"Life"
Note : 18/20
"Life" ne battra pas le record détenu par "Chinese Democracy" mais il aura tout de même fallu attendre huit ans pour pouvoir enfin poser nos oreilles dessus. Après plusieurs changements de line-up, c'est finalement avec l'addition de Jelly Cardarelli à la batterie, Mayline au violon et Kelly "Sundown" Carpenter " au chant que "Life" a fini par se faire. Quand un album met autant de temps à sortir on y place souvent beaucoup d'attente, on est donc souvent déçu à l'arrivée parce que le résultat ne colle pas avec ce que l'on imaginait.
Balayez ces craintes tout de suite, "Life" tient toutes ses promesses haut la main ! Je vais quand même calmer les indécrottables qui restent coincés sur "Sanctus Ignis" ou "Underworld" (qui sont des chefs d'œuvre on est d'accord là-dessus) que non, Adagio n'est pas revenu à son metal progressif teinté de néo classique d'antan. Le groupe a continué son évolution pendant ce temps et on peut entendre certaines sonorités modernes que l'on trouvait déjà sur les albums solo de Stéphan Forté. Ces riffs presque djent, saccadés, joués sur des guitares accordées plus bas que terre, qui apportent des ambiances plus dures et plus sombres. Là aussi si vous aviez peur que ce côté moderne prenne trop de place, rassurez-vous, la personnalité d'Adagio est toujours là et bien là. C'est le morceau-titre qui ouvre l'album et honnêtement je me suis pris une claque d'entrée de jeu tant celui-ci est dense, riche, varié, terriblement beau et accrocheur à la fois tout en ayant la dose d'agressivité qui va bien. Bref, un gros mélange de plusieurs sonorités différentes étalé sur plus de neuf minutes, avec une fois de plus une maîtrise technique époustouflante et des mélodies à tomber. Un morceau qui annonce la couleur et qui devrait mettre tout le monde d'accord ! Les soli de Stéphan Forté et Kévin Codfert sont une fois de plus aussi mélodiques que techniquement impressionnants et le chant de Kelly Carpenter est évidemment du même niveau. Les ambiances poursuivent sur le chemin emprunté par le groupe depuis "Dominate", autrement dit quelque chose de plus sombre et plus dur. Les gros riffs sont de véritables rouleaux compresseurs et créent un sacré contraste avec les passages les plus mélodiques et certaines lignes de chant poignantes.
Globalement, les morceaux sont complexes, longs, mélodiques, sombres, agressifs, accrocheurs, bref il n'y a quasiment aucun temps mort pendant l'heure que dure l'album. On retrouve évidemment des choses que Stéphan Forté a pu expérimenter sur ses albums solo, comme ce côté très moderne et djent flagrant sur "Subrahmanya" mais c'est bien un album d'Adagio que vous allez avoir dans les oreilles. Et si le rythme se calme quelque peu sur les deux ou trois derniers morceaux, il n'y a pourtant aucune baisse d'intensité, quand le groupe ne vous tient pas à la gorge c'est qu'il vous tient par les tripes. Surtout que l'on ne tombe jamais dans le piège de la ballade mielleuse ou niaise, "Trippin Away" qui se rapproche le plus de la ballade trouve le moyen de rester poignant et mélancolique. Bref, peu importe ce qu'Adagio décide de faire il le fait avec le cœur et il est indéniable à l'écoute que tous les morceaux ont fait l'objet d'un travail colossal. Je vais être honnête, même si nous ne sommes qu'au mois de Juillet, je ne pense pas me tromper en disant que l'on tient là un des albums de l'année. En tout cas dans le genre retour fracassant, "Life" se pose là ! Niveau production, pas de quoi s'inquiéter non plus, le son est puissant et tous les instruments et arrangements arrivent à se faire une place et croyez-moi, vu les informations qui peuvent se superposer sur ce nouvel album, ce n'était pas gagné d'avance !
Après une très longue attente, Adagio est enfin de retour et croyez-moi, ça valait le coup de prendre son mal en patience. "Life" atomise totalement "Dominate" et "Archangels In Black" et prouve que le groupe sait se renouveler et qu'il ne s'est pas tourné les pouces pendant toutes ces années. Des claques musicales comme celle-ci, j'en veux bien tous les jours, en espérant que le groupe se soit bien remis sur les rails cette fois.
"Archangels In Black"
Note : 19/20
Quand la mélodie devient puissance, on se retrouve face à un environnement
musical quasi parfait. Cette princière noirceur, apologie épique et
garguanduesque, Adagio l'aura sculptée à son image tout au long de son parcours,
son apogée s'annonçant avec ce "Archangels In Black", orchestral et magistral
sur plusieurs points, plus de 3 ans après la sortie du très prometteur
"Dominate".
Stade ô combien compliqué du troisième opus studio, Stéphane Forté
aura, comme à son habitude, su s'entourer de personnes de talent (Björn
Engelmann (Rammstein, Behemot, Meshuggah) pour un mastering bétonnesque,
Guiherme Sevens pour un artwork sublime) tout en assurant une production
parfaite avec son compère claviériste Kevin Codfert. Mais le grand plus pour
Adagio est le recrutement du vocaliste finlandais Christian Palin, remarqué pour
son travail au sein de Random Eyes et Essence Of Sorrow. En effet, il apporte
tout au long de "Archangels In Black" une couleur plus personnelle que ses
prédécesseurs aux différents titres, une identité vocale qui allie énergie et
fluidité à la technique sans faille du quintette. La force de persuation en
devient décuplée et la capacité du groupe à nous pondre de superbes chansons aux
refrains implacables en est exacerbée ("Vamphyri", "Fear Circus", "Undead",
"Getsu Senshi"), s'imposant alors fermement et intelligemment, loin des
théories élitistes de certains. Faisant honneur aux aînés avec personnalité (Symphony X, Dream Theater) les schémas du code y sont exposés avec qualité tout
en n'y gardant qu'une base infime et naturelle. Les désormais classiques
incursions vers l'univers du black metal (Dimmu borgir, Cradle Of Filth)
allourdissent agréablement l'ambiance ("Archangels In Black" et ses doubles voix
démoniaques, "Twilight At Dawn"), le genre étant désormais beaucoup mieux
maîtrîsé, notamment aux niveaux des vocaux. "Archangels In Black" est défini par le groupe comme un
hommage aux arts sombres. Les très belles orchestrations ("Codex Obscura", le
pont de "Fear Circus") ornent d'une dramaturgie Wagnerienne et d'un emphatisme
Stravinskynien les multiples incursions dans le néo classisisme. Techniquement,
on se retrouve face à des monstres qui déjouent habillement l'intellecte
impersonnel, le concerto grosso conversant harmonieusement avec le ripieno. Plus
singulières, les parties solos de Forté s'éloignent des automatismes Malsteeniens
de son apprentissage, les parties de claviers s'allégeant également pour aller
vers la conciliation tout en gardant une folie caustique.
Combinant avec
personnalité les meilleurs aspects mélodiques d'"Underworld" et agressifs de
"Dominate", Adagio se hisse de par sa splendeur parmi les grands, la maturité
entrevue auparavant explosant avec délice et justesse à nos oreilles.