hui.

Le fait de tourner a donc eu un impact direct sur les morceaux de ce nouvel opus ?
Oui, bien sûr, cela nous a permis de garder une certaine fraîcheur et d'être en forme pour enregistrer. Je pense qu'alterner les concerts et les sessions en studio a vraiment été bénéfique. C'est une manière quelque part d'améliorer nos performances. Lorsque l'on rentrait de tournée, on était tous très affûtés pour jouer. Ce n'est pas comme si on n'avait pas joué de guitare pendant un mois. On a joué chaque soir pendant un mois donc forcément cela a eu un impact sur notre façon de jouer en studio.



Vous avez décidé de confier le mixage à David Castillo et le mastering à Ted Jensen !
Oui, on voulait vraiment travailler avec eux. On connaissait le travail qu'avait effectué David Castillo pour Katatonia, on appréciait, on voulait trouver un équilibre entre les passages heavy et le chant, le mixage était très important à ce niveau-là. Nous avions déjà travaillé avec Ted Jensen par le passé, on était très conscients de ce qu'il pouvait nous apporter cette fois-ci.

Vous avez trois guitaristes, Ben Savage, Zach Householder et toi au sein de Whitechapel, qu'est-ce cela vous apporte ?
Cela nous apporte énormément car on est trois à composer des riffs. Si nous n'étions que deux, ce serait différent, je pense que nous aurions moins d'idées. Avoir trois guitaristes fait que chacun amène ses idées personnelles, son style, sa manière de concevoir des riffs. Ca nous aide énormément au niveau de l'écriture des morceaux.

Pourquoi avoir choisi "Third Depth" comme troisième single ?
C'est assez difficile parfois de faire un choix et spécialement avec ce nouvel opus. On a tellement de très bons morceaux, c'est difficile de choisir un titre qui aura le bon impact. Parfois, nous avons choisi des singles qui n'ont pas eu l'effet que nous attendions. C''est très difficile d'extraire un titre parmi tous ceux de l'album. Mais parfois, c'est une évidence et là on n’a pas eu de difficultés à choisir cette chanson.

Pensez-vous sortir un autre single ?
Oui, on pense même en sortir deux de plus. Au final, on aura cinq titres extrait de "The Valley".

Est ce qu'il y a des morceaux qui ont été un challenge à enregistrer ou à composer ?
Je dirais le titre "Lovelace", c'est certainement celui dans lequel je me suis le plus investi au niveau des guitares. C'est un des morceaux les plus techniques de l'album même si ce n'est pas le plus technique sur lequel j'ai pu travailler. C'est un des titres que j'ai écrits et j'en suis très fier.

Pourquoi avoir appelé cet opus "The Valley", à quoi faites-vous référence ?
Souvent les titres et les textes sont très liés. Tout est né d'une idée de notre chanteur qui a choisi de développer cette sorte de concept lié à sa jeunesse et son passé à travers ses textes. C'est lui qui a trouvé ce titre et qui nous l'a proposé, on l'a trouvé cool et il a été adopté. On a adoré ce côté mystérieux et sombre, ce titre qui ne s'explique pas par lui-même et qui suscite des interrogations. On a trouvé cela très intéressant de l'appeler ainsi.

Dirais-tu qu'il y a un concept derrière ce titre ?
Oui, je le nommerais ainsi. Tous les morceaux ont un rapport avec le passé et l'enfance de notre chanteur. Ils sont tous relié ensemble par ce fil rouge.

Phil Bozeman et toi vous connaissez-vous depuis l'enfance ?
Non, mais je le connais depuis très longtemps. Par contre, je connais Ben Savage depuis très longtemps, nous avons grandi ensemble. Mais Phil et moi avions 20 ans lorsque nous nous sommes rencontrés et c'est à ce moment-là que le groupe est véritablement né.

Quel regard portes-tu sur ces treize années passées au sein de Whitechapel ?
J'ai adoré, j'ai pu voyager à travers le monde entier. J'ai rencontré tant de personnes et j'ai pu profiter de tous ces moments exceptionnels. Je suis heureux de faire ce que je fais. Lorsque je me retourne sur ces treize années qui se sont écoulées, je peux constater tout ce que nous avons accompli. Je suis content de voir que nous sommes toujours comme des frères et j'espère que cela va perdurer longtemps.



Penses-tu que vous êtes capables de rester unis encore de nombreuses années ?
Je l'espère, c'est le but du jeu. C'est la partie que l'on joue. On a déjà un beau parcours derrière nous, on espère continuer et voir combien de temps cela va durer.

Est-ce toi qui as trouvé ce nom "Whitechapel" ?
C'est notre guitariste Brandon qui a trouvé ce nom. C'est lié au célèbre criminel Jack l'éventreur et au quartier de Londres où il a commis tous ses crimes. On avait envie d'un nom qui soit quelque part très metal et on a trouvé que "Whitechapel" l'était parfaitement.

Quel est le symbole qui se cache derrière cette pochette avec cet œil au milieu d'une vallée ?
On a travaillé en étroite collaboration avec Branca Studio (Cavalera Conspiracy, Paradise Lost, Eagles Of Death Metal ou encore Queens Of The Stone Age). On lui a donné notre vision de ce que l'on avait envie de voir. On souhaitait avoir cette vallée avec ces arbres. L'œil symbolise ce qu'est la vie et ce qui lui donne du sens.

Est-ce que Navene Koperweis (Entheos, ex-Animals As Leaders et Animosity) est votre nouveau batteur ?
Non, il est juste venu nous aider pour enregistrer les parties de batterie. Il a son propre groupe, Entheos. C'est un très bon ami et un excellent batteur, c'est pourquoi on lui a demandé de venir jouer sur "The Valley".

Quelles sont les qualités qu'il faut avoir pour intégrer Whitechapel ?
On cherche simplement quelqu'un qui soit sur la même longueur d'onde que nous et qui soit facile à vivre. Quand tu es sur la route à neuf, c'est toujours difficile de vivre ensemble et la fatigue n'arrange pas les choses, il doit surtout être agréable à vivre. Et puis bien sûr il faut que ce soit un bon batteur qui soit capable de reproduire les parties de batterie dont nous avons envie. Il y a des parties très difficiles, très techniques et d'autres plus soft mais boostées par une dynamique importante. C'est le profil de batteur que nous souhaitons pour WHITECHAPEL. Navene a fait un très bon travail sur "The Valley".

Sais-tu que Laurent Lafitte, un célèbre acteur français, a choisi "Black Bear" comme meilleur morceau dans le cadre d’une nuit d'amour lors d’un show TV ?
Oui, j'en ai entendu parler. Il était sur un plateau de télé et on lui a demandé sur quel morceau il aimerait bien faire l'amour, il a répondu "Black Bear" de WHITECHAPEL. C'était, je pense, une plaisanterie. Mais ils ont passé le morceau et ça a été très sympa pour nous, ça nous a permis d'avoir une exposition a une heure de grande écoute et de faire découvrir le groupe a tout un public qui ne nous connaissais pas. Mais je sais que Laurent Lafitte nous connaît, c'est juste incroyable qu'il ait eu envie d'écouter un de nos nouveaux morceaux en direct.

Vous allez jouer au Hellfest le 22 Juin 2019, qu'est-ce que cela t'évoque ?
Ce sera la deuxième fois. Nous y avons déjà participé il y a quelques années (Ndr : c'était le 22/06/2009). On est très heureux de revenir jouer dans ce très grand festival français. On apprécie ce genre de festival, il y a énormément de monde et c'est toujours très sympathique de participer à ce genre d'événement.

Comment est née ta passion pour la musique et qu'est-ce qui t'a donné envie de devenir guitariste ?
Je crois que tout a commencé avec la découverte de "Master Of Puppets" de Metallica et Blink 182. J'étais un très grand fan de ces deux formations. J'ai débuté à la basse, mes parents avaient eu la bonne idée de m'offrir une basse pour Noël. J'aimais bien en jouer mais ce n'était pas ma passion, j'avais envie de jouer de la guitare. Mais définitivement, Metallica et Blink 182 sont les deux groupes qui m'ont donné envie de devenir musicien.

As-tu réalisé tout tes rêves d’enfant ?
Oui, c'est totalement dingue. Je n'ai jamais rêvé lorsque j'étais enfant d'arriver là où nous en sommes aujourd'hui. Mais c'est vrai au bout de 13 ans et 7 albums, nous sommes arrivés à ce niveau-là, c'est un peu le destin, tu débutes avec des copains, tu crées ton groupe et puis tu suis ton chemin.

Pour conclure, qu’as-tu envie de rajouter qui te paraît important ?
J'ai juste envie de dire que si vous avez envie de vous intéresser à nous, alors écoutez "The Valley" et prenez le temps de le découvrir. J'espère vraiment que vous prendrez du plaisir à nous écouter.

Merci beaucoup, Alex !
Merci et à bientôt.


Le site officiel : www.whitechapelband.com